Un éditeur de jeux vidéo, en introduisant dans sa question une chronologie des mises en ligne de deux jeux concurrents, a manifestement introduit un biais en vue d’obtenir des réponses conformes à sa démonstration de contrefaçon. Ce biais a été sanctionné : le tribunal a écarté les résultats de cette étude dont le caractère probant n’était pas démontré.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS 13 EME CHAMBRE
JUGEMENT PRONONCE LE 05/07/2021 par sa mise à disposition au Greffe
RG 2021012396
ENTRE :
SAS X, RCS de Paris B 792 483 307 dont le siège social est […]
Partie demanderesse : comparant par Mes B C et Félix THILLAYE membres du CABINET WHITE & CASE LLP avocats (J002)
ET :
1) SAS Y., […], dont le siège social est 76 rue du Faubourg Saint-AB 75010 Paris
Partie défenderesse : assistée du CABINET ALLEN & OVERY LLP avocats (J22) et comparant par la SCP ERIC NOUAL NICOLAS DUVAL avocats (P493)
2) SAS Y., RCS de Bobigny B 812 755 346, dont le siège social est […], […], 93360 Neuilly-Plaisance
Partie défenderesse : assistée du CABINET GILLES VERCKEN avocats (P414) et comparant par la SEP ORTOLLAND avocats (R231)
APRES EN AVOIR DELIBERE LES FAITS
X est un éditeur de Jeux vidéo de type « hyper casual ».
Y. est un éditeur concurrent.
Y. est une société qui conçoit et développe des jeux vidéo. Elle a été créée en 2015 par D E et F G, deux anciens élèves de l’ICAN (Institut de Création et d’Animation Numérique).
Y. a développé régulièrement des jeux vidéo qu’elle a proposé principalement à UBISOFT, X et Y..
Y. a contracté avec X pour des durées de six mois : Le 28 janvier 2020 – – Un « Cooperation and Game Development Agreement » – – Un « Programming Cooperation Agreement » Le 14 septembre 2020 – – Un « Game Development Exclusivity Agreement » – – Un « Prototype Programming Agreement » Le 2 novembre 2020 \ – -Un «Cooperation and Game Development Agreement » qui remplace celui du mois de janvier 2020.
Ces accords n’ont débouché sur aucun développement commercial, aucun des 39 jeux proposés par Y. n’ayant été édité par X, Y. décidera de rompre par anticipation, au 31 janvier 2021, ces contrais dont le terme était fixé au 28 février 2021. ! ‘
En tout état de cause, aucune demande ne repose sur une faute contractuelle, X reprochant à Y. son créateur et à Y., son éditeur, des faits de parasitisme économique avec le lancement du jeu Q R dont elle soutient qu’il reprend à tous points les codes de A.
X faisant grief à Y. et Y. de s’être rendues coupables de parasitisme économique en mettant en ligne un jeu directement inspiré du jeu A développée par une société NOOR CREATIVE et édité par X, a saisi, le 5 mars 2021, le Président du tribunal de commerce de céans en vue d’être autorisée à assigner au fond à brefs délais d’une part, et à assigner en référé pour obtenir des mesures provisoires de suspension du jeu querellé d’autre part.
Par ordonnance rendue en référé le 25 mars 2021, le Président du tribunal de commerce de Paris a constaté que la commercialisation du jeu Q R avait été suspendue sur le territoire français, a considéré que les agissements de Y. et d’Y. sont constitutifs d’actes de concurrence déloyale et a ordonné la suspension provisoire, sous astreinte de 20.000 EUR par jour de retard de la distribution, de la commercialisation et de l’exploitation du jeu Q R.
C’est ainsi que se présente l’affaire.
LA PROCEDURE
Par acte en date du 8 mars 2021 délivré à Y. d’une part et Y. d’autre part, X assigne les sociétés défenderesses à brefs délais, après en avoir été autorisée par ordonnance rendue par le Président du tribunal de commerce de céans saisi sur requête.
Par cet acte et par conclusions récapitulatives régularisées à l’audience du 21 avril 2021, X demande au tribunal de :
» Interdire aux sociétés Y. et Y. de distribuer, commercialiser et exploiter le jeu Q R à compter d’un délai de 24 heures suivant le prononcé de la décision à intervenir et ce sous astreinte de cinquante mille (20 000) euros (sic) par jour de retard et par infraction constatée ;
» – Ordonner une mesure de publication du dispositif du jugement à intervenir, dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de la décision à intervenir et sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et par infraction constatée, sur la page d’accueil du site Intemet https://www homagames com/ exploité par Y. pendant une durée d’un (1) mois ;
Ordonner une mesure de publication du dispositif du jugement à intervenir, accompagné d’un message objectif et explicatif, dans cinq (5) journaux ou revues au choix de la société X, en France et/ou à l’international, aux frais avancés par Y., sans que le coût n’excède la somme de 5.000 euros hors taxes par insertion ;
» Condamner solidairement Y. et Y. à payer à la société X la somme de 572.347,17 euros, à parfaire, en réparation du préjudice subi au titre du gain manqué ;
Condamner solidairement Y. et Y. à payer à la société X la somme de 33.858,37 euros, à parfaire, au titre des dépenses marketing engagées par X ;
Condamner solidairement Y. et Y. à payer à la société X, en réparation du préjudice moral subi, la somme de 75.000 euros ;
Se réserver la liquidation des astreintes ordonnées aux termes du jugement à intervenir ;
Rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions formées par Y. et Y. dans la présente instance ;
Condamner solidairement Y. et Y. aux entiers dépens d’instance et à payer à la société X la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions régularisées à l’audience du 21 avril 2021, Y. demande au tribunal de : ‘
A titre principal :
Juger que Y. n’a commis aucun acte fautif au préjudice X Débouter X de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire, si le tribunal devait entrer en voie de condamnation :
Limiter expressément la portée des mesures de retrait et d’interdiction et de publication du jugement à intervenir au seul territoire français ;
Limiter le montant des dommages et intérêts au seul préjudice subi sur le territoire français, soit 10.641,73 euros au titre du prétendu gain manqué, 677,16 euros au titre de la prétendue perte subie et 1.500 euros au titre du prétendu préjudice moral de X ;
Juger que la nature de l’affaire est incompatible avec l’exécution provisoire ;
A titre reconventionnel :
Juger que X a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de Y.;
Condamner X à payer à Y. la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice financier ;
Condamner X à payer à Y. la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêt au titre de la procédure abusive et du préjudice moral et d’image causé à Y. ;
Condamner X à l’amende civile qu’il plaira au tribunal de fixer ;
Ordonner la publication suivante, dans cinq quotidiens, revues ou magazines, français ou étrangers, au choix de Y., dans la limite de 10 000 euros HT par Insertion et ce, aux frais de la X :
« Par jugement en date du [À COMPLETER] le tribunal de commerce de Paris a déclaré abusive et sans fondement l’action en concurrence déloyale et parasitisme menée par la société X à l’encontre des Y. et Y., relative au jeu Q R, créé par Y. et édité par la société Y.. Le tribunal a par ailleurs jugé que X a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires au préjudice de Y. et a condamné la société X à payer à la société Y. la somme de [À COMPLETER] en réparation du préjudice économique subi, ainsi que [À COMPLETER) en réparation du préjudice moral et d’image, outre [À COMPLETER] au titre de l’article 700 du code de procédure civile » ;
Ordonner la publication du même texte en haut de la page d’accueil du site internet www. dans un encart rédigé en caractères gras, police de caractère 14, le texte devant être précédé du titre « AVERTISSEMENT JUDICIAIRE» en lettres . capitales et police de caractère 16, durant une période d’un mois, dans les huit Jours suivants la décision à intervenir, sous peine d’astreinte de 3.000 euros par jour de retard ;
En toute hypothèse :
« – Condamner X à payer à Y. la somme de 75.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
« – Condamner X aux entiers dépens.
Par conclusions régularisées à l’audience du 21 avril 2021, Y. demande au tribunal de :
A titre principal :
» Juger qu’il n’existe aucun acte de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de X sur les fondements des articles 1240 et suivants du Code de procédure civile ;
En conséquence, » – Débouter X de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; A titre reconventionnel :
« Interdire à X de tout acte déloyal à l’égard d’Y., notamment dans le cadre de la promotion de son jeu A, sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du Jour de la signification du Jugement au fond à intervenir ;
» – Ordonner une mesure de publication du dispositif du jugement à intervenir, dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de la décision à intervenir et sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et par infraction constatée, sur la page d’accueil du site Internet https://\www.X.io/ exploité X pendant une durée d’un (1) mois ;
» Ordonner une mesure de publication du dispositif du jugement à intervenir, accompagne d’un message objectif et explicatif, dans cinq (5) journaux ou revues en France au choix d’Y., aux frais avancés par X, sans que le coût n’excède la somme de 5.000 euros hors taxes par insertion ;
» Condamner X à lui payer Y. la somme de 10.000 euros, à parfaire, au titre de son préjudice commercial ;
« – Condamner X à lui payer, en réparation du préjudice moral subi, la somme de 5.000 euros ;
« Se réserver la liquidation des astreintes ordonnées aux termes du Jugement à Intervenir,
A titre subsidiaire :
« Limiter expressément la portée des mesures de retrait et d’interdiction et de publication du jugement à intervenir au seul territoire français ;
» – Limiter le montant des dommages et intérêts au seul préjudice subi par VO0ODOO sur le territoire français, soit 10.641,73 euros au titre du prétendu gain manqué, 677,16 euros au titre de la prétendue perte subie et 1.500 euros au titre du prétendu préjudice moral) ;
En tout état de cause :
« – Condamner X à lui payer la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700
du Code de Procédure Civile ;
– Condamner X en tous les dépens, qui seront directement recouvrés par Maître Alexandre RUDONI, Avocat au Barreau de la Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
L’ensemble de ces demandes a fait l’objet de dépôts de conclusions ; celles-ci ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure, ou régularisées à l’audience du juge chargé d’instruire l’affaire.
Après avoir entendu les parties en leurs explications et observations à son audience du 21 avril 2021, le juge chargé d’instruire l’affaire clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 juin 2021, date reportée au 5 juillet 2021, en application des dispositions du 2° »° alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LES MOYENS DE PARTIES
Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties, appliquant les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal les résumera succinctement de la manière suivante :
A l’appui de ses demandes, X fait grief à Y. et Y. de s’être rendues coupables de parasitisme économique en ayant conçu et distribué, le jeu Q R dont elle soutient qu’il constitue une copie servile du jeu A.
X : – conteste les arguments développés par les sociétés défenderesses qui font état de différences, parfois inexactes, entre les deux jeux ; – rappelle le risque de confusion d’autant plus Important que les jeux hyper casual se déroulent sur des temps extrêmement brefs ; – – souligne que le risque de confusion doit être apprécié sur les ressemblances et non sur les dissemblances. X conteste l’argument selon lequel le fait que les créateurs de Y. ont déjà conçu un jeu de découpe de bois en 2014, VODOO se serait inspirée de leur travail.
De même, elle conteste que le jeu développé par des acteurs arméniens ait pu être inspiré par des travaux collectifs d’étudiants de l’ICAN dont la soutenance en 2020 est au demeurant postérieure aux premiers développements de A. X met en avant les avis de joueurs et rappellent que la jurisprudence considère que l’existence d’avis de consommateurs peut suffire à établir un risque de confusion. X cite la jurisprudence de la Cour d’Appel de Paris qui a jugé que le lancement d’un jeu vidéo similaire à celui d’un concurrent, attitude traduisant la volonté de tirer profit de la notoriété acquise par ce concurrent auprès du public avec son jeu et de recueillir, sans contrepartie, les fruits de son investissement est fautive. VOODDO indique consentir d’importants Investissements chaque année pour tester les Jeux mis en ligne.
Elle indique avoir financé 624 prototypes en décembre 2020 pour ne retenir que 4 jeux ; 631 prototypes en janvier 2021 pour 3 Jeux lancés, et 502 Jeux testés en février 2021 pour 3 jeux édités. X détaille les investissements financiers réalisés autour du jeu A.
X justifie ses demandes de retrait des plateformes de téléchargement, tant en France qu’à l’Etranger. Elle justifie ses demandes par la durée de vie extrêmement courte des Jeux dont 50 % des téléchargements interviennent dans les 10 premières semaines de lancement.
Elle justifie ses demandes indemnitaires par le préjudice économique qui résulte de la présence du jeu Q R qui l’a privée de recettes qui devaient lui revenir d’une part et par les nécessaires investissements complémentaires pour atténuer les conséquences dommageables de cette concurrence déloyale.
X demande à ce que la mesure d’interdiction porte sur tous les marchés sur lesquels Q LUMBER concurrence déloyalement A.
Elle indique que les défenderesses font une Interprétation inexacte du Règlement UE ROME I) dans la mesure où il convient d’écarter l’article 6.1 du Règlement ROME Il, le litige devant être apprécié selon les dispositions 6.2 du Règlement ROME Il, dès lors que l’acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé.
De ce fait, l’ensemble des parties présentes au litige étant domicilié en France, par application de l’article 4.2 du même traité, la loi française est applicable pour traiter de l’ensemble du litige.
Pour s’opposer aux demandes de X, Y. soutient que le jeu qu’elle a édité ne reprend pas les caractéristiques essentielles du jeu A de X. Elle conteste les prétendues reprises des caractéristiques essentielles revendiquées par la demanderesse, à savoir :
— l’usage de la dénomination « Q’ » dans le titre des jeux
— la présence d’un avatar évoluant avec une hache et un sac à dos pour stocker les
buches de bois – la progression nécessitant de couper des arbres – le graphisme général des Jeux.
Y. Indique que les éléments revendiqués :
— faisaient déjà partie intégrante du projet étudiant CHICKEN LOVE EVERYTHING développé en 2020 par Monsieur K L – qui a rejoint l’équipe de Y. au terme de sa scolarité -, projet dans lequel on retrouve une île comme territoire, un avatar muni d’une hache et le principe d’une découpe d’arbres ;
— se retrouvaient dans de nombreux jeux développés pour des consoles et/ou des ordinateurs, depuis AGE OF EMPIRES développé en 1997 par MICROSOFT ;
— la vogue des Jeux s’inspirant d’un Robinson Crusoé virtuel, notamment sur le marché des jeux hyper casual largement dominé par des tendances ; de telle sorte que, compte tenu du genre, il convient de s’attarder sur les dissemblances plutôt que sur les ressemblances ;
Y. cite, à titre d’exemple, les nombreux jeux de puzzle qui se sont développés dans la mouvance de CANDY CRUSH au succès mondial, l’ouvrage de Monsieur M N, « Le Jeu vidéo : un objet juridique non identifié » et le témoignage de Monsieur AD O AE, expert dans la conception des Jeux vidéo qui Indique que tous les éléments qui se retrouvent dans les deux jeux se retrouvent dans des jeux antérieurs de telle sorte que l’on doit considérer qu’ils relèvent d’un patrimoine commun. Il précise qu’il est commun, dans les jeux hyper casual, de réutiliser des mécanismes existants, en les simplifiant et en leur trouvant de nouvelles applications.
Y. soutient que les différences que X qualifient de mineures sont en réalité significatives, de telle sorte que Monsieur O P conclut ainsi; « il y a des différences dans la conception de ces jeux quant au graphisme, à la marque, à la mécanique, au contexte, au melagame, ainsi qu’à la nature de l’expérience du jeu ».
Y., à l’appui du même témoignage relève que A associe à un besoin de construire la nécessité de livrer des combats pour défendre son territoire alors que l’objectif dans Q R consiste uniquement à développer son île.
Y. réfute l’idée de X selon laquelle le côté jeu guerrier serait subalterne et cite les nombreuses descriptions et/ou instructions par lesquelles VO0DOO met en avant la nécessité de livrer des combats.
Y. conteste le prétendu sondage et ses conclusions et relève que la société Y appartient à la catégorie des agences de publicité et qu’elle ne dispose ni des qualifications ni des méthodologies vérifiées propres aux instituts de sondages.
Y. réfute les accusations de parasitisme économique et rappelle que le parasitisme consiste à s’approprier volontairement, sans bourse délier, des investissements, un savoir-faire ou un travail intellectuel d’autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.
Au cas d’espèce, Y. indique que les lancements complets des deux jeux sont intervenus à la même date, A anticipant le lancement de son jeu. Elle en déduit qu’il ne peut lui être reproché d’avoir voulu accaparer une valeur économique individualisée, le jeu A n’ayant pas d’historique. Elle rappelle qu’aucune caractéristique essentielle n’a été reprise et précise avoir engagé des investissements à hauteur de 800.000 EUR.
Pour s’opposer aux demandes de X, Y. indique n’avoir contrevenu à aucune obligation contractuelle et relève que, en dépit de digressions sur les liens contractuels, X ne formule aucune demande à ce titre.
Y. conteste le grief de confusion. Elle indique que la jurisprudence ne retient – les similitudes que pour autant que ces similitudes portent sur des caractéristiques significatives. Elle écarte donc la reprise d’éléments banals ou génériques dans sa recherche des faits.
Elle précise que, nonobstant les affirmations de X, le risque de confusion doit également être apprécié en tenant compte des différences.
Y. indique que la mécanique de la découpe d’arbre dont X conteste la reproduction, n’est pas nouvelle.
Elle précise que Monsieur K L a présenté en 2020, dans le cadre d’un projet étudiant commun soutenu à l’ICAN, un prototype dénommé CHICKEN LOVE EVERYTHING dans lequel un avatar d’humain se déplace avec une hache, tape sur un arbre pour récolter du bois et récupère une bûche de bois qu’il ramasse pour le porter sur son dos.
Le jeu se situe sur un ilot.
Y. indique que X ne peut donc se prévaloir d’être victime d’un jeu dont l’origine est largement antérieure au lancement de LUMBERCRAPFT.
Y. précise que ses fondateurs, F G et D E avaient déjà développé en 2014 un jeu dans lequel un personnage tribal se déplaçait avec une hache. De même Y. indique que l’avatar utilisé est commun à de nombreux autres jeux vidéo présentés par ses soins à X,.
Y. soutient que les éléments de ressemblance qui peuvent exister entre Q R et A sont des éléments récurrents à ces catégories de jeux et présente de nombreux exemples depuis AGE OF EMPIRES publié en 1997 par MICROSOFT.
Y. que le mot Q est totalement commun dans l’univers des jeux vidéo dont le verbe « crafter » signifie introduire un élément dans un jeu vidéo.
Elle précise que plus de 1.000 jeux intégrent le mot Q dans leur titre.
Y. indique qu’il est commun dans les jeux hyper casual de recourir à des téléchargements sur le site de www.sketchfab.com, site de téléchargement de modèles 3D sur lequel il est possible de télécharger des éléments sous licence, comme c’est le cas du bûcheron de A acquis sous licence de la société CREATIVE COMMONS.
Il en découle que le personnage de bûcheron est un élément suffisamment commun pour être téléchargeable dans des banques de données.
Y. fait savoir que l’objectif et les mécaniques de jeux diffèrent significativement : dans Q R, le joueur cherche à lotir un territoire et les coupes de bois permettent d’obtenir des matières premières nécessaires, alors que A – vise à construire dans un environnement hostile qui contraint le joueur à organiser une défense et livrer des batailles pour maintenir son territoire.
Y. indique que les programmations différent : Y. utilise un « diagramme de VORONOÏ » pour reconstituer un arbre de telle sorte qu’à l’impact d’un coup de hache, l’arbre se sépare en plusieurs morceaux de formes différentes tandis que l’arbre du jeu A se sépare en rondins.
Y. déduit de l’ensemble de ces éléments qu’il ne peut lui être reproché de s’être mise dans le sillage de son concurrent. Elle indique qu’elle a réalisé son jeu avec des investissements propres, en utilisant les librairies d’objet de la société UNIT Y
Y. conteste les prétentions de X consistant à vouloir faire appliquer le droit français à l’intégralité du litige, y compris pour la partie du litige qui concerne les. marchés hors de France et tout particulièrement le marché américain, principal marché sur lequel les parties se trouvent en concurrence. ‘
Y. indique que si le Règlement UE ROME Il donne compétence au tribunal français saisi pour statuer sur l’entier litige, en application de l’article 6.1 dudit règlement il convient à procéder à une application distributive des lois des différents marchés sur lesquels les comportements déloyaux ou parasitaires sont supposés avoir été commis. Y. en déduit qu’il appartient au tribunal de juger selon les lois des marchés sur lesquels sont distribués les produits concurrents et tout particulièrement à la lumière du droit de la concurrence américain, s’agissant du plus gros marché sur lequel les téléchargements sont effectués.
Y. produit une consultation du Professeur Tristan AZZI à l’appui de ses arguments qui indique qu’il y a lieu de faire application de l’article 6.1 du Règlement ROME !!, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Y. formule des demandes reconventionnelles sur la base de royalties qu’elle estime avoir été en mesure de percevoir du fait des comportements parasitaires qu’elle attribue à X dont elle estime qu’elle s’est placée dans son propre sillage.
Elle estime que X a parasité le jeu CHICKEN LOVE EVERYTHING comme le démontrerait l’étude OPINION WAY réalisée à la demande de Y..
Elle en déduit son préjudice limité au seul territoire français.
LA MOTIVATION
Sur les griefs de concurrence déloyale
De jurisprudence constante, le simple fait de copier un produit concurrent qui n’est protégé par aucun droit privatif ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ;
X n’exprime pas de revendication en matière de propriété intellectuelle mais fonde son action uniquement sur l’accusation de concurrence déloyale par parasitisme et par confusion ;
En la circonstance, le tribunal devra éviter qu’à défaut de pouvoir soutenir une action en contrefaçon, cette action en concurrence déloyale et parasitisme ne puisse constituer pour le demandeur une position de repli, sachant qu’il n’y a pas faute – même légère – dans la seule reproduction, servile ou non, à supposer établie, d’objets qui ne sont pas protégés, sauf à reconstituer le droit privatif sous une autre forme et que s’il n’y a pas faute, il n’y a pas concurrence déloyale par parasitisme, quand bien même un préjudice serait causé.
1) Sur le risque de confusion
X soutient que les similarités entre le jeu Q [R développé par Y. et commercialisé par Y. sont de nature à créer une véritable confusion des consommateurs.
Le risque de confusion constitutif de concurrence déloyale existe lorsque le public visé est susceptible de confondre les produits ou services d’opérateurs concurrents ou lorsque, tout en les distinguant, il les rattache à une même origine commerciale.
Sur le créateur et l’éditeur du jeu
Dans le cas des jeux vidéo « hyper casual », il est reconnu que le succès commercial dépend davantage de l’expérience client et de son niveau de satisfaction, que de l’identité du créateur du jeu ou celle de son éditeur. En outre, il ressort de la jurisprudence du Tribunal de l’Union Européenne que les consommateurs de jeux vidéo sont dotés d’une attention particulière. Au cas d’espèce, il est démontré que les noms respectifs du concepteur du jeu et de son éditeur apparaissent clairement tant au niveau des plateformes de téléchargement los ou Androïd, que sur le premier visuel qui apparait à l’ouverture du jeu.
Dès lors, le tribunal dit qu’il n’y a pas de risque de confusion sur l’origine du jeu.
Sur la dénomination du jeu
L’utilisation du mot « Craft » apparait dans de très nombreux jeux vidéo depuis l’apparition des premiers jeux sur ordinateurs personnels (PC) dans les années 1990, que ce mot est donc entré de très longue date dans le domaine commun à l’industrie du jeu vidéo au point que le terme « crafter » est devenu un terme du jargon de la profession.
En conséquence, le tribunal dit que le fait que les jeux concurrents contiennent l’un et l’autre le mot ou la syllabe « Craft » ne peut conduire à elle seule à un risque de confusion.
Sur la mise en scène d’un avatar qui détient une hache
Il ressort des débats que la circonstance que le personnage central soit un avatar muni d’une hache ne suffit pas à créer un risque de confusion dès lors qu’il est démontré que des jeux faisant intervenir un personnage grossier débitant des rondins de bois en vue de se fournir en matière première destinée soit à la construction, soit à des opérations de troc sont nombreux dans l’histoire des jeux informatiques sur PC, sur consoles de jeu et désormais sur smartphones et tablettes, de telle sorte que ce personnage ne peut pas être considéré comme un élément discriminant d’un jeu de nature à créer un risque de confusion, ces avatars pouvant être intégrés par les créateurs de jeux en achetant un droit de licence auprès de banques de données spécialisées, ce qui est notamment la cas de l’avatar propre au jeu LUMBERCRAPFT.
Le tribunal dit que la mise en scène d’un avatar bûcheron ne saurait être une cause de confusion.
Sur la progression du jeu VODOO soutient que les deux jeux « mettent en scène un avatar qui défient une hache et un sac sur le dos sur lequel il accumule des bâches de bois. Dans les deux jeux, la progression nécessite de couper des arbres, par le même mécanisme de découpe horizontal, d’accumuler des bûches, et de construire de nouvelles enseignes (comme une scierie) ou de convertir ces bûches en or pour avancer dans le jeu ». Cependant, le tribunal relève des dissemblances qui lui paraissent plus significatives que les ressemblances, de telle sorte que le risque de confusion entre les deux jeux ne peut être retenu. Alors que l’avatar du joueur du jeu Q R est un Robinson Crusoé moderne qui découpe du bois en vue de: – lotir l’ilot sur lequel se trouve son avatar – accéder à d’autres matières premières et de nouvelles ressources, – développer son territoire, – progresser en domestiquant de nouveaux ilots, – débloquer des niveaux supérieurs.
Celui du joueur de LUMBERCRAPFT ne se trouve pas seul sur son territoire. I] est entouré d’alliés et d’ennemis qu’il doit combattre.
La découpe du bois vise à :
— construire son territoire
— à le défendre contre des ennemis auxquels il livre combat,
— à négocier son bois contre des armes et/ou des matériaux de construction destinés à protéger ses constructions et renforcer son système de défense.
Le tribunal dit que la progression des jeux Q R et A diffère significativement de telle sorte qu’il ne peut être soutenu valablement un risque de confusion.
Sur les avis consommateurs et l’étude d’opinion Rapportés à près de 21 millions de téléchargements A et/ou 5,3 téléchargements Q S recensés au 17 mars 2021, les 10 témoignages de consommateurs ayant vu une similitude entre les deux jeux ne saurait être un échantillon significatif pour être pris valablement en considération par le tribunal comme la démonstration du risque de confusion allégué.
X produit une étude d’opinion réalisé par la société BILEND] auprès d’un échantillon de 1.014 personnes représentatives de la population française âgée de 16 à 60 ans de laquelle 66 % des personnes interrogées auraient conclus que le jeu Q R serait une copie du jeu A.
Y. conteste la crédibilité de cette étude menée au motif que :
— la société Y qui a mené ce sondage n’est pas un institut de sondage ;
— l’échantillon retenu ne serait pas représentatif des consommateurs de jeux hyper casual ;
— la question posée menant à ce taux de réponse était volontairement biaisée.
Il n’est pas contesté que Y est une société qui exerce dans les métiers des agences de publicité. ‘
Compte tenu des particularités du marché des jeux vidéo hyper casual, il n’est pas ‘davantage démontré que l’échantillon choisi soit réellement représentatif des consommateurs de ces produits.
Il est surtout manifeste que, en posant une question dans les termes suivants :
« La première version du jeu A a été mise en ligne le 9 novembre 2020 sur la plateforme Apple Store. La première version du jeu Q R a été mise en ligne le 10 février 2021 sur la même plateforme. A l’aune de ces Indications, considérez-vous que le jeu
Craft Island est une copie du jeu Lumbercraft «
Y en introduisant dans sa question une chronologie des mises en ligne des deux jeux concurrents, a manifestement introduit un biais en vue d’obtenir des réponses conformes à la démonstration que X, son client, entendait faire devant ce tribunal. Le tribunal écartera les résultats de cette étude dont le caractère probant n’est pas démontré.
En conséquence de ce qui précède, le tribunal :
— dit que le jeu Q R créé par Y. et mis en ligne par Y. est suffisamment différencié du jeu A créé par NOOR CREATIVE et édité par X, pour écarter le risque de confusion ;
— déboutera X de ses griefs de concurrence déloyale par confusion.
2) Sur le parasitisme économique
Constitue un parasitisme économique le fait, à titre lucratif et de façon injustifiée, qu’une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
Sur le parasitisme d’une valeur économique individualisée Il convient de rappeler que le simple fait de copier un produit concurrent qui n’est protégé par aucun droit privatif ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale.
Il ressort des débats que :
— les jeux vidéo mettant en scène des bucherons qui coupent et empilent du bois font partie de l’histoire commune des jeux vidéo dont personne ne peux valablement revendiquer une protection à son profit ;
— Monsieur T L devenu salarié de Y. au terme de sa scolarité à l’ICAN, avait développé un projet étudiant au cours de l’année 2020 dénommé CHICKEN LOVES EVERYTHING mettant déjà en scène un avatar de bucheron découpant du bois ;
Dès lors, le tribunal dit que X ne peut valablement faire grief aux défenderesses de s’être appropriées une valeur économique individualisée lui appartenant.
Sur le parasitisme d’un travail intellectuel
X indique ne lancer commercialement un jeu qu’après l’avoir testé sur les plateformes de téléchargement et après avoir validé l’accueil des premiers joueurs en retour. Elle indique ainsi tester chaque mois entre 500 et 600 prototypes dont seule une poignée donnera lieu à un lancement commercial.
X explique que ce modèle de développement est représentatif d’un coût et qu’elle finance nombre de créateurs de jeux vidéo à travers des contrats comme celui qui, jusqu’à fin janvier 2021, avait été passé entre X et Y..
X fait grief à Y. et à Y. d’avoir déloyalement tiré profit d’un échange qui se serait déroulé le 3 ou le 10 décembre 2020 avec Monsieur Z au cours duquel, ce dernier, dans le cadre de ses échanges hebdomadaires qu’il entretenait avec Y., alors sous contrat, sur les tendances du marché, avait fait savoir que le prototype A faisait l’objet d’un très bon retour et que son coût d’installation par utilisateur, donnée confidentielle et essentielle, était très positif,
Il convient de rappeler que les échanges relatés correspondent à une période au cours de laquelle X et Y. se trouvaient en relations contractuelles.
X n’invoque pas la responsabilité contractuelle de Y. ; aussi, aucune faute ne pourra être mise à la charge de Y. pour avoir éventuellement tiré profit d’une information délivrée par X dans le cadre d’échanges qu’elle entretenait avec son cocontractant.
— Sur le parasitisme d’investissements
Il ressort des écritures de X que, l’apparition sur les plateformes de téléchargement du jeu Q R a contraint X à anticiper le lancement commercial de son jeu A . .
Le tribunal ne peut que déduire de cette situation qu’il peut difficilement être fait grief à Y. et Y. d’avoir indûment profité de la notoriété du jeu A ou d’avoir parasité des investissements publicitaires pour le jeu A qui n’avaient pas été encore réalisés.
En conséquence de ce qui précède, en l’absence de captation par Y. et par Y. des investissements de notoriété ou de publicité réalisés par X, le tribunal déboutera X de ses demandes en condamnation pour concurrence déloyale.
3) Sur les demandes reconventionnelles de Y.
Sur les griefs de concurrence déloyale A l’appui de ses demandes reconventionnelles pour concurrence déloyale, Y. produit une étude d’opinion d’OPINIONWAY de laquelle il ressort que 74 % des personnes interrogées estiment que la description de la mécanique du jeu CHICKEN LOVES EVERYTHING s’applique au jeu LUMBERCRAPFT. Elle déduit de cette étude et de la participation de X au fonctionnement de l’ICAN, un comportement fautif dont elle demande réparation.
Comme rappelé précédemment, le simple fait de copier un produit concurrent qui n’est protégé par aucun droit privatif ne constitue pas, en soi, un acte de concurrence déloyale. Quand bien même un nombre important de personnes interrogées trouveraient des similitudes entre deux jeux vidéo, cette circonstance ne suffit pas à considérer l’existence d’une faute.
En outre Y. ne justifie d’aucun droit de titularité sur le développement du jeu CHICKEN LOVES EVERYTHING.
En conséquence, le tribunal déboutera Y. du chef de cette demande.
Sur les demandes en dommages-intérêts en réparation du préjudice financier Y. formule une demande en dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la suspension de la commercialisation du jeu Q R sur le territoire français.
Il est constant que Y. a cessé la diffusion de son jeu sur le territoire français dans l’attente de la décision du présent tribunal.
A la date du 17 mars 2021, il est démontré que A avait fait l’objet de près de 20,8 millions de téléchargements dans le monde dont 1,07 en France, soit 5,15 %.
Sur la base des chiffres produits par X qui fait état de 6.657.481 téléchargements Q R dans le monde entre le 6 février 2021 et le 31 mars 2021, le tribunal estime que le nombre de téléchargement perdu Y. en France s’élève à 248.661 (soit 342.860 (soit 6.657.481×5,15 %) diminué des 94.199 (84.548 Android – 9.651 los) téléchargements enregistrés en France au 2 mars 2021, date d’arrêt des téléchargements.)
Sur la base des chiffres produits par X, à savoir environ 90 % des téléchargements valorisés à 0,05 USD et 10 % valorisés à 0,26 USD, le préjudice financier peut être estimé à 17.650 USD pour le seul mois de mars 2021.
Sur la base d’une durée de vie résiduelle moyenne de 4 mois à partir du 1° mars 2021, le tribunal évaluera le préjudice de Y. résultant de la perte de chance d’avoir pu commercialiser normalement son jeu, à la somme arrondie de 70.000 USD, soit environ 58.000 EUR.
En conséquence, il fera droit aux demandes de dommages-intérêts formulées par Y. et condamnera X à verser à Y. la somme de 16.000 EUR, au titre du préjudice financier.
Sur les demandes en dommages-intérêts pour procédure abusive Y. formule une demande en dommages-intérêts pour procédure abusive. Y. justifie sa demande par l’effort nécessaire à se défendre en justice.
Cependant, le droit d’action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu’en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que la condamnation à dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l’intention malicieuse et de la conscience d’un acharnement procédural voué à l’échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en œuvre par la partie adverse du projet contesté. Le principe du droit d’agir implique que la décision judiciaire de retenir le caractère non fondé des prétentions ne suffit pas à caractériser l’abus de l’exercice du droit.
Au cas d’espèce Y qui formule des demandes au titre de l’article 700 CPC est défaillante à démontrer une mauvaise foi équipollente au dol et n’évoque qu’un préjudice d’image et les frais engagés pour se défendre en justice.
En conséquence, le tribunal la déboutera de sa demande.
4) Sur les demandes reconventionnelles d’ Y.
Sur les demandes d’interdiction sous astreinte Y. fait état de comportements déloyaux de VODOO et demande que le tribunal prononce des interdictions sous astreinte. La demande formulée par Y. ne précise pas quel comportement spécifique elle entend faire sanctionner par une condamnation sous astreinte. Le tribunal n’ayant pas vocation à interdire des comportements généraux sans faire une appréciation in concreto des griefs, il déboutera Y. de sa demande.
Sur les demandes en dommages-intérêts Y. fait grief à X d’avoir diffusé des messages publicitaires visant à détourner à son profit les joueurs ayant téléchargé le jeu Q R.
Elle produit un recensement au 1° mars 2021 des publicités glissées au sein du jeu Q R duquel il apparait que X a inséré près de 432.000 messages publicitaires pour promouvoir son jeu A.
Elle fait en outre grief à X d’utiliser un avatar ressemblant à l’avatar du jeu Q R en lieu et place de l’avatar en définitif retenu pour le lancement du jeu.
Il est manifeste que X, en ciblant les clients ayant téléchargé Q R pour diffuser un message publicitaire pour son propre jeu, s’est rendue coupable de parasitisme économique en cherchant à identifier les joueurs du jeu concurrent pour les inciter à télécharger son propre jeu.
De jurisprudence, il s’infère nécessairement un préjudice commercial d’un acte de concurrence déloyale, fut-il simplement moral.
En conséquence, tribunal fera droit aux demandes indemnitaires d’Y. et condamnera VOODO à verser à Y., la somme de 15.000 EUR préjudice commercial et morai confondu.
5) Sur les demandes de publication
Tant X que Y. et Y. formulent des demandes de publication du jugement à intervenir.
Les parties ne s’expliquent cependant pas sur l’intérêt à procéder à de telles publications.
Il n’apparait pas nécessaire au tribunal de donner un écho public à un litige commercial, de surcroit par des publications couteuses.
En conséquence, il déboutera toutes les parties de leurs demandes de publication.
Sur l’article 700 du CPC, l’amende civile et les dépens
Il apparaît équitable de condamner X qui succombe, à indemniser Y. et Y. pour les frais irrépétibles qu’elles ont dû engager pour se défendre ;
A la demande du juge chargé d’instruire l’affaire, les parties ont adressé par note en délibéré le détail des diligences réalisées pour le compte de leurs clients et les factures correspondantes.
Y. et Y. justifiant ainsi des frais exposés, le tribunal fera droit à leurs demandes au titre de l’article 700 du CPC et condamnera X à verser 75.000 EUR à Y. et 100.000 EUR à Y. au titre de l’article 700 du CPC.
Le tribunal dira qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 32-1 du CPC.
Il mettra les dépens à la charge de X qui succombe.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire en premier ressort :
— dit que la SAS Y. et la SAS Y. ne se sont pas rendues coupables de concurrence déloyale par confusion ;
— dit que la SAS Y. et la SAS Y. ne se sont pas rendues coupables de parasitisme économique ;
— déboute la SAS X de l’intégralité de ses demandes ;
— condamne la SAS X à verser à la SAS Y. la somme de 58.000 € en réparation de son préjudice financier ;
— déboute la SAS Y. de ses demandes pour procédure abusive ;
— déboute la SAS Y. de ses demandes de condamnation sous astreinte ;
— dit que la SAS X s’est rendue coupable de parasitisme économique à l’encontre de la SAS Y. ;
— condamne la SAS X à verser à la SAS Y. la somme de 15.000 € en réparation du préjudice commercial et moral confondu ;
— déboute les parties de leurs demandes de publication ;
— condamne la SAS X à verser 75.000 € à la SAS Y. au titre de l’article 700 du CPC ;
— condamne la SAS X à verser 100.000 € à la SAS Y. au titre de l’article 700 du CPC ; ‘
— dit n’y avoir lieu à prononcer une amende civile ;
— Déboute les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;
— condamne la SAS VOODOO aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,94 € dont 14,94 € de TVA.
En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 avril 2021, en audience publique, devant M. U V, juge chargé d’instruire l’affaire, les représentants des parties ne s’y étant pas opposés.
Ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal, composé de : MM. U V, W AA et AB AC.
Délibéré le 11 juin 2021 par les mêmes juges.
Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La minute du jugement est signée par M. U V, président du délibéré et par Mme Marina Nassivera, greffier.
Le greffier Le président
En remplacement du Greffier empêché