Sous-location : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/15630

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Sous-location : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/15630
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 08 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/15630 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGLLR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2022 -Président du TJ de Paris / France – RG n° 20/53254

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 8], Mme [H] [S], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

INTIMEE

Mme [Z] [X]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Bernard GRELON de l’AARPI LIBRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0445, substitué à l’audience par Me Maria VALENTIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Avril 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 18 mai 2020, la Ville de [Localité 8] a fait assigner Mme [X] devant le président du tribunal judiciaire de Paris, saisi selon la procédure accélérée au fond, à l’effet de la voir condamner au paiement d’une amende civile sur le fondement de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé [Adresse 3] à [Localité 10] (1er étage, bâtiment D, lot n°29).

Par jugement du 3 juillet 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 8] dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en jugeant notamment que la réglementation locale de la Ville de [Localité 8] sur le changement d’usage est conforme à la réglementation européenne.

L’affaire a été rétablie à l’audience du 4 avril 2022.

La Ville de [Localité 8] a demandé au tribunal de :

condamner Mme [X] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 8] conformément aux dispositions de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation,

ordonner le retour à l’habitation de l’appartement situé au 1er étage du bâtiment D de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 10] (constituant le lot 29) transformé sans autorisation, sous astreinte de 460 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au tribunal de fixer,

se réserver la liquidation de l’astreinte,

condamner Mme [X] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de [Localité 8] ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [X] a conclu au rejet de la demande, faisant valoir que le bien constitue sa résidence principale. A titre subsidiaire elle a sollicité la réduction de l’amende, se prévalant de sa bonne foi.

Par jugement du 16 mai 2022, rendu selon la procédure accélérée au fond, le tribunal judiciaire de Paris a :

– débouté la Ville de [Localité 8] de sa demande en paiement d’une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

– débouté la Ville de [Localité 8] de sa demande de retour du local à un usage d’habitation ;

– condamné la Ville de [Localité 8] à payer à Mme [X] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la Ville de [Localité 8] aux dépens.

Par déclaration du 31 août 2022, la Ville de [Localité 8] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 06 février 2023, elle demande à la cour de :

In limine litis,

– juger irrecevables les conclusions, bordereau de pièces et pièces remises le 16 janvier 2023 par Mme [X] ;

– infirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 16 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :

débouté celle-ci de sa demande portant sur l’amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation,

débouté celle-ci de sa demande de retour du local à un usage d’habitation,

condamné celle-ci à payer à Mme [X] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné celle-ci aux dépens,

Statuant de nouveau,

– juger que Mme [X] a enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation en louant pour de courtes durées l’appartement situé au 1er étage du bâtiment D de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 10] (constituant le lot 29) ;

– condamner Mme [X] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

– ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, de l’appartement situé au 1er étage du bâtiment D de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 10] (constituant le lot 29), sous astreinte de 460 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira à la cour de fixer ;

En tout état de cause,

– débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner Mme [X] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 16 janvier 2023, Mme [X] demande à la cour de :

A titre principal,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 16 mai 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris ;

A titre subsidiaire,

– juger que l’amende maximale de 10.000 euros prévue par l’article L. 324-1-1 du code du tourisme doit faire l’objet d’une réduction compte tenu de sa bonne foi ;

– réduire l’amende à une somme symbolique ;

En toute hypothèse,

– rejeter toute autre demande de la Ville de [Localité 8].

Par ordonnance sur incident du 23 février 2023, le président de la chambre a débouté la Ville de [Localité 8] de sa demande d’irrecevabilité des conclusions et pièces de l’intimée, joint les dépens de l’incident à ceux du fond et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Le premier juge a considéré que la preuve est faite par Mme [X] de ce que le logement objet de l’infraction constitue sa résidence principale et que, par suite, l’infraction n’est pas caractérisée.

La Ville de [Localité 8] considère pour sa part que cette preuve n’est pas apportée et que l’infraction est bien caractérisée.

Il convient de rappeler :

– que selon l’article L.631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation, ‘[…] Lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi du° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L.631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n’est pas nécessaire pour le loueur pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.’

– et que selon l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, la résidence principale s’entend du logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation.

Pour prétendre que le bien considéré ne constitue pas la résidence principale de Mme [X], la Ville de [Localité 8] fait valoir :

– qu’elle a obtenu le 29 août 2022 une attestation de la RIVP selon laquelle Mme [X] a été locataire d’un F4 sis [Adresse 1] à [Localité 9] du 28 février 2018 au 27 février 2020 ;

– que cette affirmation est confortée par le relevé cadastral qui mentionne que Mme [X] a aussi déclaré sa résidence principale sise [Adresse 1] – [Localité 9] en 2020 et en 2021 ;

– que Mme [X] a enregistré ses deux biens (l’appartement en cause sis [Adresse 3] à [Localité 10] et un autre appartement sis [Adresse 5] à [Localité 9]) comme étant sa résidence principale, ce qui n’est pas possible.

Mme [X] expose en réponse :

– que le [Adresse 1] – [Localité 9] correspond à l’adresse de son compagnon, M. [E] (décédé le [Date décès 2] 2022), avec lequel elle était pacsée et au foyer fiscal duquel elle était rattachée, sans toutefois être domiciliée chez lui mais, successivement, au [Adresse 5] puis au [Adresse 3], ayant emménagé dans ce second appartement (objet de l’infraction) en septembre 2020 après l’avoir acquis en juin 2020, quittant le précédent en août 2020 et le donnant en location ;

– qu’elle loue l’appartement du [Adresse 3] en Airbnb dans la limite des 120 jours autorisés ;

– que les deux déclarations qu’elle a faites à tire de résidence principale pour ses deux appartements sont successives ;

– que les pièces qu’elle produit établissent bien qu’elle est domiciliée au [Adresse 3].

Il y a lieu d’abord de relever que le fait que Mme [X] ait été domiciliée fiscalement au [Adresse 1], dont il n’est pas contesté que cette adresse était celle de son compagnon M. [E], ne signifie pas qu’elle y avait effectivement fixé son domicile. La mention de cette adresse sur le relevé cadastral n’est pas non plus démonstrative d’une domiciliation effective.

Mme [X] justifie par un mandat de location daté du 10 septembre 2019 avoir mis en location son appartement du [Adresse 5], produisant en outre deux contrats de location successifs datés du 3 octobre 2019 et du 1er février 2019, cela après avoir acquis le [Adresse 4] en juin 2019 , ce dont elle justifie aussi par son titre de propriété.

Sur l’offre du prêt qu’elle a contracté pour acquérir le [Adresse 4], elle est déclarée domiciliée au [Adresse 5].

Sur le mandat de location signé le 10 septembre 2019, elle est aussi déclarée domiciliée au [Adresse 3], de même que sur les documents suivants :

– sa carte nationale d’identité établie le 8 août 2019,

– son avis d’imposition des revenus 2020

– un relevé de prestations de santé édité le 3 juillet 2020,

– un relevé bancaire en date du 25 octobre 2020,

– une facture de soins dentaires en date du 17 novembre 2020.

En outre, lors de la visite du [Adresse 3] par l’agent assermenté de la Ville de [Localité 8] le 6 février 2020, Mme [X] était présente et les photographies prises par l’agent montrent la présence d’effets personnels tels que des livres en grand nombre sur une étagère, des vêtements et des affaires de toilette.

Il est ainsi suffisamment démontré par Mme [X] était effectivement domiciliée au [Adresse 3] lorsque la Ville de [Localité 8] a dressé son constat d’infraction, et cela à compter du mois de septembre 2019.

Les deux déclarations qu’elle a effectuées à titre de résidence principale ne sont pas incompatibles ni incohérentes car elles sont successives, celle portant sur le [Adresse 5] ayant été effectuée le 31 octobre 2017, avant donc que Mme [X] ne mette en location ce bien, celle portant sur le [Adresse 3] ayant été effectuée le 9 juillet 2019, après que Mme [X] ait acquis ce bien pour en faire sa résidence principale.

Par ailleurs, il n’est pas prétendu par la Ville de [Localité 8] que le nombre de locations de courte durée aurait dépassé les 120 jours autorisés pour une résidence principale, et dans son procès-verbal d’infraction l’agent de la Ville indique que le tableau qui lui a été communiqué par le site Airbnb mentionne 58 nuitées au cours de l’année 2019.

Il est ainsi démontré que l’appartement objet de l’infraction poursuivie correspond à la résidence principale de Mme [X], en sorte que l’infraction n’est pas caractérisée.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions et, partie perdante, la Ville de [Localité 8] sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne la Ville de [Localité 8] aux dépens de la présente instance,

La déboute de sa demande fondée sur l’article 700 de code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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