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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06175 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQ7U
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Février 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris – RG n° 19/50705
APPELANTS
M. [N] [D]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Mme [X] [E] épouse [D]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés par Me Christian COUVRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0462
INTIMEE
LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [U] [Z], domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Par exploit du 14 décembre, la Ville de [Localité 6] a fait assigner Mme [E] et M. [D], devant le tribunal judiciaire de Pariss, saisi selon la procédure en la forme des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation concernant un appartement situé [Adresse 1], constituant le lot 35).
Le 1er février 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 6] dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov.2018, n° 17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.
Le 22 septembre 2020 la Cour de justice de 1′ Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18). Le 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, jugeant notamment que la réglementation locale de la Ville de [Localité 6] sur le changement d’usage était conforme à la réglementation européenne.
L’affaire a été rétablie à l’audience du 07 janvier 2022.
Par ordonnance contradictoire du 16 février 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris a :
– condamné in solidum Mme [E] et M. [D] à payer une amende civile d’un montant de 18.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 6] ;
– condamné in solidum Mme [E] et M. [D] à payer à la Ville de [Localité 6] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum Mme [E] et M. [D] aux dépens ;
– rappelé que la décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.
Par déclaration du 23 mars 2022, Mme [E] et M. [D] ont relevé appel de cette décision en ce qu’elle les a condamnés à verser à la Ville de [Localité 6] une amende de 18.000 euros et la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 7 juin 2022, Mme [E] et M. [D] demandent à la cour de :
– infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Paris en date du 16 février 2022 en ce qu’elle les a condamnés à verser à la Villede [Localité 6] une somme de 18.000 euros au titre de l’amende civile et encore 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Statuant à nouveau,
– réduire à de plus juste proportion l’amende civile dont ils seront redevables ;
– débouter la Ville de [Localité 6] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Les époux [D] soutiennent en substance que :
– ils ont enregistré l’appartement en ligne sur le site de la Ville de [Localité 6] et ont obtenu un numéro en juillet 2018 ;
– ils ont donc régularisé leur situation dès juillet 2018, ce qui prouve leur bonne foi ;
– résidant à [Localité 5], ils ne sont pas nécessairement informés de la réglementation spécifique à [Localité 6] ;
– le grief formé à leur encontre est seulement de ne pas avoir déclaré la location en mairie, ce qui a pourtant été fait alors que l’article L.324-1-1 II du code du tourisme ne prévoit qu’une amende civile de 5.000 euros, soit 3 fois moins que celle allouée par le tribunal ;
– contrairement à ce qu’affirme le tribunal n’a pu être correctement loué sur la période de 2012 à 2015 en raison d’un dégât des eaux non pris en charge par les assurances et le syndic, la location n’ayant généré aucun revenu pendant cette période ;
– le bien n’aurait jamais été donné en location de manière permanente ;
– il ne s’agit pas de revenus occultes, dissimulés mais d’une location parfaitement transparente et reconnue ;
– en réalité, le bénéfice total des locations s’élève à 16.923 euros nets,
– la condamnation prononcée est donc disproportionnée et supérieure au montant des bénéfices réalisés.
Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 11 mai 2022, la Ville de [Localité 6] demande à la cour de :
– statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel de Mme [E] et M. [D] ;
– la juger la Ville de [Localité 6] recevable en ses conclusions et l’y en juger bien fondé ;
Au fond,
– confirmer l’ordonnance rendue le 16 février 2022, en ce que le juge a :
‘jugé que le manquement aux dispositions de l’article L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation est caractérisé à l’encontre de Mme [E] et M. [D] ;
‘condamné in solidum Mme [E] et M. [D] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘condamné in solidum Mme [E] et M. [D] aux dépens ;
‘rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit ;
– infirmer l’ordonnance rendue en la forme des référés le 16 février 2022, en ce que le juge a fixé à 18.000 euros le montant de l’amende dû in solidum ;
Statuant de nouveau,
– condamner in solidum Mme [E] et M. [D] à payer une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l’article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation
En tout état de cause,
– débouter Mme [E] et M. [D] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– condamner in solidum Mme [E] et M. [D] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Ville de [Localité 6] soutient en substance que :
– la situation au 1er janvier 1970 est parfaitement établie, le bien étant à usage exclusif d’habitation ;
– il est établi que le local litigieux était à usage d’habitation au 1er janvier 1970 au sens de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation ;
– le bien litigieux n’était pas la résidence principale du loueur, Mme [E] et M. [D] résidant à [Localité 5] ;
– sur le changement illicite d’usage, Mme [E] et M. [D] mettent leur bien en locations de courtes durées via des annonces consultables sur les sites Airbnb, Tripadvisor et Abritel ;
– l’appartement a fait l’objet d’une déclaration en ligne de location meublée le 12 juillet 2018, sous le n° 7510402121007, au nom de M. [D] pour un local ne constituant pas sa résidence ;
-cette activité a généré pour Mme [E] et M. [D] d’importants revenus, environ une recette mensuelle de 3.300 euros pour une surface de 27m² depuis septembre 2006, le loyer moyen mensuel de location dans cet arrondissement étant de 826,20 euros pour la même surface ;
– le montant de la compensation nécessaire pour obtenir l’autorisation de changement d’usage de local d’habitation et pourvoir exercer une activité d’hébergement hôtelier aurait été de 40.500 euros ;
– il est demandé à la cour de fixer l’amende à la somme de 50.000 euros après avoir pris en compte le fait que l’annonce se soit trouvée référencée sur trois sites établit une volonté de générer des profits supérieurs à une mise en location classique, que postérieurement à la réception du courrier par la Ville de [Localité 6], les annonces étaient toujours actives sur les trois sites, et le calendrier de réservation également actif sur Abritel, que la période de location est non négligeable et les gains estimés très importants ;
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
La cour d’appel n’est saisie que du quantum de l’amende civile prononcée par le premier juge, la constitution de l’infraction aux dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation n’étant pas discutée.
L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.
Concernant le quantum de l’amende, il y a lieu de rappeler le caractère d’intérêt général de la législation, l’objectif étant de lutter contre les difficultés de logement à [Localité 6], étant précisé que les appelants ne peuvent sérieusement soutenir que résidant à [Localité 5], ils ignoraient la législation à [Localité 6].
En l’espèce, le logement a bien fait l’objet de locations de courte durée à une clientèle de passage, sans que ne soit mise en oeuvre une mesure de compensation, étant rappelé que :
– le constat établi par l’agent de la Ville de [Localité 6] le 10 juillet 2018 fait état de locations de courtes durées via des annonces consultables sur trois sites : Abritel, HomeAway, Tripadvisor et Airbnb,
– sur le site Abritel HomeAway, l’hôte se nomme “[N] [D]”, avec pour précision “annonceur depuis 2006”, l’annonce réunissant soixante commentaires, le plus ancien datant de 2006, la location étant prévue pour une durée minimale de trois nuitées, au prix moyen de 120 euros avec service ménager, conciergerie,
– sur le site Tripadvisor, l’hôte se nomme “[N] [D]”, l’annonce ne comporte pas de commentaires, la location étant prévue pour une durée minimale de trois nuitées, pour un prix “à partir de 85 euros”,
– sur le site airbnb, l’hôte se nomme “[N]”, l’annonce réunit 42 commentaires de janvier 2017 à août 2018, la location étant prévue pour une durée minimale de trois nuitées, pour un prix de 69 euros”,
– les annonces publiées sur ces trois sites affichent les mêmes photographies des lieux,
– le 10 juillet 2018, le contrôleur assermenté s’est rendu dans l’immeuble et a constaté la présence de touristes canadiens pour un séjour de sept nuits,
– le 12 juillet 2018, une déclaration en ligne de location meublée en application de l’article L 324-1-1 du code du tourisme a été faite au nom de M. [N] [D].
La Ville de [Localité 6] rappelle que le gain tiré de la location de courte durée peut être estimé pour 22,5 nuits à la somme mensuelle de 3.300 euros, là où le loyer mensuel classique compte tenu du loyer médian aurait été de 826 euros, et que le montant de la compensation aurait été de 40.500 euros. Quand bien même les époux [D] évaluent eux-mêmes le gain réel à la somme de 16. 923 euros, de l’année 2015 à 2018, il y a lieu de relever que les profits retirés doivent être qualifiés, ainsi que l’a fait le premier juge de “substantiels”, s’agissant d’un bien situé dans le quartier du Marais, et proposé à la location sur trois sites.
L’infraction a perduré à tout le moins de l’année 2006 à juillet 2018 selon le constat initial, soit une longue période. Il doit être relevé que bien que les époux [D] indiquent avoir cessé toute location saisonnière à réception du courrier de la Ville de [Localité 6] en date du 24 septembre 2018, mais le constat complémentaire du 12 octobre 2018 relève que les annonces sont toujours à cette date actives sur les trois sites.
L’amende civile a été ainsi justement fixée à la somme de 18.000 euros, montant qui apparaît justifié compte étant tenu de la durée de l’infraction et de ce que les époux [D] ne justifient pas de leur situation financière.
Aussi, la décision sera confirmée en tous ses éléments, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.
Succombant en appel, les époux [D] seront condamnés aux dépens d’appel. Il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme l’ordonnance entreprise ;
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M et Mme [D] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE