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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/04556 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IJGZ
AD
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
23 novembre 2021 RG :21/00228
[Y] [C]
C/
[T]
Grosse délivrée
le
à Cabinet Pellegrin
SCP Coudurier Chamsky
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 01 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 23 Novembre 2021, N°21/00228
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre
Madame Virginie HUET, Conseillère
M. André LIEGEON, Conseiller
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 03 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 01 Juin 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [F] [Y] [C]
ayant conclu sous l’identité ainsi orthographiée :
‘Madame [N] [Y] [C]’
née le 02 Juin 1977 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Karine LEBOUCHER, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉ :
Monsieur [S] [T]
né le 11 Février 1975 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Stanislas CHAMSKI de la SCP COUDURIER & CHAMSKI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 09 Mars 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 01 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
Exposé :
Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes le 23 novembre 2021, ayant statué ainsi qu’il suit :
– reçoit l’opposition de Monsieur [S] [T] formée à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer du tribunal judiciaire de Nîmes du 15 février 2021,
– rappelle que le présent jugement se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer,
– déboute Madame [N] [Y] [C] en toutes ses prétentions,
– condamne Madame [N] [Y] [C] à verser à Monsieur [S] [T] la somme de 600 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne Madame [N] [Y] [C] aux dépens.
Vu l’appel interjeté le 22 décembre 2021 par Madame [Y] [C].
Vu les conclusions de l’appelante en date du 6 mars 2023, demandant de :
Vu l’article 1376 du code civil,
Vu le principe de loyauté de l’exécution des conventions,
– infirmer le jugement rendu le 23 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Nîmes en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
– condamner Monsieur [T] à verser à Madame [Y] [C] la somme de 6.000 euros, avec intérêts légaux depuis le 30 juillet 2020,
– le condamner à lui verser la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens de toutes les instances, en ce compris les frais de signification de l’ordonnance d’injonction de payer et de la présente procédure et du cout du constat d’huissier.
Vu les conclusions de Monsieur [T] en date du 8 mars 2023, demandant de :
Tenant les éléments versés aux débats,
Tenant les dispositions des articles 1376 et suivants du code civil,
Tenant l’ordonnance portant injonction de payer en date du 15 février 2021 signifiée le 2 avril 2021,
Tenant l’opposition formée par Monsieur [T],
Tenant le jugement rendu par le tribunal de proximité de Nîmes en date du 21 novembre 2021,
Tenant l’appel interjeté par Mme [Y] [C],
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de proximité de Nîmes en date du 21 novembre 2021,
– débouter Madame [Y] [C] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Madame [Y] [C] à verser à Monsieur [T] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,
– condamner Madame [Y] [C] aux dépens de première instance et d’appel.
Vu la clôture du 9 mars 2023.
MOTIFS
Les parties au présent litige ont vécu en union libre et sont parents de deux enfants qu’ils ont eus en commun en 2006 et en 2010.
Le couple s’est, ensuite, séparé et une reconnaissance de dette a été signée par Monsieur [T] le 13 janvier 2020 ainsi rédigée : « par la présente, je vous confirme par écrit nos échanges verbaux. A savoir, je vous verserai la somme de 6 000 € dès lors que l’appartement du [Adresse 4] à [Localité 8] (94) sera vendu ».
Le bien y visé a été cédé le 30 juillet 2020. Il était indivis entre les deux parties. Le prix en a été distribué par moitié entre elles et la liquidation de l’indivision ayant existé entre les parties est intervenue le 9 octobre 2020.
Par SMS du 14 octobre, sans précision de date, Monsieur [T] explique à Madame [Y] [C] avoir dépensé toutes les liquidités dont il disposait et en guise de paiement propose de l’aider à effectuer les travaux à son domicile.
En droit, la reconnaissance de dette, imparfaite en ce qu’elle ne satisfait pas aux mentions prévues à l’article 1376 du code civil, ne vaut que comme commencement de preuve par écrit de sorte qu’elle doit être corroborée par d’autres éléments extrinsèques venant faire la preuve de la créance revendiquée.
À cet égard, Madame [Y] [C] fait, en substance, remarquer que malgré les allégations contraires de son ancien compagnon, la dette n’a pas été réglée. Elle affirme que les revenus locatifs ont été partagés par moitié ; qu’il n’a pas été mentionné dans l’acte liquidatif d’octobre 2020 que le partage avait inclus le paiement de la reconnaissance de dette et que si cette reconnaissance avait eu un rapport avec les loyers à partager, Monsieur [T] n’aurait pas manqué de le faire mentionner ; que s’il avait voulu payer sa reconnaissance de dette, il aurait déduit les 6 000 € de sa moitié du prix de vente et que l’attestation du notaire démontre qu’il a bien reçu 50 % de ce prix ; enfin, que son ancien compagnon a, lui-même, écrit dans ses conclusions que la reconnaissance de dette avait été signée car il avait besoin de trésorerie et que dans la lettre du 14 octobre dans laquelle il indique qu’il n’a plus de liquidités car il a tout investi pour racheter la maison, il ne conteste pas devoir la somme ; que d’ailleurs, il proposait de payer sa dette en faisant des travaux pour elle ; que le jugement a renversé la charge de la preuve ; qu’il incombe à son compagnon de faire la preuve du règlement et non à elle de prouver l’origine de la créance.
Son ancien compagnon lui oppose essentiellement qu’il faut se situer dans le cadre du partage ; que le document du 13 janvier 2020 liait le partage au règlement de la dette puisque le règlement devait se faire après la vente du bien indivis ; que les dernières pièces de son adversaire, notamment le constat d’huissier et les captures d’écran ne prouvent rien ; qu’aucun autre élément n’est versé pour compléter le commencement de preuve par écrit qui serait de nature à prouver la cause du prêt revendiqué, sa date et la remise effective de la somme.
Monsieur [T], rédacteur de la reconnaissance de dette, ne conteste ni sa signature, ni le montant de la somme due mais invoque l’irrégularité de forme de cet acte qui ne satisfait pas aux mentions prévues à l’article 1376 du code civil. Par ailleurs, sa contestation sur le fond porte sur l’origine de la dette et son prétendu paiement.
Il appartient donc à Madame [Y] [C] qui ne rapporte qu’un commencement de preuve par écrit de le parfaire par des éléments extérieurs.
Madame [Y] [C] invoque, à cet égard, l’aveu judiciaire de son ancien compagnon.
Selon les dispositions de l’article 1383-2 du code civil, l’aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté. Il fait foi contre celui qui l’a fait. Il ne peut être divisé contre son auteur. Il est irrévocable, sauf en cas d’erreur de fait.
Les juges du fond bénéficient d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer le sens qu’il convient de donner à la déclaration.
Or, en écrivant en pages 2 et 3 de ses conclusions que n’ayant pas de trésorerie suffisante en l’absence de vente des biens immobiliers, il a établi une reconnaissance de dette en date du 13 janvier 2020, au profit de Madame [Y] [C], pour un montant de 6.000 €, payable lorsque « l’appartement du [Adresse 4] à [Localité 8] sera vendu », Monsieur [T] a bien fait l’aveu judiciaire de cette reconnaissance de dette.
Cet aveu est encore corroboré par la page 8 de ses écritures où il reconnaît « devoir la moitié » (du produit de la location) ce qui, selon lui, a justifié la rédaction du document du 13 janvier 2020.
Dans ces conditions, la reconnaissance ainsi faite par Monsieur [T] de la signature de l’acte du 13 janvier 2020 constitue un élément de preuve extrinsèque, de sorte que l’engagement consenti par ce dernier de payer la somme de 6 000 € à Madame [Y] [C] est caractérisé.
Dès lors que Madame [Y] [C] rapporte ainsi la preuve parfaite de la dette de Monsieur [T], c’est désormais à ce dernier qu’il appartient de démontrer par tous moyens qu’il a réglé la somme de 6 000 euros à Madame [Y] [C], quelle que soit l’origine de la dette.
Monsieur [T] reproche donc vainement à Madame [Y] [C] de ne pas justifier de l’origine de sa créance.
De la même façon, Monsieur [T] ne peut davantage faire valoir que Madame [Y] [C] ne démontre pas la remise effective de la somme de 6000 € au titre du prêt dont elle se prévaut, la preuve de la réalité de la reconnaissance de dette du 13 janvier 2020 ayant donc été ci-dessus jugée comme suffisamment rapportée.
En ce qui concerne sa libération, Monsieur [T] prétend qu’il a réglé la somme de 6000 € à Madame [Y] [C] au titre de l’indemnité issue des revenus locatifs selon l’acte de partage du 9 octobre 2020, lequel mentionne en page 7 que la somme totale estimée au titre de la location en Airbnb perçue par Monsieur [T] s’élève à hauteur de 13 218 € dont moitié due par Monsieur [T] à Madame [Y] [C] : 6 609 €. Il explique la somme de 6000 euros mentionnée à l’acte en litige par le fait qu’il ne connaissait pas le montant exact des revenus locatifs lorsqu’il a signé la reconnaissance de dette et qu’il souhaitait limiter la restitution à son ancienne compagne à la somme de 6000 € forfaitaire, ayant assumé seul l’ensemble des inconvénients de la mise en location de l’immeuble commun.
Cependant, d’une part, Monsieur [T] ne peut soutenir qu’il n’avait pas connaissance du montant exact desdits revenus locatifs à la date de la signature de l’acte le 13 janvier 2020 dans la mesure où il affirme avoir, lui-même, procédé à la mise en location du bien commun et où à cette date, il ne restait aucun compte définitif à effectuer, plus de cinq mois s’étant, en effet, écoulés depuis la fin du dernier bail du mois de juillet 2019.
D’autre part, et alors pourtant que les comptes de la liquidation de l’indivision ont été faits devant notaire, aucun élément ne vient lier le compte locatif ni à l’établissement de la reconnaissance de dette en litige ni à son règlement.
Monsieur [T] ne peut pas plus utilement reprocher à Madame [Y] [C] de ne pas avoir revendiqué sa créance dans le cadre de la liquidation de l’indivision dès lors que, dans son SMS du 9 janvier 2020, il l’avait mise en garde de ne pas remettre l’acte au notaire « au risque d’être accusé de fraude fiscale ».
Enfin, sur le moyen tiré de ce que Madame [Y] [C] aurait renoncé par l’attestation du 10 juillet 2020 à se prévaloir de la reconnaissance de dette dans le cadre du partage du prix de vente de l’immeuble de [Localité 8], il sera rappelé, en droit, que la renonciation à un droit ne se présume pas et que si elle peut être implicite, elle doit dès lors résulter d’un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.
Or, l’attestation en date du 10 juillet 2020 est rédigée comme suit : « Nous soussignons [N] [C] et [S] [T] sur l’honneur que dans le cadre de la vente de l’appartement du [Adresse 4] à [Localité 8] (94), le fruit de la vente sera reversé équitablement à 50/50 ».
Il n’y est nullement indiqué que Madame [Y] [C] a renoncé au recouvrement de sa créance de 6000 €, l’objet de cet acte étant, en effet et uniquement, de déterminer les modalités du partage . Il ne peut donc être retenu comme manifestant sans équivoque la volonté de Madame [Y] [C] de renoncer au droit qu’elle tient de la reconnaissance de dette, d’où il résulte, étant ici réitéré qu’ aucune pièce versée aux débats ne lie la reconnaissance de dette à l’acte de partage, qu’il ne peut, non plus, en être déduit une prise en compte de la créance litigieuse par ledit acte de partage du 9 octobre 2020.
Il s’en suit que Monsieur [T] ne démontrant pas s’être acquitté de la somme de 6 000 €, il sera condamné à verser ladite somme à Madame [Y] [C].
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le point de départ des intérêts légaux,
Selon l’article 1231-6 du code civil, « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire. »
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 1344 du même code que « le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation. »
En l’espèce, Madame [Y] [C] ne peut donc solliciter la condamnation de Monsieur [T] au paiement de l’intérêt légal à compter du 30 juillet 2020, date de la vente du bien indivis, situé [Adresse 4] à [Localité 8].
Il résulte, en revanche, des pièces produites que la signification de la requête et de l’ordonnance en injonction de payer à la demande de Madame [Y] [C] à hauteur de 6 000 € en principal constitue une mise en demeure de payer portant interpellation suffisante au sens de l’article 1344 du code civil. Les intérêts au taux légal seront donc dus à compter du 2 avril 2021, date de ladite signification, sur la somme de 6000 €.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,
Monsieur [T], succombant, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui comprendront les frais de signification de l’ordonnance d’injonction de payer.
Madame [Y] [C] ne saurait solliciter les frais de constat d’huissier de justice qui ne sont pas inclus dans les dépens, le coût d’un tel constat étant, en revanche ; pris en compte au titre des frais irrépétibles.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné Madame [Y] [C] à payer à Monsieur [T] la somme de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En équité, la somme de 1 500 euros sera allouée à Madame [Y] [C] au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
Monsieur [T], qui succombe, sera débouté de ses demandes présentées à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Monsieur [T] à payer à Madame [Y] [C] la somme de 6 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 2 avril 2021,
Rejette toutes les demandes de Monsieur [T],
Condamne Monsieur [T] aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui comprendront les frais de signification de l’ordonnance d’injonction de payer, à l’exclusion du coût du procès-verbal de constat d’huissier de justice,
Condamne Monsieur [T] à payer à Madame [Y] [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel,
Déboute Monsieur [T] de sa demande présentée à ce titre en première instance et en cause d’appel.
Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.
La greffière, La présidente,