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COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00045 – N° Portalis DBVT-V-B7H-UVYR
N° de Minute : 47
Ordonnance du mardi 10 janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [L] [M]
né le 07 Avril 1994 à [Localité 5] – GEORGIE
de nationalité Géorgienne
actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 3]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Sebastien PETIT, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d’office et de Mme [O] [J] interprète en langue Géorgien, tout au long de la procédure devant la cour
INTIMÉ
M. LE PREFET DE LA SOMME
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d’appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d’appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l’audience publique du mardi 10 janvier 2023 à 08 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mardi 10 janvier 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu l’ordonnance rendue le 08 janvier 2023 par le Cour d’Appel de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [L] [M] ;
Vu l’appel interjeté par M. [L] [M] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 09 janvier 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l’audition des parties, les moyens de la déclaration d’appel et les débats de l’audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [L] [M], de nationalité géorgienne a fait l’objet d’un placement en rétention administrative ordonné par monsieur le préfet de la Somme le 06 janvier 2023 à 16h40 pour l’exécution d’un éloignement vers le pays de nationalité au titre d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et avec interdiction de retour délivrée le même jour par la même autorité.
Un recours en annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l’article L 741-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
‘ Vu l’article 455 du code de procédure civile
‘ Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 08 janvier 2023 (17h12),ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l’appelant pour une durée de 28 jours et rejetant la requête en annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative.
‘ Vu la déclaration d’appel recevable du 09/01/2023 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative
Au soutien de sa déclaration d’appel M. [L] [M] indique avoir obtenu un titre de séjour pour travail en Pologne, titre valable jusqu’en 2025 et expose les moyens nouveaux suivants:
Atteinte à la vie de famille en ce qu’il indique être marié et père d’un enfant de 6 mois.
Caractère injustifié et disproportionné du placement en rétention administrative en ce qu’il indique vivre en Pologne, et être venu faire du tourisme en France avec sa compagne. M. [L] [M] précise avoir loué un Airbnb en France jusqu’au 09 janvier 2023 et disposer d’un billet de retour vers la Pologne pour l 10/01/2023.
Incompétence de l’auteur de la requête saisissant le juge des libertés et de la détention (Défaut de délégation de signature de l’autorité préfectorale)
Incompétence de l’auteur de la demande de laissez-passer consulaire
Il réclame subsidiairement le bénéfice d’une assignation à résidence judiciaire en Airbnb en se prévalant de la possession de son passeport.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur le moyen tiré de la disproportion du placement en rétention administrative
Le moyen tiré de ‘l’inutilité du placement en rétention administrative’ relève en fait du contrôle de proportionnalité que le juge doit effectuer sur la mesure privative de liberté.
Cet examen de proportionnalité ne peut s’effectuer sur ce moyen précis que si l’étranger a déposé une requête en annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative, dés lors que ledit contrôle de proportionnalité doit se qualifier d’examen de l’erreur d’appréciation lors de la prise de l’acte.
Tel est le cas en l’espèce. Le moyen est recevable.
Le contrôle de proportionnalité doit évaluer la privation de liberté ordonnée par l’autorité administrative au regard de l’objectif de cette mesure, à savoir le risque de soustraction à l’exécution de la mesure d’éloignement tel que défini par les articles L 741-1 et L 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Même si l’intéressé dispose, comme en l’espèce, de documents de voyage probant (passeport) justifiant son identité et sa nationalité, dés lors qu’il est acquis à l’examen des éléments de la procédure qu’il souhaite se fixer soit en France soit dans un autre pays européen, sans titre de séjour, qu’il ne présente pas de garantie de représentation suffisante pour être assigné à résidence et/ou qu’il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, la mesure de placement en rétention administrative ne peut être considérée comme disproportionnée.
En l’espèce, s’il est acquis que l’intéressé dispose de son passeport en cours de validité et d’un titre de séjour en Pologne, il convient de considérer qu’en raison des circonstances de son interpellation, l’autorité préfectorale a légitimement pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, estimer que, sauf à être maintenu en rétention M. [L] [M] n’avait pas forcément l’intention de quitter le territoire national comme il l’affirme dans sa déclaration d’appel.
En effet il importe de rappeler que M. [L] [M] a été interpellé en flagrance de complicité de vol de matériel informatique au préjudice du magasin BOULANGER [Adresse 2].
Il était chauffeur de la personne ayant effectué le vol présumé le 05 janvier 2023 à [Localité 1].
Dés lors il est peu crédible que M. [L] [M] se présente aujourd’hui comme un individu venu en France avec sa compagne et leur enfant de 6 mois pour faire du tourisme.
Le placement en rétention administrative n’est donc pas disproportionné de ce chef.
2) Sur l’article 8 de la CEDH
Le contrôle du respect de l’article 8 de la CEDH, accordant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, par le juge judiciaire ne doit s’entendre qu’au regard de l’arrêté préfectoral de placement en rétention contesté et non au regard du titre d’éloignement ou du choix du pays de retour, critères de la compétence du juge administratif.
Le moyen ne doit pas être apprécié en fonction du titre d’éloignement puisque cette analyse relève exclusivement de la juridiction administrative, mais sur les seules bases du placement en rétention administrative.
Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l’objet.
Cependant le seuil d’application de l’article 8 de la CEDH nécessite qu’il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, c’est à dire une atteinte trop importante et sans rapport avec l’objectif de la privation de liberté.
Les droits des étrangers en rétention prévus par les articles L 744-4 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, accordent à la personne placée en rétention un large droit de visite et de contact familiaux.
Le placement en rétention est justifié au cas d’espèce par la nécessité de s’assurer de la personne sur qui pèse une obligation de quitter le territoire et qui n’entend pas s’y conformer volontairement.
Il ne saurait donc être considéré, au cas d’espèce, que le placement en rétention administrative de M. [L] [M] soit constitutif d’une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la CEDH.
En conséquence et en l’espèce, l’autorité préfectorale n’a pas commis d’erreur d’appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de l’intéressé.
3) Sur les moyens tirés de la contestation de la saisine du juge des libertés et de la détention
Sur la compétence de l’auteur de la requête saisissant le premier juge
S’agissant d’une procédure civile, il appartient à l’appelant de démontrer en quoi son moyen est fondé et notamment en quoi le délégataire de l’autorité préfectorale ne disposait pas de mandat spécial aux fins de saisir le juge des libertés et de la détention, preuve qui n’est pas rapportée en l’espèce alors pourtant que les documents à l’appui du dit moyen sont actes administratifs accessibles puisque joints à la requête préfectorale saisissant le juge des libertés et de la détention.
De manière surabondante, il ressort des pièces du dossier que le signataire de la requête saisissant le juge des libertés et de la détention (Mme [N] [K] Sous-Prèfète de [Localité 4]) disposait de la signature préfectorale pour la période concernée.
Le moyen est inopérant.
Sur la compétence de l’auteur de la demande de laisser passer consulaire
Il sera considéré comme constant que la demande de laisser passer consulaire n’étant ni un acte administratif faisant grief au sens du droit public, ni une demande en justice, ni un acte de procédure pénale soumis à des règles spécifiques, peut être faite par tout agent public requis par sa hiérarchie pour ce faire, sans qu’il soit nécessaire de disposer d’une habilitation spécifique.
Ce moyen sera donc rejeté.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l’appel recevable ;
CONFIRME l’ordonnance entreprise.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l’appelant, à son conseil et à l’autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l’Etat.
Véronique THÉRY,
greffière
Bertrand DUEZ,
conseiller
N° RG 23/00045 – N° Portalis DBVT-V-B7H-UVYR
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE DU 10 Janvier 2023 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Pour information :
L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le mardi 10 janvier 2023 :
– M. [L] [M]
– l’interprète
– l’avocat de M. [L] [M]
– l’avocat de M. LE PREFET DE LA SOMME
– décision notifiée à M. [L] [M] le mardi 10 janvier 2023
– décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DE LA SOMME et à Maître Sebastien PETIT le mardi 10 janvier 2023
– décision communiquée au tribunal administratif de Lille
– décision communiquée à M. le procureur général :
– copie à l’escorte, au Cour d’Appel de LILLE
Le greffier, le mardi 10 janvier 2023
N° RG 23/00045 – N° Portalis DBVT-V-B7H-UVYR