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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRET DU 10 JANVIER 2019
(n°12, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/06558 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5MF4
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Mars 2018 -Président du TGI de PARIS – RG n°17/59989
APPELANTE
LA VILLE DE PARIS prise en la personne de Madame la Maire, Madame [K] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079
Assistée par Me Marie Caroline ARDOIN DE SAINT AMAND substituant Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079
INTIMES
Madame [F] [J] [G]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jessica CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595
Monsieur [H] [Z]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Défaillant – assigné selon PV 659 en date du 14 mai 2018
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard CHEVALIER, Président
Mme Véronique DELLELIS, Présidente
Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU
ARRET :
– RENDU PAR DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Bernard CHEVALIER, Président et par Aymeric PINTIAU, Greffier.
Mme [F] [J] [G] est propriétaire depuis 1993 d’un appartement situé au [Adresse 2] qu’elle a donné à bail meublé à la société Thop Management, suivant contrat du 6 août 2013.
La Ville de Paris, après investigations de l’agent assermenté du service municipal du logement les 10 février et 14 octobre 2017, estime que Mme [F] [J] [G] a permis à sa locataire, professionnel de l’immobilier, de sous-louer cet appartement en passant par les sites internet airbnb.com et booking.com à une clientèle de passage, et ce faisant, s’est livrée , sans autorisation préalable, à un changement d’usage de celui-ci au sens de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation.
Par acte du 21 septembre 2017, elle l’a faite assigner en la forme des référés devant le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir :
– constater l’infraction commise;
– dire et juger inopposable à la Ville de Paris le contrat de bail conclu entre Mme [F] [J] [G] et la société Thop Management ;
– condamner Mme [F] [G] [J] à une amende civile de 50.000 euros ;
– ordonner sous astreinte le retour à l’habitation des locaux litigieux;
– se réserver la liquidation de l’astreinte ;
– condamner Mme [F] [G] [J] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par ordonnance de référé rendue le 12 mars 2018, la juridiction saisie a :
– débouté la Ville de Paris de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné la Ville de Paris à payer à Mme [J] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné la Ville de Paris aux dépens.
La Ville de Paris est appelante de cette ordonnance suivant déclaration du 28 mars 2018 et demande à la cour, par conclusions communiquées par voie électronique le 23 août 2018, de :
– l’infirmer en ce qu’elle la déboute de l’ensemble de ses demandes et la condamne aux frais de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
– débouter Mme [F] [J] [G] de l’ensemble de ses demandes ;
et statuant à nouveau
– constater que Mme [F] [J] [G] a commis une infraction aux dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation ;
– la condamner à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende lui sera intégralement versé conformément à l’article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation ;
– ordonner sous astreinte le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation;
– se réserver la liquidation de l’astreinte ;
– condamner Mme [F] [J] [G] au paiement d’une indemnité de procédure de 2.000 euros ainsi qu’aux entiers dépens de première instance comme d’appel, dont distraction.
Elle soutient qu’au vu du bail conclu en 2013 qui ne peut être d’habitation le changement d’usage non autorisé est établi et que Mme [F] [J] [G] a perçu pendant plus de quatre ans un loyer mensuel de 3.000 euros tandis que le prix moyen de location d’un bien équivalent au sien est de 1.800 euros.
Mme [F] [J] [G], intimée, par conclusions transmises par voie électronique le 23 juillet 2018, demande à la cour de :
– dire que la demande de retour à l’habitation sous astreinte est sans objet, l’appartement étant la résidence principale de Mme [J] depuis le 30 juin 2017 ;
– confirmer en conséquence en totalité l’ordonnance entreprise;
– débouter la Ville de Paris de ses demandes ;
à titre subsidiaire, si l’ordonnance venait par extraordinaire à être reformée,
Vu les articles L. 223-22, L. 237-12 et L. 225-254 du code de commerce,
– condamner M. [H] [Z] à la garantir de l’ensemble des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre;
En tout état de cause,
– condamner tout succombant à lui payer la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la Ville de Paris aux dépens.
Elle soutient que la prohibition du changement d’usage n’existait pas en 2013 de sorte que l’autorisation de sous-location du bien stipulée au bail précité n’était pas incompatible avec le maintien de l’usage d’habitation, qu’au demeurant elle n’a perçu aucune somme provenant des sociétés Airbnb ou Booking.com, qu’elle ignorait les agissements de la société Thop Management et qu’elle a repris son logement où elle réside à titre principal depuis le 30 juin 2017.
La Ville de Paris a signifié à M. [H] [Z] sa déclaration d’appel et ses conclusions par actes d’huissier établis selon procès verbal de recherches infructueuses en applications des dispositions de l’article 659 du code de procédure civile en date des 14 mai et 29 juin 2018.
Mme [F] [J] [G] lui a signifié ses conclusions par acte d’huissier établi selon procès verbal de recherches infructueuses en applications des dispositions de l’article 659 du code de procédure civile en date du 08 août 2018.
M. [H] [Z] n’a pas constitué avocat.
Le procureur général a été avisé de l’affaire par mail du 9 novembre 2018 et la réouverture des débats ordonnée à l’audience du 13 décembre 2018 pour permettre aux parties de discuter son avis, transmis le 14 novembre 2018 qui tend à l’infirmation de l’ordonnance entreprise et à la condamnation de Mme [F] [J] [G] à une amende civile de 50 000 euros, et qui s’en rapporte à la sagesse de la cour s’agissant des autres demandes.
La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions et avis susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
En vertu de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation, le changement d’usage d’un local destiné à l’habitation dans les communes de plus de 200 000 habitants est soumis à autorisation préalable.
Selon ce texte, constituent des locaux à usage destiné à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L 632-1. Pour l’application de cette disposition, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve.
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 a ajouté à cet article un alinéa au terme duquel le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article et il est constant que cet alinéa ne constitue qu’une précision apportée à la législation préexistante, en vertu de laquelle ce type d’usage constituait déjà un changement de destination prohibé.
L’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, était rédigé comme suit :
“Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende de 25 000 euros.
Cette amende est prononcée à la requête du ministère public par le président du tribunal de grande instance du lieu de l’immeuble, statuant en référé ; le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est située l’immeuble.
Le président du tribunal ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile des locaux irrégulièrement transformés. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé l’immeuble.
Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires.”
En vertu de l’article 59 de la loi n° 2016-1547 entrée en vigueur le 20 novembre 2016, l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation a été modifié comme suit :
“Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé.
Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.
Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1 000 € par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.”
Cet article, en ce qu’il prévoit que l’amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure, est applicable immédiatement aux situations en cours.
Il résulte également de l’application immédiate aux situations en cours des dispositions de procédure de la loi n° 2016-1547 que la Ville de Paris est recevable à agir à l’encontre de Mme [F] [J] [G] au titre de faits pour partie antérieurs au 20 novembre 2016, ce qui n’est pas contesté.
En ce qui concerne l’affectation du bien à usage d’habitation au 1er janvier 1970, elle est établie à suffisance de droit par la production aux débats d’une déclaration H2 et n’est d’ailleurs pas en débat.
Le changement d’usage de ce bien par l’intimée en ce qu’il a été proposé à la location de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile est démontré au vu des clauses du contrat de bail meublé consenti le 6 août 2013 par Mme [F] [J] [G] à la société Thop Management, radiée du RCS de Paris depuis le 31 octobre 2014 avec clôture des opérations de liquidation le même jour.
En effet, les clauses a et b des conditions particulières de ce contrat autorisent cette société à procéder à des locations de courtes durées, sans restriction, ce dont Mme [F] [J] [G] convient et l’appartement en cause a été proposé à la location et loué de manière répétée pour de courtes durée à une clientèle de passage qui n’y a pas élu domicile, ainsi que cela ressort du constat d’infraction produit en pièce 2 par la Ville de Paris.
La ville de Paris justifie également que les faits se sont poursuivis postérieurement au 20 novembre 2016, date d’entrée en vigueur de la loi 2016-1547, puisque le bail en cause n’a pris fin que le 30 juin 2017. D’ailleurs, il ressort du rapport précité que l’appartement litigieux a été affecté à la location de courte durée de manière répétée en 2016.
Il est donc établi que Mme [F] [J] [G] a enfreint les dispositions de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation en ce qui concerne le logement en litige et que le montant maximal de l’amende encourue est celui prévu par cette loi soit 50 000 euros.
Mme [F] [J] [G] justifie cependant que la régularisation de la situation le concernant est intervenue le 30 juin 2017, date depuis laquelle ce logement est sa résidence principale, ce qui n’est pas contesté par la Ville de Paris.
Et si celle-ci n’étaye pas son affirmation selon laquelle le loyer mensuel de 3.000 euros perçu pendant plus de quatre ans au titre du bail précité est supérieur de près du double à celui habituellement pratiqué pour un bien équivalent, Mme [F] [J] [G] ne s’explique pas sur ce point.
En considération de tous ces éléments, l’amende civile sera fixée à la somme de 25.000 euros.
L’ordonnance attaquée sera donc infirmée en toutes ses dispositions.
Enfin, Mme [F] [J] [G] n’est pas recevable à solliciter du juge saisi en la forme des référés au visa des articles précités la garantie de M. [Z] laquelle n’est, en tout état de cause, pas étayée contre lui à titre personnel et ce qui précède rend la demande tendant au retour du bien en examen à l’habitation sans objet.
Conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile, Mme [F] [G] [J], partie perdante, doit supporter la charge des dépens et ne peut prétendre à une indemnité de procédure mais doit payer à ce titre à Ville de Paris la somme indiquée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable et en tout état de cause non fondée la demande de garantie formée par Mme [F] [J] [G] à l’encontre de M. [H] [Z] ;
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate que Mme [F] [J] [G] a commis une infraction aux dispositions des articles L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation pour la période du 6 avril 2013 au 30 juin 2017 du fait du changement d’usage de son appartement situé [Adresse 2] ;
Condamne, en conséquence, Mme [F] [J] [G] à payer une amende civile de 25.000 euros qui sera intégralement versée à la Ville de Paris ;
Constate que la demande de retour à l’habitation du bien en litige est devenue sans objet ;
Condamne Mme [F] [J] [G] aux dépens de première instance et d’appel, distraits conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [F] [J] [G] à payer à la Ville de Paris une indemnité de procédure de 2.000 euros et rejette toute autre demande à ce titre.
Le greffier, Le président,