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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRET DU 10 MARS 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/13705 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGVW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2022 -Président du TJ de PARIS – RG n° 22/53531
APPELANTE
LA VILLE DE [Localité 8] représentée par Madame le Maire de [Localité 8], Madame [Z] [F]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229
INTIMEE
S.C.I. LILLE [K] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Assistée par Me Lorène DERHY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1320
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 février 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président et Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Florence LAGEMI, Président,
Rachel LE COTTY, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Marie GOIN
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier présent lors de la mise à disposition.
La SCI Lille [K] est propriétaire d’un appartement situé [Adresse 2] à [Localité 9] ([Adresse 3], lot n°56), qui ne constitue pas sa résidence principale.
Par acte du 7 avril 2022, la ville de [Localité 8] l’a assignée devant le président du tribunal judiciaire de Paris selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement des articles L. 631-7, L. 632-1 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation et L. 324-1-1 du code du tourisme, pour obtenir sa condamnation à lui payer deux amendes civiles de 50.000 et 10.000 euros et afin que soit ordonné le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation.
Par jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 29 juin 2022, le président du tribunal judiciaire a :
débouté la ville de [Localité 8] de l’ensemble de ses demandes ;
dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la ville de [Localité 8] aux dépens.
Par déclaration du 18 juillet 2022, la ville de [Localité 8] a interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 novembre 2022, elle demande à la cour de :
la juger recevable et bien fondée en son appel ;
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
juger que la SCI Lille [K] a enfreint les dispositions des articles L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation et L. 324-1-1 du code du tourisme ;
en conséquence,
condamner la SCI Lille [K] à lui payer une amende civile de 50.000 euros ;
ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, situés [Adresse 2] à [Localité 9], lot 56, sous astreinte de 456 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au « tribunal » de fixer ;
se réserver la liquidation de l’astreinte ;
condamner la SCI Lille [K] à lui payer une amende de 10.000 euros ;
condamner la SCI Lille [K] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
débouter la SCI Lille [K] de l’ensemble de ses demandes ;
la condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 décembre 2022, la SCI Lille [K] demande à la cour de :
débouter la ville de [Localité 8] de toutes ses demandes ;
y faisant droit,
à titre principal,
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
à titre subsidiaire, si par extraordinaire le jugement venait à être réformé,
prendre acte de sa bonne foi et des diligences entreprises pour se conformer à la réglementation en vigueur, de la promptitude avec laquelle elle a cessé l’activité litigieuse et régularisé sa situation locative bien avant d’avoir reçu l’assignation, du contexte dans lequel elle a été amenée à procéder à des locations saisonnières et du très faible enrichissement tiré de l’activité litigieuse au détriment de la ville de [Localité 8] ;
en conséquence,
réduire l’amende civile à un montant ne pouvant excéder la somme de 10.000 euros ;
en tout état de cause,
condamner la ville de [Localité 8] à verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE, LA COUR,
Sur la violation alléguée des dispositions du code de la construction et de l’habitation
Aux termes de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation :
« La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.
Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1 ou dans le cadre d’un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, situés [Adresse 2] à [Localité 9], lot 56, sous astreinte de 456 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au « tribunal » de fixer ;
se réserver la liquidation de l’astreinte ;
condamner la SCI Lille [K] à lui payer une amende de 10.000 euros ;
condamner la SCI Lille [K] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
débouter la SCI Lille [K] de l’ensemble de ses demandes ;
la condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 décembre 2022, la SCI Lille [K] demande à la cour de :
débouter la ville de [Localité 8] de toutes ses demandes ;
y faisant droit,
à titre principal,
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
à titre subsidiaire, si par extraordinaire le jugement venait à être réformé,
prendre acte de sa bonne foi et des diligences entreprises pour se conformer à la réglementation en vigueur, de la promptitude avec laquelle elle a cessé l’activité litigieuse et régularisé sa situation locative bien avant d’avoir reçu l’assignation, du contexte dans lequel elle a été amenée à procéder à des locations saisonnières et du très faible enrichissement tiré de l’activité litigieuse au détriment de la ville de [Localité 8] ;
en conséquence,
réduire l’amende civile à un montant ne pouvant excéder la somme de 10.000 euros ;
en tout état de cause,
condamner la ville de [Localité 8] à verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE, LA COUR,
Sur la violation alléguée des dispositions du code de la construction et de l’habitation
Aux termes de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation :
« La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.
Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1 ou dans le cadre d’un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article ».
Aux termes de l’article L. 651-2 du même code :
« Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.
Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur assignation de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.
Sur assignation de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.
Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires ».
Pour l’application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d’établir :
– l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970, qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;
– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
La preuve de l’usage d’habitation du bien au 1er janvier 1970 peut être rapportée par tous moyens et, notamment, par la production de la fiche H2, fiche que chaque propriétaire d’un bien à usage d’habitation devait remplir, pour [Localité 8], avant le 15 octobre 1970, en application de l’article 16, I, de la loi n° 68-108 du 2 février 1968 et du décret n° 69-1076 du 28 novembre 1969, qui ont prévu l’obligation pour chaque propriétaire de biens immobiliers bâtis de déclarer l’usage de ceux-ci (habitation, commerce, bureaux) et le mode d’occupation en vue de l’établissement des impôts directs locaux.
En l’espèce, le premier juge a rejeté la demande de la ville de [Localité 8] en retenant, pour l’essentiel, qu’aucun élément ne permettait d’identifier l’appartement objet de la fiche H2 (local situé bâtiment B, 5ème étage, porte D, occupé par [U] [R]) comme étant devenu le lot 56 dont la SCI Lille [K] est propriétaire.
Cependant, la ville de [Localité 8] produit les éléments suivants, qu’elle a complétés en cause d’appel :
– la fiche H2 datée du 30 septembre 1970, qui correspond à un bien situé au 5ème étage droite d’une superficie de 22 m², et porte mention d’un locataire, M. [U] [R], entré dans les lieux en 1957, et d’un montant de loyer de 723 francs/an au 1er janvier 1970 ;
– la fiche R datée de 1970 qui atteste que l’immeuble comporte dix-huit logements à usage d’habitation, dont le local au 5ème étage droite occupé par M. [U] [R] et un local en rez-de-chaussée affecté à un autre usage ;
– la justification de l’obtention d’un permis de construire par la SCI Lille [K] le 25 août 2011 pour la réhabilitation d’un immeuble d’habitation situé [Adresse 2] ;
– l’engagement de location signé entre Mme [K] et M. [U] [R], locataire, le 1er octobre 1957 ;
– un courriel de M. [U]-[M] [R] du 24 octobre 2022 attestant« avoir habité avec ses parents et son frère [D] [R], de 1959 (année de ma naissance) jusqu’en 1972 l’appartement identifié lot 56 sur le plan ci-dessous [plan joint du 5ème étage du bâtiment B du [Adresse 2]] et qu’il s’agit d’un seul local d’une superficie d’environ 25 m² (réduite à environ 22 m² après la pose d’une cloison contre le mur du fond pour cacher les traces de suie de l’ancienne cheminée) » ;
– une attestation de M. [U]-[M] [R] du 15 novembre 2022 reprenant les mêmes déclarations ;
– le plan du 5ème étage du bâtiment B du [Adresse 2], avec les lots n° 55 à gauche de l’escalier et les lots n° 56 et 57 à droite de l’escalier ;
– la capture d’écran de la base de données de la chambre des notaires (Vidoc) dont il résulte que le logement du 5ème étage du bâtiment B de l’immeuble du [Adresse 2] identifié par le numéro de porte « 2001 » renvoie à la fiche H2 susvisée relative à l’appartement du 5ème étage occupé par M. [U] [R] au 1er janvier 1970 ;
– la capture d’écran de la base de données des impôts dont il ressort que le logement du [Adresse 2] dans le [Localité 9] identifié comme « [Adresse 6] » correspond au lot 56.
En l’état de ces éléments, l’appelante rapporte la preuve que l’appartement objet de la fiche H2 (local situé bâtiment B, 5ème étage, porte D, occupé par [U] [R]) est bien devenu le lot n°56 après réhabilitation de l’immeuble, l’absence de lot en 1970 s’expliquant par l’absence de division de l’immeuble, celui-ci appartenant alors à une seule famille.
Contrairement à ce que soutient l’intimée, le courriel de M. [U]-[M] [R], très circonstancié, est particulièrement probant, et les quelques m² de différence de superficie du logement sur les différents documents sont sans incidence, en l’absence de toute mesure précise effectuée lors des différentes déclarations par le propriétaire du bien.
En conséquence, le lot n° 56 litigieux était affecté à l’usage d’habitation au 1er janvier 1970, de sorte que la SCI Lille [K] ne pouvait en modifier l’usage sans autorisation et que cette modification est illicite. Or, il n’est pas contesté qu’elle loue son appartement meublé de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions précitées du code de la construction et de l’habitation, et qu’elle n’a pas obtenu d’autorisation en ce sens.
S’agissant du quantum de l’amende, il résulte des pièces versées aux débats par la ville de [Localité 8] que le logement est proposé à la location de courte durée sur le site Airbnb, l’annonce proposant le logement pour quatre personnes au prix moyen de 228 euros la nuitée. L’annonce comporte 75 commentaires de clients, dont le premier en mai 2016 et le dernier en février 2020, ainsi qu’il résulte du constat effectué par le contrôleur assermenté de la ville.
Ainsi, le bien a été loué depuis au moins le mois de mai 2016 jusqu’au mois de février 2020. L’appartement est situé dans un secteur recherché du [Localité 9].
Sur la base des nuitées transmises par Airbnb pour les lots n° 56 et 57 de l’immeuble du [Adresse 2], l’agent assermenté de la ville de [Localité 8] a établi des calculs précis et détaillés, année par année, faisant ressortir un gain réel total pour deux lots de 218.424 euros, sans compter les années 2016 et 2017, dont les éléments sont inconnus. La ville de [Localité 8] précise que le montant de la compensation nécessaire pour obtenir l’autorisation de changement d’usage du local d’habitation pour pouvoir exercer une activité d’hébergement hôtelier est de 38.000 euros.
La SCI Lille [K] conteste ces données et indique que l’enrichissement illicite par rapport à une location meublée est faible. Mais les calculs de la ville de [Localité 8] sont peu contestables puisque qu’ils sont établis à partir des tableaux de nuitées transmis par la société Airbnb elle-même.
L’intimée ne peut sérieusement invoquer sa bonne foi et soutenir s’être méprise sur la réglementation des locations meublées touristiques en ayant « cru que son local avait un usage commercial » au motif que l’immeuble était un hôtel en 1936. Professionnel de l’immobilier, elle ne pouvait pas ne pas avoir connaissance de la réglementation applicable, qu’elle a choisi d’enfreindre.
Dans ces circonstances, afin de tenir compte de l’objectif d’intérêt général de la législation, de la situation parisienne en matière de logement, du profit réalisé et de la somme qui aurait été à verser au titre de la compensation, le montant de l’amende civile sera fixé à 40.000 euros.
Le retour à l’habitation sera également ordonné sous astreinte, l’intimée ne produisant que deux baux mobilité signés en octobre 2021 et mars 2022, d’une durée d’un mois et demi et de deux mois, qui consistent en deux feuillets dépourvus de toute information sur l’objet du contrat et sont par suite insuffisants à justifier d’un retour effectif à l’habitation à ce jour.
Il n’y a pas lieu pour la cour de se réserver la liquidation de l’astreinte.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ces chefs.
Sur la demande d’amende civile au titre de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme
Aux termes de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme :
« II.- Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.
Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.- Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
IV.- Dans les communes ayant mis en ‘uvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
La commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration.
V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros ».
En l’espèce, la ville de [Localité 8] soutient que la SCI Lille [K] ne lui a pas communiqué le nombre de jours loués dans le délai d’un mois.
Cependant, s’agissant de l’infraction aux dispositions de l’article L. 324-1-1, IV, du code du tourisme, à savoir le défaut de transmission du nombre de jours loués, l’obligation de transmission de l’article L. 324-1-1, IV, alinéa 2, ne peut concerner que les locations visées à l’article L. 324-1-1, IV, alinéa premier, à savoir les locations d’un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale, étant rappelé que les textes relatifs à une infraction civile pouvant conduire au prononcé d’une amende doivent s’interpréter strictement, l’article en cause devant s’analyser en son ensemble.
Le logement en cause n’est pas ici la résidence principale de la SCI Lille [K], ce qui n’est contesté par aucune des parties.
Les conditions pour prononcer une amende en application de l’article L. 324-1-1, IV, du code du tourisme ne sont donc pas remplies, comme l’a justement retenu le premier juge.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.
Sur les frais et dépens
La SCI Lille [K], partie perdante, sera tenue aux dépens de première instance et d’appel et condamnée à indemniser la ville de [Localité 8] des frais qu’elle a été contrainte d’exposer, à hauteur de la somme de 2.000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a rejeté la demande d’amende civile formée en application de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la SCI Lille [K] à payer à la ville de [Localité 8] une amende civile de 40.000 euros en application des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;
Ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, situés [Adresse 2] à [Localité 9], lot n° 56, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et pendant six mois ;
Dit n’y avoir lieu pour la cour de se réserver la liquidation de l’astreinte ;
Condamne la SCI Lille [K] aux dépens de première instance et d’appel ;
La condamne à payer à la ville de [Localité 8] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,