Sous-location : 24 janvier 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 19/01413

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Sous-location : 24 janvier 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 19/01413
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COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

LE/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/01413 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ERFK

Jugement du 05 Février 2019

Tribunal d’Instance du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 11-18-0007

ARRET DU 24 JANVIER 2023

APPELANTS :

Monsieur [C] [Y]

né le 5 Septembre 1985 à [Localité 3] (72)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [D] [H] épouse [Y]

née le 2 Décembre 1987 à [Localité 3] (72)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Pierre-Emmanuel MEMIN, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :

SCI DU MINERAIS

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Julien BRUNEAU de la SCP SORET-BRUNEAU, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 2019285

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 10 Octobre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme MULLER, Conseiller faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 24 janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

La SCI du Minerais est propriétaire d’un immeuble situé [Adresse 1] divisé en appartements et a mis en vente un T2 situé au 2ème étage. Une première offre d’achat de M. [C] [Y] et Mme [D] [H] épouse [Y] au prix de 63.000 euros a été acceptée le 24 mars 2017 par la SCI pour un logement d’une surface estimée de 41 m². Une seconde offre d’achat au prix de 60.000 euros a été acceptée le 2 mai 2017 par cette dernière au regard d’une surface loi Carrez de finalement 37 m².

Le 2 février 2018 le projet d’achat a été abandonné.

Par exploit du 6 juin 2018, les époux [Y]-[H] ont fait assigner la SCI devant le tribunal d’instance du Mans afin notamment d’obtenir sa condamnation à leur payer 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Suivant jugement du 5 février 2019, le tribunal a :

– condamné la SCI du Minerais à payer à M. et Mme [Y] :

– 750 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019,

– 750 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné la SCI du Minerais au paiement des entiers dépens,

– débouté chacune des parties du surplus de ses demandes.

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 11 juillet 2019, les époux [Y]-[H] ont interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a condamné la SCI au paiement à leur profit d’une somme de 750 euros outre intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019.

Suivant conclusions déposées le 25 octobre 2019, la SCI a formé appel incident de cette même décision.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2022 et l’audience de plaidoiries fixée au 10 octobre de la même année conformément aux prévisions d’un avis du 24 février 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 24 janvier 2020, M. [Y] et Mme [H] épouse [Y] demandent à la présente juridiction de :

– les déclarer recevables et fondés en leur appel,

– déclarer la SCI du Minerais irrecevable et en tous les cas, malfondée en ses contestations et en son appel incident,

– réformer la décision entreprise en ce que la SCI du Minerais a été condamnée au versement d’une somme de 750 euros à leur profit,

– condamner la SCI du Minerais au paiement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts à leur profit outre intérêts au taux légal courant à compter de l’assignation et jusqu’à parfait paiement avec anatocisme,

– condamner la SCI du Minerais au paiement d’une somme de 3.000 euros à leur profit au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner la SCI du Minerais aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 2 mars 2020, la SCI du Minerais demande à la présente juridiction de :

– déclarer mal fondé l’appel interjeté par les époux [Y] à l’encontre du jugement rendu par le tribunal d’instance du Mans le 5 février 2019,

– les en débouter,

– la déclarer recevable et bien [fondée’] son appel incident,

– infirmer dans sa totalité le jugement rendu par le tribunal d’instance du Mans du 5 février 2019 en ce qu’elle a été condamnée à verser à M. et Mme [Y] une somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts et 750 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner M. et Mme [Y] à lui verser une somme de 3.000 euros au titre des frais de première instance et d’appel en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel (sic),

– condamner M. et Mme [Y] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières écritures, ci-dessus mentionnées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en réparation

En droit, l’article 1240 du Code civil dispose que : ‘Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’.

Le premier juge rappelant que les demandeurs fondaient leurs prétentions sur une rupture abusive des pourparlers a indiqué que la période pré-contractuelle était soumise au principe de liberté contractuelle impliquant une liberté de rompre les pourparlers ainsi que de bonne foi et loyauté dans les conditions éventuelles de la rupture des négociations. Sur le fond, il a été retenu que les négociations étaient particulièrement avancées dès lors que l’offre d’achat à 60.000 euros avait été acceptée par la SCI suivant courriel du 2 mai 2017, caractérisant un accord sur la chose, correctement mesurée au regard des dispositions de la loi dite Carrez, ainsi que sur son prix, les parties étant uniquement dans l’attente de la rédaction d’un règlement de copropriété ainsi que des diagnostics techniques. De plus il a été constaté que ces derniers ont été transmis aux potentiels acquéreurs le 30 octobre 2017, mais que par la suite la SCI n’a pas répondu aux sollicitations des époux [Y]-[H] aux fins de fixation d’une date de compromis. Il a donc été considéré que le silence de la SCI pendant plus de deux mois et demi constituait une faute de nature à engager sa responsabilité, quand bien même il soit fondé sur une réflexion portant sur l’opportunité de ne vendre qu’un lot et non pas l’intégralité du bâtiment au regard de la nécessité d’entreprendre d’importants travaux. Dans ces conditions la SCI a été condamnée au paiement aux acquéreurs éconduits d’une somme de 750 euros au titre du préjudice moral, les plus amples demandes étant rejetées, les dommages invoqués n’étant pas démontrés.

Aux termes de leurs dernières écritures les appelants observent liminairement que si leur contradictrice soutient que son gérant, M. [I], n’est pas un professionnel de l’immobilier, il n’en demeure pas moins qu’il est, soit à titre personnel soit par l’intermédiaire de sociétés, propriétaire de nombreux biens immobiliers, de sorte qu’il n’est pas profane en la matière et ne pouvait donc ignorer le caractère fautif du comportement consistant à ne pas ‘expliquer les difficultés auxquelles [la SCI] était confrontée (…), plutôt que de leur laisser entendre qu’elle avait demandé à son notaire une date pour la signature du compromis’. Par ailleurs, ils observent que la SCI n’a effectué aucune diligence en suite de la réception des diagnostics, malgré l’existence d’un accord tant sur la chose que son prix. Ils affirment par ailleurs, que l’explication présentement fournie (contenu des diagnostics paralysant son gérant) est d’autant moins réaliste que le diagnostic initial a été fourni au mois d’octobre 2017 et que le 6 novembre suivant, M. [I] confirmait poursuivre la vente, de sorte qu’ils en déduisent que la SCI a finalement fait le choix, plus intéressant pour elle, de céder l’intégralité du bâtiment en fraude de l’accord qui était intervenu avec eux.

S’agissant de leur préjudice, ils rappellent leur relative jeunesse et le fait que cette acquisition visait à détenir un pied-à-terre en centre-ville du Mans, pouvant être mis en location via la plate-forme ‘airbnb’, de sorte qu’ils ont été particulièrement choqués par le comportement de la SCI. Ils indiquent donc que leur préjudice ‘est constitué tout à la fois par un préjudice de jouissance ainsi que d’un préjudice locatif et une perte de valorisation du bien qu’ils comptaient acheter dans le cadre d’un marché immobilier de nouveau en plein essor’ outre un préjudice moral. Ils précisent également avoir acquis du mobilier aux fins d’équipement de cet appartement et que le préjudice de jouissance ‘est entièrement constitué dès lors que la jouissance de la chose est impossible’. Dans ces conditions ils soutiennent être ‘parfaitement recevables à solliciter l’octroi d’une somme globale et forfaitaire de 5.000 euros à titre de dédommagement’. Concernant les éléments qui leur sont opposés, ils indiquent ne pas avoir communément acquis de bien au Mans, dès lors que seul M. [Y] a acheté un bien place [Localité 5] en mai 2018 ; qu’il ne s’agit donc pas de la conséquence de l’abandon du projet initial et en tout état de cause n’a pas pour effet de faire disparaître le préjudice lié aux manquements de la SCI.

Aux termes de ses dernières écritures la SCI indique que le silence qui lui est reproché résulte du fait qu’elle ‘s’interrogeait quant à la nécessité de vendre l’ensemble du bâtiment plutôt que de réaliser une copropriété avec une vente d’un lot en raison de la découverte de travaux importants à réaliser’ notamment de toiture et de façade pour 54.250 euros. A ce titre elle souligne que son gérant n’est pas un professionnel de l’immobilier et qu’elle s’interrogeait sur l’opportunité des différentes options s’offrant à elle au regard de ces frais à engager, de sorte qu’un délai de deux mois et demi de réflexion ne peut être considéré comme excessif au regard des enjeux financiers de nature à paralyser moralement son gérant et le placer dans ‘un désarroi le plus total’. Elle conteste donc avoir commis une faute. S’agissant du fait qu’elle ait trouvé un intérêt financier à vendre l’intégralité du bâtiment, elle observe que la cession du bâtiment est intervenue moyennant un prix de 284.300,19 euros, ne permettant pas de désintéresser la banque prêteuse, de sorte que son gérant a dû céder son appartement pour solder le prêt (delta de 38.800,19 euros).

Concernant le préjudice subi par ses contradicteurs, elle rappelle avoir fait toutes les diligences nécessaires à la réalisation de la vente et n’avoir pas régularisé d’acte de vente uniquement au regard de l’importance des travaux devant être réalisés. Par ailleurs, elle souligne que les appelants ne peuvent invoquer de préjudice de jouissance ou locatif (cette destination étant au surplus purement hypothétique), pas plus qu’ils ne peuvent lui imputer le coût d’acquisition d’éléments de mobilier, alors même qu’il n’avait même pas encore été régularisé de compromis de vente. Au surplus, elle souligne que les préjudices invoqués sont d’autant moins établis que l’appelant a acquis un immeuble mieux situé.

Sur ce

En l’espèce, il résulte d’un courriel adressé par le gérant de la SCI à M. [Y], le 2 mai 2017, que la première a accepté de vendre son bien à ce dernier moyennant le prix proposé de 60.000 euros.

Il en résulte que les parties se sont accordées tant sur le bien vendu que sur le prix.

Par la suite un mail adressé aux acquéreurs potentiels par le notaire, le 5 mai 2017, établissait que la SCI avait entamé les démarches pour permettre la rédaction d’un compromis de vente.

De plus, le 30 octobre 2017, M. [I], représentant la SCI, a communiqué aux époux [Y]-[H] le diagnostic technique général en précisant ‘je prendrai contact avec mon notaire pour programmer un rendez-vous à venir’.

En suite de cet envoi, les acquéreurs ont adressé un courriel le 16 novembre 2017, ainsi qu’un courrier recommandé avec demande d’avis de réception présenté à la SCI le 11 janvier 2018 qui ne l’a pas réclamé, aux fins de fixation d’une date de régularisation de compromis. Ces missives sont demeurées sans réponse, de sorte que le notaire missionné par les appelants a contacté son confrère pour s’informer à ce titre, le 25 janvier 2018.

Il résulte de ces éléments ainsi que des écritures des parties, qu’entre novembre 2017 et février 2018, la SCI, qui avait accepté de vendre son bien aux appelants moyennant un prix accepté de 60.000 euros, n’a aucunement répondu aux demandes de fixation d’une date de signature de compromis.

A ce titre l’intimée explique, qu’en suite de la réception des diagnostics, son gérant s’est inquiété du coût des travaux qui demeurait à sa charge. Si la découverte postérieurement à l’accord des parties sur les conditions de la cession, de travaux d’ampleur devant être réalisés, peut légitimement conduire la venderesse à réévaluer l’opportunité d’une telle vente, elle ne justifie cependant aucunement du silence maintenu pendant plusieurs semaines malgré relances.

En effet, la loyauté des pourparlers imposait à la SCI d’aviser les acquéreurs des interrogations se présentant quant à l’opportunité économique pour elle de conserver la propriété même partielle de cet immeuble.

Il en résulte qu’en n’avisant pas ses potentiels co-contractants, avec lesquels elle s’était déjà accordée tant sur la chose à vendre que son prix, de la possible remise en cause de l’opération voire même des interrogations se présentant à elle, et en les maintenant dans l’incertitude quant au devenir de cette cession, la SCI a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

S’agissant du préjudice, il doit être souligné que les appelants ne démontrent pas que les quelques éléments de mobilier dont les photographies sont produites aux débats aient été exclusivement achetés pour meubler le local objet du présent litige, pas plus qu’ils n’établissent leur caractère uniquement adapté à cet immeuble ainsi que le coût de leur acquisition.

Par ailleurs, concernant le préjudice de jouissance, outre que les appelants ne mentionnent aucunement quelle serait l’importance financière réelle de ce dommage, il ne peut qu’être constaté qu’ils ne produisent aucune pièce établissant que cette acquisition ait, de quelque manière que ce soit, eu vocation à permettre une mise en location.

Enfin, le fait d’avoir maintenu les appelants dans l’attente et l’espérance de la réalisation d’une vente dans laquelle ils s’étaient particulièrement investis, comme le démontre l’accord de principe sur un financement de plus de 66.000 euros, que leur avait accordé leur établissement de crédit, est de nature à causer un préjudice moral aux acquéreurs déçus.

Dans ces conditions la décision de première instance doit être confirmée en ce qu’elle a uniquement fait droit à la demande d’indemnisation du préjudice moral des appelants qui a été valablement fixé à la somme de 750 euros.

Sur les demandes accessoires

Les appelants qui succombent doivent être condamnés aux dépens d’appel.

Par ailleurs, l’équité commande de rejeter l’ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Enfin, les dispositions de la décision de première instance à ce titre doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement du tribunal d’instance du Mans du 5 février 2019 ;

Y ajoutant :

REJETTE l’ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [C] [Y] et Mme [D] [H] épouse [Y] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. LEVEUF C. MULLER

 


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