Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 05 NOVEMBRE 2019
N°2019/238
N° RG 18/01338 –
N° Portalis DBVB-V-B7C-BB2OX
[R] [X]
C/
[P] [U]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Mina SARWARY
SELARL GONZALEZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d’Instance d’ANTIBES en date du 18 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 11/17/0573.
APPELANT
Monsieur [R] [X]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean françois GONZALEZ de la SELARL GONZALEZ, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Eliane ADOUL, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
Mademoiselle [P] [U]
née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Mina SARWARY, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Septembre 2019 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe COULANGE, Président, et Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.
Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président,
Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller
Madame Laurence DEPARIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2019.
Signé par Monsieur Philippe COULANGE, Conseiller et Madame Marcy FEDJAKH, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :
Suivant acte du 6 janvier 2012, la SCI Performance a donné à usage d’habitation à Madame [P] [U] un logement de 40,62m² composé d’un hall, une cuisine, un séjour, une salle d’eau avec WC au 1er niveau et au second étage une chambre avec WC et lavabo, dans un immeuble situé [Adresse 2] moyennant un loyer de 630€ par mois.
Par ordonnance de référé du 21 avril 2015, Madame [U] a été autorisée à consigner les loyers à compter du 1er mai 2015 jusqu’à réalisation des travaux nécessaires dans le logement loué.
Par jugement du 4 février 2016, le tribunal d’instance d’Antibes a diminué le loyer pour le fixer à la somme mensuelle de 530€, autorisé la locataire à consigner les loyers jusqu’à la réalisation des travaux de remise en état et condamné la bailleresse à lui régler la somme de 5 000€ au titre de son préjudice matériel et 1 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 22 avril 2016, Monsieur [R] [X] a acquis le logement litigieux.
Par jugement du 1er juin 2017, le tribunal d’instance a ordonné le déblocage des fonds consignés, dit que la locataire devait verser au bailleur le loyer mensuel fixé à 530€ et 60€ de provisions sur charges à compter du 1er juin 2017, 372€ au titre de l’arrièré locatif et a rejeté le surplus des demandes.
Madame [U] a relevé appel partiel de cette décision.
Par arrêt du 17 mai 2018, la cour d’appel d’Aix en Provence a infirmé le jugement du chef des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et a condamné Monsieur [X] à payer à Madame [U] la somme de 4 000€ au titre du préjudice de jouissance et l’a débouté du surplus de ses demandes.
Par jugement contradictoire du 18 janvier 2018, le tribunal d’instance d’Antibes a déclaré nul le congé pour vente délivré à la requête du bailleur le 19 juin 2017 et l’a condamné à payer à la locataire la somme de 1 000€ à titre de dommages et intérêts et 800€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a considéré que le congé pour vente mentionnant un prix de 235 000€ pour un appartement de 40,62m² est frauduleux eu égard au prix excessif par rapport à ceux du marché et à l’absence de diligence effectuée par le bailleur pour aboutir à une vente.
Le 30 mars 2017, Monsieur [X] a interjeté régulièrement appel de ce jugement.
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 31 mai 2019, il demande à la cour au visa des articles de la loi du 6 juillet 1989, 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile de :
* débouter Madame [U] de sa demande de radiation de l’appel, de le déclarer recevable,
* infirmer le jugement entrepris,
* dire et juger le congé délivré le 19 juin 2017 régulier et déclarer Madame [U] occupante sans droit ni titre depuis le 31 janvier 2018,
* ordonner son expulsion et ce sous astreinte de la somme de 100€ par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,
* la condamner à payer une indemnité d’occupation de 530€ par mois outre 60€ de charge,
* la condamner à lui payer la somme de 15 000€ à titre de dommages et intérêts, 2 000€ sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile et 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens.
Il fait valoir qu’il a exécuté la décision de première instance et qu’en tout état de cause, la demande de radiation devait être présentée devant le conseiller de la mise en état et non devant la cour ;
Il expose que le bien a été mis en vente à la somme de 235 000€ conformément à l’évaluation immobilière réalisée par Monsieur [O], expert, qui a repris les prix pratiqués dans le voisinage et les prix du fichier Immobilier Perval auquel les notaires ont recours, qu’il a par ailleurs déjà pu vendre 4 appartements situés dans le même immeuble à des prix similaires courant 2017 démontrant que le prix proposé est fondé, que même à retenir la superficie proposée par la locataire de 38m² alors que le logement offre en fait une surface de 39,55m², le prix proposé reste inférieur au prix du marché.
Il justifie avoir donné mandat à une agence immobilière pour vendre le bien le 27 juin 2017, qu’il a été informé des difficultés à faire procéder à des visites en raison de l’opposition de la locataire, qu’il produit des annonces immobilières diffusées dans la presse locale pour des biens similaires avec un prix comparable, que Madame [U] produit des attestations de complaisance qui ne correspondent pas à la réalité du marché, qu’il communique également des attestations de vente d’études notariales qui prouvent que le prix proposé est sérieux et non pas frauduleux.
Il s’oppose aux conclusions de la locataire, en indiquant qu’elle insère des photographies anciennes des parties communes, entièrement rénovées depuis ainsi qu’il en justifie, que Madame [U], professionnelle de l’immobilier, décrit de façon très élogieuse les lieux dans les annonces sur le site AirBnB pour louer le bien, qu’il produit des attestations notamment d’acquéreurs des biens mentionnant le parfait état des parties communes, que tous les appartements ont été vendus au prix proposé à l’exception de celui de Madame [U].
Par conclusions du 19 avril 2019, Madame [U] demande à la cour au visa de la loi du 6 juillet 1989, de :
* procéder à la radiation de l’affaire du rôle en raison de l’absence d’exécution de la décision de première instance nonobstant l’exécution provisoire prononcée,
*confirmer le jugement en ce qu’il a annulé le congé pour vendre,
* le réformer sur la demande de dommages et intérêts et lui octroyer la somme de 15 000€ à ce titre, 2 000€ en application des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile et 4 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile
* condamner Monsieur [X] aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Sarwary.
Elle expose que Monsieur [X] condamné à lui verser la somme de 1 800€ n’a versé que 1 700€ qu’il n’a donc pas exécuté la décision de première instance et que dès lors, il convient de procéder à la radiation de l’affaire ;
Elle fait valoir que la surface de l’appartement mentionnée de 40,62m² dans le bail n’est que de 38,59m² selon le mesurage loi Carrez, qu’elle produit un avis de valeur établi par Monsieur [W] et un second établi par le cabinet ‘Mathelea concept’ qui évaluent le bien entre 150 000 et 170 000€ pour le premier et 160 000€ et 170 000€ pour le second, que Monsieur [X] se base sur des références qui offrent des prestations nettement supérieures à celles du bien loué, (piscine ou terrasse) ou des biens entièrement rénovés alors que tel n’est pas le cas du bien litigieux, qu’enfin son bien ne présente pas une vue dégagée sur la rue [Adresse 3] mais sur l’arrière du bâtiment.
Elle soutient que le congé pour vente intervient le 19 juin 2017 soit quelques jours après le jugement du 1er juin 2017 refusant de constater la résiliation pour défaut de paiement, démontrant ainsi que le bailleur était animé d’une volonté de l’expulser par tout moyen.
Elle souligne que les mandats de vente produits concernent les autres appartements mais pas le sien, que le mandat concernant son appartement n’a été communiqué qu’en mars 2018 et ne mentionne pas sa présence dans les lieux, que l’agence fait état de l’opposition de la locataire aux visites d’éventuels acheteurs mais sans en justifier, qu’elle n’a reçu aucun appel en ce sens.
Elle critique l’expertise immobilière qui a été faite sur l’immeuble pris dans sa globalité et non pour chaque appartement, que les affirmations concernant la mise en location sur le site AirBnB sont fallacieuses car elles ne correspondent pas à son offre mais à celle d’un appartement voisin, qu’il s’agit d’un montage.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2019.
Sur ce :
Attendu que l’intimée sollicite la radiation de l’affaire du rôle sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile au motif que l’appelant n’a pas exécuté la décision de première instance, nonobstant l’exécution provisoire dont elle est assortie ;
Attendu cependant que seul le premier président ou le conseiller de la mise en état, à l’exclusion de la juridiction d’appel elle -même, peut procéder à cette radiation, qu’il convient de rejeter cette demande qui excède les pouvoirs de la cour d’appel ;
Attendu que les parties sont en l’état d’un congé pour vendre délivré le 19 juin 2017 par Monsieur [X] avec effet au 31 janvier 2018 moyennant un prix de 235 000€ ;
Attendu qu’il appartient au juge de rechercher si le congé n’a pas été délivré frauduleusement, que si la loi n’impose pas au juge une étude de marché ou un recours à une expertise pour connaître la valeur réelle du bien et vérifier son adéquation avec le prix proposé, la surestimation est sanctionnée lorsqu’elle est faite volontairement dans l’intention évidente de dissuader le locataire d’exercer son droit de préemption ;
Attendu que par acte du 22 avril 2016, Monsieur [X] a acquis de la société Performance un ensemble immobilier situé [Adresse 2] élevé sur trois étages composé notamment d’un lot n° [Cadastre 1] situé au 3ième étage comportant au 1er niveau un hall, une cuisine, un séjour et une salle d’eaux et au second niveau des combles aménagés en une chambre avec une salle d’eau, que le bail souscrit le 6 janvier 2012 par Madame [U] fait référence à un appartement situé au 3ième étage avec une description des lieux correspondant au lot n° [Cadastre 1] ;
Attendu qu’en janvier 2016, Monsieur [X] a mandaté Monsieur [O], expert, afin que ce dernier procède à l’évaluation de ce bien, que ce dernier a évalué le prix de vente des appartements situés dans les vieux quartiers d'[Localité 3] entre 4 000€ et 7 500€ le m² en fonction des prestations offertes, qu’il conclut à une valeur entre 5 800€ le m² et 6 500€ le m² dans l’immeuble litigieux si des travaux de rénovation des parties communes sont entrepris ;
Attendu que le 17 janvier 2017, l’Agence immobilière du ‘[Localité 4] ‘ évaluait le bien litigieux à la somme de 235 000€ et que le 27 juin 2017, Monsieur [X] lui confiait un mandat de vente n° 926 de ce bien moyennant un prix de 246 750€, commission d’agence inclus, que Monsieur [X] produit des lettres en date du 28 juillet et 12 septembre 2017 faisant état de difficultés pour le mandataire à procéder aux visites en raison d’une difficulté de communication avec la locataire en place ;
Attendu que Maître [X], notaire, atteste que le 14 décembre 2016, Monsieur [X] a vendu les lots [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] situés dans l’immeuble du [Adresse 2], que l’appartement constituant le lot n° [Cadastre 2] composé d’un séjour cuisine, d’une salle d’eau et deux chambres pour une surface de 46m² a été acquis pour un prix de 380 000€, celui constituant le lot n°[Cadastre 4] composé d’un séjour-cuisine, d’une salle d’eau, une salle de bains et de deux chambres pour une surface de 53m² pour un prix de 380 000€ et enfin le lot n°[Cadastre 5] composé d’un séjour-cuisine une salle d’eau et deux chambres pour une surface de 46m² pour un prix de 348 600€ ; que le prix moyen de vente au m² est de 7 669€ soit un prix de 291 422€ pour l’appartement de l’intimée ;
Attendu que Monsieur [P], propriétaire d’un appartement situé au rez de chaussée du [Adresse 2], atteste de la réalisation de travaux de réfection des parties communes dans les lieux ;
Attendu qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que Monsieur [X] a acquis l’immeuble situé [Adresse 2] dans le but de procéder à la vente des appartements le composant, qu’il démontre que le prix proposé correspond à celui des locaux similaires situés dans le même immeuble et a permis de trouver acquéreur, que l’offre, qui correspond au prix du marché, n’est pas exorbitante, que l’intention de Monsieur [X] de vendre au meilleur prix en réalisant une plus value après avoir effectué les travaux de remise en état des parties communes, ne caractérise pas l’intention frauduleuse, faute de manoeuvre en ce sens ;
Attendu que le droit d’agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s’estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu’autant que les moyens qui ont été invoqués à l’appui de la demande sont d’une évidence telle qu’un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu’il n’a exercé son action qu’à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui ; qu’en l’espèce, l’appréciation inexacte de ses droits par l’intimée n’est pas constitutive d’une faute ; que s’estimant lésée dans son droit, elle a pu, sans abus, demander à ce qu’il soit statué sur ses demandes ; que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée ;
Attendu qu’il convient d’infirmer la décision du juge de première instance, de valider le congé et ses conséquences de droit et de condamner Madame [U] à payer à Monsieur [X] la somme de 1 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Attendu que concernant l’expulsion des lieux, le recours à la force publique est une mesure coercitive suffisante sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte ;
Attendu que la cour ne relève aucune circonstance de nature à caractériser les circonstances ayant fait dégénérer en faute, l’attitude de Madame [U] ;
Par ces motifs
la cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire
Infirme le jugement de première instance,
Dit que le congé délivré le 19 juin 2017 est valable,
Dit que depuis le 31 janvier 2018 Madame [U] est occupante sans droit ni titre
et ordonne son expulsion des lieux loués ainsi que celle de tous occupants de son chef avec si besoin est, le recours à la force publique,
Fixe l’indemnité d’occupation mensuelle au montant du loyer en cours, charge en sus,
Condamne Madame [U] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle à compter du 31 janvier 2018 jusqu’à son départ effectif des lieux,
La condamne aux entiers dépens y compris ceux de première instance et à la somme de 1 500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT