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COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 22 Mars 2023
N° RG 22/01247 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F2Q5
CV
Arrêt rendu le vingt deux Mars deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une ORDONNANCE DE RFERE rendue le 18 mai 2022 par le Président du tribunal judiciaire de CUSSET (RG n° 22/00049)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Monsieur Christophe VIVET, Président de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [S] [Y] [P] exerçant sous l’enseigne SAVEURS D’ARMENIE
immatriculé au RCS de Cusset sous le n° 789 763 893 00029
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
M. [R] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : la SELARL ABSIDE AVOCATS, avocats au barreau de CUSSET/VICHY
INTIMÉ
DEBATS : A l’audience publique du 23 Novembre 2022 Monsieur VIVET a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 25 Janvier 2023 puis prorogé le délibéré au 22 Février 2023 puis à nouveau prorogé le délibéré au 22 Mars 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 22 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE
Par contrat à effet au premier mai 2014 prévoyant un loyer mensuel de 470 euros outre une avance sur charges de 30 euros, M.[R] [Z] a donné à bail commercial à M.[Y] [S] un local sis [Adresse 3] à [Localité 1] (Allier), destiné à l’exploitation d’un commerce d’alimentation générale.
Par acte d’huissier du 24 mars 2022, M.[Z] a cité M.[S] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Cusset, à qui il a demandé de constater l’acquisition de la clause résolutoire du contrat de bail.
Par ordonnance réputée contradictoire du 18 mai 2022, le juge des référés a statué comme suit :
– constatons l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 09 janvier 2022,
– ordonnons en conséquence l’expulsion de M.[S] et de tous occupants de son chef des locaux en cause, dans Ies 15 jours de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, avec le concours de la force publique et l’intervention d’un serrurier si besoin est,
– condamnons M.[S] à payer par provision à M.[Z] la somme de 2.500 euros,
– condamnons M.[S] à payer à compter de janvier 2022 à M.[Z] une indemnité d’occupation mensuelle de 500 euros jusqu’à la libération effective des lieux par remise des clefs,
– condamnons M.[S] à payer à M.[Z] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration au greffe du 16 juin 2022, M.[S] a relevé appel de l’ordonnance, tendant à obtenir la nullité, l’infirmation ou à tout le moins la réformation de la décision, dont les chefs du jugement sont expressément critiqués en ce qu’elle a :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 9 janvier 2022,
– ordonné l’expulsion du locataire dans les 15 jours suivant la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
– condamné par provision le locataire à payer à M.[Z] la somme de 2.500 euros, une indemnité d’occupation de 500 euros jusqu’à la remise des clefs, et la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’appelant précise que l’appel porte également sur toutes dispositions lui faisant grief.
Par ordonnance du 29 septembre 2022, la juridiction du premier président a déclaré irrecevable une demande présentée par M.[Z] tendant à ce que l’appel soit rejeté comme irrecevable.
Par ordonnance du 10 novembre 2022, l’instruction a été close et l’affaire fixée à l’audience collégiale du 23 novembre 2022 en application des article 905 et 760 du code de procédure civile.
Par ses conclusions notifiées le 25 juillet 2022, M.[S] demande à la cour d’infirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de déclarer le juge des référés incompétent au regard de l’existence de contestations sérieuses, de débouter M.[Z] de l’ensemble de ses demandes, et à titre subsidiaire de lui accorder des délais de paiement des loyers et charges de manière rétroactive, et de suspendre les effets de la clause résolutoire. Il réclame en outre la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de M.[Z] aux entiers dépens.
A l’appui de ses demandes, M.[S] expose d’une part qu’il n’a pas été en mesure d’ouvrir son commerce d’alimentation générale pendant la crise sanitaire, et d’autre part que le défaut allégué de paiement des loyers de janvier à juin 2021 est contestable, en ce qu’il soutient avoir depuis 2014 payé les loyers en espèces à la demande du bailleur, qui ne lui délivrait pas de quittance, ce qui l’a amené à payer par virement bancaire depuis janvier 2022. Il soutient donc que les loyers réclamés de janvier à juin 2022 sont réglés, et que seuls restent en discussion les loyers de janvier à mai 2021, s’élevant au total à 2.500 euros. Il ajoute à ce titre que M.[Z] a perçu de la CAF une somme de 2.794 euros au titre de l’année 2020 alors que les loyers étaient déjà réglés, et que cette somme devait être affectée aux loyers de janvier à juin 2021. Il indique avoir le 06 juillet 2022 délivré à M.[Z] sommation de communiquer l’intégralité des quittances de loyer depuis la conclusion du bail, sans succès.
M.[S] ajoute qu’il appartient au juge des référés d’apprécier souverainement si les manquements imputés au preneur sont d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat du bail, et soutient que tel n’est pas le cas le concernant, s’agissant d’un litige portant sur six mois de loyer sur une période de huit ans.
A l’appui de sa demande subsidiaire de délais, il expose que le rejet de cette demande enfreindrait les dispositions de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce que son expulsion et donc la disparition de son entreprise sont disproportionnées par rapport à la somme de 2.500 euros réclamée.
Il soutient donc que l’action du bailleur se heurte à une contestation sérieuse.
Par ses conclusions notifiées le 28 juillet 2022, M.[Z] demande à la cour de déclarer M.[S] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, de l’en débouter, de confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions et de condamner l’appelant à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de justice exposés en appel, outre les dépens.
A l’appui de sa position, M.[Z] expose que, en raison de la crise sanitaire survenue en 2020, il a accordé à M.[S] une remise totale de 3.000 euros correspondant à six mois de loyer, supposant la reprise du paiement des loyers dès janvier 2021. M.[Z] soutient que M.[S] a refusé de reprendre le paiement des loyers en janvier 2021, et ne s’en est pas acquitté jusqu’en mai 2021. Il indique lui avoir donc fait délivrer le 09 décembre 2021 une sommation de payer visant la clause résolutoire, qui est resté sans effet, le délai d’un mois imparti étant écoulé depuis le 09 janvier 2022.
En réponse aux arguments invoqués à l’appui de l’appel par M.[S], M.[Z] expose que le versement des allocations logement invoqué par celui-ci est hors sujet, ces allocations étant relatives aux logements loués par la famille de M.[S] dans le même immeuble, et ne pouvant concerner un loyer commercial. Il souligne que ces allocations de logement social ont d’ailleurs été versées à la famille de M.[S] alors que les logements étaient sous-loués sur les sites AirBnB et booking.com.
M.[Z] soutient que la demande subsidiaire de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire constitue une prétention nouvelle et ne peut donc être soulevée pour la première fois devant la cour d’appel. Il expose ensuite que l’appelant n’indique pas quels délais lui seraient nécessaire pour apurer sa dette, ne fournit aucun élément financier sur l’exploitation de son commerce, et a repris le paiement des loyers sans régler les arriérés.
Il ajoute qu’il a fait cadeau de six mois de loyer à M.[S] en 2020 alors que son commerce pouvait rester ouvert, s’agissant d’un commerce alimentaire.
Par ordonnance du 23 juin 2022, l’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 23 novembre 2022, à laquelle elle a été plaidée, et la décision mise en délibéré au 25 janvier 2023, prorogé au 22 février 2023 puis au 22 mars 2023.
MOTIFS
Sur la résiliation du bail
L’article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d’urgence, le juge peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence, au sens de l’article susvisé, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de droit d’un bail.
L’article L.145-41 du code de commerce dispose en particulier que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
L’alinéa 2 de ce texte prévoit que les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Le bailleur, au titre d’un bail commercial, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire comprise dans cet acte, doit rapporter la preuve de sa créance.
En l’espèce, le juge des référés, à l’appui de sa décision constatant l’acquisition de la clause résolutoire au 09 janvier 2022, a visé un commandement de payer les loyers du 09 décembre 2021, s’agissant au vu des pièces d’un commandement de payer au plus tard dans le délai d’un mois la somme de 2.500 euros en principal, visant la clause résolutoire.
A l’appui de sa contestation de la décision, M. [Y] [S] invoque une contestation qu’il estime sérieuse quant à l’absence de paiement des loyers sur la période de janvier à juin 2021, correspondant à la somme de 2.500 euros, soutenant d’une part qu’il a payé les loyers pour cette période en espèces, comme depuis l’origine du bail en 2014, et d’autre part que M. [R] [Z] a perçu de la CAF une somme de 2.794 euros pour l’année 2020 au titre de l’allocation de logement social (ALS), alors que les loyers ont été versés, et qu’il a donc bénéficié du règlement des loyers et de l’ALS pour l’année 2020. M. [Y] [S] soutient qu’il avait convenu avec M. [R] [Z] d’affecter la somme de 2.794 euros au règlement des six premiers mois de loyer de 2021.
A la contestation soulevée, M. [R] [Z] oppose que M. [Y] [S] n’a pas payé les loyers pour la période de janvier à juin 2021, et considère que la perception de l’allocation de logement social à hauteur de 2.794 euros invoquée par M. [Y] [S] est hors sujet en ce que ces sommes ont été versées par la CAF au titre de logements loués par la famille de ce dernier dans le même immeuble, et ne peuvent concerner le paiement d’un loyer commercial.
Sur ce :
Les contestations soulevées par M. [Y] [S] apparaissent d’évidence dénuées de tout caractère sérieux, en ce qu’il ne justifie en rien du paiement en espèces de la somme de 2.500 euros due au titre des loyers de janvier à juin 2021 dont il allègue, et que manifestement la somme de 2.794 euros versée par la CAF à M. [R] [Z] au titre de l’allocation de logement social ne peut correspondre qu’à des loyers dus au titre de logements d’habitation, et en aucune façon au loyer commercial en question. Il y a lieu de souligner que l’argumentation de M. [S] est marquée par son incohérence, en ce qu’il soutient dans le même temps avoir payé les loyers d’une part en espèces et d’autre par une compensation avec une allocation de logement social, tout en semblant ne pas contester être débiteur de cette somme.
En conséquence, les conditions d’application de la clause résolutoire étant réunies, l’ordonnance critiquée sera confirmée en ce qu’elle en a constaté l’acquisition à la date du 09 janvier 2022.
Concernant la demande de délais présentée par M. [Y] [S], contrairement à ce que soutient M. [R] [Z], les mesures de grâce peuvent être sollicitées en tout état de cause en application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil (Civ. 1ere, 29 juin 2004 n° 02-12.598). En conséquence la demande présentée pour la première fois en cause d’appel par M. [Y] [S] sur le fondement de ce texte sera déclarée recevable.
Sur le fond de la demande de délais de grâce, comme le soutient M. [R] [Z], M. [Y] [S] se borne à présenter cette demande sans l’assortir d’aucune proposition de plan d’apurement, ni aucune garantie de paiement, ni justifier comme il le semble le soutenir de quelconques efforts pour apurer cette dette.
Ensuite, contrairement à ce qu’il soutient, le rejet de sa demande de délais ne serait pas à elle seule de nature à enfreindre les dispositions de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, en ce que le fait que l’expulsion soit susceptible d’être mise en ‘uvre en cas de refus de sa demande de délais n’est en rien disproportionné au regard de l’ancienneté de la dette et de sa mauvaise foi manifeste, ressortant de sa tentative de justifier son refus de s’acquitter des sommes dues par une argumentation dénuée de toute pertinence et de toute cohérence. Il sera donc débouté de sa demande de délais.
Dès lors, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a ordonné l’expulsion de M. [Y] [S] et l’a condamné en conséquence à payer une indemnité d’occupation.
Sur la provision
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, sans condition d’urgence.
En l’espèce, il ressort des développements précédents que l’existence d’une dette de 2.500 euros au titre des loyers commerciaux de janvier à juin 2021 n’est pas sérieusement contestable, en conséquence de quoi l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a condamné M. [Y] [S] à verser cette somme à titre de provision.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce M. [Y] [S] étant la partie perdante en première instance et en appel, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamné aux entiers dépens de la procédure en première instance et au versement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et il sera condamné aux entiers dépens de la procédure d’appel. En conséquence il sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 au titre des frais exposés en appel. L’équité commande qu’il soit fait droit aux demandes présentées sur ce fondement par l’intimé, qui a été contraint d’exposer des frais d’avocat pour se défendre en appel, en conséquence de quoi M. [Y] [S] sera condamné à ce titre à payer 1.500 euros à M.[R] [Z].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance n°22-49 prononcée le 18 mai 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Cusset,
Y ajoutant :
DECLARE recevable la demande de délais de grâce présentée par M. [Y] [S],
REJETTE cette demande,
CONDAMNE M. [Y] [S] aux entiers dépens d’appel,
DEBOUTE M. [Y] [S] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [Y] [S] à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 1.500 euros à M. [R] [Z].
Le greffier, La présidente,