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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRET DU 23 JUIN 2022
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/20737 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXQO
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Novembre 2021 -Président du TJ de PARIS – RG n° 19/53855
APPELANTE
LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 7], Mme [E] [Y], domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Fabienne DELECROIX de l’ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229, substituée par Me Jennyfer BRONSARD, avocat au barreau de PARIS
INTIME
M. [B] [K]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Défaillant, signifié le 15.12.2021 à étude
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 mai 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, et Michèle CHOPIN, Conseillère chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller
Michèle CHOPIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– RENDU PAR DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par assignation en date du 28 mars 2019, la Ville de [Localité 7] prise en la personne de Mme la Maire de [Localité 7] a fait assigner M. [K], devant le tribunal de grande instance de [Localité 7] – devenu tribunal judiciaire de [Localité 7] – saisi selon la procédure en la forme des référés, sur le fondement notamment des dispositions de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé [Adresse 2], aux fins de constater que M. [K] a enfreint les dispositions susvisées du code de l’urbanisme, le voir condamner à payer à la Ville de [Localité 7] une amende civile de 50.000 euros, et ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation.
Par ordonnance du 26 juin 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 7] dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.
Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).
Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 7] sur le changement d’usage est conforme à la réglementation européenne.
L’affaire a été rétablie à l’audience du 25 octobre 2021.
Par ordonnance contradictoire du 22 novembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond, a :
– débouté la Ville de [Localité 7] de sa demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L.63l-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation ;
– rejeté la demande portant sur le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 2]) ;
– débouté la Ville de [Localité 7] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la Ville de [Localité 7] aux dépens.
Par déclaration du 26 novembre 2021, la Ville de [Localité 7] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 décembre 2021, la Ville de [Localité 7] demande à la cour de :
– juger la Ville de [Localité 7] recevable et bien fondée en son appel ;
– infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
– juger que M. [K] a enfreint les dispositions de l’article L 637-1 du code de la construction et de l’habitation ;
En conséquence,
– condamner M. [K] à payer à la Ville de [Localité 7] une amende civile de 50.000 euros ;
– ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 2] sous astreinte de 1.000 euros par m² par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au tribunal de fixer ;
– se réserver la liquidation de l’astreinte ;
– condamner M. [K] à payer à la Ville de [Localité 7] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner aux entiers dépens.
La ville de [Localité 7] soutient notamment que :
– le local en cause est à usage d’habitation sans aucun changement d’affectation, ainsi qu’en attestent les extraits de registre cadastral, le relevé de propriété, la fiche modèle H2 du 15 juillet 1970 et la fiche modèle R du 15 février 1971 ; en outre, le bien litigieux n’est pas déclaré la résidence principale du loueur ;
– le bien a fait l’objet de locations de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, ainsi qu’en attestent les extraits du site Airbnb, et les divers commentaires laissés par des touristes ;
– l’exploitation, d’une rentabilité importante, a offert à M. [K] un gain estimé à 45.000 euros, autorisant la Ville de [Localité 7] à réclamer le versement d’une amende de 50.000 euros ;
La Ville de [Localité 7] a fait signifier la déclaration d’appel et ses conclusions à M. [K] par acte d’huissier de justice le 15 décembre 2021.
M. [K] n’a pas constitué avocat devant la cour d’appel.
SUR CE LA COUR
L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, tel qu’issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.
Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.
Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.
Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires.
Il résulte en outre de l’article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.
Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1.
Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.
Pour l’application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d’établir :
– l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l’usage en cause ;
– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n’excédant pas 120 jours par an, la location d’un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d’un meublé dans le cadre d’un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).
Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 7] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n’apparaît pas voir été respectée dans le cadre de la présente procédure.
Il appartient à la Ville d’apporter la preuve de ce que le local dont il s’agit est bien un local à usage d’habitation au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, étant rappelé qu’un local est réputé à usage d’habitation au sens de ce texte s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d’une affectation de fait à l’usage d’habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.
Il sera d’abord relevé que le relevé de propriété n’établit pas l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 et en particulier, la mention de la lettre “H” pour habitation dans la case “Af” (affectation) est inopérante.
La Ville de [Localité 7] se prévaut aussi de la fiche H2 du 15 juillet 1970 qui, selon elle, établirait l’usage d’habitation au 1er janvier 1970, étant rappelé que cette fiche a été remplie par les propriétaires dans le cadre de la législation fiscale immobilière.
Force est toutefois de constater :
– que la fiche H2 datée du 15 juillet 1970 mentionne que le local est occupé par “une personne autre” que la propriétaire à cette date Mme [U] [P], qui précise “Réservé à mon fils [Z] [P] qui va l’habiter prochainement”, cette mention étant biffée de sorte qu’elle ne peut par conséquent établir l’usage du bien au 1er janvier 1970 ;
– que cette déclaration H2 indique que l’appartement dispose d’une surface de 35 m², composée d’une salle à manger, une cuisine et une chambre, ainsi qu’une salle d’eau ;
– qu’il n’est pas fait mention dans ce document de la perception d’un loyer au 1er janvier 1970 qui permettrait d’établir un usage d’habitation à cette date ;
– que si la Ville de [Localité 7] indique que la déclaration H2 impliquerait nécessairement un usage d’habitation, les dispositions du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l’administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l’article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l’évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété […] la date limite d’envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants) ne permettent pas une telle déduction, la présomption d’usage d’habitation au 1er janvier 1970 telle qu’alléguée ne résultant ni de ces textes, ni par ailleurs d’aucun autre texte.
La Ville de [Localité 7] excipe encore de la fiche modèle R en date du 15 février 1971, laquelle mentionne une occupation par Mme [P] elle-même mais ne contient pas les indications attendues pour établir un usage d’habitation au 1er janvier 1970.
Aucun autre élément probant n’est produit sur ce point.
Aussi, n’est-il pas possible d’affirmer, au vu de l’ensemble de ces éléments de preuve, que la local dont il s’agit avait bien un usage d’habitation au 1er janvier 1970.
La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a dit que le manquement aux dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation n’est pas caractérisé et a conséquence débouté la Ville de [Localité 7] de ses demandes.
Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement tranché par le premier juge.
La Ville de [Localité 7] qui succombe sera condamnée aux dépens en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance entreprise,
Y ajoutant,
Condamne la Ville de [Localité 7] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE