Sous-traitance : 20 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 17/12313

·

·

Sous-traitance : 20 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 17/12313
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 20 Mai 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 17/12313 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4GYW

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Décembre 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 12/00167

APPELANTE

SAS [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Clémence HILLEL-MANOACH, avocat au barreau de PARIS, toque : C1444 substituée par Me Yacine CHERGUI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE venant aux droits de URSSAF de PARIS REGION PARISIENNE et URSSAF de SEINE ET MARNE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Localité 3]

représentée par Mme [X] [S] en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et Monsieur Lionel LAFON, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la SAS [4] d’un jugement rendu le 18 décembre 2013 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val de Marne dans un litige l’opposant à l’URSSAF de [Localité 5], aux droits de laquelle vient l’URSSAF Ile-de-France.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que par contrat d’août 2008, la SAS [4] (la société) exerçant une activité de restauration rapide sous l’enseigne Mac Donald’s a confié des prestations de service de sécurité en sous-traitance à la SARL [6] ; qu’un procès-verbal de travail dissimulé a été établi à l’ encontre de cette dernière le 11 janvier 2011 ; que l’URSSAF de [Localité 5] aux droits de laquelle vient l’URSSAF Ile-de- France (l’URSSAF) a mis en oeuvre la solidarité financière prévue aux articles L.8222-1 et suivants du code du travail à l’encontre de la société, par lettre d’observations du 4 février 2011 visant la période d’août 2008 à septembre 2010, portant un montant des cotisations et contributions sociales à sa charge de 21 603 euros ; que par courrier du 18 mars 2011, la société a fait valoir ses observations auprès de l’inspecteur du recouvrement qui a maintenu l’ensemble du redressement par courrier du 25 juillet 2011; que le 29 juillet 2011, l’URSSAF a mis en demeure la société de procéder au paiement de la somme de 21 603 euros au titre des cotisations dues pour la période du 3ème trimestre 2008 au 3ème trimestre 2010, en sa qualité de débiteur solidaire de la SARL [6] ; qu’après avoir saisi en vain la commission de recours amiable, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val de Marne de sa contestation le 7 février 2012.

Par jugement du 18 décembre 2013, le tribunal a :

– déclaré valable la procédure de recouvrement diligentée à l’encontre de la SARL [4] au titre de la solidarité financière de donneur d’ordre avec la SARL [6] ;

– dit que la société a failli à son obligation de vigilance ;

– fait droit à la demande reconventionnelle de l’URSSAF ;

– condamné la société à payer à l’URSSAF de Paris la somme de 23 763 euros représentant

26 603 euros de cotisations et 2 160 euros en majorations de retard.

– rejeté toute autre demande.

La société à laquelle le jugement a été notifié le 18 septembre 2017, en a interjeté appel le 9 octobre 2017.

Par arrêt en date du 9 octobre 2020 auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, la cour a avant dire droit, ordonné la réouverture des débats à l’audience de la chambre 6-13 du jeudi 8 avril 2021 à 13 h 30, date à laquelle l’affaire a été renvoyée à l’audience du jeudi 3 mars 2022 à 13 h 30, aux fins de recueillir les explications des parties sur la recevabilité de l’appel, au regard des dispositions de l’article 528-1 du code de procédure civile.

Par ses conclusions écrites “après réouverture des débats” soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, la société [4] demande à la cour, au visa des articles L.8222-5 et D.8222-5 du code du travail, de l’article 528-1 du code de procédure civile, de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de :

– dire recevable l’appel formé le 9 octobre 2017 à l’encontre du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale qui lui a été notifié le 14 septembre 2017 ;

– infirmer le jugement déféré ;

– annuler la décision de la commission de recours amiable en date du 21 novembre 2011;

– à titre principal, prononcer la nullité de la procédure de recouvrement diligentée à son encontre ;

– à titre subsidiaire, constater que les conditions requises à la mise en jeu de la solidarité financière ne sont pas remplies faute pour l’autorité compétente de justifier d’un procès-verbal de travail dissimulé à l’encontre de la société [6] et des pièces justificatives de la créance alléguée à son encontre ;

– à titre subsidiaire également, constater qu’elle n’a pas failli à son obligation de vigilance sur l’ensemble de la période visée, mais seulement, le cas échéant, sur la période du 5 février 2009 au 5 octobre 2009, et en tout cas pas après le 14 avril 2010 ;

– à titre plus subsidiaire, pour la période où la cour retiendrait la mise en jeu de sa garantie, procéder à la rectification du montant des cotisations dont elle serait redevable, étant précisé qu’au préalable la Direction du recouvrement du Val-de-Marne aura du produire les éléments justificatifs de la créance alléguée et aura du procéder au calcul des cotisations dues “par rapport au temps de travail et à la masse salariale affectés à la réalisation de la prestation irrégulière” ;

– le cas échéant, débouter l’URSSAF de sa demande de paiement de la somme de 23 763 euros ;

– la débouter de sa demande d’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner l’URSSAF au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens.

Sur la recevabilité de l’appel, la société soutient en substance qu’ il n’y a pas eu de jugement prononcé, le jugement n’ayant pas été rendu à la date à laquelle le tribunal avait mis le jugement en délibéré, sans que les parties ne soient averties de la date du délibéré, ce n’est que lorsque le jugement a été notifié, que la date du 18 décembre 2013 portée sur le jugement, est apparue comme étant la date du jugement, aucune des parties ne pouvant connaître le terme du délai de deux ans prévu par l’article 528-1 du code de la sécurité sociale, à défaut de notification qu’il appartenait au greffe de faire, aucune des parties ne pouvait connaître, ni la date du jugement, ni sa teneur, ni sa motivation et le délai de deux ans ne peut être opposé aux parties faute d’existence d’un jugement prononcé. La société soutient par ailleurs que les parties n’ont pas comparu à l’audience du 18 décembre 2013, que priver la société de son droit d’interjeter appel reviendrait à priver l’article R.142-28 du code de la sécurité sociale de toute portée. Elle invoque enfin que faire application des dispositions de l’article 528-1 du code de la sécurité sociale reviendrait à entériner la faute commise par le greffe du tribunal qui en procédant à la notification du jugement le 14 septembre 2017 a privé le justiciable de la possibilité d’en interjeter appel, l’a privé d’un accès effectif au juge, principe posé par l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par ses conclusions écrites “récapitulatives n°2” soutenues oralement et déposées à l’audience par son mandataire, l’URSSAF demande à la cour, de :

– confirmer le jugement déféré ;

– débouter la société de ses demandes ;

– condamner la SASU [4] aux dépens d’appel et à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de l’appel l’URSSAF réplique en substance que le délai de deux ans à compter du prononcé du jugement est un délai raisonnable accordé à tout justiciable pour exercer un recours contre une décision de justice ; qu’un jugement ne fait foi jusqu’à inscription de faux que des faits que le juge y a énoncés les ayant accomplis lui-même ou ayant eu lieu en sa présence et en l’espèce, la date du prononcé du jugement figure dans la décision de justice, de sorte que la société ne saurait soutenir tout ignorer de cette date et ne saurait la contester ; qu’en toute connaissance du texte applicable, la requérante a choisi de ne pas agir pendant plus de deux ans; que l’appel interjeté au-delà du délai imparti par l’article 528-1 du code de procédure civile est irrecevable.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties le 3 mars 2022, qu’elles ont soutenu oralement.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel :

L’article 528-1 du code de procédure civile dispose que :

“Si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai.

Cette disposition n’est applicable qu’aux jugements qui tranchent tout le principal et à ceux qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l’instance.”

L’inobservation du délai de deux ans constitue une fin de non-recevoir qui peut être invoquée en tout état de cause et qui doit être relevée d’office par le juge conformément à l’article 125 du code de procédure civile.

C’est à la partie qui exerce un recours plus de deux ans après le prononcé du jugement d’établir qu’il est recevable au regard des dispositions de l’article 528-1 du code de procédure civile.

Le délai de deux ans a pour point de départ le jour du prononcé du jugement peu important la date à laquelle la partie qui exerce le recours a eu connaissance effective du jugement.

En l’espèce, force est de constater que la société a comparu en première instance, le jugement étant contradictoire ; qu’elle a formé son appel le 9 octobre 2017, soit plus de deux ans après le prononcé le 18 décembre 2013 du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Val de Marne, date qui résulte des termes mêmes du jugement, peu important la date à laquelle la société a eu connaissance effective du jugement ; que le jugement a tranché tout le principal ; qu’il n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la notification étant en effet intervenue le 18 septembre 2017.

Dès lors que le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, peu important que la notification soit le fait du secrétariat du tribunal, l’article 528-1 du code de procédure civile ne distinguant pas selon que la notification soit à la charge des parties ou du greffe, la société qui a comparu devant le tribunal lequel a rendu un jugement tranchant le fond, n’est plus recevable à exercer un appel après l’expiration de ce délai, sans que les dispositions de l’article R.142-28 du code de la sécurité sociale ne puissent être utilement invoquées dès lors qu’un appel pouvait être formé même sans copie de la décision, et sans qu’il y ait violation des dispositions de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où les délais de procédure impartis par la loi à peine d’irrecevabilité sont nécessaires au bon déroulement des procédures et contribuent donc au procès équitable dès lors qu’il assurent la sécurité juridique, le respect des droits de la défense, du principe de la contradiction et du délai raisonnable et qu’en outre le délai de deux ans pour notifier le jugement est suffisant pour permettre l’accès effectif au juge.

En conséquence, la société doit être déclarée irrecevable en son appel.

Aucune circonstance particulière ne justifie de condamner la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE la SAS [4] irrecevable en son appel ;

DÉBOUTE l’URSSAF Ile-de-France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS [4] aux dépens d’appel.

La greffière,La présidente,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x