Sous-évaluer son patrimoine de dirigeant : le risque fiscal

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Sous-évaluer son patrimoine de dirigeant : le risque fiscal
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La majoration au titre de l’article 1729 a) du code général des impôts est applicable en cas de sous évaluation du patrimoine du dirigeant et notamment au titre des inexactitudes relatives à la détermination de la résidence principale, l’omission de déclaration d’un local professionnel,
l’omission de déclaration de contrats d’assurance vie Sogecap et l’omission de déclaration des parts sociales détenues dans 4 sociétés.

Le seul élément tiré de l’existence de précédents suffit à établir le manquement délibéré à son obligation de déclarer ces éléments au titre de l’impôt sur la fortune, et ce d’autant quele dirigeant qui allègue des difficultés de santé et une dégradation de ses facultés à l’origine des omissions constatées, ne produit aucune pièce justificative permettant de le démontrer.

Aux termes de l’article 1729 a) du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré.

La majoration a pour objet de sanctionner la méconnaissance de manière délibérée par le contribuable de ses obligations déclaratives aux fins d’éluder l’impôt.

Le manquement délibéré s’apprécie au moment de la déclaration en fonction des éléments d’information et d’appréciation réunis par l’administration fiscale et résulte du fait que le contribuable ne pouvait ignorer à cette date les insuffisances, inexactitudes ou omissions reprochées et que l’infraction a donc été commise sciemment, chaque chef d’insuffisance étant apprécié séparément.

En l’espèce, l’administration fiscale se prévaut de rehaussements importants au titre des 4 années contrôlées et du fait que M. [B] avait omis et sous-évalué de façon manifeste et répétée son patrimoine brut, soutenant qu’il avait fait l’objet d’un rappel d’ISF pour les mêmes omissions au cours d’une procédure de contrôle antérieure et qui a porté sur les années 2008 à 2010 d’une part, et que le montant des rectifications au titre des années 2011 et 2012 représente 100 % de l’actif brut déclaré et 90 % pour les années 2013 et 2014.

Résumé de l’affaire : En date du 19 décembre 2017, l’administration fiscale a proposé une rectification de l’impôt de solidarité sur la fortune de M. [B] pour les années 2011 à 2014, en raison d’erreurs sur ses comptes bancaires, d’omissions déclaratives concernant un local, des contrats d’assurance vie et des parts dans plusieurs sociétés, ainsi que le rejet de certaines déductions. M. [B] a contesté ces rectifications le 22 février 2018, notamment l’évaluation des parts sociales et la majoration de 40 % pour manquement délibéré. L’administration a maintenu ses rectifications le 17 septembre 2019, et la commission départementale de conciliation a confirmé l’évaluation de la société RC Intérim le 7 avril 2021. M. [B] a reçu un avis de recouvrement le 30 avril 2021, lui demandant de régler 316 041 euros. Après avoir déposé une réclamation contentieuse le 30 décembre 2021, qui a été rejetée le 6 juillet 2022, M. [B] a assigné l’administration fiscale le 8 septembre 2022 pour annuler les réintégrations et la majoration. La clôture de la procédure a été ordonnée le 19 février 2024. Dans ses conclusions du 14 septembre 2023, M. [B] a demandé l’annulation des réintégrations et de la majoration, tout en invoquant des problèmes de santé et des circonstances personnelles ayant affecté sa capacité à déclarer correctement. De son côté, l’administration fiscale a demandé la confirmation de la majoration pour manquement délibéré, arguant que M. [B] avait sous-évalué son patrimoine de manière répétée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Tribunal judiciaire d’Évreux
RG n°
22/02949
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX

AUDIENCE PUBLIQUE – CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 24 SEPTEMBRE 2024

MINUTE N° : 2024/

N° RG 22/02949 – N° Portalis DBXU-W-B7G-HAPR
NAC : 97Z Recours et actions exercés contre les décisions d’autres personnes publiques

CONTENTIEUX – Chambre 1

DEMANDEURS :

Monsieur [V] [B]
né le 08 Octobre 1947 à [Localité 6] (ALGERIE) (99)
Retraité,
demeurant [Adresse 3]
– [Localité 4]

Représenté par Me Michel JUSTINIEN, membre de la société JUSTINIEN ET ASSOCIES, avocat au barreau de l’EURE

DEFENDEURS :

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DE [Localité 7],
[Adresse 1]
– [Localité 2]

Dispensée de ministère d’avocat par application des dispositions de l’article R2331-10 du Code général de la propriété des personnes publiques

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats : Madame Marie LEFORT, Présidente, qui a entendu les plaidoiries comme juge rapporteur, sans opposition des parties et en a rendu compte lors du délibéré à la collégialité constituée de :

– Madame Marie LEFORT, président
– Madame Béatrice THELLIER, juge
– Madame Anne-Caroline HAGTORN, juge

lesquelles ont délibéré conformément à la loi

en présence de :
[G] [J], auditrice de justice

GREFFIER : Madame Aurélie HUGONNIER

en présence de :
[L] [Y], greffier stagiaire

N° RG 22/02949 – N° Portalis DBXU-W-B7G-HAPR – jugement du 24 septembre 2024

DÉBATS :

En audience publique du 11 Juin 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 24 septembre 2024.

JUGEMENT :

– au fond,
– contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort,
– mis à disposition au greffe,
– rédigé par Madame Marie LEFORT,
– signé par Madame Marie LEFORT, première vice-Présidente et Madame Aurélie HUGONNIER, greffier

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par lettre en date du 19 décembre 2017, la Direction générale des finances publiques (ci-après l’administration fiscale) a adressé à M. [V] [B] une proposition de rectification au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune des années 2011, 2012, 2013 et 2014 portant sur :
– des erreurs sur le solde des comptes bancaires et des comptes courants d’associés,
– l’omission déclarative d’un local au titre de l’ISF 2013,
– l’omission déclarative de contrats d’assurance vie,
– l’omission déclarative des parts détenues dans les sociétés SA La signalisation routière, SARL Atiss et la SARL Sonomas, de la SARL RC Interim,
– le rejet de la déduction au passif de certaines impositions.

Par lettre du 22 février 2018, M. [B] a contesté la pondération des méthodes d’évaluation retenue par l’administration fiscale pour les parts sociales des sociétés Atiss, Sonomas, RC interim, proposant de nouvelles valeurs, ainsi que l’application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

Par courrier en date du 17 septembre 2019, l’administration fiscale a maintenu les rectifications concernant notamment l’évaluation de la société RC Intérim et la majoration de 40 %.

Par avis en date du 7 avril 2021, la commission départementale de conciliation de l’Eure a confirmé l’évaluation faite par l’administration fiscale relative aux titres de la société RC Interim.

Par avis de recouvrement en date du 30 avril 2021, M. [B] a été mis en demeure de régler, sans délai, la somme totale de 316 041 euros (192795 euros en principal et 123 246 euros au titre des majorations et intérêts de retard) au titre des rectifications d’imposition au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune des années 2011, 2012, 2013 et 2014.

Par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 30 décembre 2021, M. [B] a adressé une réclamation contentieuse contestant le bien-fondé des impositions.

Un rejet lui a été opposé le 6 juillet 2022.

Par acte en date du 8 septembre 2022, M. [B] a assigné la Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et de [Localité 7] devant ce tribunal aux fins de voir prononcer l’annulation des réintégrations prononcées à hauteur de la somme de 659 485 euros au titre de l’année 2011,
636 862 euros au titre de l’année 2012, 760 895 euros au titre de l’année 2013 et 575 655 euros au titre de l’année 2014, et voir ainsi prononcer la décharge de l’imposition supplémentaire occasionnée par ces rectifications ainsi que l’annulation de la majoration de 40 % pour manquements délibérés.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 19 février 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions récapitulatives signifiées le 14 septembre 2023, M. [B] demande au tribunal de :

– constater l’accord des parties sur l’évaluation des parts sociales de la société RC Interim,
– prononcer l’annulation des réintégrations en base prononcées à hauteur des sommes de 659 491 euros au titre de l’année 2011, 637 848 euros au titre de l’année 2012, 755 317 euros au titre de l’année 2013 et 584 745 euros au titre de l’année 2014,
– prononcer la décharge de l’imposition supplémentaire occasionnée par ces rectifications,
– prononcer l’annulation de la majoration de 40 % pour manquement délibéré,
– condamner l’administration fiscale à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, avec droit de recouvrement au profit de son conseil.

Il se prévaut de l’accord intervenu entre les parties aux termes de leurs conclusions respectives quant à la méthode de calcul de valorisation des parts sociales de la société RC Interim, à l’origine de la rectification dont il a fait l’objet.

Il conteste tout manquement délibéré dans ses déclarations, soutenant que l’administration fiscale ne démontre pas le caractère intentionnel de ses omissions. Il précise que ses omissions sont liées à sont état de santé dégradé à l’époque suite à une neurosarcoïdose contractée en 2012 et le décès de son fils survenu en janvier 2014 ce qui a amoindri ses facultés mentales et physiques.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 juillet 2023, la Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et de [Localité 7] demande au tribunal de :

– prendre acte de l’accord des parties sur l’évaluation des parts sociales de la société RC Interim,

– confirmer la décision du 6 juillet 2022 en ce qui concerne l’application de la majoration de 40 % pour manquements délibérés, prévue à l’article 1729-a du code général des impôts.

Elle soutient que, s’agissant du manquement délibéré, la jurisprudence s’attache à rassembler deux critères que sont l’élément matériel qui peut être recherché à travers l’importance, la nature ou la fréquence des rehaussements, et l’élément intentionnel, qui sous-entend l’accomplissement délibéré de l’infraction. Elle retient à ce titre que la procédure engagée a démontré que M. [B] avait omis et sous-évalué de façon manifeste et répétée son patrimoine brut.

SUR CE,

1.Sur la valorisation des parts sociales de la société RC Interim ayant donné lieu à rectification

Dans leurs conclusions respectives les parties s’accordent sur la valorisation des parts sociales de la société RC Interim comme suit :

– 164 659 euros au titre de l’année 2011,
– 167 552 euros au titre de l’année 2012,
– 154 283 euros au titre de l’année 2013,
– 281 855 euros au titre de l’année 2014.

Il convient de prendre acte de cet accord.

L’administration fiscale devra en conséquence tenir compte de ces montants dans le cadre des rectifications d’imposition effectuées au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune des années 2011, 2012, 2013 et 2014 et modifier le montant réclamé à M. [B] à ce titre.

2. Sur la majoration au titre de l’article 1729 a) du code général des impôts

Aux termes de l’article 1729 a) du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré.

La majoration a pour objet de sanctionner la méconnaissance de manière délibérée par le contribuable de ses obligations déclaratives aux fins d’éluder l’impôt.

Le manquement délibéré s’apprécie au moment de la déclaration en fonction des éléments d’information et d’appréciation réunis par l’administration fiscale et résulte du fait que le contribuable ne pouvait ignorer à cette date les insuffisances, inexactitudes ou omissions reprochées et que l’infraction a donc été commise sciemment, chaque chef d’insuffisance étant apprécié séparément.

En l’espèce, l’administration fiscale se prévaut de rehaussements importants au titre des 4 années contrôlées et du fait que M. [B] avait omis et sous-évalué de façon manifeste et répétée son patrimoine brut, soutenant qu’il avait fait l’objet d’un rappel d’ISF pour les mêmes omissions au cours d’une procédure de contrôle antérieure et qui a porté sur les années 2008 à 2010 d’une part, et que le montant des rectifications au titre des années 2011 et 2012 représente 100 % de l’actif brut déclaré et 90 % pour les années 2013 et 2014.

Il ressort de l’ensemble des pièces du dossier, à savoir de la proposition de rectification du 19 décembre 2017 et de la procédure contradictoire de rectification qui s’en est suivie entre l’administration fiscale et M. [B] que les majorations ont été appliquées sur les rehaussements suivants :

inexactitude relative à la détermination de la résidence principale,
omission de déclaration d’un local professionnel situé à [Localité 5],
omission de déclaration de contrats d’assurance vie Sogecap,
omission de déclaration des parts sociales détenues dans 4 sociétés,
Toutefois, l’administration fiscale a reconnu que la détermination de la résidence principale à [Localité 4] était exacte (cf courrier en ce sens de l’inspectrice principale en date du 6 décembre 2019 – pièce 4 demandeur), de sorte qu’il ne saurait y avoir de majoration pour manquement délibéré de ce chef.

S’agissant de l’omission de déclaration de la propriété d’un local professionnel à [Localité 5] et de parts sociales des sociétés Signalisation routière, Atiss, Sonomas et RC Interim, dès lors que M. [B] ne conteste pas avoir fait l’objet de précédents rappels et propositions de rectification au titre des années 2009 et 2010 de ces mêmes chefs – proposition de rectification du 26 décembre 2012 – (cf page 8 des conclusions : « si notre client a conscience de l’importance des sommes omises et de leur caractère répété comme le précise le Service… »), il ne pouvait méconnaître ou ignorer ses obligations de déclaration à ce titre.

Ce seul élément tiré de l’existence de précédents suffit à établir le manquement délibéré à son obligation de déclarer ces éléments au titre de l’impôt sur la fortune, et ce d’autant que M. [B] qui allègue des difficultés de santé et une dégradation de ses facultés à l’origine des omissions constatées, ne produit aucune pièce justificative permettant de le démontrer.

En revanche, le moyen tiré de l’importance des sommes figurant sur les deux contrats d’assurance vie Sogecap, en l’absence d’un précédent relatif à cette même omission ou de tout autre élément, n’est pas suffisant pour établir le manquement délibéré de ce chef. Il n’y a donc pas lieu d’appliquer la majoration de 40 % sur les sommes non déclarées au titre des deux contrats d’assurance vie Sogecap.

M. [B] sera donc débouté de sa demande tendant à ne pas faire application de la majoration de 40 % au titre de l’omission de déclaration du local professionnel situé à [Localité 5] et des parts sociales détenues dans les sociétés Signalisation routière, Atiss, Sonomas et RC Interim.

Succombant principalement à l’instance, M. [B] en supportera les dépens et sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

DONNE ACTE à la Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et de [Localité 7] et à M. [V] [B] de leur accord tendant à valoriser les parts sociales de la société RC Interim aux montants suivants :

164 659 euros au titre de l’année 2011,
167 552 euros au titre de l’année 2012,
154 283 euros au titre de l’année 2013,
281 855 euros au titre de l’année 2014,

DIT que la Direction régionale des finances publiques devra tenir compte de ces montants dans le cadre des rectifications d’imposition effectuées au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune des années 2011, 2012, 2013 et 2014 et modifier le montant réclamé à M. [V] [B] à ce titre,

DIT n’y avoir lieu à application d’une majoration de 40 % pour manquement délibéré au titre du rehaussement appliqué à la détermination de la résidence principale de M. [V] [B] et au montant des deux contrats d’assurance vie Sogecap,

DEBOUTE M. [V] [B] du surplus de ses demandes au titre de la majoration de 40 % pour manquement délibéré au titre des rehaussements appliqués par la Direction régionale des finances publiques pour omission de déclaration du local professionnel situé à [Localité 5] et des parts sociales détenues dans les sociétés Signalisation routière, Atiss, Sonomas et RC Interim,

DEBOUTE M. [V] [B] de ses demandes plus ou amples ou contraires,

CONDAMNE M. [V] [B] aux dépens de l’instance lesquels pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente et le greffier.

Le greffier, La Présidente,

Aurélie HUGONNIER Marie LEFORT


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