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4ème Chambre
ARRÊT N° 7
N° RG 21/06858
N° Portalis DBVL-V-B7F-SFL4
BD / FB
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 10 Novembre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTES :
S.A.R.L. ALLOCA
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Céline DEMAY de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.A. AXA FRANCE IARD
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Céline DEMAY de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [P] [W] [K]
née le 30 Mai 1959 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Guillaume PRAT de la SELARL GUILLAUME PRAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Exposé du litige :
Suivant acte notarié en date du 5 mai 2017, Mme [P] [K] a acquis une maison d’habitation située [Adresse 1], dont la construction avait été entreprise par Mme [Y] sur la base d’un permis de construire délivré le 19 décembre 2009.
La construction de cette maison avait été confiée à la société Useo et s’agissant du lot plomberie à M. [M], qui est décédé en cours de chantier.
Par la suite, la société Alloca a procédé à la vérification de l’installation électrique et à l’exécution de travaux électriques complémentaires, prestations facturées le 21 octobre 2015 pour un montant de 2 102,10 euros TTC.
Le 26 janvier 2016, M. [U], intervenant en qualité de maître d’ouvrage suite au décès de Mme [Y] a réceptionné sans réserve, en présence de la société Useo, les travaux objets des factures 3364 du 30 mai 2012 et 4104 du 28 octobre 2015 relatifs au terrassement, gros-oeuvre, menuiseries intérieures et extérieures, charpente et bardage bois enduit et VRD.
La société Alloca a facturé à M. [U] le 17 février 2016 des travaux de plomberie pour un montant de 5 730 euros TTC et des travaux de pose de carrelage et faïence dans la salle d’eau du rez-de-chaussée d’un montant de 677,93 euros TTC. Elle a procédé à la mise en eau de l’installation.
Constatant fin septembre 2017 des dysfonctionnements du ballon d’eau chaude sanitaire de l’habitation, Mme [K] a fait intervenir la société Alloca, laquelle a diagnostiqué une fuite et a émis une facture le 3 octobre 2017 pour recherche de fuite.
Une expertise au titre de la garantie dégâts des eaux de Mme [K] a été réalisée le 11 décembre 2017.
Une nouvelle recherche de fuite a été effectuée le 23 février 2018, ainsi qu’une expertise amiable par le cabinet Mahé Villa.
Par actes d’huissier en date des 18 et 21 septembre 2018, Mme [K] a fait assigner la société Alloca et son assureur Axa France IARD devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, aux fins d’expertise.
Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 22 novembre 2018. L’expert, M. [E] a déposé son rapport le 27 mars 2019.
Par actes d’huissier des 16 et 20 septembre 2019, Mme [K] a fait assigner la société Alloca et son assureur Axa France IARD devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en réparation de ses préjudices.
Par un jugement assorti de l’exécution provisoire en date du 14 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :
– condamné solidairement la société Alloca et la société Axa France IARD à payer à Mme [K] les sommes de :
– 12 636,70 euros TTC, au titre des travaux de réfection de l’ouvrage affecté de désordres de gravité décennale ;
– 235,50 euros TTC au titre de la surconsommation d’eau pour les années 2018 et 2019 ;
– 214,96 euros TTC au titre de la surconsommation d’eau pour les années 2018 et 2019 ;
– 60 euros par mois du 1er octobre 2017 jusqu’au paiement effectif de la somme allouée par le présent jugement au titre des travaux de réfection, en réparation de son préjudice de jouissance ;
– débouté Mme [K] de sa demande au titre du préjudice lié à l’absence de location de l’appartement situé à l’étage de l’habitation de 2017 à 2019 ;
– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;
– condamné in solidum la société Alloca et Axa France IARD aux dépens comprenant les frais d’expertise, ainsi qu’à verser à Mme [K] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Alloca et Axa France IARD ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 février 2021.
Dans leurs dernières conclusions en date du 31 janvier 2022, les sociétés Alloca et Axa France IARD demandent à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– condamné solidairement la société Alloca et la société Axa France IARD à payer à Mme [K] les sommes de :
– 12 636,70 euros TTC, au titre des travaux de réfection de l’ouvrage affecté de désordres de gravité décennale ;
– 235,50 euros TTC au titre de la surconsommation d’eau pour les années 2018 et 2019 ;
– 214,96 euros TTC au titre de la surconsommation d’eau pour les années 2018 et 2019 ;
– 60 euros par mois du 1er octobre 2017 jusqu’au paiement effectif de la somme allouée par le présent jugement au titre des travaux de réfection, en réparation de son préjudice de jouissance ;
– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;
– condamné in solidum la société Alloca et Axa France IARD aux dépens comprenant les frais d’expertise, ainsi qu’à verser à Mme [K] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Mme [K] de sa demande de préjudice lié à l’absence de location de l’appartement situé à l’étage de l’habitation de 2017 à 2019 ;
Et statuant à nouveau,
– dire et juger qu’aucune faute ne lui est imputable dans la survenance des désordres, ni n’est caractérisée dans l’exécution de sa prestation ;
– débouter purement et simplement Mme [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société Alloca et de son assureur la société Axa France IARD
– condamner Mme [K] à régler à la société Alloca, et à son assureur la société Axa France IARD, la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Les appelantes poursuivent la réformation du jugement qui a retenu la responsabilité décennale de la société Alloca. Elles rappellent que quand la société Alloca est intervenue la construction était achevée à 95% , y compris les travaux de plomberie ; qu’elle a seulement effectué la pose d’équipements sanitaires dissociables afin d’aménager les salles de bains et procédé à la mise en eau, qu’en revanche la distribution d’eau chaude et d’eau froide encastrée dans la dalle avait été effectuée par M. [M].
La société Alloca et son assureur contestent que la première ait repris le marché de M. [M]. Elles soutiennent qu’aucune faute n’est caractérisée dans l’accomplissement de ces travaux limités qui ne sont pas le siège de désordres.
Elles estiment que l’expert a seulement procédé par déduction pour considérer que les fuites étaient localisées sous la dalle du rez de chaussée et trouvaient leur origine dans des piquages sur les canalisations, proscrits par le DTU 65.10.
Elles font observer que le DTU permet les piquages lorsqu’ils sont situés au droit d’un appareil et que l’expert a affirmé que ce n’était pas le cas, sans avoir cependant procédé à des vérifications en ce sens. Elles en déduisent que la preuve de l’origine des désordres n’est pas établie ce d’autant que les fuites peuvent avoir d’autres causes et que l’absence de collecteur ne pouvait dans ces conditions constituer l’indication d’une réalisation non conforme des réseaux.
Les appelantes ajoutent que ne peut être reproché à la société Alloca le non respect de l’avis technique relatif au tube de cuivre de type Wincu, qui n’est pas obligatoire, ce d’autant que le cuivre employé demeure inconnu.
Sans contester la nature décennale du désordre affectant le réseau réalisé par M. [M], elles soutiennent que la responsabilité de la société Alloca ne peut être engagée pour des désordres affectant des ouvrages réalisés par un tiers et réceptionnés. Elles font valoir que la société n’est pas intervenue sur les réseaux et a seulement prolongé la canalisation en cloison pour poser la douche à la place de la baignoire et que ces travaux de pose d’éléments d’équipement dissociables ne sont affectés d’aucun désordre, de même que la mise en eau qui n’a posé aucune difficulté.
Elles estiment que Mme [K] ne peut invoquer une acceptation du support pour ne pas avoir vérifié les travaux neufs sur lesquels la société Alloca intervenait, n’ayant pas à procéder à des sondages destructifs de la dalle que l’expert n’a pas jugé utile d’effectuer.
Dans ses dernières conclusions transmises le 25 avril 2022, Mme [K] demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– condamné solidairement la société Alloca et la société Axa France IARD à payer à Mme [K] les sommes de :
* 12 636,70 euros TTC, au titre des travaux de réfection de l’ouvrage affecté de désordres de gravité décennale ;
* 235,50 euros TTC au titre de la surconsommation d’eau pour les années 2018 et 2019 ;
*214,96 euros TTC au titre de la surconsommation d’eau pour les années 2018 et 2019 ;
– condamné in solidum la société Alloca et Axa France IARD aux dépens comprenant les frais d’expertise, ainsi qu’à verser à Mme [K] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– déclarer recevable et bien fondé son appel incident en ce que le jugement a :
– condamné solidairement la société Alloca et la société Axa France IARD à payer à Mme [K] la somme de 60 euros par mois du 1er octobre 2017 jusqu’au paiement effectif de la somme allouée par le présent jugement au titre des travaux de réfection, en réparation de son préjudice de jouissance ;
– débouté Mme [K] de sa demande au titre du préjudice lié à l’absence de location de l’appartement situé à l’étage de l’habitation de 2017 à 2019 ;
Statuant à nouveau,
– condamner solidairement les sociétés Alloca et Axa France IARD à payer à Mme [K] les sommes de :
– 9 780 euros au titre du préjudice lié à la non location de l’appartement situé à l’étage de l’habitation de 2017 à 2019 ;
– 500 euros par mois au titre du préjudice de jouissance à compter du 1er octobre 2017 jusqu’au 2 novembre 2021, date du paiement effectif de la somme allouée au titre des travaux de réfection, soit la somme de 24 500 euros en réparation du préjudice de jouissance ;
Y ajoutant,
-condamner solidairement les sociétés Alloca et Axa France IARD à payer à Mme [K] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Mme [K] fait sienne la motivation du jugement qui a retenu la responsabilité décennale de la société Alloca et la garantie de son assureur.
Elle fait observer que les désordres affectant le réseau d’eau chaude-eau froide rendent l’ouvrage impropre à sa destination et sont de nature décennale. Elle estime que la société Alloca qui a repris les travaux de M. [M] et réalisé la mise en eau de l’installation en acceptant le support sans la moindre réserve alors qu’il était visible pour un professionnel en l’absence de nourrice que des piquages avaient été réalisés en méconnaissance du DTU, est responsable de plein droit du désordre sur le fondement de l’article 1792 du code civil.
Elle objecte que les travaux de la société Alloca ne consistaient pas uniquement en la pose d’équipements sanitaires dissociables, qu’elle a refait l’alimentation cuivre de la douche remplaçant la baignoire et qu’en acceptant le support sans vérifier qu’il était apte à recevoir ses ouvrages et sans informer le maître de l’ouvrage des défauts visibles, la société a pris le risque des désordres qui se sont produits et dont elle doit réparation. Elle ajoute qu’au surplus la société avait une obligation de résultat à son égard concernant le fonctionnement de l’installation réalisée.
Mme [K] forme un appel incident sur l’indemnisation qui lui a été accordé par le premier juge en réparation de son préjudice de jouissance et estime qu’il doit être fixé à 500€ par mois du 1er octobre 2017 au 2 novembre 2021, soit une somme de 24500€ ; qu’elle doit être indemnisée de la perte de revenus liée à l’absence de location de l’appartement situé à l’étage de 2017 à 2019, justifiant des déclarations de revenus pour les années 2020 et 2021.
L’instruction a été clôturée le 4 octobre 2022.
Motifs :
-Sur les désordres :
Les opérations d’expertise ont confirmé la fuite d’eau importante dénoncée par Mme [K] sur l’installation sanitaire , induisant une perte d’eau chaude sanitaire stockée dans le ballon.
Les investigations réalisées ont permis de constater l’existence d’une fuite tant sur les canalisations d’eau froide que sur celles d’eau chaude, générant sur l’ensemble du réseau une perte de 100litres par heure et à raison d’une perte de 40L par heure sur le réseau d’eau chaude, celle de l’eau chaude produite dans la nuit.
Il a été constaté que les fuites ne se localisaient pas en partie apparente de l’installation, ni dans les canalisations incorporées dans les parois verticales, aucune auréole ou trace d’eau n’y ayant été relevée. L’expert en a donc déduit justement que les fuites étaient localisées sous la dalle du rez de chaussée et que le débit de fuite s’évacuait dans le terre-plein sans laisser de traces. Cette déduction logique n’est remise en cause par aucun élément technique produit par les appelantes.
M.[E] a également constaté que l’installation d’eau chaude/eau froide ne comportait aucun collecteur, ce qui l’a conduit à estimer que l’installateur qui avait posé les canalisations sous la dalle avait nécessairement réalisé des piquages à plusieurs endroits dans celle-ci. Cette analyse rejoint celle de l’expert mandaté par l’assureur protection juridique de Mme [K], la société Mahé Villa. M. [E] a également rappelé que ce type de mise en ‘uvre est proscrit par le DTU 65-10 en ce que le piquage constitue un point sensible du réseau qui ne permet pas une résistance dans le temps due à la dilatation de la dalle et de la canalisation, de sorte que l’assemblage n’est pas durable.
En outre, l’expert a précisé qu’en l’espèce, les tubes incorporés sont des tubes cuivre de type Wicu comprenant une pré-gaine permettant sa dilatation et sa désolidarisation avec l’enrobage de la dalle, dont l’avis technique impose que la mise en ‘uvre de la canalisation soit continue, les piquages en chape et en dalle étant interdits.
Il en a déduit que les désordres provenaient d’une non-conformité aux règles de l’art ou aux prescriptions de mise en ‘uvre des canalisations de cuivre d’eau chaude et d’eau froide de l’installation, incorporées dans la dalle.
La société Alloca et son assureur AXA font valoir que l’origine du dommage n’est pas démontrée puisque l’expert n’a pas constaté les piquages qui de plus ne sont pas interdits par le DTU au droit d’un appareil sanitaire. Ils ajoutent qu’il n’est pas démontré que le cuivre mis en ‘uvre était de marque Wincu.
Toutefois, leur argumentation ne peut être suivie. En effet, comme rappelé plus haut, il n’est pas discuté qu’aucun collecteur eau chaude-eau froide n’a été trouvé dans la maison. Dès lors, au regard des différents points à alimenter par le réseau, tels qu’ils apparaissent sur le plan en page 16 du rapport, le passage dans la dalle des canalisations d’eau chaude et d’eau froide allant de la coupure d’eau située dans l’espace de circulation au rez de chassée jusqu’aux appareils sanitaires n’a pu être effectué qu’en réalisant des piquages. A cet égard, les appelants lors des opérations d’expertise n’ont soumis à l’expert aucun dire technique relatif à la possibilité en l’absence de collecteur de réaliser le réseau d’eau chaude et d’eau froide dans l’immeuble sans y recourir. L’expert, pour des raisons identiques, a exclu que les piquages aient été réalisés au droit des appareils sanitaires, seule exception à leur prohibition posée par le DTU 65.10.
En outre, M. [E] a décrit précisément le type de cuivre utilisé et son indication sur ce point n’a fait l’objet d’aucun dire de la société Alloca ou son assureur discutant son analyse.
Dès lors, l’origine des fuites identifiée par l’expert doit être retenue. Il a estimé que le désordre entraîne une impropriété à destination, point qui ne fait pas débat.
-Sur les responsabilités :
Mme [K] recherche la responsabilité décennale de la société Alloca.
Il résulte des pièces produites que la société Alloca a facturé le 17 février 2016 sur la base d’un devis du 30 octobre 2015, des travaux de plomberie dans la salle de bain consistant en une remontée en incorporation des attentes eau chaude et eau froide pour alimenter une douche à la place de la baignoire initialement prévue qui a été déposée, en la fourniture et la pose de la douche, en la pose d’un wc, la fourniture et la pose du siphon et du mitigeur de lavabo, dans la salle d’eau, en la fourniture et la pose d’un mitigeur et de la paroi de douche, en la pose d’un lave-mains, d’un mitigeur de lavabo ainsi qu’en la pose et le raccordement d’un ballon d’eau chaude sanitaire et la réalisation des reprises de cuivre et de l’évacuation pour le raccordement du ballon d’eau chaude. Par ailleurs, la société Alloca a procédé à la mise en eau de l’installation d’eau chaude et froide de la maison.
Comme l’a rappelé l’expert, la société Alloca n’est pas intervenue pour réaliser le passage des canalisations d’eau chaude et froide dans la dalle. Ces travaux ont été réalisés par M. [M] et n’ont pas été réceptionnés contrairement à ce qu’indiquent les appelantes et l’expert. En effet, la réception intervenue le 26 janvier 2016 concernait uniquement les travaux exécutés par la société Uséo relevant des lots terrassement, gros-oeuvre, menuiseries intérieures et extérieures, charpente et bardage bois, enduit et VRD. Les conditions de paiement des travaux de plomberie laissés inachevés suite au décès de M. [M] demeurent inconnues.
La société Alloca relève à juste titre qu’au moment de son intervention, la construction de la maison était réalisée à 95% et les canalisations litigieuses posées. La déclaration d’achèvement des travaux est d’ailleurs intervenue le 27 janvier 2016. Toutefois, cette situation est sans conséquence sur son éventuelle responsabilité. Les travaux que la société Alloca a accepté de réaliser constituent en fait la poursuite et l’achèvement des travaux de plomberie initialement confiés à M. [M] lors de la construction de la maison et ont permis de manière effective l’utilisation de ses équipements sanitaires par la mise en eau du réseau eau chaude/eau froide. Les prestations qu’elle a réalisées ont fait l’objet d’une prise de possession par le maître de l’ouvrage et ont été régulièrement réglées, éléments que l’appelante ne discute pas et qui caractérisent leur réception tacite.
Or, en réalisant ces travaux, la société Alloca a accepté un support, à savoir les canalisations incorporées dans la dalle, dont, en sa qualité de professionnelle de la plomberie, elle était en mesure de détecter les défauts et non conformités aux règles de l’art et à l’avis technique du matériau employé. En effet, l’absence de collecteur dans la maison que ses compétences lui permettaient de relever était de nature à l’avertir de la présence nécessaire de piquages dans la dalle, points de faiblesse du réseau, prohibés par la norme. Elle ne justifie pas avoir vérifié que ces piquages correspondaient à ceux qui, par exception, étaient autorisés . Par ailleurs, l’expert a rappelé, sans être contredit sur ce point, que la mise en eau de la maison qui a permis la concrétisation du dommage, imposait de vérifier l’ensemble de l’installation, ce que la société Alloca ne démontre pas avoir fait.
Dès lors, en exécutant dans ces conditions ces travaux et en réalisant la mise en eau, la société Alloca a accepté le risque des désordres affectant leur support qui se sont finalement produits, peu important qu’elle n’ait commis aucun manquement dans l’exécution de ses propres travaux. Elle doit en conséquence répondre des désordres affectant l’installation à l’égard du maître de l’ouvrage, lesquels engagent sa responsabilité décennale. Le jugement est confirmé de ce chef.
-Sur l’indemnisation des préjudices de Mme [K] :
*Le préjudice matériel ;
L’expert a préconisé au titre des travaux de reprise de condamner l’installation sanitaire existante et de créer une nouvelle installation, ce qui implique la réalisation d’un nouveau réseau et les reprises de cloisons, carrelages et peinture, pour un coût de 12636,70€ TTC, solution réparatoire qui ne fait pas débat. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Alloca et son assureur AXA qui ne discute pas sa garantie à verser cette somme à Mme [K], sauf à préciser que cette condamnation sera prononcée in solidum et non solidairement.
*La surconsommation d’eau et d’électricité :
L’expert a évalué à 235,50€ la surconsommation d’eau en 2018 et 2019. Mme [K] pour la même période demande 214,96€ au titre de la surconsommation électrique, ce qui correspond à l’évaluation de M. [E]. Le jugement qui a condamné la société Alloca et son assureur au paiement de ces sommes est confirmé, sauf à corriger l’erreur matérielle affectant le dispositif du jugement qui mentionne également la somme de 214,96€ au titre de la surconsommation d’eau et non d’électricité et à prononcer une condamnation in solidum et non solidiaire.
*Les pertes locatives :
Mme [K] sollicite une somme de 9780€ en réparation de l’impossibilité de louer l’appartement situé au premier étage de la maison de 2017 à 2019. Au soutien de sa demande, elle verse aux débats un mail de la structure Airbnb Customer Support du 18 mars 2022, qui précise les sommes qu’elle a perçue pour les exercices 2019, 2020 et 2021, lesquelles représentent 16368,71€TTC. Toutefois, l’intimée ne démontre pas qu’ayant acquis le bien en mai 2017, l’étage a été immédiatement prêt à être proposé à la location. Outre qu’elle n’explicite pas les modalités de calcul de son préjudice, celui-ci ne peut être évalué comme l’a relevé le premier juge, sur la base d’une occupation systématique des lieux, par le biais de l’organisme de location, chaque week end et période de vacances. Son préjudice s’analyse en fait en une perte de chance de louer l’étage en raison des désordres et d’en percevoir les revenus. Outre qu’il n’est fourni aucune pièce sur la fréquence de location de l’étage sur les différentes périodes de l’année pour les exercices 2019 à 2021, cette nature de préjudice n’est en tout état de cause pas invoquée par Mme [K]. Sa demande indemnitaire ne peut donc être accueillie. Le jugement est confirmé.
*Le préjudice de jouissance :
Mme [K] demande une indemnisation à hauteur de 500€ par mois du 1er octobre 2017 au 2 novembre 2021 date du paiement effectif de la somme allouée au titre des travaux de réfection, ce qui représente une somme de 24500€.
Il n’est pas discutable que les fuites affectant les réseaux d’eau chaude et d’eau froide de la maison ont contraint Mme [K] à des manipulations répétitives et fastidieuses de la vanne d’ouverture d’eau chaque jour afin de limiter les pertes d’eau. Par ailleurs, les travaux de reprise des réseaux dont la durée a été évaluée par l’expert à 3 semaines entraîneront une gêne dans l’utilisation de la maison. Toutefois, Mme [K] ne fournit aucune explication sur le montant d’indemnisation sollicité. Au regard des contraintes effectivement subies par Mme [K] dans l’occupation de la maison, son préjudice a été exactement évalué par le premier juge à 60€ par mois soit sur la période qu’elle invoque de 49 mois, à 2940€.
-Sur les demandes annexes :
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
La société Alloca et la société AXA France Iard seront condamnées in solidum à verser à Mme [K] une indemnité de 3000€ au titre des frais irrépétibles d’appel et à supporter les dépens d’appel.
Par ces motifs
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf à prononcer des condamnations in solidum de la société Alloca et de la société Axa France Iard et à rectifier l’erreur matérielle affectant le jugement en ce que la somme de 214,96€ accordée se rapporte à la surconsommation d’électricité,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société Alloca et la société AXA France Iard à verser à Mme [K] une indemnité de 3000€ au titre des frais irrépétibles d’appel et à supporter les dépens d’appel.
Le Greffier, Le Président,