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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRET DU 15 DECEMBRE 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/10648 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF5NY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 20/57822
APPELANTE
LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 8], Mme [N] [P], domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131
INTIME
M. [B] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Lorène DERHY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1320
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 novembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Par exploit du 21 octobre 2020, la ville de [Localité 8] a fait assigner M. [T] devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement des dispositions de l’article L.324-1-1 du code du tourisme, concernant l’appartement situé [Adresse 1].
Par jugement du 16 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
– condamné M. [T] au paiement d’une amende civile de 500 euros ;
– dit que le produit de l’amende sera versé à la Ville de [Localité 8] en application du III de l’article L.324-1-1 du code du tourisme ;
– condamné M. [T] à payer à la Ville de [Localité 8] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [T] aux dépens.
Par déclaration du 2 juin 2022, la ville de [Localité 8] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 juin 2022, la ville de [Localité 8] demande à la cour de :
– infirmer partiellement la décision d’appel et statuant à nouveau ;
– dire la ville de [Localité 8] recevable et bien fondée en son action ;
– dire et juger que M. [T] a enfreint les dispositions de l’article L.324-1-1 du code de tourisme en offrant pendant plus de 120 jours par an et pour de courte durée l’appartement situé [Adresse 1] ;
– condamner M. [T] une amende civile de 10.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de [Localité 8] conformément aux dispositions de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme ;
– condamner M. [T] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de [Localité 8] ainsi qu’aux entiers dépens.
La ville de [Localité 8] soutient en substance que :
– M. [T] a mis son bien en location de courte durée sur la plateforme airbnb au-delà des 120 jours autorisés au cours de l’année 2019, et l’infraction est donc constituée,
– M. [T] a opéré des choix de vie, mais les circonstances dramatiques de la guerre en Ukraine qui permettent à M [T] d’expliquer les locations puis son retour en France ne peuvent être prises en considération pour fixer le quantum de l’amende et ne relèvent pas de l’exception prévue par la loi au titre des obligations professionnelles.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 juin 2022, M. [T] demande à la cour de :
– déclarer recevables l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
À titre principal,
– infirmer toutes les dispositions du jugement rendu selon la procédure accélérée au fond en date du 16 mai 2022 en ce qu’il l’a condamné à une amende civile de 500 euros, outre à la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Et statuant à nouveau,
– juger que le dépassement de la limite légale de 120 jours de location par an autorisé au titre de la résidence principale de M. [T] est justifié pour des obligations professionnelles au titre de l’année 2019 ;
– juger que l’infraction qui lui est reprochée aux dispositions de l’article L 324-1-1 IV° du code du tourisme n’est pas caractérisée ;
En conséquence,
– infirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond en date du 16 mai 2022 en ce qu’il l’a condamné à une amende civile de 500 euros ;
– débouter la ville de [Localité 8] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions contraires à savoir de le voir condamner à une amende civile 10.000 euros, outre à la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire, si par impossible l’infraction devait être caractérisée,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond en date du 16 mai 2022 en ce qu’il l’a condamné à une amende civile de 500 euros, outre à la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
En tout état de cause,
– condamner la ville de [Localité 8] à verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
M. [T] soutient en substance que :
– il a été contraint en 2019 de se rendre à [Localité 7] pour des raisons professionnelles et a jugé bon de poursuivre les locations de courtes durées au-delà de la limite des 120 jours, le dépassement de 73 jours qui lui est reproché correspondant à son séjour en Russie,
– l’obligation professionnelle devra donc être retenue,
– à titre subsidiaire, il a subi des événements dramatiques liés à la guerre en Ukraine et a à sa charge l’ensemble de sa belle-famille,
– le montant de l’amende retenu par le tribunal sera confirmé, dans la mesure où il s’est conformé à la réglementation, a été contraint de rentrer brusquement en France avec sa compagne et sa belle-mère, et étant sans emploi, a dû être hébergé chez ses parents, alors que le dépassement opéré en 2019 est mineur.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
L’article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose que :
[…]
IV.-Dans les communes ayant mis en ‘uvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
V.- […]Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 euros.
[…]
Ces amendes sont prononcées par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur demande de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme. Le produit de l’amende est versé à la commune. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le meublé de tourisme.
En l’espèce, il est constant que M. [T] a donné l’appartement en cause en location de courte durée à destination d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile au cours de l’année 2019 et que le bien a été loué 193 nuitées.
M. [T] expose que ses obligations professionnelles l’en ont tenu éloigné en 2019, à compter du 31 août 2019, ce qui lui permettrait de se prévaloir des exceptions prévues par l’article L 324-1-1-IV du code de tourisme et de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile au-delà de 120 jours au cours d’une même année civile.
Force est de constater sur ce point que M. [T] expose lui-même qu’il a été contraint spécifiquement en 2019 de s’absenter pour les besoins de plusieurs offres d’entretien d’embauche à [Localité 7], alors qu’il était à la recherche d’un emploi.
Il ressort des pièces produites que :
– M. [T] produit un relevé Pôle Emploi dont il résulte qu’il a été indemnisé du 1er janvier 2019 au 30 juin 2019 au titre de l’allocation retour à l’emploi, puis 345 jours à ce titre du 1er juillet 2019 au 9 juin 2020, pour n’être plus inscrit comme demandeur d’emploi depuis le 31 juillet 2020, de sorte qu’il justifie bien avoir été demandeur d’emploi en 2019,
– il produit des copies de billets d’avion pour [Localité 7] depuis [Localité 8] à compter du 24 août 2020 avec retour à [Localité 8] le 24 décembre 2019 et départ à nouveau pour [Localité 7] le 6 janvier 2020,
– il verse aux débats plusieurs attestations indiquant qu’il a été reçu à [Localité 7] pour un entretien d’embauche pour le compte de diverses sociétés aux mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2019, de sorte qu’il justifie bien avoir été présent à [Localité 7] pour les besoins de ces entretiens professionnels et de ses recherches d’emploi entre le 24 août 2019 et le 24 décembre 2019,
– il produit en outre une attestation de M. [E], general manager de la société JamesEdition à [Localité 7] indiquant que M. [T] a été embauché le 15 mars 2020 pour cette entreprise et travaille à [Localité 7],
– toutefois, cette période durant laquelle M. [T] a été présent en Russie s’étend sur quatre mois donc 124 jours, et ne peut à elle seule justifier le dépassement pratiqué à hauteur de 193 jours en 2019.
Dans ces conditions, M. [T] qui a déclaré le bien en cause comme étant sa résidence principale n’établit pas avoir disposé d’un motif légitime tenant à ses obligations professionnelles pour louer son appartement plus de 120 jours par an. A ce titre, il n’est pas fondé à se prévaloir de l’exception prévue par l’article L 324-1-1 IV du code du tourisme au titre de l’obligation professionnelle.
Concernant le quantum de l’amende civile, la ville de [Localité 8] rappelle que son montant doit être établi en proportion des profits générés, que la loi poursuit un objectif d’intérêt général et estime que l’amende devrait être fixée à la somme de 10.000 euros.
Toutefois, si le nombre de nuitées est évalué à hauteur de 193 et par conséquent, le dépassement établi, force est de constater que la ville de [Localité 8] ne produit aucun élément sur le gain retiré des locations litigieuses. Il apparaît aussi que M. [T] a fait cesser les locations saisonnières à compter du 26 mai 2020, soit avant même d’être assigné par la Ville, qu’il s’était installé à [Localité 6] en mars 2021 et a été contraint de rentrer en France en février 2022, en raison de la guerre en Ukraine, ses parents attestant l’héberger à leur domicile avec sa belle- famille, de sorte que M. [T], qui justifie avoir fait cesser l’infraction, établit avoir traversé des difficultés financières au cours de l’année 2019, difficultés qui sont réapparues à l’heure actuelle, en raison de son retour dans des circonstances liées au conflit en Ukraine, assorties de difficultés humaines.
Par conséquent, il y a lieu de considérer que le premier juge a exactement fixé le montant de l’amende à 500 euros, montant qui est adapté et justifié. L’ordonnance rendue sera donc confirmée sur ce point.
Le sort des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile a été exactement réglé par le premier juge.
Partie perdante, la ville de [Localité 8] sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel. L’équité commande qu’il ne soit pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la ville de [Localité 8] aux dépens de la procédure d’appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE