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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 20 AVRIL 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/18126 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGS5A
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2022 -Président du TJ de Paris – RG n° 21/50946
APPELANTE
LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 7], Mme [H] [I], domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131
INTIMEE
Société SELCED, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillante, PV de recherches art. 659 en date du 28.11.2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mars 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– RENDU PAR DÉFAUT
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Selced a mis en location un bien à usage commercial, situé [Adresse 3] lots 11 et 40).
La ville de [Localité 7] a relevé que la société Selced et son gestionnaire M. [S] n’étaient pas enregistrés sur le site dédié de déclaration préalable, prévue par l’article L. 324-1-1 du code de tourisme, pour offrir son bien à la location en meublé de tourisme.
Par assignation en date des 18 novembre 2020 et 19 janvier 2021, la ville de [Localité 7] a fait assigner la société Selced devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en la procédure accélérée au fond, sur le fondement des dispositions de l’article L.324-1-1 du code de tourisme, concernant l’appartement situé [Adresse 3]) (2ème étage, lots 11 et 40).
Par décision du 11 mars 2021, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la ville de Paris, dans l’attente d’une décision de la Cour de cassation statuant sur l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne appelé, sur le renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e. Civ. 15 nov 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.
Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 22 septembre 2020, dans lequel la réglementation national a été considérée conforme aux disposition de la directive 2006/123/CE.
L’affaire a été rétablie à l’audience du 13 juin 2022.
La ville de [Localité 7] a demandé, par conclusions soutenues à l’audience du 13 juin 2022, de :
– condamner la société Selced à une amende civile de 5.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la ville de [Localité 7] conformément aux dispositions de l’article L.324-2-1 du code de tourisme ;
– condamner la société Selced au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la ville de [Localité 7] ainsi qu’aux entiers dépens.
La société Selced n’a ni comparu ni n’a été représentée.
Par jugement réputé contradictoire du 12 septembre 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond, a :
– débouté la ville de [Localité 7] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article L.324-1-1 III du code du tourisme ;
– débouté la ville de [Localité 7] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la ville de [Localité 7] aux dépens ;
– rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.
Par deux déclarations du 20 octobre 2022, la ville de [Localité 7] a relevé appel de cette décision, les procédures ayant été jointes.
Dans ses conclusions remises le 15 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la ville de [Localité 7] demande à la cour, au visa des articles L. 324-1-1 et L. 342-2 du code du tourisme, de :
– infirmer le jugement dont appel ;
– la dire recevable et bien fondée en son action ;
– dire et juger que la société Selced a enfreint les dispositions de l’article L.324-1-1 du code de tourisme en offrant à la location de courte durée l’appartement situé [Adresse 2], sans avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé ;
– condamner la société Selced à une amende civile de 5.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la ville de [Localité 7] conformément aux dispositions de l’article L.324-2-1 du code du tourisme ;
– condamner la société Selced au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la ville de [Localité 7] ainsi qu’aux entiers dépens.
La ville de [Localité 7] fait valoir en substance :
– que le premier juge a confondu les réglementations applicables, n’étant pas nécessaire ici de prouver l’usage d’habitation, s’agissant d’un dossier relatif à l’ absence de numéro d’enregistrement ;
– que l’article L. 324-1-1 du code du tourisme prévoyait dès l’origine l’enregistrement de tous les meublés, qu’il s’agisse de résidences principales ou de locaux commerciaux, dans les villes où il existe un règlement municipal comme à [Localité 7].
La société Selced n’a pas constitué avocat.
SUR CE LA COUR
A titre liminaire, il sera rappelé qu’en l’absence de constitution de la partie intimée, celle-ci est réputée s’être appropriée les motifs du premier juge.
De surcroît, en application de l’article 472 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne fera droit aux demandes que si elle les estime régulières, recevables et bien fondées.
L’article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose que :
I.-Pour l’application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.
II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.
Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
Un téléservice permet d’effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.
Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d’un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.
Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l’enregistrement.
IV.-Dans les communes ayant mis en ‘uvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
La commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration.
IV bis.-Sur le territoire des communes ayant mis en ‘uvre la procédure d’enregistrement prévue au III, une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.
Cette autorisation est délivrée au regard des objectifs de protection de l’environnement urbain et d’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services, par le maire de la commune dans laquelle est situé le local.
Lorsque la demande porte sur des locaux soumis à autorisation préalable au titre d’un changement de destination relevant du code de l’urbanisme, l’autorisation prévue au premier alinéa tient lieu de l’autorisation précitée dès lors que les conditions prévues par le code de l’urbanisme sont respectées.
Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent IV bis.
V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV bis est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 25.000 euros.
Ces amendes sont prononcées par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur demande de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme. Le produit de l’amende est versé à la commune. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le meublé de tourisme.
En l’espèce, il sera d’abord observé que la ville de [Localité 7] reproche à la société Selced de ne pas avoir déclaré la location d’un meublé de tourisme.
Sont donc applicables les dispositions de l’article L. 324-1-1 III du code du tourisme, les développements de la ville de [Localité 7] sur l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme étant inopérants.
Aux termes de l’article L. 324-1-1 III du code du tourisme, si le logement ne constitue pas la résidence principale de la loueur, ce dernier est tenu à déclaration préalable, à la condition qu’une délibération du conseil municipal ait décidé de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme.
Il est constant ici que, par délibération des 4, 5 et 6 juillet 2017, le conseil de [Localité 7] a décidé de mettre en oeuvre le dispositif prévu par cette disposition.
Le premier juge a retenu que l’obligation d’enregistrement de l’article L. 324-1-1 III du code du tourisme ne pouvait concerner que les locaux destinés à l’habitation, les articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation, expressément mentionnés, concernant le changement d’usage de locaux à usage d’habitation.
Il a relevé que ce vide juridique aurait d’ailleurs rendu nécessaire la création de l’article L. 324-1-1 IV bis du code du tourisme par la loi du 27 décembre 2019, qui prévoit qu’une délibération du conseil municipal puisse soumettre à autorisation la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.
Force est cependant de constater :
– que, comme le rappelle la ville de [Localité 7], l’article L. 324-1-1 III du code du tourisme prévoyait dès son origine l’enregistrement de tous les meublés, qu’il s’agisse de locaux à usage d’habitation ou de locaux commerciaux, l’article en cause se référant à toute location d’un meublé de tourisme, la référence au régime des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation visant simplement à définir le périmètre des communes concernées, à savoir celles où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable ;
– que la délibération susvisée du conseil de [Localité 7] a entendu mettre en oeuvre la procédure de déclaration préalable ;
– que la création de l’article L. 324-1-1 IVbis du code du tourisme a eu pour objet de permettre au conseil municipal de prévoir un possible régime d’autorisation pour toute location d’un local commercial en meublé de tourisme, n’étant donc pas relative au vide juridique telle que l’a retenu à tort le premier juge ;
– que, dès lors, pour l’infraction en cause, la ville de [Localité 7] n’a pas à démontrer que le bien était à usage d’habitation, un local commercial devant faire l’objet d’une déclaration, en cas de location comme meublé de tourisme ;
– que le constat d’infraction du 9 mars 2020 (pièce 2) établit que la société Selced, propriétaire, a procédé à la location d’un logement situé [Adresse 3] (deuxième étage, lots 11 et 40) comme meublé de tourisme, pour de courtes durées (annonce sur le site Airbnb, commentaires multiples d’internautes), sans avoir effectué une déclaration par voie électronique auprès de la ville de Paris.
Il y a donc lieu, par infirmation de la décision entreprise, de condamner la société intimée à une amende civile de 5.000 euros, la société Selced, non constituée, n’ayant pas fait connaître d’éléments relatifs à sa situation, la cour prenant en compte l’objectif d’intérêt général de la réglementation applicable qui vise à assurer, dans des zones où la question du logement devient prégnante du fait de la multiplication des meublés de tourisme, un contrôle effectif par la commune concernée du respect des dispositions applicables.
L’intimée devra indemniser l’appelante pour les frais non répétibles exposés en première instance et en appel et sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Selced à régler une amende civile de 5.000 euros, dont le produit sera réglé à la ville de [Localité 7], en application de l’article L. 324-1-1 III du code du tourisme ;
Condamne la société Selced à verser à la ville de [Localité 7] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Selced aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE