Sous-location : 7 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/13795

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Sous-location : 7 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/13795
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 07 AVRIL 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/13795 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGG3Z

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mars 2022 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 19/59598

APPELANTE

Mme [Z] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Mohand MAAMOURI de la SELASU AVOCAT 777, avocat au barreau de PARIS, toque : E1740

INTIMEE

VILLE DE [Localité 3] représentée par la Maire de [Localité 3], Madame [P] [F],

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 mars 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président et Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Mme [V] est propriétaire d’un appartement situé [Adresse 2] (Bâtiment A, étage 2 couloir à droite, 1ère porte à gauche, lot n°7).

Par acte du 4 octobre 2019, la ville de [Localité 3] l’a assignée en la forme des référés devant le tribunal de grande instance de Paris – devenu tribunal judiciaire de Paris -, pour obtenir sa condamnation au paiement d’une amende civile, sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, pour avoir loué son logement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage.

Par ordonnance en la forme des référés du 2 mars 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris a :

condamné Mme [V] à payer une amende civile de 16.000 euros, dont le produit sera versé à la ville de [Localité 3] ;

condamné Mme [V] à payer à la ville de [Localité 3] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeté le surplus des demandes ;

condamné Mme [V] aux dépens.

Par déclaration du 19 juillet 2022, Mme [V] a interjeté appel de cette décision en limitant son appel « aux chefs de jugement expressément critiqués », sans énoncer ces chefs de dispositif.

Dans ses conclusions remises et notifiées le 15 septembre 2022, elle demande à la cour de :

infirmer l’ordonnance entreprise ;

statuant à nouveau,

rejeter l’intégralité des demandes de la ville de [Localité 3] à son encontre ;

à titre principal,

juger que les captures d’écran constatées par le contrôleur de la ville de [Localité 3] sur le procès-verbal du 5 mars 2019 n’ont pas de valeur probatoire suffisante ;

juger que le procès-verbal de constat établi le 5 mars 2019 par le contrôleur de la ville de [Localité 3] ne respecte pas la norme Afnor NF Z67-147 de septembre 2010 ;

à titre subsidiaire,

juger qu’elle s’est comportée de bonne foi en cessant par le biais du site Airbnb toute location de son appartement à la suite de la réception de la mise en demeure de la ville de [Localité 3], en déclarant à l’administration fiscale les revenus perçus de la location meublée touristique et par la remise en bail normal du local objet de l’assignation ;

la condamner à la somme de un euro à titre d’amende civile ;

en tout état de cause,

juger que l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et débouter en conséquence la ville de [Localité 3] de sa demande de condamnation à ce titre.

Dans ses conclusions remises et notifiées le 28 septembre 2022, comportant un appel incident, la ville de [Localité 3] demande à la cour de :

statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel de Mme [V] ;

la juger recevable et bien fondée en son appel incident ;

confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

condamné Mme [V] à payer une amende civile dont le produit lui sera versé ;

condamné Mme [V] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeté le surplus des demandes ;

condamné Mme [V] aux dépens ;

infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a fixé à 16.000 euros le quantum de l’amende ; statuant à nouveau,

condamner Mme [V] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende lui sera intégralement versé, conformément aux dispositions de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

en tout état de cause,

débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes ;

condamner Mme [V] à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [V] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023 et a été révoquée le 23 février 2023, l’appelante étant invitée à présenter ses observations sur l’effet dévolutif de la déclaration d’appel, celle-ci ne mentionnant pas les chefs critiqués de l’ordonnance entreprise.

Aucune des parties n’a présenté d’observations sur l’effet dévolutif de l’appel.

Une nouvelle clôture a été prononcée le 1er mars 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR,

Sur l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel

La cour a soulevé l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel qui ne vise pas les chefs critiqués de l’ordonnance frappée d’appel.

Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

L’article 901, 4°, du code de procédure civile prévoit que la déclaration d’appel contient, à peine de nullité, les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité.

Il résulte de ces textes que seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement et que, lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas. La déclaration d’appel affectée de ce vice de forme peut toutefois être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié).

En l’espèce, la déclaration d’appel est ainsi rédigée : « Objet/Portée de l’appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués ».

Les chefs de dispositif expressément critiqués ne sont pas mentionnés et aucune annexe n’est jointe, de sorte que la déclaration d’appel n’emporte aucun effet dévolutif.

Elle n’a pas été régularisée par une nouvelle déclaration d’appel dans le délai imparti pour la remise au greffe des premières conclusions, conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

L’appelante n’a présenté aucune observation sur cette absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel soulevée par la cour.

La cour d’appel n’est donc saisie d’aucune demande par l’appel principal.

Sur l’appel incident

La ville de [Localité 3] a formé un appel incident le 28 septembre 2022, dans le délai imparti à l’article 905-2 du code de procédure civile, en demandant l’infirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a fixé le quantum de l’amende civile à 16.000 euros.

L’appel incident défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique en application de l’article 562 du code de procédure civile. Il dispose donc d’un effet dévolutif propre, la cour restant saisie et l’instance n’étant pas éteinte même si l’appel principal est dépourvu d’effet dévolutif.

En l’espèce, la déclaration d’appel principal, à défaut d’annulation, a introduit une instance d’appel sur laquelle un appel incident a pu valablement se greffer, avec un effet dévolutif autonome.

L’appel incident de la ville de [Localité 3] a en conséquence un effet dévolutif propre, limité aux chefs expressément critiqués.

Il en résulte que la cour n’est saisie, par l’appel incident, que de la demande d’infirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné Mme [V] à payer une amende civile limitée à 16.000 euros, sans que le principe même de l’amende ne puisse plus être critiqué.

La ville de [Localité 3] soutient que l’activité illicite a généré pour Mme [V] d’importants revenus, les simulations opérées par le contrôleur faisant apparaître que le logement est loué en moyenne 55 euros par nuit, soit pour 30 nuits (avec un taux moyen d’occupation de 75 %) un montant de 1.237 euros pour une surface de 10 m², alors que le loyer de référence dans ce quartier pour un local d’habitation est de 607 euros.

Elle considère que le gain illégal est de 11.880 euros depuis le 1er septembre 2017 jusqu’au 28 février 2019 et ajoute que le montant de la compensation nécessaire pour obtenir l’autorisation de changement d’usage du local d’habitation et pouvoir exercer une activité d’hébergement hôtelier est de 15.000 euros.

Les faits étant établis, elle demande une amende civile de 50.000 euros, le montant fixé par le président du tribunal judiciaire n’étant pas suffisamment dissuasif.

De son côté, Mme [V] demande la réduction du montant de l’amende en arguant de sa bonne foi, de la cessation immédiate de l’infraction lorsqu’elle a eu connaissance du caractère illégal de la location en Airbnb et de la régularisation immédiate de la situation en consentant des baux meublés.

Mais, ainsi que l’a justement relevé le premier juge, Mme [V] ne peut invoquer son ignorance de la réglementation relative aux locations de meublé touristique alors que son local a fait l’objet d’une déclaration en ligne de location meublée le 2 octobre 2017, lors de laquelle elle a été informée des dispositions légales en vigueur.

Elle prétend avoir déclaré tous les revenus provenant de la location meublée à l’administration fiscale mais ne justifie que d’une déclaration des revenus perçus au titre des années 2018 (10.347 euros) et 2020 (4.400 euros), son avis d’imposition 2020 sur le revenu de 2019 n’étant pas produit. Ainsi, il résulte d’un courriel adressé par la direction générale des finances publiques à la ville de [Localité 3] le 25 février 2019 qu’à cette date, elle n’avait déclaré « aucun revenu, qu’il soit locatif ou pas ».

Enfin, elle n’a pas immédiatement régularisé sa situation puisqu’elle n’a consenti des baux d’habitation sur le local qu’à compter de janvier 2020, soit près d’un an après la lettre de la ville de [Localité 3] du 8 février 2019 l’avisant du constat d’infraction.

En conséquence, c’est par une juste appréciation de la gravité de l’infraction commise, de sa durée (de septembre 2017 à février 2019), des réservations constatées (137 voyageurs ont laissé des commentaires au 5 mars 2019), des revenus tirés des locations illicites (11.880 euros selon la ville de [Localité 3] et 14.747 euros selon Mme [V] au titre des seules années 2018 et 2020) et de l’absence de bonne foi de Mme [V] que le premier juge a fixé l’amende à la somme de 16.000 euros.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée du chef dont il a été fait appel.

Sur les frais et dépens

Mme [V], partie perdante, sera tenue aux dépens et condamnée à indemniser la ville de [Localité 3] des frais qu’elle a de nouveau été contrainte d’exposer, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur de la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Constate que la déclaration d’appel formée le 19 juillet 2022 par Mme [V] est privée d’effet dévolutif ;

Constate que la cour est saisie de l’appel incident formé par la ville de [Localité 3] ;

Confirme l’ordonnance entreprise du chef dont il a été fait appel incident ;

Condamne Mme [V] aux dépens d’appel ;

La condamne à payer à la ville de [Localité 3] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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