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CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 juin 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10355 F
Pourvoi n° M 18-16.872
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme W… F…, épouse E…, domiciliée […] ,
contre l’arrêt rendu le 8 mars 2018 par la cour d’appel de Versailles (2e chambre 1re section), dans le litige l’opposant à M. H… E…, domicilié […]
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 14 mai 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Bozzi, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme F…, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. E… ;
Sur le rapport de Mme Bozzi, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme F… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. E… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour Mme F….
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mme F… de sa demande de prestation compensatoire
AUX MOTIFS QUE « la cour de renvoi est exclusivement saisie du bien fondé et du montant de la prestation compensatoire. M. H… E… sollicite l’infirmation du jugement du 6 février 2014 ayant fixé celle-ci à un montant de 200 000 euros en faisant valoir que les critères d’octroi ne sont pas caractérisés au 25 janvier 2016, date d’expiration du délai de pourvoi incident de Mme W… F…, à laquelle le principe du divorce est devenu définitif. Subsidiairement, il demande à la cour de juger que l’équité commande de refuser d’accorder à l’épouse une prestation compensatoire. Mme W… F… sollicite la confirmation du jugement, faisant principalement valoir qu’elle a suivi son époux durant toutes les années d’expatriation et s’est occupée de leurs quatre enfants. En application des dispositions de l’article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours et l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire, elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge. L’article 271 du même code dispose notamment que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. A cet effet, le juge prend en considération notamment : la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pension de retraite. La première chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 13 juillet 2016, a reproché à la cour d’appel de céans de n’avoir pas pris en considération les sommes versées par l’époux au titre de sa contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants communs, lesquelles, constituant des charges, devaient venir en déduction des ressources. La durée du mariage est de 29 ans au jour où le divorce est devenu définitif, soit le 25 janvier 2016, date du mémoire en défense de Mme W… F… et la durée de la vie commune durant le mariage, jusqu’à la séparation effective des époux le 28 février 2011, de 24 ans. Mme W… F… est âgée de 52 ans, M. H… E…, de 54 ans. Ce dernier fait état de problèmes de santé : hypertension artérielle, cholestérol, dilatation aortique et fibrillation auriculaire ; Mme W… F… fait valoir qu’elle souffre d’asthme et a souffert d’un syndrome dépressif réactionnel en 2011. Toutefois, les parties qui invoquent des difficultés de santé ne justifient pas que celles-ci ont une incidence sur leurs conditions de vie actuelles. Les quatre enfants du couple sont désormais tous majeurs et autonomes à l’exception d’A…, à la recherche d’un emploi. La situation des époux, mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, est la suivante : – Mme W… F… est diplômée d’une maîtrise de biologie et d’une licence de sciences et vie de la Terre et a été admissible au CAPES. Elle a été professeur de physique chimie et de français dans différents pays où son époux a été expatrié. Elle a également exercé des activités à titre bénévole : responsable de bibliothèque d’une école, chargée de communication dans un judo club, famille d’accueil pour la Chaîne de l’Espoir. Mme W… F… est désormais professeur contractuel à l’éducation nationale et a perçu en 2016 une rémunération nette moyenne mensuelle de 1 935 euros, ainsi qu’il résulte de son avis d’impôt 2017 sur les revenus 2016. Elle a également déclaré 1 716 euros de revenus de location meublée : il est en effet établi qu’elle loue régulièrement pour la somme de 450 euros une chambre au domicile familial (d’une surface de 273 mètres carrés) qu’elle occupe seule. Une autre chambre est également occasionnellement louée sur le site Airbnb, ainsi qu’il en est justifié. Bien qu’apparaissant sur le site « Superprof », elle affirme ne pas donner de cours particuliers. Elle déclare supporter des charges usuelles mensuelles fixes de 1 400 euros, étant précisé qu’elle occupe actuellement à titre onéreux le domicile familial et devra s’acquitter d’une indemnité d’occupation. – Selon sa déclaration sur l’honneur du 15 novembre 2017, Mme W… F… déclare, à titre de patrimoine immobilier, le bien commun ayant constitué le domicile familial qu’elle estime à 850 000 euros ainsi qu’un compte épargne pour un montant de 10 291 euros. La retraite de Mme W… F… sera de l’ordre de 343 euros par mois à l’âge de 62 ans selon la simulation retraite sur le site info retraite effectuée le 15 août 2017. – M. H… E… est diplômé de […]. Il est ingénieur spécialisé dans l’exploration du gaz naturel et la production de gaz naturel liquéfié. Il a travaillé chez Total jusqu’à son licenciement intervenu en octobre 2013, consécutif à un refus de poste en Australie eu égard à la séparation. Mme W… F…, devant le premier juge, n’a pas cru devoir mentionner la perte d’emploi de son époux, de sorte que le jugement de divorce a repris les ressources déclarées lors de l’ordonnance de non-conciliation, soit un salaire annuel de 122 000 euros pour M. H… E…. Il vit actuellement au Canada où il déclare travailler “à la semaine” ou “à la tâche” dans l’industrie pétrolière et gazière en crise aiguë depuis 2014. Il justifie également avoir fait une formation “Feldenkrais” en 2017 sans préciser les perspectives professionnelles de reconversion ouvertes. M. H… E… affirme avoir des revenus mensuels de 2 739 euros et des charges fixes mensuelles de 2 325 euros, dont un loyer de 1 000 euros pour une maison en colocation. Les seuls éléments qu’il produit pour justifier de ses revenus et de ses charges sont ses relevés de compte HSBC et l’attestation de sa colocataire. Il indique avoir perçu une indemnité de départ de chez Total de 162 500 euros net, lui ayant notamment servi à payer les contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants ainsi que les frais de scolarité et il justifie au moyen de tableaux, relevés de compte et factures de scolarité, avoir ainsi consacré une somme de 318 934 euros pour ses quatre enfants depuis décembre 2012, ayant également utilisé une partie de l’épargne retraite et son épargne entreprise à ce titre. Selon sa déclaration sur l’honneur du 25 octobre 2017, M. H… E… déclare, à titre de patrimoine immobilier, le bien commun ayant constitué le domicile familial, estimé à 1 million d’euros, tout en précisant l’existence d’une charge fiscale lui revenant en cas de vente à hauteur de 56 310 euros en sa qualité de résident étranger. Au titre de son patrimoine mobilier, il indique posséder un compte épargne pour un montant de 11 684 euros ainsi qu’un compte épargne retraite Total, bien commun, dont bénéficiera également l’épouse, pour un montant de 139 675 euros. Il est en outre coindivisaire avec sa soeur d’un appartement situé à Villard-de-Lans dont l’usufruit est attribué à sa mère, sa part étant estimée à 49 800 euros. En matière de retraite, M. H… E… indique qu’il percevra une pension de retraite de 2 251 euros net et en justifie par son relevé de situation individuelle sur le site info retraite édité le 8 juillet 2017. Mme W… F… qui prétend avoir cessé son activité professionnelle à la demande de son époux pour élever leurs quatre enfants et le suivre à l’étranger, a cependant toujours exercé des activités, au moins bénévoles, de sorte qu’elle n’établit pas que M. H… E…, contrairement à ce qu’elle allègue, ne souhaitait pas qu’elle exerce des activités lorsqu’il n’était pas en déplacement. Elle l’a toutefois suivi dans ses différents postes en expatriation, à l’exception du dernier du fait de sa relation extraconjugale. Après la liquidation du régime matrimonial, chaque époux a vocation à percevoir sa part du compte épargne retraite et du prix de vente de la maison, avec déduction de l’indemnité d’occupation concernant l’épouse et des incidences fiscales pour l’époux. Si la rupture du lien conjugal entraîne au détriment de Mme W… F… une disparité de revenus pouvant être compensée par le versement d’une prestation compensatoire, il y a lieu toutefois de relever que : – le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de Mme W… F… par la cour d’appel dans son arrêt du 4 juin 2015, pour violation du devoir de fidélité ; – Mme W… F… a déposé plainte devant les services de police le 12 septembre 2013 pour proxénétisme, abandon de famille et violation de domicile sans apporter aucune justification de l’existence des faits dénoncés en dépit de leur gravité, ayant prétendu dans sa plainte que son époux la harcelait et lui imposait d’aller sur des sites de rencontre. Il en résulte qu’en application des dispositions de l’article 270 alinéa 3 du code civil, au regard des circonstances particulières de la rupture, l’équité commande de ne pas accorder de prestation compensatoire à l’épouse ; ainsi, la décision entreprise sera infirmée. »
1°) ALORS QUE le dépôt d’une plainte par un époux ne peut justifier le refus de l’octroi d’une prestation compensatoire sur le fondement de l’article 270, alinéa 3, du code civil, à moins que ne soient caractérisées des circonstances particulières telles que la fausseté des faits dénoncés ; qu’il en est ainsi quelle que soit la gravité des faits relatés et peu important que l’auteur de la plainte ait pu ou non rapporter la preuve de ces faits ; que, cependant, pour refuser à Mme F… toute prestation compensatoire, la cour d’appel a retenu que celle-ci avait « déposé plainte devant les services de police le 12 septembre 2013 pour proxénétisme, abandon de famille et violation de domicile sans apporter aucune justification de l’existence des faits dénoncés en dépit de leur gravité, ayant prétendu dans sa plainte que son époux la harcelait et lui imposait d’aller sur des sites de rencontre » ; qu’en statuant ainsi, sans avoir relevé de circonstance particulière, et notamment sans avoir constaté que les faits dénoncés étaient faux, la cour d’appel a violé l’article 270 du code civil ;
2°) ALORS QUE, pour demander l’application de l’article 270, alinéa 3, du code civil, M. E… soutenait que les circonstances du divorce avaient provoqué la rupture de son contrat de travail ; qu’en revanche, il ne fondait pas cette demande sur la nature et la gravité des griefs invoqués par Mme F… dans sa plainte ou sur l’absence de justification de l’existence des faits dénoncés ; qu’en retenant, pour refuser à Mme F… toute prestation compensatoire, que celle-ci avait « déposé plainte devant les services de police le 12 septembre 2013 pour proxénétisme, abandon de famille et violation de domicile sans apporter aucune justification de l’existence des faits dénoncés en dépit de leur gravité, ayant prétendu dans sa plainte que son époux la harcelait et lui imposait d’aller sur des sites de rencontre », la cour d’appel a statué par un moyen relevé d’office, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, violant ainsi l’article 16 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les parties convenaient de ce que l’adultère commis par Mme F… ne constituait pas un élément permettant d’exclure l’octroi d’une prestation compensatoire sur le fondement de l’article 270, alinéa 3, du code civil, M. E… relevant qu’ « avoir une aventure extra-conjugale devient aujourd’hui une situation banale » (conclusions de M. E…, p.29 § 2) ; que, dans l’hypothèse où la cour d’appel aurait entendu prendre en compte l’adultère de Mme F… pour refuser à celle-ci l’octroi d’une prestation compensatoire sur le fondement de l’article 270, alinéa 3, du code civil, elle aurait alors méconnu l’objet du litige, violant ainsi l’article 4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le simple constat d’un adultère, sans que soit relevée une quelconque circonstance particulière, ne suffit pas à justifier le refus de l’octroi d’une prestation compensatoire sur le fondement de l’article 270, alinéa 3, du code civil ; que, dans l’hypothèse où la cour d’appel aurait entendu prendre en compte l’adultère de Mme F… pour refuser à celle-ci l’octroi d’une prestation compensatoire, elle aurait alors privé sa décision de base légale au regard de l’article 270 du code civil.