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N° RG 21/06070 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NYO6
Décision du
Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE
Au fond
du 06 juillet 2021
RG : 2020f1002
ch n°
[J]
C/
SELARL MJ SYNERGIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 01 Décembre 2022
APPELANT :
M. [W] [J]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Fabrice PILLONEL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEE :
SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maître [K] [B] agissant qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [W] [J]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant Me WUIBOUT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
Audience en présence du Ministère Public pris en la personne de Romain DUCROCQ, substitut général
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 13 Octobre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 01 Décembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée
– Aurore JULLIEN, conseillère
assistés pendant les débats de Tiffany JOUBARD, greffière
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [W] [J] a exercé, en nom personnel et sous l’enseigne Cristalu, à compter du 13 mars 2017 une activité d’achat et de vente de vérandas et abris de piscine, activité exercée auparavant avec la SARL Abris Beach Piscines.
Dans le cadre d’une activité précédente, M. [J] a fait l’objet d’une mesure de faillite personnelle pour une durée de 5 ans, prononcée au cours de la liquidation judiciaire de son entreprise présente, la procédure ouverte en 2005 ayant été clôturée en 2014.
Le 6 mars 2019, M. [J] a déposé une déclaration de cessation des paiements aux fins d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
Par jugement du 13 mars 2019, le Tribunal de Commerce de Saint Étienne a’:
– prononcé la liquidation judiciaire de M. [J] exerçant en nom personnel sous l’enseigne Cristalu
– désigné la SELARL MJ Synergie représenté par Me [K] [B] en qualité de liquidateur judiciaire
– fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 1er mars 2019.
Par acte du 6 mars 2020, la Société MJ Synergie a sollicité un report de la date de cessation des paiements au 13 septembre 2017 soit le maximum légal, estimant qu’à cette date, l’activité de M. [J] était dégradée et ne lui permettait plus, de manière irréversible de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, caractérisant la cessation des paiements.
Suivant jugement du 3 février 2021, le Tribunal de Commerce de Saint Étienne a prononcé le report de la date de cessation des paiements au 13 septembre 2017.
M. [J] a interjeté appel de cette décision, l’audience devant se tenir le 4 novembre 2021.
Le passif déclaré a été décomposé comme suit’:
– superprivilégié’: 6.341,46 euros
– privilégié’: 291.861,07 euros
– chirographaire’: 791.446,11 euros.
Le liquidateur judiciaire, au terme de ses diligences, a saisi le Procureur de la République des agissements de M. [J], estimant que des actifs avaient été détournés, aux fins de mise en ‘uvre d’une procédure de faillite personnelle.
Suivant jugement rendu le 6 juillet 2021, le Tribunal de Commerce de Saint Étienne a’:
– prononcé une mesure de faillite personnelle de 15 ans à l’encontre de M. [J]
– rappelé que cette mesure emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant tout autre activité indépendante, et toute personne morale
– prononcé l’exécution provisoire.
M. [J] A interjeté appel par acte du 21 juillet 2021.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 juillet 2021, M. [J] a sollicité’:
– la réformation du jugement déféré
– statuant à nouveau, le rejet des demandes de la Société MJ Synergie aux fins de faillite personnelle de l’appelant.
À l’appui de sa position, M. [J] a rappelé les éléments suivants’:
– le dépôt par ses soins d’une demande de cessation des paiements aux fins d’ouverture de procédure de liquidation judiciaire le 6 mars 2019, qui a mené au jugement du 13 mars 2019 prononçant cette mesure
– l’appel interjeté concernant le jugement du 3 février 2021 ayant fixé la date de cessation des paiements au 13 septembre 2017
– le fait que les pièces versées au débat par le liquidateur ne permettent pas de rapporter la preuve de ce qu’il se trouvait en état de cessation des paiements au 13 septembre 2017, le bilan versé au débat ne permettant pas de détecter une quelconque anomalie, avec un résultat fiscal négatif qui ne permet pas de déduire quoi que ce soit
– le fait que sa situation financière de 2019, notamment un passif de 733.437,12 euros est en lien avec le comportement de la SARL Espace Cover de [Localité 5] qui a changé sa pratique courant 2018, passant d’un acompte de 30% avec paiement du solde après la pose, à un paiement au comptant dès le début de la relation contractuelle, modifiant unilatéralement l’équilibre du contrat, le plaçant dans une situation inextricable alors qu’il avait reçu des acomptes des clients, une lettre recommandée avec accusé de réception ayant été adressée à cette société le 23 Janvier 2019,
– le fait que contrairement à ce qui a été affirmé par cette société, les chèques d’acomptes ne sont pas revenus impayés
– les erreurs dans la fixation du passif, notamment concernant la créance de la société COMEXPOSIUM qui évoque une créance pour la foire de [Localité 6] d’avril 2019 alors que la liquidation judiciaire date de mars 2019, aucune somme n’étant due puisqu’il n’a pas participé à cet événement, alors que la créance est déclaré pour 100.000 euros,
– le fait que la somme de 90.000 euros, issue du prêt consenti par le Crédit Mutuel pour l’acquisition d’un dépôt, peut être remboursée car le liquidateur judiciaire a vendu le dépôt
– le fait que de nombreux clients réclament la totalité de la créance alors qu’ils n’ont versé qu’un acompte
– le fait que les prélèvement sur le compte professionnel sont intervenus pour 30.000 euros en remboursement de sommes avancées avec la carte personnelle de M. [J] pour le fonctionnement de l’entreprise car la carte bleue du compte professionnel ne passait plus
– l’imputation sur l’année 2017 de frais concernant plusieurs espaces alors que les livraisons sont intervenues en 2018
– le fait que l’absence de comptabilité est logique puisque le cabinet comptable n’était plus payé pour l’année 2019
– l’absence de justificatifs concernant la disparition de matériels pour 60.000 euros.
* *
*
Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2021, la Société MJ Synergie a conclu’:
– à la confirmation de la décision déférée et en conséquence de la condamnation de M. [J] à une faillite personnelle de 15 ans, soit la durée maximale
– à l’emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
À l’appui de sa position, la Société MJ Synergie a rappelé que les griefs suivants peuvent être retenus à l’encontre de M. [J], en application des dispositions de l’article L653-3 du Code de Commerce’:
– la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire qui ne pouvait que conduire à une cessation des paiements
– le détournement ou la dissimulation de tout ou partie de son actif et l’augmentation frauduleuse du passif
– l’usage contraire à l’intérêt de l’entreprise et à des fins personnelles, des biens ou crédits de l’entreprise
– l’abstention de coopération volontaire avec les organes de la procédure
– la disparition de documents comptables, la non tenue de comptabilité quand les textes en font obligation, ou la tenue d’une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière.
La concluante a rappelé l’état des comptes en 2017, et le déficit évident au titre de l’année 2017, avec des actifs circulant à un an pour 165.383 euros et des dettes à échéances de moins d’un an pour 520.647 euros dont 437.078 euros au titre des acomptes versés par les clients, sans compter pour la période une trésorerie chroniquement insuffisantes, égale à la somme de 11.040 euros.
Enfin, elle a rappelé que pour l’année 2017, les capitaux propres se dégradent, en raison de résultats déficitaires sur l’exercice, avec une perte d’exploitation à hauteur de 160.597,05 euros.
Elle a indiqué que l’examen de la cessation des paiements faite le 6 mars 2019 permet de constater cette situation sans difficulté.
Elle a rappelé également les éléments suivants’:
– l’absence d’actifs disponibles dans le cadre de l’inventaire
– l’existence de retards de règlements persistants
– une trésorerie insuffisante
– le montant des déclarations de créances pour la somme de 1.244.441,61 euros dont 1.089.648,64 euros hors contestations, et pour certaines une forte ancienneté des créances, datant de fin 2017 ‘ début 2018, ce passif étant créé en 24 mois d’activité.
– le non-paiement de l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2016 par M. [J] pour un montant de 16.741,15 euros.
La concluante a pointé une attitude questionnante de M. [J] au motif de l’encaissement d’acomptes en 2018 pour un montant de 600.000 euros sans prestation ce qui démontre un maintien de l’entreprise via la perception des sommes en questions, alors même que les commandes ne pouvaient être honorées.
Le liquidateur a estimé que les sommes ont été perçues dans le seul intérêt personnel de l’appelant.
La Société MJ Synergie a indiqué que l’appelant a opéré un détournement et une dissimulation d’actifs’:
– en virant sur le compte bancaire de son fils la somme de 58.500 euros entre le 5 septembre 2018 et le 5 mars 2019, une somme de 45.100 euros étant ensuite reversée à M. [J], le fils de ce dernier conservant le solde
– le fait que M. [J] a justifié ces virements sur le compte de son fils au motif de ce que des saisies avaient été opérées avant sur le compte qui mettaient Cristalu en difficultés
– l’octroi par l’appelant à son profit d’une rémunération de 264.793,45 euros, somme qui ne correspond à aucun «’remboursement’» allégué par M. [J], non justifié en outre, cette rémunération outrepassant de 100.000 euros le chiffre d’affaires réalisés dans le cadre de l’activité professionnelle
– le virement depuis le compte Cristalu vers le compte personnel de M. [J] de la somme de 91.400 euros
– la propriété d’éléments corporels au titre de l’année 2018 par M. [J] pour un montant de 87.899 euros
– la compensation opérée par M. [J] avec son bailleur en raison de loyers impayés en délaissant au profit de celui-ci une véranda d’exposition et d’autres éléments pour 25.000 euros, la rupture du bail intervenant en janvier 2019 alors que l’appelant était déjà déficitaire, soit une disparition de près de 60.000 euros de la procédure, aucun justificatif de vente n’étant fourni.
Le liquidateur a rappelé l’existence de 8 véhicules appartenant à M. [J], qui a déclaré que les véhicules avaient été vendus, donnés ou échangés entre février 2018 et février 2019, notamment afin de solder des prêts, y compris un véhicule Maserati, sans fournitures toutefois de justificatifs de vente.
Il a indiqué que M. [J] a finalement reconnu avoir donné les véhicules en paiement, entre la déclaration de cessation des paiements et la date du jugement d’ouverture pour solder un prêt consenti à un tiers.
Concernant l’usage contraire des biens ou du crédit de l’entreprise à des fins personnelles, la concluante a relevé’:
– des débits sur le compte de l’entreprise sans contrepartie ou preuve de remboursements d’une avance sur des sommes engagées par M. [J]
– l’utilisation des sommes reçues de son fils aux fins de financement d’un train de vie important et l’absence de dépenses concernant l’activité de la société sur le compte personnel de l’appelant
– de prélèvements au profit de M. [J] alors que la situation de l’entreprise est obérée
– l’établissement en conséquence d’une confusion entre le compte de l’entreprise et le patrimoine personnel.
Concernant l’absence de coopération volontaire avec le liquidateur, ce dernier a renvoyé aux multiples demandes d’informations à M. [J], qui n’ont jamais eu de retour, notamment concernant les véhicules ou matériels qui n’ont pu être appréhendés, et a rappelé que l’appelant avait déjà fait l’objet d’une mesure de liquidation judiciaire alors qu’il gérait une entreprise, ayant donc connaissance du mécanisme.
Enfin, le liquidateur a indiqué qu’aucune comptabilité n’a été remise pour l’année 2019 et que pour 2018, seul un grand livre a été remis, malgré les dispositions des articles L123-12 du Code de Commerce.
La concluante a estimé que tous ces éléments justifient du prononcé à l’encontre de M. [J] d’une mesure de faillite personnelle pour la durée maximale.
* *
*
Dans un avis notifié le 5 octobre 2021, le Ministère Public a sollicité la confirmation du jugement de première instance et s’en est rapporté aux moyens développés par le liquidateur judiciaire.
Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les griefs retenus au titre de l’article L653-3 du code de commerce
L’article L653-3 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l’article L. 653-1 , sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après :
1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements ;
2° (Abrogé).
3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.
II.- Que Peuvent en outre, sous la même réserve, être retenus à l’encontre d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou d’un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V les faits ci-après :
1° (Abrogé)
2° Sous le couvert de l’activité ou du patrimoine visés par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ou de ce patrimoine’;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de l’entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l’intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement, ou un patrimoine distinct lui appartenant.
En la présente espèce, il est nécessaire d’apprécier si les griefs retenus en première instance à l’encontre de M. [J], à savoir’:
– avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements
– avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif
– avoir fait des biens ou du crédit de l’entreprise visée par la procédure un usage contraire à l’intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement, ou un patrimoine distinct lui appartenant’;
l’ont été à juste titre.
S’agissant de la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements, il convient d’analyser l’état comptable et financier de la société de M. [J] au cours de son activité, et de déterminer si l’activité a été poursuivie alors même que la situation ne pouvait que s’aggraver, et augmenter le passif.
Au terme de l’année 2017, il doit être relevé que le bilan comptable permet d’établir une situation financière obérée avec des actifs circulant à moins d’un an pour une somme de 165.383 euros, et des dettes à échéances de moins d’un à hauteur de 520.647 euros dont 437.078 euros au titre des acomptes versés par les clients.
En outre, une dégradation des capitaux propres est objectivée au bilan comptable ainsi qu’une perte d’exploitation sur l’exercice 2017 à hauteur de 160.597,05 euros.
Au cours de l’année 2018, il convient de constater le même mouvement, étant relevé que la date de cessation des paiements a été fixée par la cour d’appel au 31 août 2018. Sur l’année en question, l’examen du compte bancaire utilisée pour la société permet de relever que des mouvements sont engagés vers des comptes de tierces personnes, point sur lequel il sera revenu, avec un maintien de solde créditeur minime voir inférieur à 800 euros ce qui ne manque pas de questionner sur les possibilités d’action de la société.
En outre, l’examen des déclarations de créances pour l’année 2018 permet de relever un encaissement d’acompte à hauteur de 600.000 euros sans pour autant retrouver de prestations correspondantes, étant relevé que si une société fournisseur décide d’un changement de politique commerciale dans ses relations avec M. [J], il revient à ce dernier de se positionner en terme de stratégie et de réfléchir au fonctionnement adopté.
La lecture de la liste des créances déclarées permet de relever la mise en ‘uvre de plusieurs actions judiciaires dans différentes tribunaux judiciaires notamment aux fins d’expertise, dans lesquelles la société de M. [J] est appelée, soit un risque concernant l’activité de la société et une nécessité de provisionner au plan comptable au regard de ces litiges, ce qui n’a pas été fait.
Les mouvements bancaires vers les comptes bancaires personnels de M. [J] et de son fils, le maintien d’un solde précaire sur le compte de la société, l’absence d’actifs permettant de faire face au passif, et l’existence d’un passif conséquent au titre de l’année 2018 démontrent que l’activité a été poursuivie alors que la société n’était plus en mesure d’avoir une activité viable, avant même le dépôt de la demande d’ouvert d’une procédure de liquidation judiciaire par l’appelant, ce fonctionnement étant poursuivi jusqu’à cette date.
Ainsi, il convient de retenir le grief critiqué par M. [J], celui-ci étant suffisamment caractérisé et objectivé par les éléments versés au débat.
Concernant le détournement ou la dissimulation de tout ou partie de l’actif ou de l’augmentation frauduleuse du passif, l’examen des relevés bancaires versés au débat permet de relever, notamment plusieurs mouvements financiers par le biais de virement du compte de la société vers le compte de M. [F] [J], fils de M. [J] pour un montant de 58.500 euros du 5 septembre 2018 au 5 mars 2019, dont 41.100 euros ont été reversés sur le compte personnel de M. [J], soit un solde bénéficiaire au profit de M. [F] [J] pour 13.400 euros.
Il sera rappelé que dans un courriel du 9 avril 2019, rédigé par M. [J] et versé au débat, ce dernier a indiqué avoir effectué des virements sur des comptes externes à la société pour protéger l’argent de la société et éviter des saisies du trésor, ce qui a occasionné des difficultés, le rédacteur indiquant que le mouvement inverse financier était réalisé.
Toutefois, l’examen des relevés de compte versés au débat ne permet pas d’objectiver de mouvements financiers en retour vers le compte de la société Cristalu.
De même, les relevés bancaires ont permis de retracer sur la période du 1er septembre 2018 au 28 février 2019, des virements pour la somme de 91.400 euros vers le compte personnel de M. [J], les éléments comptables permettant de relever que pour l’année 2018, l’intéressé a bénéficié d’une rémunération conséquente, 264.793,45 euros, étant rappelé que le chiffre d’affaires de la société sur cette même période était fixé à 182.975,45 euros, cette situation menant à déséquilibrer la société mais aussi à détourner les actifs dont elle a besoin pour son fonctionnement, s’agissant des flux financiers.
En outre, il convient de relever que la balance provisoire indique au bénéfice de M. [J], une propriété d’éléments corporels pour 87.899 euros.
S’agissant des autres détournements allégués par le mandataire judiciaire et contestés par M. [J], il convient de relever que dans le cadre de la cession du bail, l’appelant avait consenti au bailleur une compensation en lui laissant du matériel d’exposition pour une valeur de 25.000 euros en janvier 2019, le bailleur ayant été avisé de la demande de restitution.
Concernant d’autres matériels d’exposition pour une valeur de 60.000 euros, M. [J] a indiqué à la Société MJ Synergie les avoir vendus, sans toutefois fournir d’éléments objectivant la réalité des ventes, des justificatifs ou relatifs à des mouvements de fonds issus de ces ventes.
Dès lors, la disparition de ces actifs vient déséquilibrer la situation financière de la société.
En outre, il est objectivé par les pièces versées au débat que M. [J] était propriétaire de plusieurs véhicules, qui n’ont pu être appréhendés par le commissaire priseur au motif de ce qu’ils auraient tous été vendus entre février 2018 et février 2019 sans pour autant que M. [J] ne fournisse dans les pièces versées au débat la preuve des cessions invoquées.
Un cas particulier sera relevé concernant le véhicule Maseratti immatriculé [Immatriculation 4] qui selon M. [J], dans ses courriels, a fait l’objet d’une dation en paiement afin de rembourser des dettes, dettes non précisées, au profit de M. [X], avec indication que cet événement est intervenu entre le dépôt du dossier de cessation des paiements par l’appelant et la date du jugement ordonnant le redressement judiciaire.
Au regard de ces éléments, c’est à bon droit que le Tribunal de Commerce a retenu un détournement d’actifs, les actifs tant financiers que corporels ayant été transmis à des tiers ou ayant disparu sans aucun justificatif de cession.
Concernant le grief d’usage contraire des biens ou crédit de l’entreprise à des fins contraire à l’intérêt de celle-ci, il convient d’envisager l’usage fait des actifs et crédits de celle-ci, et de déterminer s’ils ont été utilisés dans le seul intérêt de la société et de son objet social ou pas.
Il convient d’analyser les pièces financières, et notamment les relevés de compte versés au débat.
Sur ce dernier point, il sera relevé que de multiples dépenses personnelles apparaissent sur les comptes en octobre, décembre 2018, janvier 2019 et mars 2019, portant sur des achats de vêtements (boutiques Gucci, Adidas, Okaïdi notamment), des magasins de décoration (Gifi, la Fourfoille), des dépenses en restaurant, des achats internet, des achats de billetterie de spectacles, des achats alimentaires (Carrefour Market, boucherie, Surgelés Picard notamment) ou de loisirs (Airbnb pour un montant de 2.213,32 euros, Netflix notamment), voire même des consultations médicales (Dr [R]), soit sur des buts étrangers à l’objet social de la société Cristalu.
Seront également rappelés les différents virements effectués sur le compte personnel de M. [J] et de son fils pour un total de 91.400 euros.
De fait, ces différentes dépenses sont sans lien avec l’activité de la société, sans compter qu’aucun flux financier inverse n’est constaté entre le compte de M. [J] ou celui de son fils, vers le compte de la société.
Cette situation relève d’une confusion complète entre le patrimoine de la société et le patrimoine personnel de M. [J], au détriment de l’intérêt de la société, sans lien avec l’activité de cette dernière. Cette situation doit être mise en perspective avec l’état financier délicat de la société Cristalu sur la période et le déficit net de son exploitation, les achats et mouvements de fonds sans lien avec l’activité de la société ne pouvant qu’aggraver sa situation, et augmenter son passif.
Dès lors, ce grief est caractérisé, le jugement devant être ainsi confirmé sur ce point.
Sur les griefs retenus au titre de l’article L653-5 du code de commerce
L’article L653-3 du code de commerce dispose’:
Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après :
1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
2° Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3° Avoir souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou de la personne morale ;
4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
5° Avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
7° Avoir déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée.
Eu égard aux conclusions de M. [J] et au jugement déféré, il convient d’analyser les griefs retenus au titre des points suivants’:
– l’abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure ou faire obstacle à son bon déroulement
– la disparition de la comptabilité, l’absence de comptabilité ou la tenue d’une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière.
S’agissant de l’abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure ou faire obstacle à son bon déroulement, il doit être rappelé que ce grief est caractérisé quant l’attitude du débiteur a créé un obstacle au bon déroulement de la procédure, notamment en s’abstenant de toute coopération, en ne donnant pas les renseignements nécessaires ou en ne transmettant pas les documents nécessaires à l’exercice de la procédure.
En la présente espèce, il ressort des échanges entre les parties, notamment des courriers et courriels, que M. [J] n’a pas remis de documents concernant les actifs de la société ou les siens, s’abstenant de transmettre les documents de cession de ceux-ci, ou ne permettant pas de les localiser. L’analyse des courriels de l’appelant permet de noter que ce dernier adopte des propos vagues, notamment concernant les véhicules, ou justifie systématiquement ses retards dans les réponses par d’autres activités, sans pour autant apporter une réponse aux questions posées par le mandataire.
Il ressort de ces éléments que M. [J], par son attitude, n’a pas permis au mandataire d’agir promptement dans le cadre de sa mission, et au contraire, a mené celui-ci à devoir faire des recherches concernant les actifs, mais aussi à devoir engager des actions notamment pour le véhicule Maseratti ou bien concernant la reprise des actifs laissés au bailleur du local commercial à titre de compensation.
S’agissant de l’absence de tenue régulière de comptabilité, ce grief est constitué lorsque la comptabilité n’est pas tenue, ou incomplète et comportant des éléments insuffisants à caractériser l’activité exacte de la société.
En l’espèce, le mandataire a pu obtenir la comptabilité de l’année 2017, au titre de l’année 2018, uniquement les grands livres et les comptes bancaires, et aucun élément clair au titre de l’année 2019.
Si M. [J] a pu indiquer que l’entreprise ne disposait plus d’un comptable puisque que ce dernier n’a pas été payé, cet élément ne saurait suffire à l’exonérer du grief critiqué, alors même que l’examen des comptes bancaires a permis de déterminer que des sommes conséquentes ont été transférée vers le compte personnel de l’appelant ou celui de son fils, sans compter les dépenses de la société étrangère à son objet social, pour un quantum pourtant mobilisable au profit de la rémunération d’un expert-comptable.
L’absence de comptabilité complète a permis de dissimuler les disparitions d’actifs mais aussi plus facilement les transferts de fonds au profit de l’appelant.
Dès lors, le grief querellé doit être retenu.
Sur la sanction
L’article L653-8 alinéa 1 du code de commerce dispose que dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
L’article L653-11 du même code dispose que lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L. 653-8, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être supérieure à quinze ans, qu’il peut ordonner l’exécution provisoire de sa décision et que les déchéances, les interdictions et l’incapacité d’exercer une fonction publique élective cessent de plein droit au terme fixé, sans qu’il y ait lieu au prononcé d’un jugement.
En l’espèce, il convient de relever la multiplicité des griefs constitués à l’encontre de M. [J] dans le cadre de la procédure, mais aussi le fait que ce dernier a tiré un bénéfice personnel de ceux-ci.
En outre, il n’est pas contesté par les parties que M. [J] a déjà fait l’objet d’une mesure de faillite personnelle et d’interdiction de gérer d’une durée de 5 ans, mais ne semble pas avoir tenu compte de cet avertissement déjà sévère.
Au contraire, M. [J] a repris une activité dès la fin de l’interdiction avec, d’emblée une attitude non conforme aux règles de bonne gestion d’une entreprise, que ce soit avant ou après le prononcé de la liquidation judiciaire.
La gravité des faits mais aussi leur réitération dans le temps nécessite de faire preuve de sévérité à l’encontre de M. [J], outre la nécessité de se prémunir de la répétition de tels agissements.
En conséquence, la mesure de faillite personnelle à hauteur du maximum légal soit 15 ans prononcée à l’encontre de M. [W] [J] doit être confirmée.
Sur les autres demandes
Contrairement à ce qui a été jugé, la charge des dépens de première instance et d’appel relève de l’appelant, s’agissant d’une sanction personnelle.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la charge des dépens.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M. [W] [J] aux dépens de première instance et d’appel
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE