Sous-location : 16 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/13855

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Sous-location : 16 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/13855
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 16 FEVRIER 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/13855 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHBA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris – RG n° 22/53258

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 5], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 5], Mme [E] [U], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131

INTIMES

M. [N] [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Mme [I] [F] épouse [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés et assistés par Me Pascal CHERKI, avocat au barreau de PARIS, toque : R227

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu par par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par exploit délivré le 25 mars 2022, la ville de [Localité 5] a fait citer Mme [I] [F] épouse [Z] et M. [N] [Z] devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant un appartement situé [Adresse 1].

Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la ville de [Localité 5] demandait de voir :

– condamner solidairement les défendeurs à une amende civile de 50.000 euros, dont le produit lui sera intégralement versé conformément à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

– ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation sous astreinte de 136 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et pendant le délai qu’il plaira au président de fixer et qui s’en réservera la liquidation ;

– condamner solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

En réplique, les époux [Z] sollicitaient que la condamnation soit réduite à un euro et concluaient au rejet du surplus des prétentions.

Par jugement contradictoire du 29 juin 2022, rendu selon la procédure accélérée au fond, le magistrat du tribunal judiciaire de Paris a :

– débouté la ville de [Localité 5] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné la ville de [Localité 5] aux dépens ;

– rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 20 juillet 2022, la ville de [Localité 5] a relevé appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 29 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la ville de [Localité 5] demande à la cour, au visa de l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, de l’article 492-1 du code de procédure civile, de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 632-1 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, des articles L. 324-1-1 et L. 324-2 du code du tourisme, de :

– dire et juger que M. et Mme [Z] ont commis une infraction aux dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation en louant pour de courtes durées l’appartement situé au deuxième étage, [Adresse 3], d’une surface de 32m² correspondant au lot n°77 ;

– condamner solidairement M. et Mme [Z] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la ville de [Localité 5] conformément à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

– ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés au deuxième étage, [Adresse 3], d’une surface de 32m² correspondant au lot n°77, sous astreinte de 136 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et pendant le délai qu’il plaira à Mme ou M. le Président de fixer ;

– se réserver la liquidation de l’astreinte ;

– condamner solidairement M. et Mme [Z] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La ville de [Localité 5] soutient en substance :

– qu l’examen de la déclaration H2 produite aux débats par la ville de [Localité 5] montre qu’elle a été remplie le 6 octobre 1970 par le propriétaire du bien et rappelle la situation pour l’année fiscale 1970, faisant état d’un usage d’habitation ;

– la production des calepins, de l’annuaire 1970, de la liste électorale de 1970 , de l’accord

préalable 1959 et du projet d’aménagement de 1959 confirment l’usage d’habitation ;

– que le logement n’est pas la résidence principale des loueurs ;

– qu’à la suite des recherches effectuées par le contrôleur assermenté de la ville de [Localité 5], celui-ci a constaté que ce local d’habitation figurait parmi les annonces du site Airbnb proposant des locations de courte durée ;

– que le quantum de l’amende civile doit être fixé en fonction de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la législation dont elle vise à garantir le respect dans une ville comme [Localité 5] où il existe une grande disparité entre l’offre et la demande de logements à la location.

Dans leurs conclusions remises le 16 septembre 2022, , auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [Z] et Mme [F] demandent à la cour, au visa de l’article 492-1 du code de procédure civile, de l’article 107 de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 632-1 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, de :

– débouter la ville de [Localité 5] de sa demande de dire et juger qu’ils ont commis une infraction aux dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation en louant pour de courtes durées l’appartement situé au deuxième étage, [Adresse 1], d’une surface de 32m² correspondant au lot n°77 ;

– débouter la ville de [Localité 5] de sa demande visant à les voir condamner à une amende civile de 50.000 euros sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

subsidiairement,

– condamner solidairement ceux-ci à une amende civile de 1 euro et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de [Localité 5] conformément à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

– débouter la Ville de [Localité 5] de sa demande visant à ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation valable situés au deuxième étage, [Adresse 1], d’une surface de 32 m² correspondant au lot n°77, sous astreinte de 136 euros par jour de retard ;

subsidiairement,

– constater qu’ils se conforment aux dispositions de l’article 107 de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 concernant l’établissement d’un « bail mobilité » et, en conséquence de débouter la Ville de [Localité 5] de sa demande de voir ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation valable situés au deuxième étage, [Adresse 3], d’une surface de 32m² correspondant au lot n° 77, sous astreinte de 136 euros par jour de retard ;

– débouter la ville de [Localité 5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la ville de [Localité 5] aux dépens.

M. [Z] et Mme [F] soutiennent en substance :

– que la fiche H2 produite ne permet pas d’établir l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 ;

– que, subsidiairement, c’est la maladie de Mme [F] qui les a conduit à louer le bien pour de courtes durées ;

– qu’ils étaient de bonne foi et ont respecté la réglementation une fois qu’ils ont été avertis ;

– que tous les baux conclus à partir de 2021 comportent une durée entre un à dix mois, de sorte qu’ils ont respecté la législation relative au bail mobilité.

SUR CE LA COUR

L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, tel qu’issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires.

Il résulte en outre de l’article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1.

Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.

Pour l’application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d’établir :

– l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l’usage en cause ;

– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n’excédant pas 120 jours par an, la location d’un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d’un meublé dans le cadre d’un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la ville de [Localité 5] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

En l’espèce, s’agissant de l’usage d’habitation, le formulaire H2 versé aux débats date du 6 octobre 1970 et mentionne la présence d’un propriétaire occupant, Mme [K], sans référence à la présence d’un locataire au 1er janvier 1970.

Si les mentions de la fiche H2 ont été portées à une date assez proche du 1er janvier 1970, elles ne suffisent pas en toute hypothèse à établir un usage d’habitation au 1er janvier 1970, étant observé :

– qu’aux termes de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation, le local doit être affecté à un usage d’habitation au 1er janvier 1970, le texte ne posant pas une simple présomption d’affectation à un usage d’habitation ;

– que la mention de l’occupation du bien par le propriétaire ne se réfère pas à la date du 1er janvier 1970 (contrairement à l’hypothèse de la perception d’un loyer au 1er janvier 1970), en sorte que l’occupation par le propriétaire ne peut être considérée comme étant acquise dès le 1er janvier 1970 ;

– qu’au demeurant, comme le souligne d’ailleurs habituellement la ville de [Localité 5], la preuve à apporter n’est pas celle de l’occupation du bien au 1er janvier 1970 mais de l’affectation du bien à un usage d’habitation à cette date de référence ;

– que de même, si le local est décrit sur la fiche comme étant à usage exclusif d’habitation, cette description ne vaut qu’à la date à laquelle la fiche est renseignée, soit au 6 octobre 1970. 

Si la ville de [Localité 5] soutient que l’établissement de la fiche H2 impliquerait nécessairement un usage d’habitation au 1er janvier 1970, les dispositions invoquées du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 ne permettent toutefois pas non plus une telle déduction (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l’administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l’article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l’évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété […] la date limite d’envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants).

Dans ces circonstances, ce seul document ne permet pas d’établir l’usage d’habitation au 1er janvier 1970.

Par ailleurs, la ville de [Localité 5] produit à hauteur d’appel (pièce 4) :

– le calepin des propriétés bâties qui permet de voir que Mme [K] est redevable des contributions foncières, à une date non précisée ;

– un fichier électoral pour l’année 1970 ;

– l’annuaire téléphonique pour l’année 1970 ;

– une demande d’accord préalable pour la construction de l’immeuble pour le compte de M. [B] [X], propriétaire, qui date de 1959, avec la notice faisant état de ce qu’il est envisagé un projet de construction d’un immeuble de rapport à usage d’habitation.

Dans ces conditions, ces pièces, si elles établissent que Mme [K] occupait l’immeuble en 1970, n’établissent pas pour autant que cette propriétaire était présente au 1er janvier 1970 et que donc le logement avait à cette date un usage d’habitation, étant observé que le calepin, le fichier électoral ou l’annuaire téléphonique ne font pas état de l’occupation du logement antérieurement ou à la date du 1er janvier 1970, faute notamment de production de pièces antérieures à cette date.

De même, les pièces relatives à un projet de construction envisagé en 1959 ne sont pas probantes sur l’usage du bien. Il sera relevé que le permis de construire finalement délivré n’est par ailleurs pas produit.

Aussi, sans se prononcer sur les autres moyens soulevés, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la ville de [Localité 5] de sa demande, faute pour celle-ci d’établir l’usage d’habitation du bien conformément au code de la construction et de l’habitation.

La ville de [Localité 5] sera condamnée aux dépens d’appel, sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne pouvant qu’être rejetée.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de la ville de [Localité 5] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la ville de [Localité 5] aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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