Sous-location : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03708

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Sous-location : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03708
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C 9

N° RG 21/03708

N° Portalis DBVM-V-B7F-LAMZ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOULIN KREMENA MLADENOVA’ AVOCATS ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 SEPTEMBRE 2023

Appel d’une décision (N° RG 19/00986)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 27 juillet 2021

suivant déclaration d’appel du 23 août 2021

APPELANTE :

Madame [M] [R]

née le 03 Décembre 1987 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S. MAJORDOME PRIVE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Marie-Bénédicte PARA de la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOULIN KREMENA MLADENOVA’ AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 31 mai 2023,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 07 septembre 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 07 septembre 2023.

EXPOSE DU LITIGE’:

Mme [M] [R], née le 3 décembre 1987, a été embauchée le 16 juillet 2018 par la société par actions simplifiée (SAS) Majordome Privé suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 104 heures mensuelles, en qualité de chargée de clientèle.

Mme [M] [R] bénéficie d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapée depuis le 11 août 2017 et affirme en avoir informé la SAS Majordome Privé dès son embauche.

En date du 13 mai 2019, la SAS Majordome Privé a proposé à Mme [M] [R] un avenant au contrat de travail pour exercer sur un poste de gestion et de maintenance des logements loués. Mme [M] [R] n’a jamais signé cet avenant.

En date du 7 juin 2019, Mme [M] [R] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie et n’a jamais repris son poste.

Par courrier en date du 24 septembre 2019, Mme [M] [R] a écrit à la SAS Majordome Privé au sujet de sa situation professionnelle, invoquant des manquements de l’employeur. La SAS Majordome Privé a répondu par courrier du 10 octobre 2019.

Par requête en date du 21 novembre 2019, Mme [M] [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

La SAS Majordome Privé a proposé à Mme [M] [R] de résoudre le litige au moyen d’une médiation’; demande restée sans suite de la salariée.

En date du 18 février 2020, Mme [M] [R] a été déclarée inapte par le médecin du travail qui a précisé que «’l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’».

Par courrier en date du 8 avril 2020, Mme [M] [R] a été convoquée par la SAS Majordome Privé à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 avril 2020. En raison de la période de confinement et des difficultés d’acheminement, Mme [M] [R] n’a reçu ce courrier que le 24 avril 2020. La SAS Majordome Privé a donc procédé à une nouvelle convocation par courrier en date du 5 mai 2020 pour un entretien préalable fixé au 13 mai 2020.

Par lettre en date du 18 mai 2020, la SAS Majordome Privé a notifié à Mme [M] [R] son licenciement pour inaptitude.

Au dernier état de ses demandes devant le conseil de prud’hommes de Grenoble, Mme [M] [R], s’estimant victime de harcèlement moral, de discrimination prohibée à raison de son handicap, du non-respect de son temps partiel et du manquement de l’employeur à son obligation de prévention et de sécurité, a sollicité la nullité de son licenciement ou à tout le moins qu’il soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la SAS Majordome Privé au paiement de diverses sommes en réparation de ses préjudices et à titre de rappel de salaires.

La SAS Majordome Privé s’est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 27 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:

– dit que Mme [M] [R] n’a pas été victime de harcèlement moral’;

– dit que la SARL Majordome Privé a manqué à son obligation de prévention et de sécurité’;

– condamné la SARL Majordome Privé à payer à Mme [M] [R] les sommes suivantes :

– 2 000,00 € (deux mille euros) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et de sécurité’;

Ladite somme avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

– 1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– ordonné l’exécution provisoire’;

– débouté Mme [M] [R] de toutes ses autres demandes’;

– débouté la SARL Majordome Privé de sa demande reconventionnelle’;

– condamné Mme [M] [R] aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusé de réception signé le 28 juillet 2021 par la société Majordome Privé et est revenue avec la mention «’pli avisé non réclamé’» pour Mme [R].

Par déclaration en date du 23 août 2021, Mme [M] [R] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 mars 2023, Mme [M] [R] sollicite de la cour de’:

Vu les dispositions de l’article L. 1471-1 et suivants du code du travail

Vu les dispositions de l’article L. 1152-1 et suivants du code du travail

Vu les dispositions de l’article L. 4121-1 et suivants du code du travail

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Dit que la SARL Majordome Privé a manqué à son obligation de prévention et de sécurité’;

– Condamné la SARL Majordome Privé à payer à Mme [M] [R] les sommes suivantes :

– 1 200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté la SARL Majordome Privé de sa demande reconventionnelle.

Le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau,

Juger que Mme [M] [R] a été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral.

Juger que Mme [M] [R] a été discriminée en raison de son handicap et de son état de santé.

Condamner en conséquence la SAS Majordome Privé à verser à Mme [M] [R] les sommes de : – 10 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ensuite du harcèlement moral,

– 10 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral ensuite du manquement de l’employeur à ses obligations de prévention et de sécurité,

– 10 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral ensuite de la discrimination en raison de son handicap et de son état de santé.

Requalifier le contrat de travail à temps partiel de Mme [M] [R] en contrat de travail à temps plein,

Condamner en conséquence la SAS Majordome Privé à verser à Mme [M] [R] la somme de 5.313,45 € bruts à titre de rappel de salaire, outre la somme de 531,34 € bruts au titre des congés payés afférents.

Juger à titre principal que le licenciement de Mme [M] [R] est nul.

Juger à titre subsidiaire que le licenciement de Mme [M] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamner en tout état de cause la SAS Majordome Privé à verser à Mme [M] [R] les sommes suivantes :

– 188,71 € net à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement ;

– 3 124,40 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (soit 2 mois de salaire), outre 312,44 € brut au titre des congés payés afférents

– à titre principal, la somme de 10 000,00 € net à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité de la rupture

– à titre subsidiaire, la somme de 10 000,00 € net, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Débouter la SAS Majordome Privé de l’intégralité de ses demandes.

Condamner la SAS Majordome Privé à verser à Mme [M] [R] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code civil, ainsi que les entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2022, la SAS Majordome Privé sollicite de la cour de’:

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail,

Vu les articles L. 1222-1, L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 1152-4 du code du travail,

Vu les pièces versées aux débats,

Réformer le jugement en ce qu’il a :

Condamné la SARL Majordome Privé à payer à Mme [M] [R] les sommes suivantes :

– 2.000 euros à titre de dommages intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et de sécurité ;

– 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Débouté la SARL Majordome Privé de sa demande reconventionnelle ;

– En conséquence, statuant à nouveau :

Condamner Mme [M] [R] à payer à la SAS Majordome Privé la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner Mme [M] [R] aux entiers dépens.

Confirmer le jugement au surplus en ce qu’il a :

Dit que Mme [M] [R] n’a pas été victime de harcèlement moral ;

Débouté Mme [M] [R] de toutes ses autres demandes ;

Condamné Mme [M] [R] aux dépens.

A titre subsidiaire :

Dire que Mme [M] [R] ne justifie d’aucun préjudice ;

Ramener les condamnations à de plus justes proportions.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 23 mars 2023.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 31 mai 2023.

EXPOSE DES MOTIFS’:

Sur la demande de requalification du temps partiel en temps plein et les rappels de salaire afférents’:

L’article L3123-11 du code du travail tel que modifié par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 énonce que’:

Toute modification de la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois est notifiée au salarié en respectant un délai de prévenance.

L’article L3123-12 du code du travail dispose que’:

Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée de travail, alors que le contrat de travail n’a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.

Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon des modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement dès lors que cette modification n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, avec l’accomplissement d’une période d’activité fixée par un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de modification des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document écrit communiqué au salarié en application du 3° de l’article L. 3123-6.

L’article L3123-24 du code du travail modifié par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 énonce que’:

Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu peut déterminer le délai dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail est notifiée au salarié.

Ce délai ne peut être inférieur à trois jours ouvrés. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, ce délai peut être inférieur pour les cas d’urgence définis par convention ou accord de branche étendu ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement.

La convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, la convention ou l’accord de branche étendu prévoit les contreparties apportées au salarié lorsque le délai de prévenance est inférieur à sept jours ouvrés.

L’article L3123-31 du code du travail dispose que’:

A défaut d’accord prévu à l’article L. 3123-24, toute modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois est notifiée au salarié au moins sept jours ouvrés avant la date à laquelle elle doit avoir lieu.

Le délai de prévenance n’est applicable qu’en cas de décision unilatérale de l’employeur et non lorsque la modification intervient avec l’accord exprès du salarié.

L’absence de respect du délai de prévenance prévu par l’article L. 3123-11 du code du travail, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, entraîne la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet lorsque le salarié est empêché de prévoir le rythme auquel il doit travailler et se trouve dans l’obligation de se tenir à la disposition constante de l’employeur.

C’est sur l’employeur que pèse la charge de la preuve que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et ne devait pas constamment se tenir à sa disposition.

En l’espèce, le contrat de travail à temps partiel prévoit que Mme [R] travaille ainsi’:

– Le jeudi de 17 h à 22 h

– Le vendredi de 17 h à 22 h

– Le samedi de 15 h à 22 h

– Le dimanche de 15 h à 22 h.

Le contrat de travail stipule un délai de prévenance de 7 jours pour les modifications du contrat de travail.

Il est également stipulé que «’la durée du travail entre les jours de la semaine, pourra être modifiée dans les cas suivants’:

-surcroît temporaire d’activité

-travaux à accomplir dans un délai déterminé

-impératifs indépendants de la volonté de l’employeur.

Cette modification sera notifiée au salarié au moins 3 jours avant la date à laquelle la modification doit prendre effet.’».

L’employeur n’allègue et encore moins ne justifie d’un accord lui permettant de prévoir ce délai de modification des horaires de travail de la salariée à temps partiel entre les jours de la semaine inférieur au délai légal supplétif de 7 jours.

Mme [R] produit aux débats divers échanges de courriels et de SMS mettant en évidence qu’elle pouvait réaliser diverses tâches les lundis, mardis et mercredis normalement non travaillés, étant observé que l’employeur développe pour autant un moyen pertinent tenant au fait qu’il s’agit avant tout de transmissions brèves d’informations et de renseignements, en particulier le mail du 7 août 2018 ou des SMS des 10 et 23 avril 2019 au sujet d’un appareil ou de codes d’accès à un immeuble.

Pour autant, il résulte des pièces n°4 et 20 de l’employeur et 25 de la salariée que les parties élaboraient, en réalité, de concert le planning de la salariée jusqu’à un désaccord s’étant manifesté le 28 mai 2019 sur une modification demandée par l’employeur à la salariée visant à lui faire récupérer le jeudi de l’ascension férié du 30 mai 2019, de sorte que les délais de prévenance ne sauraient avoir trouvé application eu égard à l’existence d’un accord entre les parties jusqu’à cette date.

Mme [R] dénature la teneur du courriel qu’elle a adressé à son employeur en ce que celui-ci ne traite manifestement pas de la seule situation du mois de juin 2019 mais révèle plus globalement la manière dont les parties ont jusqu’alors exécuté la relation de travail’: «’le planning établi à l’avance avec [W] qui consiste à travailler de mercredi à dimanche (‘)’», «’je ne suis pas en jour flexible comme vous me le dites par téléphone. Je travaille deux weekends par mois en accord avec vous. Et cette semaine devait être une semaine de travail en weekend. Mes jours ont été pré établi à l’avance (‘) Sachez que les heures auxquelles je viens travailler son prédéfinies à l’avance avec votre accord. Je ne me permet pas de venir quand je veux’:’comme cela a été dit par téléphone (‘)’».

A aucun moment, Mme [R] ne se plaint, dans cette correspondance, d’avoir eu à subir par le passé des modifications incessantes de ses horaires de travail comme elle le soutient dans ses conclusions d’appel. (page 46’§ 10 des conclusions d’appelante).

Mme [R] n’allègue pas même quelle était la journée où l’employeur souhaitait qu’elle rattrape le jour férié et la cour d’appel est laissée dans l’ignorance de savoir quelle a été l’issue de l’entretien convenu entre les parties le lendemain.

Il s’ensuit que Mme [R] n’établit pas que l’employeur a méconnu son temps partiel.

Il est également observé que les bulletins de paie produits par la salariée ne révèlent l’exécution d’aucune heure complémentaire.

Le fait que son employeur lui ait adressé des SMS pendant son arrêt de travail, dont le dernier le 16 octobre 2019 pour évoquer avec elle la reprise est sans emport s’agissant de l’allégation selon laquelle la société Majordome Privé n’aurait pas respecté son temps partiel.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande de requalification du temps partiel en temps plein et de ses prétentions de rappels de salaire à ce titre.

Sur le harcèlement moral’:

L’article L.1152-1 du code du travail énonce qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1152-2 du même code dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article 1152-4 du code du travail précise que l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l’absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l’employeur lui-même ou d’un autre salarié de l’entreprise.

Il n’est en outre pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d’une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L’article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La seule obligation du salarié est d’établir la matérialité d’éléments de fait précis et concordants, à charge pour le juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l’état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

Par ailleurs, l’article 1 applicable au litige de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a ainsi défini le harcèlement discriminatoire’

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d’autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant;

2° Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé par l’article 2

En l’espèce, Mme [R] n’objective pas les éléments de fait suivants’:

– si elle établit qu’elle a assumé, pendant l’absence de Mme [N], des tâches supplémentaires de suivi de factures de septembre 2018 à début mai 2016 en sus de celles figurant à son contrat de travail, force est de constater qu’elle ne fait qu’alléguer qu’elle s’est trouvée en situation de surcharge de travail, Mme [R] ne se prévalant à ce titre que des échanges qu’elle a eus avec les collaborateurs et le cabinet comptable et non d’éléments de fait sur l’impossibilité d’accomplir cette tâche supplémentaire dans le cadre de son temps de travail et avec les moyens mis à sa disposition. Il n’est au demeurant constaté l’exécution d’aucune heure complémentaire et aucune demande à ce titre n’est formée à titre subsidiaire à la demande de requalification en temps plein, étant observé qu’il est jugé par ailleurs que les parties s’entendaient sur les plannings de la salariée, nonobstant les horaires précis de travail figurant sur le contrat de travail. En outre, le contrat de travail prévoit certes que Mme [R] occupe un poste de chargé de clientèle avec une liste de missions non limitative et le suivi de factures ne pouvant pas entrer dans la clause contractuelle selon laquelle il peut lui être adjoint d’autres missions se rapportant à ses fonctions principales. Toutefois, Mme [R] n’en tire aucune conséquence particulière, ne prétendant pas qu’il ait été porté à ses droits s’agissant de sa rémunération ou de son niveau de responsabilités ou de l’appréciation par l’employeur de son travail à raison de cette tâche supplémentaire puisque développant un moyen de fait exclusivement centré sur sa charge de travail.

– dès lors que la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein n’est pas accueillie à raison du non-respect allégué du délai de prévenance alors qu’il est jugé qu’il n’a pas trouvé application eu égard au fait que les parties convenaient d’un commun accord des horaires de travail, cet élément de fait n’est pas retenu.

– Mme [R] n’apporte pas d’éléments mettant en évidence que son employeur lui a demandé d’effectuer des prestations de ménages ou d’entretien dans les logements en lieu et place des prestataires. Les pièces qu’elles visent mettent tout au plus en évidence le fait qu’elle a réalisé ce que l’employeur désigne comme des retouches ménage très ponctuelles (décongélation frigo, emballage du linge, enlever une bouteille…). Or, ces missions sont parfaitement rattachables à celles listées dans son contrat de travail visant à «’régler les problèmes dans le logement et faire intervenir des prestataires si nécessaire, gérer les prestataires de nettoyage et vérification la qualité du travail effectué, organiser la gestion et la rotation des linges et consommables’» et ce d’autant, qu’il est expressément prévu qu’il ne s’agit pas d’une liste limitative puisqu’ «’il pourra être demandé à la salarié d’assumer toutes autres missions se rapportant à ses fonctions principales afin de contribuer et optimiser le développement des activités de la société’», les «’retouches ménages’» s’intégrant parfaitement à ces taches supplémentaires en lien avec les fonctions principales sus-décrites. Le SMS du 13 décembre 2018 envoyé par M. [L], un autre salarié, à Mme [R] dans les termes suivants «’Hello On a une urgence’ça t’intéresse un ménage à Jeanne d’Arc avant 16 h”’», indépendamment même de la question débattue entre les parties de savoir qui devait effectivement réaliser cette prestation, l’employeur invoquant le fait que le mari de Mme [R] gère des sociétés de ménage, ne recèle aucune consigne ou caractère impératif puisque la demande est formulée sous forme de question et suppose une acceptation.

– Mme [R] n’objective pas suffisamment par la seule attestation de M. [H] [R], son oncle, qu’elle a été contrainte d’aller récupérer, au mépris de sa sécurité, une somme d’argent en liquide dans un appartement, dans le cadre d’une location Airbnb, le 24 mars 2019, les liens familiaux étroits unissant le témoin à une des parties empêchant en l’absence de tout élément extrinsèque d’accorder la moindre valeur probante à ce témoignage, étant observé au demeurant que Mme [R] ne répond pas au moyen pertinent développé par la partie adverse indiquant que les locations effectuées via la plateforme Airbnb donnent lieu à un pré-paiement systématiquement géré par celle-ci.

– sans préjudice du non-respect de la législation relative à l’interdiction de fumer dans les locaux professionnels, Mme [R] n’établit pas d’élément de fait rattachable à des agissements de harcèlement moral s’agissant du fait que les salariés fumaient dans les bureaux dès lors que, si par courriel du 17 janvier 2019 à ses collègues, elle a demandé à ce que cette pratique cesse, il ressort de l’attestation de M. [L] qu’en réalité l’un et l’autre fumaient’; ce qui est confirmé d’ailleurs par le propre mail de Mme [R] s’incluant manifestement dans la formule suivante’: «’tout d’abord, je vous transmet mon souhait que l’on arrête de fumer dans le bureau’». Puisque la salariée fumait également, elle ne saurait, en conséquence, se plaindre de subir de la part de collègues de travail ce comportement illégal dans des circonstances susceptibles de porter significativement atteinte à ses conditions de travail ou à sa santé.

– il n’est pas objectivé que l’employeur, par son comportement, l’exposerait à un risque pour sa sécurité à raison du fait que certains logements sur les plateformes de réservation en ligne sont loués à des fins de prostitution et de proxénétisme dès lors que si Mme [R] objective qu’une locataire a adressé par erreur à la société non pas une réponse à une interrogation sur la date de fin de location mais une offre de services de nature sexuelle avec divers tarifs,’la salariée vise elle-même dans ses écritures le courriel qu’a envoyé le chef d’entreprise le 05 juin 2019 au procureur de la République et au procureur général pour signaler cet incident du lundi matin qui précède, la société Majordome Privé n’étant pas en charge d’effectuer les réservations.

– Mme [R] n’objective pas que son employeur a pu lui adresser une mise en demeure abusive de justifier de son absence depuis le 12 septembre 2019 par courrier du 13 septembre 2019 dès lors que si elle produit un courrier de réponse du 16 septembre 2019 adressé en lettre recommandée avec accusé de réception, elle ne justifie pas, comme elle le prétend dans sa correspondance, avoir adressé l’arrêt de prolongation du 09 septembre 2019 par courrier antérieur et ce d’autant moins qu’elle annonce en pièces jointes la copie du feuillet initial avant l’envoi à son intention, qu’elle indique avoir égaré, et un duplicata de l’arrêt de travail mais qu’il n’est versé aux débats que ce second document, Mme [R] invoquant de manière inopérante les dispositions de l’article R 4624-23 du code du travail laissant à l’employeur un délai de 8 jours pour organiser la visite de reprise mais supposant au préalable que le salarié se tienne à disposition dès la fin de l’arrêt de travail

– Mme [R] n’objective pas qu’il lui a été demandé, sans habilitation électrique, de réparer les spots dans un logement au vu d’un courriel du 06 juin 2019 de Mme [A] dès lors qu’il est produit une facture de M. [G] du 08 juin 2019 pour la fixation de 3 supports Spot dans le logement litigieux.

En revanche, Mme [R] établit la matérialité des éléments de fait suivants’:

– alors qu’elle a été embauchée en qualité de chargée de clientèle avec une liste précise de missions ne pouvant être contractuellement augmentées que de tâches en rapport avec son activité principale, l’employeur a établi un avenant temporaire de changement de fonctions pour la période du 13 mai au 20 septembre 2019, le poste devenant celui d’opérateur terrain, aboutissant en définitive à faire perdre à la salariée toutes les activités en lien avec la clientèle (voyageurs et propriétaires bailleurs). Or, Mme [R] n’a pas signé cet avenant.

– quoique les missions de retouches ménage soient considérées comme pouvant être rattachées au contrat de travail initial nonobstant l’absence de signature de l’avenant dès lors que Mme [R] avait pour mission de gérer les prestataires de ménage, vérifier la qualité du travail effectué et organiser la gestion et la rotation des linges consommables, il convient pour autant d’observer qu’alors que Mme [R] avait informé dès le 16 juillet 2018 de son statut de travailleur handicapé, l’employeur ne justifie aucunement d’avoir respecté les dispositions spécifiques relatives au suivi médical des travailleurs handicapés puisque les seules visites que Mme [R] a faites à la médecine du travail l’ont été à l’issue de son arrêt maladie les 28 janvier et 18 février 2020 et ont donné lieu à une déclaration d’inaptitude définitive avec dispense de reclassement à raison du fait que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Mme [R] ne justifie certes pas par des éléments médicaux de la pathologie justifiant son statut de travailleur handicapé mais force est de constater qu’elle a été privée de la possibilité de pouvoir bénéficier d’une évaluation par le médecin du travail de la compatibilité des missions confiées à son état de santé et le cas échéant de préconisations d’adaptation ainsi que d’un suivi régulier.

Elle a écrit à son employeur par courrier ultérieur du 24 septembre 2019 pour se plaindre d’une dégradation significative de ses conditions de travail à compter du mois de mai 2018 ayant consisté à lui imposer la modification substantielle de ses missions nonobstant l’absence de signature de l’avenant proposé, avec pour conséquence qu’en qualité d’opérateur de terrain, elle a été reléguée à la réalisation d’état des lieux, à des tâches de ménage et de transport de matériel à vélos, et ce, en dépit de son état de santé.

– l’évaluation de la compatibilité des tâches de manutention à l’état de santé de la salariée bénéficiant d’un statut de travailleur handicapé s’avérait effectivement d’autant plus nécessaire que ses missions impliquaient des déplacements réguliers dans les appartements et que la salariée, qui n’a eu le permis de conduire que début juin 2019, objective qu’il lui était demandé de transporter du matériel ou des objets, notamment un aspirateur le 06 juin 2019, que la salariée a indiqué en définitive par SMS n’avoir pas pu ramener.

Mme [R] objective s’être plainte d’un incident en lien avec cette demande de ramener des aspirateurs depuis ce logement dans le courrier précité du 24 septembre 2019 dans les termes suivants’: «’lorsque j’ai indiqué à ma responsable que je ne pouvais pas répondre favorablement à sa demande consistant à me demander d’aller récupérer des aspirateurs à [Localité 4], à vélo, celle-ci a jeté par terre une pièce de 2 euros dans ma direction, en m’indiquant que c’était pour payer le bus.’»

– il est établi que Mme [R] a été placé en arrêt de travail dès le lendemain de cet incident, le 07 juin 2019, sans discontinuité jusqu’à la déclaration d’inaptitude définitive au poste à l’issue des visites des 28 janvier et 18 février 2020 avec une dispense de reclassement eu égard à l’état de santé de la salariée.

Mme [R] justifie avoir consulté une psychologue, d’après une attestation du 02 octobre 2019 de Mme [Z], les 13 juin, 01 août, 03 septembre et 24 septembre 2019, qui a dressé une seconde attestation le 28 juillet 2020 faisant état d’autres séances ultérieures et précisant l’objet de celles-ci, à savoir «’un soutien psychologique dans le cadre d’une relation difficile au travail où Madame a eu le sentiment de ne pas être respectée et de subir une injustice avec harcèlement moral. Cette situation a entraîné des symptômes correspondant à un syndrome post traumatique avec angoisses, anxiété, insomnies, perte de confiance en soi et ruminations mentales qui ont nécessité un soutien psychologique.’».

Pris dans leur globalité, l’ensemble des éléments de faits objectivés par Mme [R] permettent de présumer l’existence d’agissement de harcèlement moral dès lors qu’ils caractérisent une dégradation des conditions de travail avec une atteinte portée aux droits de la salariée résultant du contrat convenu entre les parties dont elle n’a pas accepté la modification mais encore de son statut de travailleur handicapé avec en définitive une dégradation de son état de santé conduisant à une déclaration d’inaptitude au poste.

Les justifications avancées par l’employeur sont insuffisantes pour permettre d’écarter les faits présumés de harcèlement moral en ce que’:

– le fait que Mme [A] ait prêté gracieusement une maison secondaire à Mme [R] en avril 2019 est sans portée dès lors qu’il appert que la dégradation significative des conditions de travail est ultérieure lorsque Mme [R] s’est vu imposer un changement de poste.

– l’employeur admet, dans ses conclusions, avoir appliqué l’avenant pourtant non signé par la salariée (page n°17 de ses conclusions d’appel’§ 9). Il ne s’est ravisé que tardivement alors que Mme [R] était en arrêt maladie continu, par courrier du 10 octobre 2019, que la période visée à l’avenant était échue et seulement en réponse à la lettre de Mme [R] du 24 septembre 2019 se plaignant de s’être vu imposer la mise en ‘uvre d’un avenant qu’elle n’avait pas accepté. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société Majordome Privé ce changement de poste, même temporaire, ne correspondait manifestement aucunement aux aspirations de Mme [R]. L’attestation de Mme [N] démontre même le contraire’: «’Je suis revenue de congé maternité le 06 mai 2019. [M] avait déjà commencé son nouveau poste avec [W], elle n’était pas ravie ou avait mal compris le poste initialement proposé par [K] (‘) Lorsqu’elle ([M]) a commencé à «’déchanter’» de son nouveau poste elle a demandé des rendez-vous avec [K]/[W] qui faisait un rendez-vous à chaque demande. Ils n’ont juste pas trouvé un terrain d’entente vraisemblablement. (‘). [M] voulait absolument retourner au back office en enfonçant son collègue [I] dès elle le pouvait du coup légères tensions.’»

– la société Majordome Privée n’établit aucunement que le poste d’opérateur de terrain qu’elle a imposé à la salariée était de niveau équivalent s’agissant des responsabilités dès lors qu’il a été enlevé à la salariée toute la partie relations avec la clientèle pour la cantonner aux missions liées à la supervision de l’entretien des appartements sans que le projet d’avenant ou les pièces produites ne révèlent que Mme [R] ait pu à sa demande se voir attribuer des missions liées à l’aménagement et la décoration des appartements.

– les attestations d’autres salariés ([J], [O], [C], [V] et [U], [D], [B], [L], [P], [Y]) ou de clients ([X], [T]) outre qu’elles sont très générales et que les témoins, dont certains n’ont pas travaillé avec Mme [R], évoquent pour l’essentiel leur propre situation, n’apportent aucune justification quant au fait allégué que Mme [R] aurait souhaité changer de poste

– s’agissant de l’absence de suivi médical à la médecine du travail nonobstant le statut de travailleur handicapé alors que les missions de Mme [R] impliquaient la manutention de charges et des déplacements dans l’agglomération [Localité 2] le cas échéant avec le transport de petits matériels et divers objets, quoique l’employeur établisse qu’il recourrait pour les travaux de ménage et de réparation à un prestataire extérieur, ce dernier est de mauvaise foi lorsqu’il soutient n’avoir pas été informé du statut de travailleur handicapé de Mme [R] alors même que celle-ci n’avait aucune obligation d’indiquer ce statut sur son curriculum vitae et que la société Majordome Privé admet que Mme [F] a été destinataire du courriel du 16 juillet 2018 portant sur ce sujet, le fait allégué que Mme [F], par ailleurs associée de la société employeur n’aurait alors pas été opérationnelle au sein de la société à cette époque étant sans portée dans la mesure où si elle est venue travailler à temps plein à compter du 1er décembre 2018 et est devenue présidente, il n’en demeure pas moins que le courriel litigieux a été transmis sur une adresse mail structurelle «'[Courriel 5]’» et était destiné aux associés si bien que Mme [F] n’avait dès cette époque pas seulement la qualité de porteur de parts sociales mais était encore intégrée de fait à l’équipe dirigeante de cette société alors naissante.

L’employeur n’apporte pas les justifications suffisantes permettant d’expliquer que Mme [R] n’a pas été vue par la médecine du travail dès son embauche nonobstant le statut connu de travailleur handicapé afin de vérifier la comptabilité de ses missions à son état de santé, peu important en définitive que l’employeur puisse par exemple justifier de l’acquisition d’une soudeuse en L d’occasion pour gérer la mise sous pli du linge et ce d’ailleurs uniquement à compter du 31 janvier 2019. Si la société justifie de la réception le 23 août 2018 d’un formulaire d’adhésion à la médecine du travail, rien n’indique que celui-ci ait été rapidement retourné complété, étant au demeurant observé que Mme [R] travaillait d’ores et déjà depuis plus d’un mois à cette date. Au contraire, la pièce n°5 de l’employeur met en évidence que les formalités d’adhésion à la médecine du travail ne sont intervenues que le 08 novembre 2019 alors que la salariée était déjà en arrêt maladie de manière continue jusqu’à sa déclaration ultérieure d’inaptitude et surtout après la mise en demeure de Mme [R] à son employeur par courrier du 24 septembre 2019 de lui communiquer les coordonnées du service de santé au travail.

– concernant l’incident du 06 décembre 2019 avec Mme [N], la version divergente que cette dernière donne de celui-ci ne permet aucunement d’exclure un comportement managérial inadapté.

Le témoin, se présentant comme directrice d’agence, explique en effet, après avoir rappelé que Mme [R] n’était pas satisfaite du changement de poste qui lui a en définitive été imposé de manière contemporaine au retour de congé maternité du témoin que «’petite précision pour la pièce que je lui aurait jeté par terre alors que j’étais en pause je tirais mon lait dans le bureau fermé (tout le monde était au courant) à ce moment on se parle à travers la porte et elle me dit qu’elle doit aller dans l’appart récupérer 2 aspirateurs mais qu’elle est en vélo et qu’elle a pas d’abonnement TAG j’avais de petites pièces que je lui ai donc glissé sous la porte pour qu’elle n’ait pas à faire l’avance.’».

Le procédé employé pour avancer les frais de déplacement à la salariée mais encore le mode de transport préconisé apparaissent l’un et l’autre inadaptés, Mme [R] n’ayant d’ailleurs pas été en capacité de ramener les aspirateurs en bus et la cour d’appel observant qu’alors que l’employeur était informé que la salariée avait eu son permis de conduire le 02 juin 2019, il ne lui a pas été proposé le véhicule de service qui n’a été vendu que bien ultérieurement le 28 octobre 2020.

Il s’ensuit qu’infirmant le jugement entrepris, il y a lieu de dire que Mme [R] a été victime d’agissements répétés s’étant accentués sur une période certes restreinte à compter de mai 2019 relevant de la qualification de harcèlement moral.

Il lui est alloué, par infirmation du jugement entrepris, la somme de 3000 euros nets à titre de dommages et intérêts, le surplus de la demande étant rejeté au vu de la période relativement restreinte pendant laquelle Mme [R] a eu à subir les manquements les plus graves.

Sur l’obligation de prévention et de sécurité’:

L’employeur a une obligation s’agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s’exonérer que s’il établit qu’il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

Il doit en application des articles L 4121-1 et suivants et R 4121-1 et suivants du même code notamment procéder à l’établissement et l’actualisation d’un document unique d’évaluation des risques y compris psychosociaux et justifier de la mise en ‘uvre des actions de prévention qui y figurent.

L’article L4624-1 du code du travail dans sa version en vigueur du 01 janvier 2017 au 31 mars 2022 énonce que’:

Tout travailleur bénéficie, au titre de la surveillance de l’état de santé des travailleurs prévue à l’article L. 4622-2, d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail et, sous l’autorité de celui-ci, par le collaborateur médecin mentionné à l’article L. 4623-1, l’interne en médecine du travail et l’infirmier.

Ce suivi comprend une visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa du présent article. Cette visite donne lieu à la délivrance d’une attestation. Un décret en Conseil d’Etat fixe le délai de cette visite. Le modèle de l’attestation est défini par arrêté.

Le professionnel de santé qui réalise la visite d’information et de prévention peut orienter le travailleur sans délai vers le médecin du travail, dans le respect du protocole élaboré par ce dernier.

Les modalités et la périodicité de ce suivi prennent en compte les conditions de travail, l’état de santé et l’âge du travailleur, ainsi que les risques professionnels auxquels il est exposé.

Tout travailleur qui déclare, lors de la visite d’information et de prévention, être considéré comme travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du présent code et être reconnu par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles, ainsi que tout travailleur qui déclare être titulaire d’une pension d’invalidité attribuée au titre du régime général de sécurité sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire, est orienté sans délai vers le médecin du travail et bénéficie d’un suivi individuel adapté de son état de santé.

Tout salarié peut, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, solliciter une visite médicale dans l’objectif d’engager une démarche de maintien dans l’emploi.

Tout travailleur de nuit bénéficie d’un suivi individuel régulier de son état de santé. La périodicité de ce suivi est fixée par le médecin du travail en fonction des particularités du poste occupé et des caractéristiques du travailleur, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’Etat.

Le rapport annuel d’activité, établi par le médecin du travail, pour les entreprises dont il a la charge, comporte des données présentées par sexe. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles de rapport annuel d’activité du médecin du travail et de synthèse annuelle de l’activité du service de santé au travail.

L’article R 4624-17 du même code prévoit que’:

Tout travailleur dont l’état de santé, l’âge, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels il est exposé le nécessitent, notamment les travailleurs handicapés, les travailleurs qui déclarent être titulaires d’une pension d’invalidité et les travailleurs de nuit mentionnés à l’article L. 3122-5, bénéficie, à l’issue de la visite d’information et de prévention, de modalités de suivi adaptées déterminées dans le cadre du protocole écrit prévu au troisième alinéa de l’article L. 4624-1, selon une périodicité qui n’excède pas une durée de trois ans.

L’article R 4624-20 du même code énonce que’:

Lors de la visite d’information et de prévention, tout travailleur handicapé ou qui déclare être titulaire d’une pension d’invalidité mentionné au cinquième alinéa de l’article L. 4624-1 est orienté sans délai vers le médecin du travail, qui peut préconiser des adaptations de son poste de travail. Le médecin du travail, dans le cadre du protocole mentionné à l’article L. 4624-1, détermine la périodicité et les modalités du suivi de son état de santé qui peut être réalisé par un professionnel de santé mentionné au premier alinéa de l’article L. 4624-1.

L’article R 4225-6 du code du travail dispose que’:

Le poste de travail ainsi que les locaux sanitaires et de restauration que les travailleurs handicapés sont susceptibles d’utiliser dans l’établissement sont aménagés de telle sorte que ces travailleurs puissent y accéder aisément.

Leurs postes de travail ainsi que les signaux de sécurité qui les concernent sont aménagés si leur handicap l’exige.

En l’espèce, ainsi qu’il a été vu précédemment, l’employeur ne justifie aucunement avoir rempli ses obligations légales et réglementaires relatives au suivi à la médecine du travail de Mme [R] alors même qu’il est considéré que la société Majordome Privé était informée de son statut de travailleur handicapé.

Il n’est produit par ailleurs aucun document unique d’évaluation des risques professionnels et il n’est justifié d’aucune action particulière d’information et de formation à la sécurité et pas davantage de mesures visant à prévenir des faits de harcèlement moral.

Le seul fait que l’employeur ait proposé à Mme [R] de la recevoir le 29 mai 2019 à la suite d’un courriel du 28 mai 2019 dans lequel elle s’est plainte de la modification non consentie de ses conditions de travail ne saurait caractériser une mesure suffisante de l’employeur pour considérer qu’il a rempli son obligation de moyens renforcés s’agissant de l’obligation de prévention et de sécurité et ce d’autant qu’il n’est pas justifié de l’issue donnée à cette entrevue.

Mme [R] n’a, en définitive, vu la médecine du travail que les 20 janvier et 18 février 2020 alors même qu’elle était en arrêt maladie continu depuis plusieurs mois à compter du 07 juin 2019 et a été déclarée inapte avec une dispense d’obligation de reclassement eu égard à son état de santé, l’employeur n’ayant accompli véritablement les mesures d’inscription à la médecine du travail que le 08 novembre 2019 après avoir été mis en demeure à ce titre par la salariée le 24 septembre 2019.

Le caractère récent de la création de la société ne saurait avoir dispensé l’employeur de respecter les obligations légales et réglementaires s’agissant de la santé et de la sécurité de sa salariée et ce d’autant plus qu’elle bénéficiait d’un statut particulier de travailleur handicapé avec des obligations spécifiques et renforcées.

Indépendamment du préjudice indemnisant le harcèlement moral à raison de conditions de travail dégradées subies par la salariée, Mme [R] subit incontestablement un préjudice moral distinct tenant au manquement de l’employeur à son obligation de prévention et de sécurité dans l’ensemble de ses composantes, la société Majordome Privé n’ayant pas même inscrit ses salariés à la médecine du travail, dont Mme [R], avant que celle-ci ne sollicite expressément les coordonnées du service de santé au travail auquel elle était rattachée.

Il est alloué par confirmation du jugement entrepris la somme de 2000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité, le surplus de la demande étant rejeté.

Sur la discrimination prohibée à raison de l’état de santé et du handicap’:

Sous couvert d’une demande distincte au titre de la discrimination prohibée à raison de l’état de santé et du handicap, Mme [R] avance en réalité les mêmes éléments de fait que ceux pour partie développés et retenus au titre du harcèlement moral, dont il est rappelé qu’il peut présenter une composante discriminatoire, à savoir la non prise en compte de son statut de travailleur handicapé par son employeur.

L’indemnisation du préjudice à raison du harcèlement discriminatoire est d’ores et déjà incluse dans celle réparant le préjudice subi du fait des agissements de harcèlement moral.

La demande de ce chef est dès lors rejetée par confirmation du jugement entrepris mais par substitution de motifs.

Sur le licenciement’:

Au visa de l’article L 1152-3 du code du travail, le licenciement pour inaptitude notifié par lettre du 18 mai 2020 procède incontestablement au moins en partie des agissements de harcèlement moral subis par la salariée, y compris dans leur dimension discriminatoire, dès lors que c’est en particulier à la suite d’une modification imposée par l’employeur à la salariée d’une partie essentielle et substantielle de ses missions avec un changement de poste et le retrait de fonctions les plus représentatives du poste de chargée de clientèle que les relations entre les parties se sont notablement dégradées au point qu’un mois après Mme [R] a été en arrêt maladie de manière continue jusqu’à sa déclaration d’inaptitude définitive au poste à l’issue des visites des 20 janvier et 18 février 2020 avec une dispense de reclassement décidée par le médecin du travail eu égard à l’état de santé de la salariée.

Il convient en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de déclarer nul le licenciement notifié par lettre du 18 mai 2020 par la société Majordome Privé à Mme [R].

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail’:

Premièrement, dès lors que le licenciement est nul, Mme [R] a droit à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 2086,24 euros bruts, outre 208,62 euros bruts au titre des congés payés afférents, l’appelante prenant en compte de manière erronée un salaire à temps plein, étant observé qu’elle peut à juste titre se prévaloir des dispositions de l’article L 5213-9 du code du travail eu égard à son statut de travailleur handicapé.

Deuxièmement, dès lors qu’il n’est pas fait droit à la demande de requalification du temps partiel en temps plein, Mme [R] est déboutée de sa demande de reliquat d’indemnité de licenciement.

Troisièmement, au visa de l’article L 1235-3-1 du code du travail, au jour de son licenciement nul, Mme [R] avait 2 ans d’ancienneté préavis compris non effectué et un salaire de 1043,12 euros bruts.

Elle justifie du fait qu’elle a toujours le statut de travailleur handicapé, avoir bénéficié au 31 mars 2021 de 270 allocations journalières d’ARE suite à son licenciement et être en contrat d’apprentissage depuis le 06 septembre 2021.

Au vu de ces éléments, il convient de condamner la société Majordome Privé à payer à Mme [R] la somme de 7300 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et de la débouter du surplus de ses prétentions de ce chef.

Sur les demandes accessoires’:

L’équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à Mme [R] une indemnité de procédure de 1200 euros et de lui accorder une indemnité complémentaire de 1000 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société Majordome Privé, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS’;

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi’;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a’débouté Mme [R] de sa demande de requalification du temps partiel en temps plein, des demandes de rappels de salaire afférentes et en ce qu’il a condamné la SARL Majordome Privé à payer à Mme [M] [R] les sommes suivantes :

– 2 000 € (deux mille euros) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et de sécurité’;

Ladite somme avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

– 1 200 € (mille deux cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE nul le licenciement notifié par la société Majordome Privé par lettre du 18 mai 2020 à Mme [R]

CONDAMNE la société Majordome Privé à payer à Mme [R] les sommes suivantes’:

– trois mille euros (3000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

– sept mille trois cents euros (7300 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

– deux mille quatre-vingt-six euros et vingt-quatre centimes (2086,24 euros) bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– deux cent huit euros et soixante-deux centimes (208,62 euros) bruts au titre des congés payés afférents

DÉBOUTE Mme [R] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE la société Majordome Privé à payer à Mme [R] une indemnité complémentaire de procédure de 1000 euros

REJETTE le surplus des prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Majordome Privé aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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