Sous-location : 10 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08531

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Sous-location : 10 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08531
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 4

ARRET DU 10 JANVIER 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08531 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB66H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2020 -Juge des contentieux de la protection de PARIS RG n° 1119008988

APPELANTS

Monsieur [C] [G]

[Adresse 3]

[Localité 4] / FRANCE

né le 26 Février 1968 à [Localité 7]

Représenté et assisté par Me Tanguy LETU de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Madame [I] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4] / FRANCE

née le 10 Août 1978 à [Localité 8]

Représentée et assistée par Me Tanguy LETU de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.R.L. KV INVEST société immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 509 739 439, dont le siège social est sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

N° SIRET : 509 73 9 4 39

Représentée par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 et assistée par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1735

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Michel CHALACHIN, Président de chambre

Mme Marie MONGIN, Conseiller

M. François BOUYX, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur François BOUYX dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Michel CHALACHIN, Président de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière chambre 4-4 présente lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 6 juin 2018, M. [C] [G] et Mme [I] [E] ont consenti à la société à responsabilité limitée KV Invest un bail meublé à usage d’habitation portant sur des locaux situés [Adresse 1] dans le 8ème arrondissement de [Localité 6] moyennant un loyer mensuel de 3 510 euros.

Informés de la présence de tiers dans l’appartement, M. [G] et Mme [E] ont mis en demeure la société KV Invest de faire cesser ces sous-locations par lettre recommandée du 17 avril 2019 et par lettre du 14 mai 2019 remise en main propre.

Le 31 mai 2019, un huissier de justice mandaté par M. [G] et Mme [E] a signifié à la société KV Invest une sommation interpellative avec remise d’un procès-verbal de difficulté du 15 mai 2019 aux termes duquel il a été constaté la présence de personnes étrangères dans le logement.

M. [G] et Mme [E] ont fait assigner la société KV Invest devant le tribunal judiciaire de Paris par acte d’huissier du 2 juillet 2019 afin d’obtenir le prononcé de la résiliation du bail en raison de la violation de la clause d’occupation, l’expulsion de la société KV Invest et la restitution des fruits civils.

La société KV Invest a restitué les lieux et remis les clés aux propriétaires le 30 septembre 2019.

Par jugement du 19 mai 2020, le juge des contentieux de la protection a ainsi statué :

Condamne la société KV Invest à payer à M. [G] et Mme [E] la somme de 660 euros au titre du remboursement des fruits civils indûment perçus,

Condamne la société KV Invest à payer à M. [G] et Mme [E] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société KV Invest aux dépens,

Ordonne l’exécution provisoire.

Le 3 juillet 2020, M. [G] et Mme [E] ont interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe par la voie électronique.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 25 mars 2021, ils demandent à la cour de :

– les recevoir en leurs demandes et y faire droit,

– confirmer le jugement rendu le 19 mai 2020 en ce qu’il a reconnu que les sous-locations touristiques opérées sans autorisation par la société KV Invest constituaient un changement d’usage et de destination, et qu’il convenait donc de restituer les fruits civils issus de ces sous

locations illégales,

– infirmer le jugement rendu le 19 mai 2020 en ce qu’il n’a reconnu que deux nuitées illicites pour le calcul de la restitution des fruits civils,

– infirmer le jugement rendu le 19 mai 2020 en ce qu’il n’a pas considéré que l’occupation « à

titre gratuit pour des relations commerciales » reconnue par la société KV Invest était elle-même contraire au bail,

– infirmer le jugement rendu le 22 mai 2020 en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts,

– statuant à nouveau, juger que la société KV Invest a reconnu explicitement l’activité litigieuse de sous-location du bien pour au moins 5 jours,

– juger que l’occupation « à titre gratuit pour des relations commerciales » reconnue par la société KV Invest est contraire aux dispositions du contrat de bail,

– juger que l’occupation « à titre gratuit pour des relations commerciales » reconnue par la société KV Invest peut dans les faits être assimilable à une sous-location en raison de la contrepartie commerciale tirée de cette activité,

– juger que l’occupation générale du bien par la société KV Invest était illicite.

– juger que la restitution des fruits civils doit correspondre à 120 jours, soit le laps de temps légal annuellement prévu,

– juger que la société KV Invest fait preuve de résistance abusive dans cette procédure,

– en conséquence, condamner la société KV Invest à payer à M. [G] et Mme [E] la somme de 39 600 euros,

– à titre subsidiaire, juger que la restitution des fruits civils doit correspondre à 5 jours puisque la société KV Invest reconnaît elle-même que 5 nuitées ont bien été honorées,

– en conséquence, condamner la société KV Invest à payer à M. [G] et Mme [E] la somme de 1 650 euros correspondant aux 5 nuitées reconnues par la société KV Invest,

– en tout état de cause, débouter la société KV Invest de toutes ses demandes, fins et conclusions, formulées à l’encontre de M. [G] et Mme [E],

– condamner la société KV Invest à payer à M. [G] et Mme [E] la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive dont elle persiste à faire preuve,

– condamner la société KV Invest à payer à M. [G] et Mme [E] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société KV Invest aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 28 décembre 2020, la société KV Invest demande à la cour de :

– recevoir la société KV Invest en ses demandes, fins et conclusions, et l’y déclarer bien fondée,

– déclarer que M. [G] et Mme [E] n’ont pas rapporté la preuve d’une quelconque activité de sous-location du bien sis [Adresse 1],

– déclarer que la demande de condamnation au titre des fruits civils est infondée faute de preuve,

– déclarer que l’occupation à titre gratuit des partenaires commerciaux de la société KV Invest relève de l’hébergement, et est donc parfaitement légale,

– par conséquent, infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société KV Invest à payer à M. [G] et Mme [E] la somme de 660 euros au titre du remboursement des fruits civils indûment perçus,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société KV Invest à payer à M. [G] et Mme [E] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [G] et Mme [E] du surplus de leurs demandes,

– rejeter la demande de condamnation au paiement de la somme de 39 600 euros au titre de restitution des fruits civils formulée par M. [G] et Mme [E] à l’encontre de la société KV Invest dans leurs conclusions d’appelants,

– rejeter la demande de condamnation au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de dommages et intérêts formulée par M. [G] et Mme [E] à l’encontre de la société KV Invest,

– condamner M. [G] et Mme [E] à payer à la société KV Invest la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [G] et Mme [E] soutiennent que l’activité de sous-location, reconnue par la bailleresse et démontrée par les pièces produites, était de nature usuelle et que l’accueil de partenaires commerciaux est contraire aux dispositions du bail, seuls les salariés de l’entreprise KV Invest pouvant être autorisés à utiliser les lieux.

Ils estiment que l’intégralité des fruits civils pouvant être directement perçus via la plate-forme Airbnb ou indirectement au titre des relations commerciales de la locataire doit leur être restituée, soit 120 jours au prix estimé de 330 euros par nuitée, sans déduction du montant du loyer, ou, subsidiairement, les 5 nuitées du 12 au 17 mai 2019 dont l’existence a été reconnue par la locataire.

Ils considèrent que l’activité illicite de l’intimée les a directement exposés en tant que propriétaires aux sanctions prévues en cas de changement d’usage sans autorisation préalable de l’autorité administrative, ce qui justifie leur demande de dommages et intérêts.

La société KV Invest réplique que l’hébergement ponctuel de partenaires commerciaux à titre gratuit est parfaitement légal et qu’il ne peut être assimilé à de la sous-location.

S’agissant des fruits civils, elle rappelle qu’il appartient aux bailleurs de prouver l’existence, le nombre et le montant des prétendues nuitées, tel n’étant pas le cas en l’espèce.

En ce qui concerne les dommages et intérêts réclamés, elle observe que le texte visé par les appelants n’est pas applicable et conteste l’existence d’un préjudice quelconque, la ville de [Localité 6] n’ayant exercé aucune poursuite à l’encontre de M. [G] et Mme [E].

***

M. [G] et Mme [E] produisent les pièces suivantes :

– une attestation d’un voisin, M. [M], qui a constaté une forte rotation des locataires, ceux-ci restant quelques jours en général, certains lui ayant déclaré avoir loué le logement de M. [G] sur Airbnb.

– une attestation des agents de sécurité incendie de l’immeuble qui ont constaté des mouvements de personnes de différentes nationalités accueillies par l’assistante de l’un des dirigeants de la société KV Invest,

– une sommation interpellative du 15 mai 2019 constatant la présence d’un homme et d’une femme s’exprimant en langue anglaise et indiquant être en visite touristique à [Localité 6]

Ces témoignages et constatations corroborent les affirmations de la locataire selon lesquelles elle utilisait le logement pour héberger temporairement et à titre gratuit des collaborateurs et des partenaires commerciaux, ainsi que Mmes [X] et [U] et MM. [S] et [K] en attestent, mais également celles des appelants selon lesquels l’appartement était sous-loué de façon illicite via la plate-forme Airbnb.

Contrairement à ce qu’ils soutiennent, seule la sous-location est prohibée par la convention, l’hébergement ponctuel à titre gratuit de tiers n’étant pas interdit, rien ne démontrant par ailleurs que la société KV Invest en ait tiré un profit indirect.

En ce qui concerne sa fréquence, les pièces produites ne permettent pas d’établir objectivement plus de deux nuitées, et en aucune façon 120 comme l’a justement indiqué le premier juge, mais la société KV Invest a reconnu l’existence d’un séjour de cinq jours du 12 au 17 mai 2019 dans ses conclusions de première instance.

Les appelants ne produisent aucune pièce permettant d’établir le prix de la nuitée effectivement pratiqué par la société KV Invest, mais ils versent toutefois une annonce similaire de laquelle il ressort un prix de 330 euros par jour de location, l’intimée ne produisant aucun document établissant que ce prix serait excessif.

Il sera donc alloué aux appelants la somme de 1 650 euros au titre de la restitution des fruits civils indûment perçus en application des articles 546 et 547 du code civil , le jugement étant réformé en ce sens.

C’est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [G] et Mme [E], la sanction prévue en cas de changement d’usage des logements destinés à la location de courte durée sans autorisation préalable de l’autorité administrative n’ayant pas été prononcée et aucune poursuite n’ayant été engagée, de sorte que le préjudice des appelants est purement hypothétique.

Il est équitable de leur allouer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société KV Invest qui succombe à l’instance en appel sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a fixé le montant des fruits civils indûment perçus par la société KV Invest à la somme de 660 euros,

Statuant à nouveau dans la limite de l’infirmation partielle et y ajoutant :

Condamne la société KV Invest à restituer à M. [G] et à Mme [E], pris ensemble, la somme de 1 650 euros au titre des fruits civils indûment perçus,

Condamne la société KV Invest à verser à M. [G] et à Mme [E], pris ensemble, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

Condamne la société KV Invest aux dépens d’appel.

Le greffier, Le Président,

 


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