Sous-location : 30 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/21096

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Sous-location : 30 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/21096
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/21096 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYOI

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Octobre 2021 -Président du TJ de PARIS – RG n° 18 / 59054

APPELANT

M. [G], [B] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée par Me Lorène DERHY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1320

INTIMEE

LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 3], Mme [L] [I], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Fabienne DELECROIX de l’ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

Assistée par Me Jennyfer BRONSARD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 950 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 10 octobre 2018, la Ville de [Localité 3] a fait assigner M. [H] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris, saisi en la forme des référés, à l’effet d’obtenir sa condamnation au paiement d’une amende civile sur le fondement de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé [Adresse 1], 5ème étage, porte droite, lot n°15.

Par ordonnance du 25 avril 2019, il a été sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 3] dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 3] sur le changement d’usage est conforme à la réglementation européenne.

La Ville de [Localité 3] a sollicité la condamnation de M. [H] au paiement d’une amende civile de 50.000 euros, que soit ordonné sous astreinte le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, la condamnation de M. [H] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 25 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

– condamné M. [H] à payer une amende civile de 25.000 euros dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 3] ;

– ordonné le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 1] appartenant à M. [H], sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision à M. [H], pour une durée maximale de douze mois ;

– dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ;

– condamné M. [H] à payer à la Ville de [Localité 3] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [H] aux dépens ;

– rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 1er décembre 2021, M. [H] a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 09 mars 2022, il demande à la cour, de :

A titre principal,

– juger l’infraction de changement d’usage non constituée en l’absence de démonstration par la Ville de [Localité 3] de l’usage d’habitation des lieux au 1er janvier 1970 ;

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance en la forme des référés rendue le 25 octobre 2021 sous le n°RG 18/59054 ;

– débouter la Ville de [Localité 3] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions contraires à savoir, la demande tendant à voir :

‘ condamner celui-ci à une amende civile de 25.000 euros, outre à la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens,

‘ ordonner le retour du local litigieux à l’habitation sous astreinte financière de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de ladite ordonnance à celui-ci pour une durée maximale de 12 mois;

‘ dire n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire l’infraction présumée au changement d’usage devait être caractérisée,

– juger que le local litigieux constituant le lot n°15 situé au 5ème étage du bâtiment B et les lots 7 à 10 situés au 5ème étage du bâtiment B dépendant d’un immeuble sis [Adresse 1] forment indissociablement sa résidence principale ;

– juger que le local litigieux a été loué par celui-ci en tant que chambre chez l’habitant ;

En conséquence,

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance en la forme des référés rendue le 25 octobre 2021 sous le n°RG 18/59054 ;

– débouter la Ville de [Localité 3] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions contraires à savoir, la demande tendant à voir :

‘ condamner celui-ci à une amende civile de 25.000 euros, outre à la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

‘ ordonner le retour du local litigieux à l’habitation sous astreinte financière de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de ladite ordonnance à celui-ci pour une durée maximale de 12 mois,

‘ dire n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte,

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la chambre chez l’habitant n’était pas retenue,

– prendre acte de sa bonne foi et de sa coopération, de l’absence d’enrichissement au détriment d’une location meublée classique et de la cessation de l’activité litigieuse ;

– infirmer la condamnation de l’appelant à une amende de 25.000 euros ;

– ramener l’amende a de plus justes proportions ;

Sur le retour à l’habitation sous astreinte,

– juger que l’annonce litigieuse a été supprimée et que l’infraction a cessé ;

– infirmer l’ordonnance en la forme des référés rendue le 25 octobre 2021 sous le n°RG 18/59054 en ce qu’elle a ordonné le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation sous astreinte financière ;

En tout état de cause,

– condamner la Ville de [Localité 3] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés directement par Me Derhy Lorène, et subsidiairement, ordonner que chacune des parties conserve à sa charge les frais de procédure et les dépens compte tenu de l’équité.

En substance, M. [H] soutient :

– A titre principal, que la preuve de l’usage d’habitation du local au 1er janviet1970 n’est pas faite par les documents produits, qui ne permettent pas d’établir qu’ils concernent bien le local en cause, la Ville reconnaissant d’ailleurs avoir produit une fiche H2 ne correspondant pas au bien et les autres fiches qu’elle produit n’établissant pas plus leur correspondance avec le lot 15, le relevé de propriété de 2017 étant en outre inopérant ;

– A titre subsidiaire, que le lot 15 en cause, qui correspond à l’ancienne chambre de M. [H] de l’appartement familial qui lui a été donné par ses parents, n’est pas dissociable du reste de l’appartement constituant sa résidence principale, le lot 15 devant recevoir la qualification de chambre chez l’habitant et non de meublé de tourisme, cette chambre chez l’habitant pouvant être louée pour de courtes durées sans être soumise à l’obligation d’autorisation préalable ;

– A titre infiniment subsidiaire, que le montant de l’amende devra être réduit à de plus justes proportions compte tenu de la bonne foi de M. [H] qui a collaboré avec la Ville de [Localité 3] et a fait cesser les locations litigieuses en mars 2018 et supprimé son annonce Airbnb, et qui n’a tiré des locations litigieuses qu’un faible enrichissement personnel.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 15 février 2022, la Ville de [Localité 3] demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

– débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner M. [H] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamner aux entiers dépens.

La Ville de [Localité 3] soutient en substance que s’il est exact que la fiche modèle H2 du 20 octobre 1970 ne correspond pas au local litigieux, il est produit au débat la fiche H2 relative au local, établie le 10 octobre 1970 ; que le bien litigieux n’est pas la résidence principale du propriétaire, le studio constituant le lot 15 étant un logement distinct et indépendant de l’appartement de M. [H], constitué pour sa part des lots 7 à 10, ainsi que cela résulte du constat opéré le 6 mars 2018 par l’agent assermenté de la Ville de [Localité 3] et des commentaires laissés par les voyageurs ; qu’il est par ailleurs établi que le studio a été loué pour de courtes durées à une clientèle de passage ; que le montant de l’amende doit être suffisamment dissuasif pour mettre un terme à l’infraction et prévenir son renouvellement, l’infraction perdurant en l’espèce depuis le 1er juin 2015 et l’exploitation irrégulière étant d’une forte rentabilité.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur le rappel des textes applicables, il convient de se référer à la décision de première instance qui en a fait un exposé exhaustif.

Sur la preuve de l’usage d’habitation au 1er janvier 1970, préalable à la caractérisation de l’infraction et discutée par l’intimé à titre principal, il est constant qu’en première instance la Ville de [Localité 3] a produit une fiche H2 dont elle reconnaît en appel qu’elle ne correspond pas au local en cause.

Elle produit en appel (pièce 10) une fiche H2 datée du 10 octobre 1970 portant sur un local de 20 m² situé dans le bâtiment B porte D à l’étage 4 et demi, portant mention d’un locataire entré dans les lieux en 1918 et d’un montant de loyer au 1er janvier 1970, et précise que s’agissant du bâtiment B, l’étage 4 et demi correspond en réalité à l’étage 5, un décalage d’un demi-étage existant pour tout le bâtiment B.

Il convient ici de rappeler que le local en cause, au vu du constat d’infraction, du titre de propriété de M. [H] et de l’état descriptif de division de l’immeuble, constitue le lot n° 15 situé au 5ème étage du bâtiment B de l’immeuble, d’une surface de 20 m².

M. [H] considère que cette nouvelle fiche H2 ne correspond pas plus que la précédente à son lot n°15.

Il fait valoir, à raison, que la démonstration n’est pas faite par la Ville de [Localité 3] de ce que tout le bâtiment B serait constitué de demi-étages, l’appelante ne produisant en effet que deux fiches H2 relatives au bâtiment B, dont celle censée correspondre au local litigieux, alors que ce bâtiment comporte cinq étages et donc un bien plus grand nombre de locaux.

En outre, il ressort de l’état descriptif de division que le lot litigieux est situé au 5ème étage, soit à l’étage le plus élevé du bâtiment B. Or, parmi les fiches H2 produites par la Ville de [Localité 3] pour attester que le bâtiment B est constitué de demi-étages, il en est une qui porte sur un local situé au 5ème étage et demi du bâtiment B, si bien qu’il n’est pas cohérent que le local litigieux soit situé au 4ème étage et demi comme le mentionne la fiche H2 censée lui correspondre, cette fiche ne comportant pas en outre l’indication d’un numéro de lot.

Enfin, il apparaît que la fiche H2 dont se prévaut la Ville de [Localité 3] pour le lot n°15 en cause est susceptible de correspondre en réalité au lot n°14 situé au 4ème étage du même bâtiment B.

En effet, ces deux lots ont manifestement la même surface, leurs tantièmes étant très similaires d’après l’état descriptif de division, et la fiche R de l’immeuble désigne M. [M] comme occupant d’un local situé au 4ème étage, tout comme la fiche H2 réputée correspondre au lot n°15 qui indique que M. [M] est occupant de ce local.

Dans ces conditions, la preuve n’est pas faite par la Ville de [Localité 3] de ce que la fiche H2 qu’elle produit en cause d’appel, pour établir l’usage d’habitation du lot en cause au 1er janvier 1970, correspond bien à ce lot.

Il s’ensuit que l’infraction n’est pas caractérisée, sa condition première n’étant pas remplie.

L’ordonnance entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions et la Ville de [Localité 3] sera déboutée de ses demandes formées contre M. [H].

Partie perdante, la Ville de [Localité 3] sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et condamnée à payer à l’appelant la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Déboute la Ville de [Localité 3] de l’ensemble de ses demandes,

La condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel,

La condamne à payer à M. [H] la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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