Your cart is currently empty!
8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°243
N° RG 19/03006 –
N° Portalis DBVL-V-B7D-PX47
M. [Y] [T]
C/
SA CIBETANCHE
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 10 Février 2022
En présence de Madame [F] [Z], Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT et intimé à titre incident :
Monsieur [Y] [T]
né le 1er Avril 1985 à SIDI YAHYA ELGHAREB (MAROC)
demeurant 6 route du Latay
44140 AIGREFEUILLE SUR MAINE
Comparant à l’audience et représenté par Me Nicolas BEZIAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Avocat au Barreau de NANTES
INTIMÉE et appelante à titre incident :
La SA CIBETANCHE prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
20 rue BLaise Pascal – Zac de la Brosse
44400 REZE
Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Philippe LECOURT, Avocat au barreau de l’AUBE
M. [Y] [T] a été embauché le 2 février 2015 par la SAS CIBETANCHE qui intervient dans le domaine du bâtiment pour des activités de couverture, isolation, étanchéité et bardage, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de Technico-commercial, statut cadre, coefficient 100.
Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective Nationale du bâtiment, M. [Y] [T] occupait des fonctions de chef de secteur.
Après avoir demandé le 17 mai 2017 à bénéficier d’une rupture conventionnelle, acceptée par l’employeur et homologuée par la Dirrecte après son dépôt le 14 juin 2017. M. [Y] [T] a effectivement quitté la SAS CIBETANCHE le 4 juillet 2017.
Le 18 octobre 2017, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de :
Sur les fonctions de chef de secteur avant le 1er janvier 2017,
A titre principal,
‘ Condamner la SAS CIBETANCHE au paiement des sommes suivantes :
– 7.700 € brut à titre de rappel de salaire au titre des fonctions de chef de secteur,
– 770 € brut au titre des congés payés afférents,
– 641,66 € brut à titre de rappel sur prime de 13ème mois,
– 64,17 € brut au titre des congés payés afférents,
A titre subsidiaire,
‘ Condamner la SAS CIBETANCHE au paiement des sommes suivantes :
– 9.175,83 € net à titre de dommages-intérêts,
– 7.631,31 € brut, à titre principal, sur le rappel de salaire au titre des congés payés non pris,
– 6.105,05 € brut, à titre subsidiaire, sur le rappel de salaire au titre des congés payés non pris,
– 763,13 € brut, à titre principal, sur les congés payés afférents,
– 610,51 € brut, à titre subsidiaire, sur les congés payés afférents,
– 10.013,99 € brut à titre de solde de primes,
– 1.001,40 € brut au titre des congés payés afférents,
– 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour violation du droit à congés et atteinte au respect de la vie privée et familiale,
– 35.274 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
‘ Condamner la SAS CIBETANCHE au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Ordonner la remise de documents sociaux sous astreinte journalière de 75 € suivant la notification de la décision à intervenir, le conseil se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte,
‘ Intérêts au taux légal, outre l’anatocisme,
‘ Exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution,
‘ Fixer le salaire de référence à 5.879 € brut,
‘ Condamner la SAS CIBETANCHE aux entiers dépens.
La cour est saisie de l’appel régulièrement formé par M. [Y] [T] le 6 mai 2019 contre le jugement du 2 avril 2019, notifié le 10 avril 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes a :
‘ Dit que pour, les périodes considérées, M. [T] exerçait bien des fonctions de chef de secteur,
‘ Condamné la SAS CIBETANCHE à verser à M. [T] les sommes suivantes:
– 7.700 € brut à titre de rappel de salaire au titre des fonctions de chef de secteur,
– 770 € brut au titre des congés payés afférents,
– 641,66 € brut à titre de rappel sur prime du 13ème mois,
– 64,17 € brut au titre des congés payés afférents,
– 1.668 € brut au titre du solde de primes commerciales et primes travaux,
– 167 € brut au titre des congés payés afférents,
‘ Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil, soit le 18 octobre 2017 pour les sommes à caractère salarial et à compter de la date du prononcé du présent jugement, avec capitalisation des intérêts,
‘ Ordonné la remise des documents sociaux conformes à la présente décision, sans astreinte,
‘ Limité 1’exécution provisoire du présent jugement à l’exécution provisoire de droit définie à l’article R. 1454-28 du code du travail et à cet effet fixé à 5.319, 25 € brut le salaire mensuel moyen de référence,
‘ Condamné la SAS CIBETANCHE à verser à M. [T] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Débouté M. [T] du surplus de ses demandes,
‘ Reçu la SAS CIBETANCHE en sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’en a déboutée,
‘ Condamné la SAS CIBETANCHE aux dépens éventuels.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 28 décembre 2021, suivant lesquelles M. [T] demande à la cour de :
‘ Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [T] de ses demandes aux titres des dommages-intérêts pour violation du droit à congés et atteinte au respect de la vie privée et familiale, des primes commerciales et primes travaux, du travail dissimulé,
Statuant à nouveau,
‘ Condamner la SAS CIBETANCHE au paiement des sommes suivantes :
– 7.631,31 € brut, à titre principal, sur le rappel de salaire au titre des congés payés non pris,
– 6.105,05 € brut, à titre subsidiaire, sur le rappel de salaire au titre des congés payés non pris,
– 763,13 € brut, à titre principal, sur les congés payés afférents,
– 610,51 € brut, à titre subsidiaire, sur les congés payés afférents,
– 10.013,99 € brut à titre de solde de primes,
– 1.001,40 € brut au titre des congés payés afférents,
– 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour violation du droit à congés et atteinte au respect de la vie privée et familiale,
– 35.016,78 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
En tout état de cause,
‘ Condamner la SAS CIBETANCHE au paiement de la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens éventuels,
‘ Intérêts au taux légal, outre l’anatocisme,
‘ Ordonner la remise de documents sociaux sous astreinte journalière de 75 € suivant la notification de la décision à intervenir,
‘ Fixer le salaire de référence à 5.836,13 € brut.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 6 septembre 2019, suivant lesquelles la SAS CIBETANCHE demande à la cour de :
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [T] portant sur les rappels de salaire, sur le solde de primes commerciales et primes travaux, sur les dommages-intérêts pour violation du droit à congés et atteinte au respect de la vie privée et familiale, sur les dommages-intérêts pour travail dissimulé,
‘ Infirmer le jugement entrepris au titre des condamnations prononcées à son encontre,
‘ Débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
‘ Condamner M. [T] à verser à la SAS CIBETANCHE la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 7 janvier 2022.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité chef de secteur avant le 1er janvier 2017 :
Pour infirmation et débouté du salarié, la SAS CIBETANCHE qui admet l’existence d’un léger flottement ayant pu conduire M. [Y] [T] à assumer en partie l’intérim, conteste qu’il puisse revendiquer avoir pleinement exercé l’intérim à compter du 1er décembre 2015 dès lors que M. [D] a occupé le poste jusqu’en février 2016, date de son départ de l’entreprise et que le poste de chef de secteur a été occupé par M. [B] entre le 1er septembre 2015 et le 30 avril 2016 et par M. [W] du du 5 mai au 1er septembre16.
L’employeur entend en outre souligner que le salarié ne produit aucun élément relatif à sa capacité à occuper ces fonctions et à leur exercice effectif qui ne peut résulter de la signature de facture en l’absence d’avenant, a fortiori sans l’avoir réclamé pendant l’exécution du contrat de travail, que les missions effectivement exercées par M. [Y] [T] sont différentes de celles d’un chef de secteur, qu’il n’avait aucune attribution complète de management d’équipes, n’étant que le relais du directeur d’agences ou du responsable des ressources humaines, qu’il n’exerçait ni contrôle ni suivi des budgets des chantiers du secteur et n’avait aucune responsabilité ou délégation en matière de sécurité.
M. [Y] [T] qui indique acquiescer à la décision des premiers juges à ce titre, rétorque qu’il a assumé des fonctions qui excédaient les limites de ses obligations contractuelles lors de la vacance du poste de chef de secteur, qu’il en justifie par les pièces produites faisant référence au secteur 22 ainsi que par les photos incluses dans les écritures comme l’ont relevé les premiers juges, qu’il ne peut lui être opposé la présence de M. [B] qui intervenait sur un autre secteur.
En droit, il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
En l’espèce, ainsi que l’ont à juste titre relevé les premiers juges s’agissant des périodes revendiquées par M. [Y] [T], au cours desquelles il estime avoir exercé des fonctions de chef de secteur, l’intéressé produit des convocations et des courriels qui lui sont adressés au même titre qu’aux autres chefs de secteur, des contrats de sous-traitance qu’il a signés, des fiches de renseignements, des plannings généraux, des fiches navettes et deux courriers du mois de mars 2016 dont la notification d’un avertissement à M. [J].
De son côté, l’employeur lui oppose la fiche de poste de chef de secteur (pièce 11 employeur) qui comparée à la fiche de poste “commercial agence/secteur (pièce 12 employeur) se distingue en faisant référence pour une agence dont le CA est inférieur à 10 M€, en ce qui concerne le management, par le management d’une équipe composée selon l’importance du secteur de commerciaux, de conducteurs de travaux, dessinateurs (rices)- projeteurs et assistantes en charge de la réalisation de chantiers de couverture bardage, en ce qui concerne la gestion, par le suivi des moyens et procédures en matière de sécurité et de qualité, par le suivi et le contrôle des budgets chantiers et agence et s’agissant de la production, par le contrôle de l’application des mesures de sécurité.
A cet égard, l’employeur souligne qu’antérieurement à sa nomination en qualité de chef de secteur en janvier 2017, M. [Y] [T] ne bénéficiait pas d’une délégation en ce qui concerne la sécurité, de sorte qu’il n’est pas anormal que dans l’exercice de ses fonctions dans un contexte d’intérim, il n’ait pas eu à prendre en charge les questions relatives à la sécurité, cette circonstance étant par conséquent sans portée en ce qui concerne la qualification de l’emploi occupé.
Par ailleurs, en ce qui concerne, les deux courriers dont le courrier d’avertissement adressés par M. [Y] [T] à un salarié, non autrement commenté par l’employeur, suffisent à démontrer qu’il a exercé des attributions relevant du management, de sorte que si M. [Y] [T] n’a pas eu dans les phases d’intérim de la responsabilité du poste de chef d’agence que l’employeur admet pour partie, il est patent qu’il a exercé sur ces périodes des attributions qui excédaient largement celles d’un commercial et l’employeur qui a fait le choix de ne pas formaliser cette situation, ne peut lui opposer le fait qu’il ne lui avait pas confié la totalité des attributions d’un chef de secteur pour lui en dénier la qualification.
A cet égard, les délégations de pouvoir produites par l’employeur (pièces 25 à 28) dont celle non datée de M. [D], n’apporte aucune indication sur le secteur qui leur est confié et il n’est pas produit d’élément significatif concernant l’attribution du secteur II sur les périodes considérées à M. [B] ou à M. [W], de nature à remettre en cause les éléments produits par M. [Y] [T] à l’appui des prétentions formulées à ce titre.
Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris de ce chef, de juger que M. [Y] [T] exerçait bien des fonctions de chef de secteur et de faire droit à aux demandes de rappel de salaire, de rappels de prime de 13ème mois et de rappels de congés payés afférents à ces demandes.
Sur les congés non pris :
Pour infirmation et condamnation de son employeur à lui verser les sommes correspondant aux congés non pris, à majorer car en heures supplémentaires, M. [Y] [T] produit au débat un décompte des congés qu’il n’a pu prendre dans la mesure où il étaitzzz sollicité en raison de la surcharge de travail, comme le révèlent les encaissements par l’employeur et le confirme un autre salarié pour les quatre périodes de juillet 2015, d’avril 2016, de décembre 2016 et avril 2017.
Le salarié ajoute qu’il y était contraint du fait des impératifs de respect du travail et de satisfaction du client, alors que l’employeur ne faisait pas le nécessaire pour pourvoir au remplacement des salariés absents.
L’employeur objecte que M. [Y] [T] n’a jamais reçu la moindre directive lui enjoignant de travailler pendant ses congés ou de ne pas les prendre, que rien ne permet de surcroît de considérer qu’il s’agirait d’heures supplémentaires, que la société appliquait les dispositions conventionnelles et relançait le salarié concernant les congés non soldés pour son agence, qu’il a effectivement posé ses congés à de nombreuses reprises, lesquels ont été acceptés.
Selon l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En application des dispositions de l’article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.
En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, à l’appui de ses prétentions, M. [Y] [T] produit deux attestations de salariés de l’entreprise, dont celle de M. [V] dessinateur industriel (pièce 16) qui témoigne avoir été obligé d’assurer la permanence en raison du fait que le chef de secteur précédent n’avait pas pu prendre ses congés pendant un an et qu’il s’agissait d’une chose courante. Quant à celle de M.[O] [T], épouse de M. [Y] [T], employée comme intérimaire puis comme salariée, elle précise que M. [Y] [T] a posé des congés du 13 juillet au 27 juillet 2015, du 11 avril 2016 au 02 mai 2016, le 27 décembre 2016 et du 18 avril au 02 mai 2017 sans pouvoir les prendre, du fait de la charge de travail qui lui incombait.
M. [Y] [T] produit les pièces 10, 11, 12 et 13 concernant les demandes de congés pour les périodes de congés concernées et relatives à la justification de la réalité de l’activité qu’il invoque et dont ni l’utilité ni l’opportunité ne sont discutées par l’employeur qui se borne à soutenir que les congés demandés avaient été accordées et que le fait que le salarié ait renoncé à les prendre ne peut lui être imputé.
Or, ainsi que le fait valoir M. [Y] [T], il incombe à l’employeur en application de l’article D.3171-8 du Code du travail, de décompter le temps de travail des salariés qui ne sont pas soumis à l’horaire collectif et l’employeur ne peut s’affranchir de cette obligation dès lors qu’il ne pouvait ignorer ni la charge de travail du salarié ni la réalité du travail exécuté par M. [Y] [T] pendant les congés qu’il avait posés.
Selon l’article L. 3121-10 du Code du Travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civile ; l’article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l’article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 % ;
Il résulte de ces dispositions que le décompte des heures doit être réalisé hebdomadairement, de sorte que les heures réalisées pendant les congés payés et par conséquent en dehors de l’horaire habituel du salarié ne peuvent s’analyser en des heures supplémentaires au sens des dispositions susvisés et si elles ouvrent droit à rémunération, faute de s’inscrire dans un décompte hebdomadaire, elles ne peuvent faire l’objet de la majoration attribuée aux heures supplémentaires.
Il y a lieu par conséquent d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de faire partiellement droit aux prétentions de M. [Y] [T] à ce titre et de lui allouer la somme de 6.105,05 € brut à titre de rappel de salaire outre 610,50 € au titre des congés payés afférents.
Sur l’atteinte à la vie privée :
Pour infirmation et condamnation de son employeur, M. [Y] [T] soutient que les fonctions chef de secteur l’ont contraint à travailler 39 dimanches et 5 samedis, qu’au regard des courriels produits et des attestations relatives à la surcharge de travail, l’employeur ne peut lui opposer autonomie et le cumul de fonction, qu’il ne justifie d’un recrutement pour le remplacer dans les fonctions antérieures, des 2 personnes dont il fait état, l’une est partie et l’autre est en arrêt de travail, de sorte que l’employeur ne pouvait ignorer sa charge de travail.
La SAS CIBETANCHE conteste la réalité du travail invoqué par le salarié et son ampleur et soutient que la liberté dont disposait le salarié lui permettait de décider des moments pendant lesquels il souhaitait travailler et répondre à des interlocuteurs qui en l’occurrence ne sont pas au travail, qu’il n’est en mesure de fournir aucune justification sur le fait de travailler le dimanche, ni d’être rémunéré en heures supplémentaires, sa charge de travail demeurant raisonnable en dépit des départ de deux salariés embauchés.
En l’espèce, il est établi que dès les périodes au cours desquelles M. [Y] [T] a assuré partiellement la fonction de chef de secteur puis à compter de sa nomination officielle en cette qualité, il a cumulé les fonctions de chef de secteur et ses fonctions antérieures dès lors que des deux personnes recrutées pour le remplacer, l’une n’a pas achevé sa période d’essai et l’autre a quitté l’entreprise au bout de six mois dont trois en arrêt de travail.
Dans ces conditions induisant une charge de travail nécessairement supérieure à celle d’un seul de ces emplois, l’employeur ne peut sérieusement soutenir qu’elle ne justifiait pas qu’il travaille sur les deux jours de la fin de la semaine et que cela résultait de son seul choix.
Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de faire partiellement droit aux prétentions du salarié, en ce que la contrainte résultant de sa charge de travail, l’ayant conduit à travailler plusieurs samedis et un nombre conséquent de dimanches, a porté atteinte à son droit à une vie familiale.
En revanche, l’évaluation du préjudice du salarié ne peut intégrer l’indemnisation sous forme de dommages et intérêts au titre des heures concernées qu’il appartenait à l’intéressé de chiffrer en tant que telles.
Dans ces conditions, il y a lieu d’allouer à M. [Y] [T] la somme de 7.000€ net à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
Sur le travail dissimulé :
Pour infirmation et condamnation de son employeur à ce titre, M. [Y] [T] fait valoir qu’il a réalisé des heures supplémentaires sans qu’elles aient été mentionnées sur les bulletins de salaire ou même rémunérées et que l’élément intentionnel est caractérisé par le fait d’avoir obtenu du salarié l’acceptation de renoncer à la prise effective des congés tout en les décomptant en se les faisant régler par la caisse des congés.
L’employeur objecte qu’aucune réclamation n’a été formulée par le salarié pendant exécution contrat de travail de travail et qu’aucun élément ne permet de retenir une exécution frauduleuse du contrat de travail de M. [Y] [T] de sa part.
L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié ;
L’article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle ;
Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;
L’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est due quelle que soit la qualification de la rupture ; la demande en paiement d’heures supplémentaires n’a pas pour effet de rendre irrecevable la demande en paiement de l’indemnité forfaitaire ; le montant de l’indemnité forfaitaire doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail ; cette indemnité qui sanctionne la violation de dispositions légales se cumule avec les indemnités de nature différente résultant du licenciement, et notamment avec l’indemnité de licenciement ;
En l’espèce, il est établi que la charge de travail incombant à M. [Y] [T] l’a conduit à travailler pendant ses congés mais également sur un nombre significatif de samedis et de dimanches, que cette charge de travail ne pouvait être ignorée de l’employeur compte tenu des échecs de recrutement intervenus.
Cependant, il ne résulte d’aucune pièce produite par le salarié que les heures litigieuses aient été exécutées à la demande de l’employeur, les conséquences du cumul d’emploi de M. [Y] [T] que ce soit pendant l’intérim ou postérieurement à sa nomination en qualité de chef de secteur, induit notamment par l’échec des deux recrutements auxquels l’employeur a procédé, ne pouvant en l’absence de réclamation de la part du salarié pendant les périodes considérées dans les circonstances rapportées, être retenues comme revêtant un caractère intentionnel qui n’est pas autrement démontré.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Y] [T] de la demande formulée à ce titre
Solde de primes commerciales et primes travaux :
Pour réformation et condamnation de son employeur à lui verser les primes commerciales et de travaux qu’il aurait du percevoir, M. [Y] [T] entend souligner que son employeur reconnaît ne pas les avoir versées intégralement, qu’il lui était due une rémunération variable déterminée en fonction de quatre paliers de 1 à 2,5 % de la marge brute (50% à la signature; 50% au règlement), qu’il produit un tableau et les justificatifs à l’appui de ses prétentions sauf en ce qui concerne Airbus et Lbc, que l’argument opposé par l’employeur tenant à la suppression du fait de l’avenant pas sérieux dans la mesure où il ne modifie que la rémunération fixe.
L’employeur qui réfute l’argumentation du salarié arguant de ce qu’il ne figure pas sur certaines fiches de chantiers (airbus et lbc) pour lesquels il réclame une commission, qu’il ne prend pas en compte des avances versées pour des chantiers qui n’étaient pas éligibles aux commissions, reconnaît toutefois lui devoir 1660 € liés à la non prise en compte de chantier du fait de son départ.
En l’espèce, l’examen exhaustif des documents produits par les parties révèle que dans l’ensemble le chiffrage des commissions reconnues par l’employeur sont exacts, y compris s’agissant des chantiers pour lesquels M. [Y] [T] a perçu des avances et que les taux de commissions invoqués par le salarié à l’appui de ses calculs (pièce 21) sont les taux de commissions calculés sur la base des taux de marge prévisionnels, alors que plusieurs chantiers se sont soldés par des taux négatifs ou inférieurs au seuil de déclenchement des commissions.
Il en résulte de la part du salarié un nombre d’erreurs y compris à son désavantage mais aussi et surtout une absence de prise en compte en débours des avances perçues pour des chantiers non éligibles (Top élevage, la poste Pontivy, Tip Trailer, Genia, Lcr, lande bourne, la barrière noire).
Ceci étant, l’employeur ne prend pas en compte la réalisation du chantier Amipi, arguant du non règlement de la totalité de la créance et renvoie à sa pièce 37 éditée le 06 décembre 2018 mais sans s’expliquer sur le sort de cette créance depuis lors, alors que d’autres commissions figurant sur cette fiche comme étant bloquées en raison de l’absence de fixation définitive du taux de marge, ont depuis été soldées et que la commission évaluée sur la base d’un taux de marge de 15% générant un taux de commission de 4% porte sur un solde prévisionnel de 111.000 €, soit une commission de 2.200 € et une avance de 555 € soit un solde de commission de 1.655 €.
Tenant compte de ce montant additionnée au montant reconnu par l’employeur, corroboré par les pièces produites, il y a lieu de réformer le jugement entrepris de ce chef et de condamner l’employeur à verser à M. [Y] [T] la somme de 3.315 € à ce titre.
Sur la remise des documents sociaux :
La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; la décision entreprise doit être confirmée de ce chef ;
Sur la capitalisation des intérêts :
En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il doit être fait droit à cette demande’; la décision entreprise étant confirmée de ce chef.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile :
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME partiellement le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
CONDAMNE la SAS CIBETANCHE à payer à M. [Y] [T] :
– 6.105,05 € brut à titre de rappel de salaire sur les congés payés non pris,
– 610,50 € brut au titre des congés payés afférents,
– 3.315 € brut à titre de rappel de commissions,
– 331,50 € brut au titre des congés payés afférents,
– 7.000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à la vie privée et familiale,
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS CIBETANCHE à verser à M. [Y] [T] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
DEBOUTE la SAS CIBETANCHE de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS CIBETANCHE aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.