Sous-location : 15 juin 2017 Cour d’appel de Paris RG n° 16/03592

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Sous-location : 15 juin 2017 Cour d’appel de Paris RG n° 16/03592
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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 15 JUIN 2017

(n°380, 4 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/03592

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Décembre 2015 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/60747

APPELANTE

Madame [X] [J] [F]

chez Monsieur [O] [D]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 2] (CHINE)

Représentée et assistée par Me Prune SCHIMMEL-BAUER de l’AARPI HERBIERE FRACHON & SCHIMMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : U0009

INTIME

LE PROCUREUR GENERAL – SERVICE CIVIL

[Adresse 2]

[Localité 3]

INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TELLE APPELANTE

VILLE DE PARIS

prise en la personne de Madame la Maire de Paris, Madame [W] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

Assistée par Me Adva ABRAHANI substituant Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mai 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. Aymeric PINTIAU, greffier.

Une ordonnance du délégué du président du tribunal de grande instance de Paris rendue le 14 décembre 2015 a, au visa des articles L631-7 et L651-2 du code de la construction et de l’habitation, condamné Mme [X] [J] [F] à payer une amende civile de 5 000 euros et à faire retour à l’habitation de l’appartement dont elle est propriétaire [Adresse 4], sous astreinte, de 300 euros par jour de retard pendant deux mois passé un délai d’un mois à compter de la signification de la décision.

Le 8 février 2016, Mme [X] [J] [F] a interjeté appel de cette décision et au terme des dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 mai 2017, demande à la cour de l’infirmer, de débouter la Ville de Paris de ses demandes et de la condamner à lui payer une indemnité de procédure de 3.000 euros.

Elle soutient que la preuve des conditions de l’infraction n’est pas rapportée compte tenu de la jouissance de l’appartement en cause par ses enfants puis du bail meublé dont il fait l’objet depuis le 24 février 2016 et qu’en tout état de cause, l’amende demandée est excessive pour un gain estimé sans rapport avec la réalité.

Madame le procureur général, au terme de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 24 mars 2017, demande à la cour de :

– l’infirmer mais uniquement en ce qu’elle a limité le montant de l’amende à 5.000 euros et celui de l’astreinte journalière à 300 euros,

– porter le montant de l’amende à son maximum soit 25.000 euros et le montant de l’astreinte à 1 000 euros par jour de retard et par m2 utile,

– se réserver la liquidation de l’astreinte,

– dire qu’en application de l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation, le produit de cette amende sera intégralement versé à la commune de Paris dans laquelle est situé l’immeuble,

– condamner Mme [F] aux dépens.

Madame le procureur général rappelle le dispositif légal et ses objectifs puis soutient que le montant de l’amende prononcée est insuffisant au regard du gain, estimé à 81.000 euros, généré par plus de trois ans de location du bien en litige, pour de courtes durées à une clientèle de passage.

La Ville de Paris, par conclusions transmises par RPVA le 2 mai 2017, indique intervenir volontairement à l’instance, en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 qui, en modifiant l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, lui donne désormais compétence pour agir en justice afin de faire cesser les usages de locaux d’habitation à des fins interdites et obtenir le prononcé des sanctions pécuniaires qui s’attachent à un tel comportement.

Elle demande donc à la cour de la recevoir en son intervention volontaire, d’infirmer l’ordonnance entreprise quant au montant de l’amende afin qu’il soit porté à la somme de 25 000 euros et de dire qu’en application de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, le produit de cette amende lui sera intégralement versé. Elle demande en outre la condamnation de Mme [X] [J] [F] à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle s’associe aux moyens et arguments de Mme le Procureur général.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Conformément à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, tel qu’il a été modifié par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, le maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé a, y compris dans les procédures en cours lors de l’entrée en vigueur de cette loi, la qualité de partie jointe à la procédure visant à voir prononcer l’amende contre la personne qui a enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 du même code et ordonner le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation.

L’intervention à la présente instance de la ville de Paris est donc recevable.

L’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation prohibe dans des villes comme Paris le changement, sans autorisation préalable, d’usage des locaux destinés à l’habitation telle que résultant de l’affectation à la location de courte durée, épisodique, à l’usage d’une clientèle de passage pour des motifs de travail ou touristiques.

L’article L. 651-2 du même code, dans sa rédaction applicable au moment des faits litigieux sanctionne d’une amende de 25 000 euros toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7, précité, ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article.

En vertu de ce même texte, cette amende est prononcée à la requête du ministère public et du maire de la commune, partie jointe, par le président du tribunal de grande instance du lieu de l’immeuble, statuant en référé, et le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé l’immeuble. En outre, le président du tribunal ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu’il fixe.

Ces dispositions ont pour objectif de lutter contre la pénurie de locaux offerts à la location aux individus et aux familles cherchant à se loger dans les zones géographiques concernées.

En l’espèce, il résulte de l’enquête diligentée sur place le 11 juin 2015 par la Direction du logement et de l’habitat, après vaines mises en demeure des 4 avril et 4 mai 2015, que l’agent assermenté n’a pas pu entrer dans l’appartement mais que le voisinage lui a affirmé que des locataires étaient partis peu de temps avant sa visite. Le rapport d’enquête énonce que ‘les copropriétaires sont lassés’ par les locations de courte durée dont fait l’objet ledit local, qui ‘génèrent beaucoup de bruit dans l’immeuble à toute heure, ne respectant pas la tranquillité des résidents’.

Il est en outre démontré au vu des pièces produites que l’appartement litigieux est proposé sur le site internet ‘airbnb’, pour des locations de courte durée, depuis le mois d’avril 2013, ce que confirme les captures d’écran effectuées par le contrôleur assermenté qui font état de commentaires d’usagers pour cet appartement. Enfin, le calendrier des réservations auquel l’agent assermenté s’est reporté montre que la location est ouverte à n’importe quelle date, des simulations de réservations indiquant une disponibilité pour les mois de septembre, octobre ou décembre 2015.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le bien litigieux de Mme [X] [J] [F] a fait l’objet , d’avril 2013 à octobre 2015, soit un total de 30 mois, de locations de courte durée, épisodiques, à l’usage d’une clientèle de passage.

L’attestation établie par le fils de Mme [X] [J] [F] le 28 février 2016 selon laquelle il aurait résidé dans cet appartement à diverses périodes, laquelle n’est pas corroboré par d’autres indices, n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

La copie de bail du 24 février 2016 produite aux débats qui n’est pas non plus corroboré par d’autres indices de nature à le rendre crédible n’est pas davantage déterminante. Au demeurant, un tel bail est impropre à exclure toute location de courte durée à une clientèle de passage de cet appartement pour la période en litige qui est antérieure à cette date.

En ce qui concerne le montant de l’amende, le Ministère public et la Ville de Paris rappellent à bon droit qu’au regard des objectifs poursuivis par la loi et des profits que sa violation génère, il importe que celui-ci soit établi en proportion de ces derniers afin d’être dissuasif.

La somme de 5.000 euros fixée par le premier juge s’avère, à cet égard, insuffisante, et il convient au vu des circonstances qui précèdent et du gain locatif estimé à 81.000euros, faute de production par Mme [X] [J] [F] de toute déclaration le concernant, de porter le montant de l’amende à la somme de 25.000 euros.

En revanche, aucun élément en débat ne justifie de modifier le montant de l’astreinte ni de se réserver sa liquidation, qui relève du juge de l’exécution.

Mme [X] [J] [F], partie perdante, doit supporter la charge des dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

REÇOIT la Ville de Paris en son intervention volontaire ;

CONFIRME l’ordonnance entreprise, sauf en ce qui concerne le montant de l’amende ;

Statuant à nouveau de ce chef, et y ajoutant,

Condamne Mme [X] [J] [F] à payer une amende de 25.000 euros euros;

DIT que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de Paris conformément à l’article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

CONDAMNE Mme [X] [J] [F] à verser à la Ville de Paris la somme 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [X] [J] [F] aux dépens d’appel distraits conformément à l’article 699 du code de procédure civile et REJETTE toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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