Sous-traitance : 18 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01663

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Sous-traitance : 18 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01663
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Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 18 MAI 2022

(n° 26, 20 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/01663 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7XH

Décision déférée : Ordonnance rendue le 05 janvier 2021 (n°2) par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 16 mars 2022 :

Monsieur [X] [T]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 11]

Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON

[Adresse 5]

[Localité 9]

Monsieur [H] [M]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 9]

Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON

[Adresse 5]

[Localité 9]

LA SOCIETE DAVIDSON EST S.A.S.

Prise en la personne de son Président en exercice

Immatriculée au RCS de Strasbourg sous le n°753 322 379

Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentés par Me Delphine RAVON, avocat au barreau de PARIS, toque : C2263 et Me Eve OBADIA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1371

APPELANTS

et

LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 16 mars 2022, les conseils des appelants et le conseil de l’intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 18 Mai 2022 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 5 janvier 2021 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal Judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :

la SAS DAVIDSON EST, représentée par son président [N] [Y], dont le siège social est sis [Adresse 7] et qui a pour objet social : ingéniérie, études techniques spécialisées pour l’industrie, service dans le domaine de l’informatique, les applications de cette discipline, le développement des technologies et leurs applications.

‘L’ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants:

– locaux et dépendances sis [Adresse 3], présumés être occupés par M. [H] [M] et/ou la SAS BSM INVEST et/ou la SAS NOA INVEST et/ou la SAS DANIEL INVEST et/ou le FONDS DE DOTATION ISABELLE [M];

– locaux et dépendances sis [Adresse 8], présumés être occupés par M. [X] [T].

L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société SAS DAVIDSON EST serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le Code général des impôts (ci-après CGI).

Et ainsi serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 244 quater B pour le crédit d’impôt pour dépenses de recherche).

L’ordonnance était accompagnée de 112 pièces à l’appui de la requête qui ont une origine apparemment licite et qui peuvent être utilisées pour la motivation de l’ ordonnance.

Il ressortait des éléments du dossier que le groupe DAVIDSON est un groupe international composé de 25 sociétés spécialisées qui exerce une activité de management, du consulting et de l’expertise technologique. Sur son site internet il est évoqué un chiffre d’affaires en 2019 de 275 millions d’euros .Il intervient dans le conseil digital au sens large. Il emploie de nombreux ingénieurs et consultants qu’il place ensuite en mission plusieurs mois chez ses clients.

A la suite d’une réorganisation en 2020, le groupe DAVIDSON est maintenant animé par la société tête de groupe DAVIDSON NG et a pour actionnaires principaux [X] [T] et [H] [M].

Concernant la SAS DAVIDSON EST, dont le siège est situé à [Localité 12], elle est dirigée par [N] [Y] et a pour directeurs généraux [C] [R], [X] [T] et [H] [M]. Elle exerce une activité d’ingénierie et d’études techniques spécialisées pour l’industrie, le service informatique et le développement des technologies.

La SAS DAVIDSON EST est détenue à 80% par deux sociétés du groupe, la SAS DAVISON LJ et la SAS DAVIDSON CONSULTING et à 20% par [C] [R],

la SARL DAVIDSON R&D et la SAS DAVIDSON CONSULTING ont conclu des contrats de conseils avec des clients; la SARL DAVIDSON R&D et la SAS DAVIDSON CONSULTING sous-traitent la réalisation de ces contrats auprès de la société DAVIDSON EST.

La société DAVIDSON EST facture donc des prestations à la SARL DAVIDSON R&D et à la SAS DAVIDSON CONSULTING qui elles mêmes facturent les prestations au client final.

Dans le cadre de son activité de recherche, la SAS DAVIDSON EST a bénéficié de Crédits d’Impôt Recherche entre 2014 et 2019 et s’est fait assister par un cabinet spécialisé en Crédit d’Impôt Recherche, la société INNOVATECH CONSEIL pour l’établissement des dossiers des CIR de 2015, 2016 et 2017.

Ainsi, la société DAVIDSON EST s’est fait rembourser la totalité de son CIR 2014 soit 433 326€, et a déposé une demande de remboursement relative au CIR 2015, a acquitté totalement ou partiellement son impôt sur les sociétés dû au titre des exercices 2016 et 2017 par L’imputation de ses crédits d’impôt recherche déclarés au titre de ces mêmes exercices, a acquitté son Impôt sur les sociétés dû au titre de I’exercice 2019 en imputant la totalité de son crédit d’impôt recherche 2019.

Le montant total des dépenses de recherches réalisées par l’entreprise dans le calcul des CIR déposés au titre des années 2015, 2016 et 2017 est constitué à plus de 98% de dépenses de personnel (hors dépenses de fonctionnement), dont une très faible partie est constituée par un personnel mis à sa disposition par la société INTERVIA.

Il découle, par ailleurs, de ces informations que la société DAVIDSON EST ne semble pas disposer de moyens d’exploitation suffisants affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche autre que du personnel.

Ainsi, le crédit d’impôt recherche (CIR) est un crédit d’impôt calculé sur la base des dépenses de Recherche Développement (R8iD) engagées par les entreprises.

Les entreprises bénéficiaires du CIR déposent une déclaration spéciale qui permet de calculer le montant du CIR et reportant le résultat sur leur déclaration fiscale.

Ce crédit d’impôt peut être imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par la société, ou, à défaut, peut constituer une créance sur l’état.

Ainsi, le CIR est basé notamment sur le montant des rémunérations du personnel affecté aux opérations de recherche.

Toutefois, une entreprise qui met ses salariés/consultants à la disposition de ses clients afin d’y effectuer dans leurs locaux et avec leurs moyens des opérations de recherche, ne doit pas prendre en compte leur rémunération dans le montant des personnels affectés à la recherche.

Il découle du dossier financier transmis au titre de l’année 2016 que la problématique de la mise à disposition de salariés semble connue de la société DAVIDSON EST puisqu’elle a pris en compte, dans sa déclaration de CIR, le personnel mis à sa disposition par la société INTERVIA.

Le contrôle du CIR est de la compétence de DGFIP qui peut, le cas échéant se faire assister d’un expert du Ministère de l’enseignement supérieur chargé de la recherche et de l’innovation (MESRI).

Une entreprise qui a bénéficié du CIR doit pouvoir justifier des éléments qu’elle a déclarés.

Le contrôle du CIR comprend donc, en général, une partie scientifique réalisée par des experts du MESRI (contrôle de la compétence et du travail effectué) et une partie purement fiscale (contrôle de la dépense et de l’organisation de la société) réalisée par les agents de la DGFIP.

Dès lors, un CIR peut être validé totalement ou partiellement par les experts du MESRI d’un point de vue scientifique, et faire l’objet d’un rejet total ou partiel par les agents de la DGFIP si les conditions imposées par le code général des impôts ne sont pas respectées.

La SAS DAVIDSON EST fait actuellement l’objet d’une vérification de comptabilité qui concerne notamment les crédits impôts recherche aux titres des dépenses engagées en 2015, 2016 et 2017.

Ainsi, l’expert mandaté par la direction régionale à la recherche et à la technologie (DRRT) GRAND EST a considéré que l’ensemble des projets de R&D présentés par la SAS DAVIDSON EST s’inscrit dans une démarche de recherche et développement, mais le temps passé par le personnel à la réalisation de ces projets était surévalué, et que les informations fournies par la société sont insuffisamment détaillées.

L’expert a prononcé l’inéligibilité des CIR 2015, 2016 et 2017 de la société DAVIDSON EST.

Des salariés de DAVIDSON EST pris en compte dans les dépenses de personnels au titre du CIR ont indiqué ne pas avoir effectué de travaux de R&D dans les locaux de la société.

Ainsi, à titre d’exemple, la SAS DAVIDSON EST a intégré dans les dépenses de recherche déclarées au titre des crédits impôt recherche des années 2015 et 2016 les rémunérations d'[K] [L] [U] pour respectivement 88% et 94% de son temps de travail, alors que celle-ci indique n’avoir effectué aucune opération de R&D.

En outre, elle a exercé sur la même période une activité de consultant chez EURO INFORMATION.

Il peut donc être présumé que cette mission chez EURO INFORMATION ne lui permettrait pas de disposer du temps nécessaire pour être affecté à des opérations de recherche et développement pour la société DAVIDSON EST.

Encore à titre d’exemple, la SAS DAVIDSON EST prétend qu'[W] [F] a consacré 93,53% et 78,80% de son temps à des travaux de recherche alors qu’il déclare avoir travaillé sur cette même période pour la société EURO INFORMATION.

Il peut donc être présumé que cette mission chez EURO INFORMATION ne lui permettait pas de disposer du temps nécessaire pour être affecté à des opérations de recherche et de développement pour la société DAVIDSON EST.

Toujours à titre d’exemple, la SAS DAVIDSON EST a intégré dans les dépenses de recherche déclarées au titre du crédit impôt recherche de l’année 2016 la rémunération d'[D] [B] pour respectivement 95,53% de son temps de travail, alors que celui-ci indique n’avoir effectué aucune opération de R&D et avoir travaillé pour le Crédit Mutuel, à [Localité 12].

Dès lors, il apparaît que certains salariés de la SAS DAVIDSON EST ont été pris en compte dans les déclarations de CIR de la société DAVIDSON EST alors qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés, et affirment, pour certains, ne pas avoir effectué d’opérations de recherche et de développement dans les locaux de DAVIDSON EST.

Par conséquent, il apparaît qu’un nombre important de salariés de la société DAVIDSON EST ont pu être pris en compte dans ses déclarations de CIR alors qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés.

Il peut donc être présumé que ces missions ne leur permettaient pas de disposer du temps nécessaire pour être affectés à des opérations de recherche et développement pour la société DAVIDSON EST.

Dès lors, il peut donc être présumé que la société DAVIDSON EST a artificiellement majoré le montant de dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses CIR et ainsi réduit frauduleusement ses impositions.

En conséquence, la société DAVIDSON EST est présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.

[X] [T] est le Directeur Général de la société SAS DAVIDSON EST et l’un des principaux actionnaires du groupe DAVIDSON, son nom apparaît en qualité designataire des déclarations 2069ASD de 2014 et de 2015, compte tenu de ses fonctions il est susceptible de détenir dans les locaux qu’il occupe sis [Adresse 8] des documents et / ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.

[H] [M] déclare résider [Adresse 3], il est directeur général de DAVIDSON EST , son nom apparaît comme signataire des déclarations 2069 A SD de 2016 et 2017. Compte tenu de son poste de DG au sein de DAVIDSON EST et de son rôle d’actionnaire du “groupe” DAVIDSON, [H] [M] est susceptible de détenir dans les locaux qu’il occupe SIS 3[Adresse 4] , des documents et / ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.

Au vu de tout ce qui précède, le JLD du Tribunal judiciaire de PARIS a autorisé la visite domiciliaire par ordonnance du 5 janvier 2021.

Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées le 12 janvier 2021 dans les locaux susmentionnés.

Le 27 janvier 2021, la SAS société DAVIDSON EST, M. [X] [T] et M. [H] [M] ont interjeté appel contre l’ordonnance du JLD (RG 21/01663)

L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 17 novembre 2021, elle a été renvoyée à l’audience du 16 mars 2022 et mise en délibéré pour être rendue le 18 mai 2022.

SUR L’APPEL

Par conclusions déposées au greffe de la cour d’appel de Paris le 23 décembre 2021, conclusions d’appel et en réplique du 17 février 2022 et conclusions en réplique et récapitulatives du 11 mars déposées à l’audience du 16 mars 2022 les appelants font valoir :

Rappel des faits et de la procédure :

Le JLD du TJ de Paris a rendu une ordonnance le 5 janvier 2021 autorisant des visites domiciliaires au sein des domiciles privés de M [M] ([Adresse 3]) et de M [T] ([Adresse 8]). Les visites ont été effectuées le 12 janvier 2021. Désignés par l’ordonnance critiquée, Messieurs [T] et [M] sont recevables à interjeter appel.

Après avoir exposé le contexte des visites domiciliaires ( présentation du groupe DAVIDSON, de la société DAVIDSON EST et du régime du CIR), les appelants sollicitent qu’il soit à nouveau statué, en fait et en droit, selon l’art 561 du Code de procédure civile, sur la requête de la DNEF du 17 décembre 2020, au regard de trois moyens (absence de caractérisation des conditions de mise en oeuvre de l’art L 16B, absence de vérification du JLD, caractère illicite d’un grand nombre de pièces de l’administration) qui ne peuvent que conduire à l’infirmation de l’ordonnance.

I ‘ Contexte de la mise en ‘uvre de la visite domiciliaire contestée : présentation du groupe DAVIDSON, de la société DAVIDSON ESTet du régime CIR

A ‘ Présentation générale du groupe DAVIDSON

Il est décrit le groupe DAVIDSON exerçant une activité de consulting dans domaine de l’ingéniérie depuis 2005. Il est structuré autour de 23 filiales françaises et de 7 filiales étrangères.

Le groupe a notamment participé à certains projets les plus innovants des dix dernières années dans le domaine des télécoms, de l’internet des objets (IoT) ou du numérique au sens large. A titre d’exemple, il est notamment cité le lancement du premier portail de vidéo à la demande français avec Canal+, l’optimisation des réseaux 4G chez SFR et le lancement de la 5G avec BOUYGUES TELECOM.

Par ailleurs, au cours des dix dernières années, plus de 800 projets en lien avec une démarche de recherche et développement (ci-après R&D) lui ont été confiés.

Afin d’exercer son activité, le groupe DAVIDSON a recours à différents types d’engagements contractuels : l’assistance technique (simple ou renforcée), des projets ponctuels, des pôles d’activité et des centres de services.

Il est argué qu’il ne s’agit en aucun cas de contrats de mise à disposition de personnel ou de portage salarial, et ce, quand bien même le lieu d’exécution des missions se situerait généralement dans les locaux des clients, à l’instar de la majeure partie des activités des cabinets de conseil employant des consultants.

Il est indiqué que depuis sa création en 2005, le groupe DAVIDSON a connu une croissance continue et que le nombre de ses consultants a cru de 30 en 2005 à 2 428 au 31 décembre 2020.

En outre, l’activité du groupe se caractérise par une technicité croissante qui se traduit par une activité de R&D foisonnante, aussi bien en interne qu’en externe: à titre d’exemple, il est cité la publication de nombreux articles scientifiques ainsi que le dépôt de plusieurs brevets.

Il est fait valoir qu’afin de répondre aux atteintes de ses clients, le groupe DAVIDSON a placé son activité R&D au c’ur de sa stratégie marketing. Grâce à cet investissement R&D conséquent, le groupe fait désormais figure de référence dans le monde de l’IoT.

B ‘ Présentation de la société DAVIDSON EST

Créée en 2012 à [Localité 12], la société DAVIDSON EST a exrecé une activité de consulting en télécoms, puis a développé ses activités danns le secteur informatique (réseau, industrie et expertise digitale). La société se consacre à des projets en R&D et ingéniérie (70% de son activité) et des tâches de management de projets/qualité en réalisant des prestations dans les locaux des clients. Son activité porte sur les doamines de l’expertise pharmaceutique, le data mining, l’IoT appliqué au secteur de l’électricité.

La société DAVIDSON EST s’est beaucoup développée depuis sa création, passant de 0 à plus de 200 collaborateurs entre 2012 et 2020. En 2020, DAVIDSON EST se concentre sur les activités industrielles du groupe Davidson, une nouvelle société DAVIDSON DIGITAL EST se consacre à l’offre digitale.

C ‘ Une activité de R&D justifiant le dépôt des demandes de CIR

-Le régime du CIR

Il est rappelé que le crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) est une mesure d’incitation fiscale au développement de l’effort de recherche scientifique et technique des entreprises françaises. Calculé sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises, il a pour objectif d’en diminuer le coût afin d’inciter les entreprises à y procéder et accroître leur compétitivité.

Il est indiqué que le taux du crédit d’impôt est de 30% pour les dépenses de recherches jusqu’à 100 millions d’euros. Le CIR est déduit de l’impôt sur les sociétés dû par la société au titre de l’année au cours de laquelle elle a engagé les dépenses de R&D intégrées à l’assiette du CIR.

En cas d’impossibilité d’imputation sur un bénéfice trop faible par exemple, le crédit excédentaire non imputé constitue une créance de l’État, qui peut être utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des 3 années suivantes. A l’expiration d’un délai de 3 ans, la créance est remboursable.

– Comme le relève à juste titre l’ordonnance, dans le cadre de son activité de recherche, la SAS DAVIDSON EST a bénéficié de CIR, la société a en effet déposé des demandes de CIR au titre des exercices visés dans l’ordonnance, de 2014 à 2019.

Au total, au titre de la période visée dans l’ordonnance la société DAVIDSON EST a obtenu le remboursement de la totalité de son CIR 2014 (433 326 euros), elle dispose d’une créance de CIR de 312 109 euros au titre de 2015, elle a acquitté totalement ou partiellement son impôt sur les sociétés dû au titre des exercicex 2016 et 2017 par l’imputation de ses CIR au titre de ces mêmes exercices, elle dispose d’une créance de CIR de 401 118 euros au titre de 2018, elle a acquitté son IS au titre de l’exercice 2019 en imputant la totalité de son CIR 2019.

– Les dossiers du CIR (années 2015 à 2017) ont été établis avec l’assistance d’un expert, la société INNOVATECH CONSEIL, référencée en tant qu’acteur conseil CIR ce qui est un gage de sérieux.

II ‘ Absence de caractérisation des conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16B du LPF

– Les parties appelantes font valoir que les cas de présomption de fraude permettant d’autoriser l’administration fiscale à procéder aux visites et saisies sont limitativement énumérés par le paragraphe I de l’article L. 16 B du LPF et que le dispositif prévu à l’article L. 16 B du LPF n’est conforme à la Constitution que dans la mesure où il vise de manière précise les infractions pouvant justifier le recours à ce dispositif, que ce texte permet l’organisation d’une visite domiciliaire dans les seuls cas où le contribuable se soustrait au paiement de l’impôt, alors que l’administration fiscale invoque dans sa requête la réduction frauduleuse de l’imposition et le bénéfice d’une créance indue sur l’Etat.

– En l’espèce, la présomption de fraude alléguée à l’encontre de la société DAVIDSON EST est qu’elle aurait majoré le montant des dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses déclarations de CIR au titre des exercices 2015 à 2019, et est ainsi “présumée avoir réduit frauduleusement ses impositions ou bénéficié d’une créance indue sur l’Etat”.

L’administration vise dans sa requête deux situations bien distinctes :

– la réduction par le contribuable de son imposition

– le bénéfice d’une créance indue sur l’Etat.

Il est rappelé la situation de DAVIDSON EST au jour de la requête, étant observé qu’elle n’a pas imputé les CIR résultant des dépenses exposées au cours des exercices 2015 et 2018, les CIR constituent donc des créances que la société détient sur l’Etat.

– La suspicion du caractère frauduleux du calcul de créances de CIR détenues par un contribuable mais non imputées, au jour de la requête, sur l’impôt sur les société, comme c’est le cas au titre des exercices 2014 et 2018 , ne constitue pas un cas de présomption de fraude visé par l’art L 16 B du LPF. Les infractions visées sont des infractions matérielles supposant que le résultat est un élément même de l’infraction qui n’est consommée que par la réalisation du dommage et que la soustraction à l’établissement ou au paiement de l’impôt est donc non seulement le résultat des infractions visées mais elle en est également un élément constitutif, ce qui exclut une tentative de soustraction à l’établissement de l’impôt.

En conséquence lorsqu’une créance de CIR n’a été ni imputée ni remboursée, soit que la demande de remboursement n’a pas été déposée, soit qu’elle est encore en cours d’instruction, soit qu’elle a été rejetée, l’article L 16B du LPF ne peut pas être mis en oeuvre.

La décision du Premier président de la CA de Rennes en date du 19 janvier 2022 qui a jugé dans ce sens est citée, ainsi que l’avis du professeur de droit [Z].

Selon les appelants, il s’impose d’annuler l’ordonnance en ce qu’elle a autorisé la visite pour rechercher la preuve des agissements visés au titre des exercices 2014 et 2018.

Les parties contestent les trois arguments de l’administration fiscale dans ses conclusions en défense.

-S’agissant des exercices 2014 et 2018( à titre subsidiaire) et des exercices 2016 , 2017 et 2019 (à titre principal), la suspicion de fraude n’est pas alléguée.

En effet, l’administration fiscale avait parfaitement connaissance du fonctionnement du groupe DAVIDSON. Le 20 avril 2020 l’administration a remboursé à la société appelante ses créances de CIR pour 2013 et 2014, une vérification de comptabilité portant sur 2012 et 2013 a été close par une absence d’avis de rectification, une vérification de comptabilité était en cours à la date de présentation de la requête portant sur les CIR au titre des années 2015 à 2017 et aucune proposition de rectification n’a été adressée à la société à la date de la requête.

Pour chaque exercice vérifié, la société a remis au service vérificateur plusieurs documents demandés par l’administration .

Dans ce contexte on peine à comprendre pourquoi le éléments tirés de la vérification de comptabilité n’étaient pas suffisants et l’administration n’explique en rien quel intérêt revêtait pour elle la réalisation des visites sollicitées aux domiciles personnels de M. [T] et [M] et quels documents utiles elle escomptait y collecter.

Pour soutenir qu’il peut être présumé que la société DAVIDSON EST a majoré frauduleusement ses déclarations de CIR au titre des exercices 2015 à 2017, l’administration se fonde sur les éléments suivants que le JLD a retenus : les observations d’un expert du MESRI, la faiblesse du montant des dotations aux amortissements inscrites en comptabilité de 2015 à 2017, l’exercice du droit de communication sur les exercices 2015 à 2017 auprès des 7 consultants de Davidson Est, le recoupement entre les données relatives aux salariés pris en compte dans les dépenses de personnel des rapports financiers 2015 à 2017.

Pour répondre aux arguments de l’administration, il convient de rappeler que s’agissant des exercices 2018 et 2019, aucun indice de fraude n’y apparaît, concernant les exercices 2015 à 2017, les rapports du MESRI ne comportent aucun élément susceptible de corroborer une suspicion de fraude, il est rappelé la décision du Premier Président de la Cour d’appel de Rennes qui estime que ces rapports ne peuvent être reteneus comme permettant de présumer la fraude alléguée, concernant la faiblesse du montant des dotations aux amortissements au cours des exercices 2015 à 2017, cet élément n’est pas significatif puisque les activités de R&D sont constituées quasi exclusivement de dépenses de personnel. Concernant les réponses des salariés sur la question de leur participation à des travaux de R&D, l’interprétation de ces réponses et les allégations de l’administration sont factuellement fausses ( pièce 51).

Pour étayer ses allégations, l’administration produit le profil LinkedIn de 3 salariés, elle ne produit pas les profils des 80 salariés de DAVIDSON EST ayant participé à des travaux de R&D entre 2015 et 2017.

Or, selon la jurisprudence, les « mentions figurant sur les comptes LinkedIn (‘) sont dépourvues de toute force probante, dès lors qu’elles ne sont (‘) en aucun cas soumises à l’aval des sociétés en cause ».

– La circonstance que les dépenses de personnel afférentes aux consultants de la société, affectés par celle-ci à des opérations de R&D dans le cadre du CIR déclaré, soient refacturées aux clients et seraient donc, selon l’administration, exclusives du bénéfice du CIR pour la société relève d’un débat purement juridique qui ne peut être tranché par une visite domiciliaire.

A cet égard, il est mis en exergue que la position exprimée par l’administration dans sa requête, et reprise par le JLD dans son ordonnance, est en contradiction avec la doctrine de l’administration fiscale telle que fixée depuis plus d’une dizaine d’années, ainsi que les extraits produits le montrent.

Il est également cité une décision du Conseil d’État en date du 18 juin 2021 à l’appui de cet argument.

Dès lors qu’il ressort clairement des dispositions édictées aux paragraphes I et suivants de l’article 244 quater B du CGI que le dispositif du CIR doit bénéficier à l’auteur de la R&D, c’est-à-dire à la personne qui expose les dépenses de R&D éligibles, c’est à juste titre que la société DAVIDSON EST a inclus ces dépenses dans l’assiette de son CIR, sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance que ces dépenses soient répercutées à ses clients.

Ainsi le JLD aurait dû rejeter la requête.

III ‘ Absence de vérification concrète par le JLD du bien-fondé et de la proportionnalité de la mesure

Il est fait valoir que plusieurs éléments démontrent que le JLD n’a pas vérifié le bien-fondé et la proportionnalité de la mesure qu’il a autorisée.

Tout d’abord, la requête était accompagnée de 112 pièces, représentant des milliers de pages, dont aucune d’entre elles n’établit ni la nécessité ni l’intérêt de réaliser une visite domiciliaire, notamment au domicile personnel de M [T] et de M [M].

Par ailleurs, le JLD n’a pas rempli son rôle de vigie de la liberté individuelle que lui assigne l’article 66 de la Constitution, en omettant de vérifier que l’exigence de proportionnalité, qui découle notamment de l’article 8 de la CESDH, avait été respectée.

Il est argué que la motivation de l’ordonnance (« la preuve des agissements présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en ‘uvre du droit de visite et de saisie prévu à l’article L. 16 B du LPF ») est abstraite et générale et ne contient aucun élément concret justifiant de la nécessité ainsi que de la proportionnalité de la mesure.L’arrêt du 23 novembre 2016 de la Chambre criminelle de la cour de cassation est cité ( ordonnance du JLD autorisant une perquisition suite à la requête du Parquet).

Ainsi, il n’est mentionné à aucun moment que l’administration ne pouvait pas obtenir les mêmes informations par une autre voie, moins intrusive, telle que le droit de communication.

Dans sa jurisprudence, la CEDH censure toute ingérence non nécessaire et donc disproportionnée au but recherché.

En laissant à l’administration le libre choix des armes et en refusant implicitement de reconnaitre à la procédure de l’article L 16 B du LPF un caractère subsidiaire, le JLD a commis une erreur de droit au regard des exigences de la CEDH, il n’a pas donné la priorité à la protection des droits fondamentaux ( inviolabilité du domicile et respect de la vie privée).

Par conséquent, il est demandé d’annuler l’ordonnance.

IV ‘ Caractère illicite d’un grand nombre de pièces soumise au JLD par l’administration à l’appui de sa requête.

Les parties appelantes rappellent la jurisprudence constante de la Cour de cassation concernant l’obligation pour le Premier président , en cas de contestation , de vérifier que les éléments d’information fournis par l’administration fiscale requérante ont été obtenues de manière licite. Selon elles, les traitements de données sur lesquels se fonde l’ordonnance du JLD doivent respecter les règles applicables en matière de protection des données personnelles, tel n’est pas le cas. La loi du 6 janvier 1978 et le règlement RGPD sont rappelés.

Elles évoquent la caractère illicite de certaines pièces jointes à la requête de l’administration fiscale correspondant à une collecte d’informations et de données issues de recherches sur des bases de données ou de sources d’accès public tels que des moteurs de recherches, des réseaux sociaux professionnels ( pièces 56 et 57) cette collecte indirecte supposant une information des personnes concernées qui ne leur a pas été délivrée, les agents de l’administration fiscale en l’espèce devant se soumettre aux règles du RGPD.

Compte tenu du nombre de données collectées, sans la production de ces pièces, le JLD saisi n’aurait pas fait droit à la demande de mise en oeuvre des visites domiciliaires présentée par l’administration. L’ordonnance doit donc être annulée.

En conclusion, il est demandé de :

A titre principal

– infirmer l’ordonnance signée le 5 janvier 2021 par le JLD du TJ de PARIS au visa de l’article L. 16 B du LPF ;

– en conséquence, annuler les opérations de visite et saisie autorisées par cette ordonnance;

A titre subsidiaire

– infirmer l’ordonnance critiquée en ce qu’elle a autorisé les visites pour rechercher la preuve des agissements prêtés à la société appelante au titre des exercices 2015, 2018 et 2019 ;

– en conséquence, annuler les saisies réalisées au cours des deux visites en ce qu’elles portent sur les exercices 2015, 2018 et 2019 ;

En tout état de cause

– ordonner la destruction, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir, de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents et fichiers saisis, à charge pour l’administration de justifier de la destruction effective de ces documents et fichiers ;

– dire que l’administration sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies ;

– condamner la DGFiP aux dépens et à payer aux appelants la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 9 février 2022 et conclusions n° 2 déposées le 16 mars 2022 à l’audience l’administration fiscale fait valoir :

1 Un rappel préalable de la procédure est exposé.

2 Discusssion

2-1 Rappel préalable des faits :

L’administration fiscale rappelle et développe les éléments soumis à l’appréciation du juge justifiant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire dans la requête ainsi que les pièces produites.

2-2 L’argumentation développée par la partie appelante ne remet pas en cause le bien -fondé des présomptions retenues par le premier juge.

A- sur l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L16 B du LPF.

L’appelant reproche au JLD de s’être fondé sur des éléments qui ne permettraient pas d’établir l’existence de présomptions selon laquelle le contribuable se serait soustrait à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d’affaires […]. Ce moyen se pourra qu’être rejeté dès lors que la présomption vise la délivrance de factures ou de documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et réduisant une imposition ou permettant de bénéficier d’une créance indue sur l’Etat et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par la CGI. La Cour de cassation a rappelé que pouvaient être relevées des présomptions relevant des art 1741 ou 1743 du CGI, elle a également régulièrement jugé que ce texte n’exigeait pas des infractions d’une particulière gravité et que le juge n’avait pas à caractériser la mauvaise foi du contribuable.

L’appelante invoque la décision du Premier président de la Cour d’appel de Rennes et énonce que les dispositions de l’article L 16B du LPF ne peuvent pas être mises en oeuvre en l’absence d’imputation d’une créance CIR.

Les conditions de la mise en oeuvre de l’article L 16B du LPF sont rappelées.

Au cas présent, l’excédent du crédit d’impôt non imputé constitue au profit de l’entreprise une créance sur l’Etat d’égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis s’il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l’expiration de cette période.

Les entreprises qui dégagent un crédit d’impôt non imputé sur l’impôt dû au titre de la même année doivent constater une créance sur le trésor du montant du crédit d’impôt non imputé. Cette créance de CIR doit être enregistrée pour sa valeur normale au débit du compte 444 ” Etat -impôt sur les bénéfices” et par le crédit du compte 699 ” produits- Crédit d’impôt recherche”.

C’est bien la constatation et donc l’enregistrement comptable de la créance qui constitue le fait générateur permettant à terme le remboursement. Par la suite la demande de restitution s’effectue sur le formulaire dédié à la liquidation de l’IS.

D’autre part, en cas d’imputation sur un exercice postérieur à la période vérifiée d’un CIR remis en cause à la suite d’un contrôle, il sera procédé à une nouvelle liquidation de l’IS, assortie de l’application éventuelle de pénalités. En effet la remise en cause d’un excédent d’imputation de CIR s’analyse comme une opération comptable de liquidation de l’IS et non comme une rectification en matière d’assiette de l’impôt.

Au cas particulier, l’administration a notamment présumé que la société appelante avait bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.

Ainsi le dépôt d’une déclaration de CIR fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’IS qui à terme bénéficiera finalement à la société en l’absence de remise en cause et contribuera in fine à diminuer sa charge fiscale. Le principe de la soustraction à l’établissement ou au paiement de l’ impôt est avéré dès la constitution de la créance , dès lors qu’elle a donné lieu à la passation d’écritures comptables et qu’elle a pour vocation unique une minoration du paiement de l’impôt. D’ailleurs la Cour d’appel de Besançon a confirmé sur ce point l’ordonnance du JLD de Belfort concernant la SAS DAVIDSON EST (6 janvier 2022).

Il en résulte que la constatation de la créance de CIR est soumise à des obligations comptables et fiscales . Elle doit en effet être déterminée sur une déclaration spécifique qui s’inscrit dans un processus lié à l’établissement de l’impôt et faire l’objet d’un enregistrement comptable.

De cette constatation de l’existence de la créance résulte la naissance d’un droit à déduction avec pour effet une minoration du paiement de l’impôt, peu important la date à laquelle il sera exercé.

Ainsi, un CIR imputé sur le montant de l’IS dû au titre d’un exercice entre à l’évidence dans le champ d’application de l’art L 16B du LPF, puisqu’il peut se traduire par une soustraction au paiement de l’impôt. Le seul fait de ne pas avoir été en mesure de procéder à cette imputation (exercice déficitaire) ne change en rien le fait que le contribuable aura essayé de se soustraire au paiement de l’impôt , quand bien même il s’agit d’un exercice ultérieur, l’art L 16B n’exigeant pas que cette soustraction se rapporte à un exercice déterminé.

La circonstance que l’excédent de la créance de CIR n’ait pas pu être imputée du fait du résultat déficitaire de la société ne retire rien à la nature fiscale de la créance, d’ailleurs il résulte de la jurisprudence qu’ une demande indue de remboursement d’un CIR est constitutive de l’infraction de fraude fiscale sanctionnée par l’art 1741 du CGI.

En conséquence, les dispositions de l’article L 16B sont applicables au CIR, peu importe les modalités de son utilisation ( imputation ou remboursement).

B- Sur l’incidence sur la procédure de l’art L 16B du LPF. D’une vérification de comptabilité passée ou en cours, ou de remboursements de CIR au titres d’années antérieures.

Il est rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l’administration peut solliciter la mise en oeuvre de l’art L 16B avant, pendant ou après une vérification fiscale.

Les appelants critiquent la mise en oeuvre d’une procédure de visite et de saisie alors qu’un précédent contrôle avait conclu à l’absence de rectification et que l’entreprise avait obtenu le remboursement de sa créance de cIR 2013 et 2014. Or la procédure de l’art L16B est totalement indépendante de la procédure de contrôle que constitue la vérification de comptabilité . Aucune disposition légale ne s’oppose à ce que, au terme d’une enquête de la DNEF, une procédure de visite soit engagée concomitamment à une procédure de vérification.

De même, le fait qu’un remboursement ait été effectué au titre d’un CIR (qui s’appuie sur une analyse de pièces soumises à l’administration fiscale) , n’est pas en contradiction avec la mise en oeuvre d’une opération de visite, dont la finalité est de recueillir des éléments qui n’ont pas été portés spontanément à la connaissance de l’administration ou produits dans le cadre de la vérification. Le fait qu’aucune pénalité n’ai été appliquée aux droits rappelés doit être corrélé à la nature des constatations effectuées par le service vérificateur, en fonction des éléments qui lui ont été présentés ( considérations technique s’appuyant sur rapports des experts du MESRI). Les services de la DNEF ont rapproché ces éléments (remise en cause de certaines dépenses de personnel notamment) et certaines sources externes (profil linkedin de salariés concernés), pour établir une présomption de fraude fondée sur des incohérences manifestes (temps prétendument passé à leur participation aux projets de recherche) justifiant la mise en oeuvre de la procédure.

C- Sur les fausses allégations de l’administration.

Contrairement à ce que veulent faire croire les appelants, l’ordonnance mentionne à juste titre que la totalité des réponses reçues ( 4/7), apporte une réponse négative à la question de leur participation à des travaux de R&D dans les locaux de la société DAVIDSON EST

(pièces 51, et 52 à55 jointes à la requête).

D -Sur le contrôle du juge

Les parties appelantes demandent l’annulation de l’ordonnance au motif que le JLD n’aurait pas procédé à un examen des pièces présentées dans le délai entre le dépôt de la requête et l’ordonnance rendue. La jurisprudence de la Cour de cassation est rappelée en la matière. Selon cette jurisprudence l’art L 16 B du LPF ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision , le nombre de pièces produites ne peut à lui seul, laisser présumer que le premier juge s’est trouvé dans l’impossibilité de les examiner, en tout état de cause , au titre de l’effet dévolutif, le Premier président saisi d’un recours peut statuer à nouveau en fait et en droit sur le bien fondé de la requête de l’administration.

Il est rappelé l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 31 août 2010 sur ce point. En l’espèce rien n’autorise les appelantes à suspecter que le juge se soit dispensé de contrôler les pièces soumises à son apréciation.

E- sur la force probante des pièces présentées

Les appelantes dénient toute force probante aux informations linkedin et Viadeo, alors que l’administration ne fait que communiquer des éléments d’accès publics issus de base de données ou sites internet, pour lesquels la Cour de cassation a reconu le caractère licite des consultations, les informations figurant sur les réseaux sociaux professionnels décrivent l’activité exercée par les personnes qui s’y pésentent. Il ressortait de ces consulations qu’un nombre important de salariés de la société DAVIDSON EST a pu être pris en compte dans ses déclarations de CIR alors qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés, et qu’ainsi la SAS DAVIDSON EST a artificiellement majoré le montant de dépenses de personnels pris en compte dans le calcul de ses CIR et ainsi réduit frauduleusement ses impositions.

Le juge a ainsi relevé des éléments révélant des incohérences concernant les travaux de recherche ( conclusions des experts du MESRI, volume horaire déclarés par la société pour les activités de recherche, situation des salariés).

Les éléments retenus par le juge dans l’ordonnance sont rappelés concernant le pourcentage d’heures de travail à la recherche et au développement par 3 salariés ([K] [L] [U], [W] [F], [D] [B]), incohérent avec leur activité telle que décrite par leur profil Linkedin. L’administration ne s’est pas contenté de ces trois profils mais a produit en pièce 56 les données linkedin de lieu d’exercice de 25 d’entre eux.

F- Sur le contrôle de proportionnalité et l’intérêt de la visite domiciliaire

Il est fait valoir que la Cour de cassation a toujours jugé qu’aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures.

Selon l’article L. 16 B du LPF, dès lors qu’existent des présomptions d’agissements frauduleux, la procédure de visite domiciliaire était justifiée en ce qu’elle permettait de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d’accéder à des documents de gestion quotidienne de l’entreprise ou relatifs à l’organisation interne, que le contribuable n’a pas l’obligation de remettre dans le cadre d’une procédure de contrôle classique

Contrairement à ce qu’indiquent les appelants, les présomptions ne se résument pas à un simple débat juridique sur le CIR, mais elles portent sur la réalité factuelle des dépenses de frais de personnel concernant les salariés de Davidson Est, prises en compte dans les déclarations de CIR alors qu’ils paraissaient travailler en réalité pour d’autres sociétés, la question étant de savoir si la société réalisait de la R&D et si elle pouvait bénéficier du CIR en prenant compte des dépenses de salariés/ consultants alors qu’ils paraissaient travailler pour d’autres sociétés.Il s’agit d’une question de fait qui repose sur les éléments communiqués par la société, sa résolution implique que l’administration fiscale puisse démontrer que les salariés ne travaillent pas chez leur employeur, mais dans les locaux des clients chez qui ils sont mis à disposition.

La réponse ministérielle produite par les appelantes (18 février 216 ) vise des opérations de recherche menées en sous traitance par des organismes de recherches privés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la société DAVIDSON exerçant une activité de consulting en mettant à disposition de ses clients ses propres salariés, étant observé d’ailleurs une faiblesse des moyens d’exploitation matériels affectés aux opérations de recherche.

Il en résulte que le JLD a pu légitimement présumer que la société DAVIDSON EST a artificiellement majoré le montant des dépenses de pesonnel dans le calcul de ses CIR et ainsi réduit frauduleusement ses impositions.

G- Sur la visite des domiciles de Messieurs [T] et [M]

Le JLD a expliqué dans sa décision en quoi la visite des domiciles de messieurs [T] et [M] était justifiée, eu égard à leurs fonctions respectives au sein de la SAS DAVIDSON EST et du groupe DAVIDSON, et eu égard au fait que leur nom apparaît en qualité de signataire des déclarations 2069A SD concernant les CIR.

H- Sur le caractère licite de certaines pièces soumises à l’appréciation du JLD

Selon les appelantes , les agents auraient dû respecter la réglementation RGPD et l’obligation d’information portant sur la source des données ainsi traitées et leur accessibilité au public.

La jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la cour d’appel de Paris qui ont validé la possibilité pour l’administration de recueillir des informations tirées de la consultation de sites d’accès publics sont rappelées.

L’article 14 du règlement UE du 27 avril 2016 concernant le RGPD est rappelé, concernant les personnes morales qui en sont exclues , de même l’article 2 du RGPD qui prévoit que le règlement ne s’applique pas aux données à caractère personnel effectué .. “d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection ds infractions pénales, d’equêtes et de poursuite en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces”.

L’art 42 de la Loi du 6 janvier 1978 qui se prononce de la même façon est également rappelé, ainsi que l’art 2 de l’arrêté du 24 juillet 2000 concernant la mission de la DNEF.

Il résulte de ces textes que le traitement “sui generis” mis en oeuvre par l’administration fiscale disposait d’une base juridique suffisamment précise.

Concernant le reproche à l’administration fiscale de ne pas avoir rappelé aux personnes concernées leurs droits s’agissant des données collectées indirectement, cet argument doit être écarté en application de l’art 23 du RGPD ( possibilité de limitation de la portée des obligations de l’art 14 du règlement par les Etats membres) .

En conséquence, les restrictions à l’information des personnes ayant fait l’objet de traitement de données sont autorisées par les textes.

En conclusion, il est demandé de :

-Confirmer l’ordonnance du JLD de Paris du 5 janvier 2021

-Rejeter toutes demandes, fins et conclusions

– Condamner l’appelante au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

SUR CE LA COUR

Sur l’absence de caractérisation des conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16 B du LPF

En application des dispositions de l’article L 16B du LPF, il appartient au JLD et au premier président saisi en appel d’apprécier s’il existe des présomptions de fraude fiscale à l’encontre d’un contribuable indiqué dans la requête de l’administration fiscale sollicitant d’effectuer une visite domiciliaire dans les lieux où les documents sont susceptibles de se trouver.

L’administration fiscale a saisi le JLD de Paris d’une requête sur le fondement de l’article L 16 B du LPF concernant la société SAS DAVIDSON EST qui serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le Code général des impôts, dans le cadre du crédit d’impôt recherche.

Selon l’article 244 quater B -I du CGI, dans le titre ” impôts directs et taxes assimilées”, “les entreprises […]peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année . Le taux de crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5% pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant .[…]” . L’article précise la liste des dépenses

de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt. Le CIR apparaît ainsi comme une mesure de soutien aux activités de recherche et de développement des entreprises qui peuvent déduire de leurs impôts sous certaines conditions, les dépenses de recherche fondamental et de développement expérimental. Il s’agit d’un dispositif fiscal qui permet aux entreprises de financer une partie de leurs dépenses de R&D par le biais de remboursement ou de réduction d’impôt sur les sociétés, le CIR est imputé sur l’impôt sur les les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions de l’art 199 ter B du CGI.

Les parties appelantes, opèrent une distinction entre” la réduction par le contribuable de son imposition” et “le bénéfice d’une créance indue sur l’état”, elles estiment que l’administration dans sa requête vise ces deux situations bien distinctes et que l’article L16B ne peut s’appliquer dans ce dernier cas de figure qui concerne les exercices 2015 et 2018.

Concernant les présomptions de fraude alléguées par l’administration fiscale dans sa requête et reprises par le JLD dans son ordonnance , il convient de rappeler que la société DAVIDSON EST a déposé des déclarations 2069-A relatives au crédit d’ impôt en faveur de la recherche concernant les dépenses engagée au titre des exercices :

-2015 pour un montant de 312 109 euros, ce CIR ayant fait l’objet d’une demande de remboursement en date du 29 avril 2019, non effectuée le 7 décembre 2020,

-2016 pour un montant de 497 728 euros, ce CIR ayant été imputé à hauteur de 88181euros sur l’IS dû au titre de l’exercice 2016, le solde de ce CIR pour 2016 s’élevant à 409 547 euros,

-2017 pour un montant de 495 341 euros, ce CIR ayant été imputé pour un montant de 121 008 euros sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice 2017, le solde de ce CIR pour 2017 s’élèvant à 374 333 euros,

-2018 pour un montant de 401 118 euros, ce CIR n’ayant pas été imputé sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice 2018,

-2019 pour un montant de 418 825 euros, ce CIR ayant été imputé en totalité sur l’impôt sur les sociétés dû en 2020 au titre de l’exercice clos en 2019.

Il en résulte que la société a acquitté partiellement son impôt sur les sociétés dû entre 2016 et 2020 par l’imputation des crédits d’impôt recherche 2016, 2017 et 2019, ainsi l’administration fiscale à juste titre a constaté que la société DAVIDSON EST avait acquitté une très grande partie des sommes dues au titre de l’impôt sur les sociétés par le biais de ses déclarations de CIR, que s’agissant des exercices fiscaux 2016, 2017 et 2019, il n’est pas discuté que l’imputation réalisée sur les impôts sur les sociétés concernées permettait l’application de l’art L 16 B en ce que cette imputation était susceptibles de caractériser une fraude au paiement de l’impôt.

Il ressort des déclarations de la société que les travaux de recherche et développement sont quasi intégralement des dépenses de personnel. La société a mentionné des dotations aux amortissements de biens affectés aux opérations de recherche de montants faibles, elle a déclaré en revanche des dépenses de fonctionnement constitués d’un pourcentage de dépenses de personnel (évalué à 98% pour les années 2015 à 2017): 684 155 euros en 2015, 1 093 750 euros en 2016, 1 078 731 euros en 2017, il s’agit de dépenses de personnel salarié de la société et de dépenses de personnel mis à disposition par la société INTERVIA (2016).

Dans sa décision, le JLD relève que suite à une procédure de vérification de comptabilité par l’administration fiscale, un questionnement est apparu concernant la mise à disposition de salariés pris en compte dans sa déclaration de CIR, étant observé que le contrôle du CIR comprend une partie scientifique réalisée par des experts du MESRI et une partie purement fiscale réalisée par les agents de la DGFIP.

Le JLD retient les éléments relevés par les enquêteurs de la DNEF qui ont procédé à des recoupements d’information en consultant les profils Linkedin de certains salariés, ainsi que des réponses aux questionnaires adressés aux salariés qui pour certains ont déclaré ne pas avoir effectué de travaux de R&D dans les locaux de la société .

Le JLD dans son ordonnance, rappelle quelques exemples précis concernant la situation de certains salariés : ainsi Madame [L] [U] [K] a été prise en compte pour 88% de son temps de travail pour des opérations de recherche et de développement en 2015 et 94% en 2016 pour DAVIDSON EST alors qu’elle exerçait sur la même période une mission de consultant chez Euro Information, et qu’elle a déclaré n’avoir pas participé à des travaux de R&D dans les locaux de Davidson. M. [W] [F] apparaît dans les déclarations CIR 2016 et 2017 de la SAS DAVIDSON EST comme ayant participé au projet “technologies intelligence artificielle pour la classification et compréhension des documents financiers”, la SAS Davidson EST prétend qu’il a consacré 93,53 % et 78,80% de son temps à des travaux de R&D alors qu’il déclare avoir travaillé sur cette même période pour la société EURO INFORMATION.

M. [B] [D] a été pris en compte pour 95,53 % de son temps de travail pour des opérations de recherche et de développement en 2016 pour DAVIDSON EST alors qu’il exerçait sur la même période une mission au Crédit mutuel, et qu’il indique n’avoir pas participé à des travaux de R&D dans les locaux de Davidson.

La même analyse est effectuée concernant un grand nombre d’autres salariés pour les périodes de 2015 à 2017. Ainsi le recoupement des données relatives aux salariés pris en compte dans les dépenses de personnel des dossiers financiers 2015 à 2017 de DAVIDSON EST, leur profil Linkedin ou Viadeo et les données sociales de la société a permis de constater que sur cette période 46 salariés de DAVIDSON EST ont été pris en compte dans les déclarations de CIR de DAVIDSON EST alors qu’il travaillaient pour d’autres sociétés.

Il résulte de l’examen in concreto des pièces soumises par l’administration fiscale à l’appui de sa requête au JLD qu’il pouvait être présumé que la société SAS DAVIDSON EST a artificiellement majoré le montant de dépenses de personnel pris en compte dans le calcul des CIR de 2015 à 2017 et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions, caractérisant ainsi les présomptions de fraude fiscale telles qu’exigées par l’article L16 B du LPF.

S’agissant de la non imputation d’une créance CIR, dans la cas d’espèce au titre des exercices 2015 et 2018, qui selon les appelantes ne pourrait fonder une présomption d’infraction fiscale de la part de la société, il convient de rappeler, ainsi que le précise de façon pertinente la DNEF, que cette déclaration fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’impôt sur les sociétés, que les entreprises qui dégagent un crédit d’impôt non imputé sur l’impôt dû au titre de la même année doivent constater une créance sur le trésor du montant du crédit d’impôt non imputé. Cette créance de CIR doit être enregistrée pour sa valeur normale au débit du compte 444 ” Etat -impôt sur les bénéfices” et par le crédit du compte 699 “produits- Crédit d’impôt recherche” que c’est donc la constatation et donc l’enregistrement comptable de la créance qui constitue le fait générateur permettant à terme le remboursement, que par la suite lorsqu’une demande de restitution est déposée, l’imputation des créances CIR des exercices antérieurs doit s’effectuer sur le formulaire dédié à la liquidation de l’IS, qu’au cas d’espèce l’administration a pu présumer que la société appelante avait bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.

Ainsi le dépôt d’une déclaration de CIR fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’IS qui, s’il n’entraine pas nécessairement une soustraction immédiate au paiement de l’impôt, bénéficiera finalement à la société en l’absence de remise en cause et contribuera in fine à diminuer sa charge fiscale.

Le contribuable doit établir des déclarations fiscales en fonction d’écritures comptables exactes et justifiées et les infractions des articles 1741 et 1743 du code général des impôts (CGI) visent expressément la passation d’écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le CGI, infractions auxquelles renvoie l’article L 16B du LPF.

Ainsi, une demande de remboursement indû au titre du CIR est donc une infraction fiscale auvisa des art 1741 et 1743 du CGI, dès lors le fait de ne pas imputer le CIR sur l’impôt de l’exercice correspondant n’est pas de nature à écrater les présomptions exigées par l’article L 16 B du LPF.

Les enjeux financiers portent sur des montants importants, l’activité déclarée de R&D de la SAS DAVIDSON EST repose essentiellement sur des dépenses de personnel dont les justificatifs sollicités ne correspondaient pas intégralement aux déclarations effectuées et dont les constatations sur certains salariés concernés ne semblent pas correspondre à leur activité de recherche au sein de la structure alors qu’ils étaient mis à disposition dans d’autres structures sur la même période, caractérisant les présomptions de fraude conformément à l’article L. 16 B du LPF.

Il en résulte que c’ est à tort que les parties appelantes opèrent une distinction entre “la réduction par le contribuable de son imposition” et “le bénéfice d’une créance indue sur l’état”, concernant le dispositif fiscal du crédit d’impôt recherche qui justifierait la non applicabilité de l’article L 16B dans le second cas de figure .

Il convient de rappeler par ailleurs qu’il n’appartient pas au Premier Présidentde la Cour d’appel, qui n’est pas le juge de l’impôt, de se prononcer sur l’applicabilité ou la non applicabilité de l’article L 16B du LPF à un dispositif fiscal en analysant le processus de chaque mesure du dispositif qui en tout état de cause, aboutit à accorder une réduction d’impôt, alors qu’il appartient au JLD et au Premier Président saisi du recours de seulement vérifier l’existence de présomptions de fraude.

En l’espèce les présomptions de fraude permettant la mise en ‘uvre de l’article L. 16B du LPF sont parfaitement caractérisées.

Ce moyen sera rejeté.

Sur l’absence de vérification concrète par le JLD du bien-fondé et de la proportionnalité de la mesure

Il convient de relever en l’espèce que la requête de l’administration fiscale ainsi que les pièces ont été déposées auprès du JLD le 17 décembre 2020, que celui-ci a pu étudier la requête et vérifier les pièces de façon concrète, qu’il a rendu sa décision le 5 janvier 2021, qu’aucun élément du dossier ne permet aux parties de prétendre que le JLD n’a pas vérifié le bien fondé de la requête.

Il convient de rappeler que les dispositions de l’article L. 16B du LPF constituent uniquement un moyen d’investigation destiné à contrôler le respect de la réglementation fiscale, qui peut être mis en ‘uvre sur autorisation du JLD et peut faire l’objet d’un contrôle par le Premier Président de la Cour d’appel.

Par ailleurs, en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l’administration fiscale, le JLD exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l’administration fiscale à avoir recours à d’autres moyens d’investigation moins intrusifs. En conséquence, la signature de l’ordonnance par le JLD signifie que ce dernier entend privilégier l’enquête dite «’lourde’» de l’article L.16B du LPF et que les diligences auprès du contribuable seraient insuffisantes et dénuées de ‘l’effet de surprise, d’ailleurs la Cour de cassation a toujours jugé qu’aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures.

En ce qui concerne l’argument selon lequel l’administration fiscale avait obtenu des informations sur l’organisation du groupe durant une opération de contrôle fiscal antérieure, il convient de rappeler que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’administration peut solliciter la mise en oeuvre de l’art L 16B avant, pendant ou après une vérification fiscale, en effet si les appelants critiquent la mise en oeuvre d’une procédure de visite et de saisie après l’envoi au contribuable d’une procédure de rectification sans application de pénalités, il convient de rappeler que la procédure de l’art L16B du LPF est totalement indépendante de la procédure de contrôle que constitue la vérification de comptabilité, d’ailleurs aucune disposition légale ne s’oppose à ce que, au terme d’une enquête de la DNEF, une procédure de visite soit engagée à la suite d’ une procédure de vérification.

Par conséquent, il ne peut être reproché à l’administration d’avoir fait usage de la procédure prévue par l’article L. 16B du LPF.

L’article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de la vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que “il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui”.

En l’espèce, le JLD a parfaitement motivé sa décision au vu de la requête de l’administration fiscale et des 112 pièces produites, il a à juste titre relevé que “des documents et supports d’informations relatifs à la fraude présumée étaient suceptibles de se trouver dans les locaux du [Adresse 3], susceptibles d’être occupés par [H] [M], et du [Adresse 8], susceptibles d’être occupés par [X] [T]”, que contrairement à ce qu’affirment les parties appelantes, le JLD a motivé sa décision en rappelant les fonctions occupées tant par [H] [M] (Directeur général de DAVIDSON EST et principal actionnaire du groupe Davidson) que par [X] [T] (Directeur général de DAVIDSON EST) justifiant la visite à leur domicile respectif , qu’il n’y a pas eu de violation des dispositions de l’article 8 de la CESDH et la mesure n’a aucunement été disproportionnée eu égard au but poursuivi.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le caractère illicite d’un grand nombre de pièces soumises au JLD par l’administration à l’appui de sa requête

En ce qui concerne la prétendue violation des dispositions du RGPD dans le cadre de la production des pièces faite par l’administration fiscale à l’appui de sa requête, il convient de rappeler que l’article 2 du RGPD prévoit que « Le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué: (‘) d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites (…) », or les opérations de visite et saisie diligentées par les agents de la DNEF dans le cadre de l’article L. 16B du LPF sont effectuées dans le cadre d’investigations en vue de prévenir et détecter des infractions potentiellement pénales, que l’article 23 du RGPD autorise les Etats membres à limiter la portée des obligations prévues à l’art 14 du règlement, que l’article 38 de la Loi du 6 janvier 1978 permet justement d’en limiter la portée ( “lorsque le traitement est mis en oeuvre par les administrations publiques qui ont pour mission soit de contrôler ou de recouvrer des impositions soit d’effectuer des contrôles de l’activité de personnes physiques ou morales pouvant donner lieu à la constatation d’une infraction ou d’un manquement, des amendes administratives ou à des pénalités “), qu’ il en résulte que le RGPD ne s’applique pas aux demandes d’autorisation de visites domiciliaires. En ce qui concerne les pièces 56 et 57, il s’agit de pièces issues de la consultation par les agents de l’administration fiscale de sites internet d’accès public, ainsi les renseignements recueillis sur les réseaux sociaux sont considérés comme ayant été licitement recueillis.

Ce moyen sera rejeté.

L’ordonnance du JLD du Tribunal judiciaire de Paris en date du 5 janvier 2021 sera déclarée régulière et confirmée.

Enfin les circonstances de l’instance commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’administration fiscale.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort :

– Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 5 janvier 2021 rendue à l’encontre de la SAS DAVIDSON EST et autorisant les visites dans les locaux et dépendances sis [Adresse 3], présumés être occupés par M. [H] [M] et/ou la SAS BSM INVEST et/ou la SAS NOA INVEST et/ou la SAS DANIEL INVEST et/ou le FONDS DE DOTATION ISABELLE [M] et sis [Adresse 8], présumés être occupés par M. [X] [T] ;

– Rejetons toute autre demande ;

– Disons qu’il convient d’accorder la somme de 2000 euros (deux mille euros) à charge pour les parties appelantes à verser à la DNEF au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

[P] [A]

 


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