Sous-location : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02494

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Sous-location : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02494
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 06 OCTOBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02494 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFFKM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Janvier 2022 -Président du TJ de PARIS – RG n° 21/50149

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 2], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 2], Mme [V] [S], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

INTIMES

M. [W] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Mme [U] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentés par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231

Assistés par Me Marie-emily VAUCANSON, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 554

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 août 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par exploit en date du 2 décembre 2020, la Ville de [Localité 2] prise en la personne de Mme la Maire de [Localité 2] a fait assigner M. [W] [D] et Mme [U] [M] devant le Président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé [Adresse 1] à [Localité 2] (5ème étage, lot n°17).

Le Président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 2] dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 2] sur le changement d’usage est conforme à la réglementation européenne.

Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la Ville de [Localité 2] demandait de voir :

‘ débouter M. [D] et Mme [M] de l’intégralité de leurs moyens, fins et conclusions,

‘ condamner in solidum M. [D] et Mme [M] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de [Localité 2] conformément à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation,

‘ ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation du [Adresse 1] à [Localité 2] (5ème étage, lot n°17), sous astreinte de 220 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et pendant le délai qu’il plaira à Mme ou M. le Président de fixer,

‘ se réserver la liquidation de l’astreinte,

‘ condamner in solidum M. [D] et Mme [M] à une amende civile de 10.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de [Localité 2] conformément à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme,

‘ condamner M. [D] et Mme [M] au paiement chacun de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

En réplique, les défendeurs demandaient le rejet des demandes, subsidiairement une application modérée et proportionnée de la loi, la condamnation de la ville à leur verser 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement contradictoire du 03 janvier 2022, le magistrat saisi a :

– débouté la Ville de [Localité 2] de sa demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

– débouté la Ville de [Localité 2] de sa demande de retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 1] à [Localité 2] (5ème étage, lot n°17) ;

– ordonné un sursis à statuer sur la demande de la Ville de [Localité 2] fondée sur les dispositions de l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme jusqu’à la décision définitive sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise le 29 octobre 2021 ;

– ordonné un sursis à statuer sur les demandes portant sur les frais irrépétibles et les dépens ;

– dit qu’à l’expiration du sursis, l’instance sera poursuivie à l’initiative de la partie la plus diligente.

Par déclaration du 31 janvier 2022, la Ville de [Localité 2] a relevé appel de la décision en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation et déboutée de sa demande de retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 1] à [Localité 2] (5ème étage, lot n°17).

Dans ses conclusions remises le 21 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 2] demande à la cour, au visa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation et de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation modifiée par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation de M. [D] et Mme [M] à payer la somme de 50.000 euros à titre d’amende civile ainsi que le retour à l’habitation sous astreinte ;

et statuant à nouveau,

– dire et juger que M. [D] et Mme [M] ont commis une infraction aux dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation en louant pour de courtes durées l’appartement situé [Adresse 1] à [Localité 2] (5ème étage, lot n°17) ;

– condamner in solidum M. [D] et Mme [M] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende lui sera intégralement versé conformément à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

– ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation du [Adresse 1] à [Localité 2] (5ème étage, lot n°17), sous astreinte de 220 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et pendant le délai qu’il plaira à la Cour de fixer ;

– condamner M. [D] et Mme [M] au paiement chacun de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de première instance et d’appel ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvert ainsi qu’il est dit à l’article 699 du code de procédure civile par Me Bruno Mathieu, avocat.

La Ville de [Localité 2] soutient en substance :

– qu’une infraction a été constatée quant à l’usage d’un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 2] (5ème étage, lot n°17), d’une surface de 20m² et que M. [D] et Mme [M] sont propriétaires indivis de ce bien ;

– que le bien litigieux n’est pas utilisé à usage d’habitation principale contrairement aux affirmations des intimés ;

– que la plate-forme airbnb a, en effet, transmis le décompte des nuitées sur ce bien en 2018 et 2019 et que le local litigieux a été loué pour 324 nuitées en 2018 et 294 nuitées en 2019 ;

– que les services de la ville de [Localité 2] estiment que les revenus perçus entre février 2014 et avril 2020 seraient de l’ordre de 159.840 euros ;

– qu’il sera par conséquent demandé une condamnation à payer la somme de 50.000 euros ;

– qu’il convient d’obtenir également la cessation de l’infraction en ordonnant le retour à l’habitation sous astreinte.

Dans leurs conclusions remises le 20 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [D] et Mme [M] demandent à la cour, au visa des articles L. 324-1-1, L. 324-2-1, D. 324-1-1 du code du tourisme, 1353 du code civil, L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, de :

– les accueillir en leurs demandes, fins et conclusions, les en dire bien fondés, y faire droit ;

par conséquent,

à titre principal,

– confirmer le jugement de première instance dans toutes ses dispositions ;

– constater qu’ils ont bien leur résidence principale au [Adresse 1] à [Localité 2] et justifient d’obligations professionnelles et raisons de santé autorisant une dérogation à la limite de 120 jours par an ;

– débouter la Ville de [Localité 2] de sa demande de condamnation sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

à titre subsidiaire,

– faire une application modérée et proportionnée de la loi ;

en tout état de cause,

– débouter la Ville de [Localité 2] de sa demande de « retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation », sous astreinte, sans objet ;

– condamner la Ville de [Localité 2] à leur verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

– débouter la Ville de [Localité 2] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

M. [D] et Mme [M] soutiennent en substance :

– qu’il n’est pas contesté que la résidence des intimés est à usage d’habitation ;

– que toutefois, elle constitue leur résidence principale, sans qu’ils ne soient dans l’obligation d’établir une occupation effective de 8 mois par an, en raison de leurs obligations professionnelles et pour raison de santé ;

– que dès lors, l’autorisation de changement d’usage n’est pas requise, l’infraction visée par la ville de [Localité 2] n’est pas caractérisée et la limite de 120 jours par an ne leur est pas applicable ;

– qu’ils démontrent, au regard des pièces produites, que le logement sis [Adresse 1] constitue bien le centre de leurs intérêts matériels, personnels, économiques, administratifs et sociaux ;

– que par ailleurs, ils justifient n’être pas soumis à une obligation d’occupation effective huit mois par an, pour des raisons d’obligations professionnelles pour M. [D] et médicales pour Mme [M] ;

– que si par extraordinaire, la cour devait considérer qu’il incombait aux intimés de solliciter l’autorisation préalable de la mairie de [Localité 2], le montant de l’amende sera soumis à son appréciation à la lumière de l’absence de mise en demeure préalable, de l’absence de revenus locatifs importants que leur prête sans preuve la ville de [Localité 2], de leur bonne foi ;

– qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la suppression de l’annonce et la fixation d’une astreinte.

SUR CE LA COUR

A titre liminaire, il sera rappelé que la cour n’est saisie que de l’éventuelle infraction aux dispositions précitées du code de la construction et de l’habitation, aucun appel n’étant formé s’agissant de la décision en ce qu’elle a statué sur l’infraction de l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme (défaut de transmission du nombre de jours loués).

L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.

Selon l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.

Pour l’application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d’établir :

– l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque dans le cadre de la législation fiscale permettant de préciser l’usage en cause ;

– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 2] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n’apparaît pas voir été respectée dans le cadre de la présente procédure.

En l’espèce, si les intimés ne contestent pas que le bien est à usage d’habitation et qu’il a été loué plus de 120 jours par an, ils font valoir qu’il s’agit de leur résidence principale et qu’ils disposent de motifs leur permettant de justifier que ce logement n’est pas occupé par eux plus de huit mois par an.

Pour rappel sur ce point, en application de l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation, lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L. 631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n’est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

Selon l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation [souligné par la cour].

Enfin, selon l’article R. 823-4 du code de la construction et de l’habitation, sont considérés comme personnes à charge, sous réserve qu’ils vivent habituellement au foyer [souligné par la cour] :

1° Les enfants de moins de vingt et un ans et considérés comme à charge au sens des 1° et 2° de l’article L. 512-3 du code de la sécurité sociale et de l’article L. 823-2 du présent code ;

2° Les ascendants du bénéficiaire ou de son conjoint dont les ressources déterminées dans les conditions prévues aux articles R. 822-3 à R. 822-6 n’excèdent pas le plafond individuel prévu à l’article L. 815-9 du code de la sécurité sociale, en vigueur au 31 décembre de l’année de référence multiplié par 1,25 :

a) Ayant au moins l’âge prévu par le 1° de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ou, s’ils sont titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, soixante-cinq ans ;

b) Ayant au moins l’âge prévu par l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale et bénéficiaires des articles L. 161-19, L. 351-8 ou L. 643-3 du même code ;

3° Les ascendants, descendants ou collatéraux au deuxième ou au troisième degré du bénéficiaire ou de son conjoint dont l’incapacité permanente est au moins égale à 80 % ou qui présentent, compte tenu de leur handicap, une restriction substantielle et durable dans l’accès à l’emploi au sens de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale reconnue par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées prévue par l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles, et dont les ressources déterminées dans les conditions prévues aux articles R. 822-3 à R. 822-6 n’excèdent pas le plafond individuel prévu à l’article L.815-9 du code de la sécurité sociale en vigueur au 31 décembre de l’année de référence multiplié par 1,25.

M. [D] et Mme [M] font valoir des raisons de santé et des motifs professionnels pour justifier de la légalité des locations de courte durée.

Il sera relevé, s’agissant en premier lieu des raisons de santé :

– que la mère de Mme [M], dont il est fait état de ce qu’elle souffre d’un trouble de type bipolaire très invalidant, habite [Localité 5], et non [Localité 2], de sorte qu’elle n’est pas une personne à charge au sens des dispositions précitées puisque ne vivant pas habituellement à [Localité 2] ;

– que, de même, le fils du couple, [L], qui souffre d’une maladie du neurodéveloppement et est scolarisé, comme les deux autres enfants du couple, à [Localité 5], est domicilié chez les grands-parents, habitant la même commune, n’étant dès lors pas non plus une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation comme n’habitant pas à [Localité 2] ;

– que ni M. [D] ni Mme [M] ne font état, les concernant, de raisons de santé qui justifieraient qu’ils ne résident pas à [Localité 2] ;

– que, dans ces conditions, la dérogation alléguée sur ce point n’est pas établie.

En ce qui concerne, en second lieu, les motifs professionnels, il faut constater :

– que M. [D] indique que des contraintes professionnelles l’empêchent de résider à [Localité 2] plus de huit mois par an ;

– qu’il indique à cet égard qu’entre 2014 et 2019, il a passé 1.787 nuitées sur 2.191 à l’étranger, à raison de ses activités de consultant (pièces 1 à 1-8), justifiant aussi des contrats exécutés à l’étranger (pièces 10, 11, 12 et 14) ;

– que pour autant, comme l’indique la Ville de [Localité 2], il convient à tout le moins que M. [D] justifie habiter dans le logement alors qu’il n’est pas l’étranger, étant rappelé que Mme [M] et ses trois enfants résident à [Localité 5] ;

– que, sur ce point, l’intimé se limite à faire état des courriers reçus à cette adresse, outre le fait qu’il a récupéré l’assignation, sans toutefois justifier aucunement avoir résidé de manière effective à cette adresse (attestations de voisins, activités à [Localité 2], …) ;

– que les circonstances que les locations airbnb se soient arrêtées durant le confinement, que du courrier soit reçu à [Localité 2] ou encore que les intimés participent à la gestion de la copropriété n’établissent en rien une quelconque occupation du bien ;

– qu’il faut en outre rappeler que le bien a été loué durant la très grande majorité du temps, à savoir 324 nuitées en 2018 et 294 en 2019, sans que ne soit établie une quelconque correspondance entre les locations touristiques et les absences de M. [D], dont au demeurant toute la famille réside à [Localité 5] ;

– qu’enfin, c’est en vain que les intimés indiquent que la mention suivante dans le procès-verbal de la ville, à savoir “les propriétaires ne respectent pas la réglementation qui les autorise à louer leur résidence principale à hauteur de 120 jours par an”, induirait que la commune aurait reconnu qu’il s’agissait de leur résidence principale, alors que le caractère de résidence principale dépend de l’occupation effective du logement, à examiner par la juridiction saisie, l’agent ayant simplement relevé le non-respect de la réglementation.

Dans ces conditions, nonobstant leurs déclarations, les documents d’ordre fiscal ou les pièces relatives à la gestion de la copropriété, les intimés n’établissent pas qu’ils disposent de motifs justifiant de résider moins de huit mois dans ce qu’ils déclarent être leur résidence principale, alors que les motifs de santé ne concernent pas des personnes à charge au sens du code de la construction et de l’habitation et que M. [D] ne justifie en rien avoir résidé dans un logement loué comme meublé touristique pour la plus grande partie de l’année, ce pour les périodes où il n’était pas à l’étranger.

L’usage d’habitation du logement n’étant pas contesté, ni la location répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile (pour appel au regard des relevés 324 nuitées en 2018 et 294 en 2019), l’infraction est caractérisée en tous ses éléments.

Concernant le quantum de l’amende, il y a lieu de rappeler le caractère d’intérêt général de la législation, l’objectif étant de lutter contre les difficultés de logement à [Localité 2].

Si les intimés ont déclaré en 2018 18.371 euros au titre des bénéfices, la fiche financière (pièce 3) produite par la ville établit :

– que le logement est loué 96 euros par nuit ;

– que, pour un taux d’occupation de 75 %, la recette mensuelle est ainsi de 2.160 euros, soit, pour la période entre février 2014 et avril 2020 (74 mois) des gains de 159.840 euros ;

– qu’en référence à la réglementation sur l’encadrement des loyers, le loyer mensuel aurait été de 566 euros, de sorte que, pour la période en cause, le gain licite aurait été de 41.884 euros, le profit illicite pouvant ainsi être estimé à 117.956 euros ;

– que le montant de la compensation aurait été de 28.000 euros.

Les intimés ne peuvent être suivis lorsqu’ils estiment que la part de profit ne serait que de 12.280,97 euros, leur calcul étant fondé sur le fait que leur bien pourrait être qualifié de résidence principale avec possibilité de le louer 120 jours, ce que la cour n’a pas retenu.

Ils allèguent aussi, sans justifier plus précisément leurs dires sur ce point, que le calcul des profits ne pourrait partir qu’à compter de décembre 2015 pour cause de prescription, étant observé en toute hypothèse que, même en prenant en compte cette durée de 53 mois et au regard des éléments produits par la ville, le gain illicite s’établirait à (2.160 X 53) – (566 X 53), soit 84.482 euros.

Ils n’apportent par ailleurs aucune précision sur leur situation personnelle, se limitant à faire état de frais de déplacement et de frais liés à l’état de santé de leurs fils, sans autre détail ni justificatif.

La Ville de [Localité 2] leur a par ailleurs adressé un courrier en communication du 21 février 2020, même s’ils ne l’ont pas réceptionné, étant aussi observé que les contestations sur les relevés airbnb, au motif que certaines locations auraient pu être annulées, ne sont pas caractérisées.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, par infirmation de la décision, l’amende civile à régler par les intimés sera fixée à la somme de 50.000 euros, la cour ordonnant en outre le retour à l’habitation dans les conditions indiquées au dispositif, aucun élément n’étant produit sur ce point par les intimés qui ne peuvent arguer qu’il s’agirait de leur résidence principale au sens du code de la construction et de l’habitation.

L’ordonnance entreprise sera confirmée sur le sort des dépens et frais de première instance exactement réglé par le premier juge qui a pour rappel prononcé un sursis à statuer sur l’infraction au code du tourisme.

A hauteur d’appel, les intimés in solidum devront indemniser la Ville de [Localité 2] pour les frais non répétibles et seront condamnés aux dépens d’appel, dans les conditions indiquées au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise sur le sort des frais et dépens de première instance ;

Infirme l’ordonnance au surplus en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [W] [D] et à Mme [U] [M] à payer une amende civile de 50.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 2], sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

Ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation du [Adresse 1] à [Localité 2] (5ème étage, lot 17), sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision pour une durée maximale de douze mois ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [W] [D] et Mme [U] [M] à payer à la Ville de [Localité 2] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;

Condamne in solidum M. [W] [D] et Mme [U] [M] aux dépens d’appel dont distraction au profit de Me Bruno Mathieu, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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