Soirée à DJ électro : concert ou discothèque ?

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Soirée à DJ électro : concert ou discothèque ?
Ce point juridique est utile ?

Un établissement où un DJ ne diffuse que des titres commerciaux est assimilé aux discothèques et ne bénéficie pas du régime des salles de concerts.

L’établissement n’est pas davantage fondé à invoquer un régime particulier concernant les “samples”, alors qu’il n’est qu’utilisateur de phonogrammes et non artiste.

La simple utilisation de “samples” n’est pas démontrée et encore moins le fait que des échantillons sonores seraient utilisés sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute, pas davantage que la caractérisation d’une simple “citation musicale”.

De fait, la rémunération n’est pas due uniquement lorsque le titre est diffusé en son entier.

Enfin, le fait que l’établissement déclare auprès de l’administration fiscale, organiser des spectacles, et s’acquitte ainsi de la taxe fiscale sur les spectacles de variétés auprès du CNM (2019-2022) ne peut permettre de démontrer son activité principale de salle de concert, alors que les deux activités ne sont, en tout état de cause, pas incompatibles.

Pour rappel, en application de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer: 1° à sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle[…]

Ces utilisations de phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs.

Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce.

Elle est assise sur les recettes de l’exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l’article L. 131-4 du CPI.

Elle est répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogramme.

L’article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d’activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 214-1.

En application de ces dispositions, les exploitants de ce type d’établissement doivent fournir tout justificatif des éléments nécessaires au calcul de la rémunération, en particulier les éléments comptables et fiscaux permettant leur vérification. Ils doivent en outre s’acquitter d’une rémunération assise sur l’ensemble des recettes brutes produites par les entrées […] ainsi que la vente des consommations ou la restauration, le taux de base étant de 1,65%.

Enfin, les établissements qui ne déclarent pas les recettes annuelles sont facturés sur la base du dernier chiffre d’affaire connu avec un minimum de facturation de 580 euros HT par mois.

Résumé de l’affaire

La SPRE, organisme de gestion collective des droits voisins du droit d’auteur, a signé deux transactions avec la société [9] pour le paiement de redevances dues pour l’utilisation de phonogrammes. Suite à des contestations et des saisies infructueuses, la SPRE a assigné la société [9] en redressement judiciaire. Une procédure de conciliation a été mise en place, mais des différends persistent concernant le paiement des redevances. La SPRE a alors assigné la société [9] devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir l’exécution des obligations légales. La société [9] et son dirigeant, M. [N], ont soulevé des fins de non-recevoir basées sur la prescription de l’action de la SPRE. Les parties ont formulé des demandes contradictoires devant le tribunal, qui a rendu une ordonnance de clôture le 16 mai 2023.

Les points essentiels

Sur la prescription de la demande en paiement de la SPRE

La société [9] et M. [N] soutiennent que les demandes en paiement de la SPRE antérieures au 28 juillet 2017 sont prescrites, tandis que la SPRE affirme que la prescription n’a pas commencé à courir en raison du défaut de communication des éléments nécessaires au calcul de la créance.

Appréciation du tribunal

Le tribunal rappelle les dispositions du code civil sur la prescription des actions mobilières et personnelles. Il conclut que la demande de la SPRE est recevable pour l’ensemble de la période sollicitée en raison du défaut de communication des justificatifs requis par la société [9].

Sur la prescription de la demande de condamnation de M. [N]

La SPRE soutient que la prescription triennale du code de commerce n’est pas applicable à la situation de M. [N], tandis que ce dernier affirme que la demande en paiement solidaire doit être déclarée irrecevable.

Appréciation du tribunal

Le tribunal conclut que la responsabilité de M. [N] n’est pas soumise à la prescription triennale, car il n’est pas reproché une faute de gestion mais une faute personnelle détachable de ses fonctions.

Sur la demande en paiement de la rémunération équitable

La SPRE réclame une rémunération équitable à la société [9] pour l’exploitation de son établissement de nuit, tandis que cette dernière conteste la qualification de discothèque et bar à ambiance musicale retenue par la SPRE.

Appréciation du tribunal

Le tribunal conclut que la société [9] est redevable de la rémunération équitable pour la diffusion de phonogrammes du commerce dans son établissement. La société [9] est condamnée à payer la somme due, calculée sur la base des recettes réelles transmises par l’administration fiscale.

Sur la condamnation in solidum du président de la société [9]

La SPRE demande la condamnation in solidum de M. [N] pour entrave à la perception de la rémunération équitable, tandis que ce dernier s’oppose à sa condamnation en qualité de dirigeant.

Appréciation du tribunal

Le tribunal conclut que M. [N] a commis une faute intentionnelle en ne respectant pas ses obligations de dirigeant, justifiant ainsi sa condamnation in solidum avec la société [9].

Sur la demande de dommages-intérêts de la SPRE pour résistance abusive

La SPRE réclame des dommages-intérêts pour résistance abusive de la part de la société [9] et de M. [N], tandis que ces derniers contestent cette demande.

Appréciation du tribunal

Le tribunal conclut que la société [9] et M. [N] ont commis une faute en résistant délibérément à leurs obligations, justifiant ainsi l’allocation de dommages-intérêts à la SPRE.

Sur les demandes annexes

La société [9] et M. [N] sont condamnés in solidum aux dépens de l’instance et à payer une somme de 5.000 euros à la SPRE sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire: – Somme de 770 185,34 euros due par la société [9] et M. [N] à la SPRE au titre de la rémunération équitable
– Intérêts au taux légal sur différentes sommes à compter de dates spécifiques
– Astreinte de 400 euros par jour de retard pour la société [9] en cas de non-communication des comptes demandés
– Somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts
– Dépens à payer par la société [9] et M. [N]
– Somme de 5.000 euros à payer à la SPRE sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Réglementation applicable

– Code civil
– Code de commerce
– Code de la propriété intellectuelle

Article 2224 du code civil:
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle:
Lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer à sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle.

Article L. 225-254 du code de commerce:
L’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou de sa révélation, sauf en cas de crime où l’action se prescrit par dix ans.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Guillem QUERZOLA
– Me Olivier LEDRU

Mots clefs associés & définitions

– Prescription
– SPRE
– Rémunération équitable
– Responsabilité
– Dirigeant
– Phonogrammes
– Activité de l’établissement
– Justificatifs comptables et fiscaux
– Dommages-intérêts
– Dépens
– Prescription: délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– SPRE: Société de Perception et de Répartition des Droits
– Rémunération équitable: rémunération juste et équitable pour un service ou une prestation
– Responsabilité: obligation de répondre de ses actes et de leurs conséquences
– Dirigeant: personne qui dirige une entreprise ou une organisation
– Phonogrammes: enregistrements sonores fixés sur un support matériel
– Activité de l’établissement: ensemble des actions et opérations réalisées par un établissement
– Justificatifs comptables et fiscaux: documents permettant de justifier des opérations financières et fiscales
– Dommages-intérêts: réparation financière accordée à une personne ayant subi un préjudice
– Dépens: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 mai 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
22/09606
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expédition exécutoire délivrée à : Me QUERZOLA #E606
Copie certifiée conforme délivrée à : Me LEDRU #B609

3ème chambre
1ère section

N° RG 22/09606 –
N° Portalis 352J-W-B7G-CXHVH

N° MINUTE :

Assignation du :
09 août 2022

JUGEMENT
rendu le 16 mai 2024
DEMANDERESSE

SOCIETE POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE (SPRE)
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Me Guillem QUERZOLA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0606

DÉFENDEURS

S.A.S. [9]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Monsieur [F] [N]
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentés par Me Olivier LEDRU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0609

Décision du 16 mai 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/09606
N° Portalis 352J-W-B7G-CXHVH

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 12 février 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 16 mai 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la Communication au Public des Phonogrammes du Commerce (ci-après SPRE) est un organisme de gestion collective des droits voisins du droit d’auteur des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes.

Son existence et son fonctionnement sont prévus par les articles L. 214-5 et L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle. Elle a pour objet de percevoir et de répartir entre ses ayants-droit la rémunération équitable prévue à l’article L.e 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dont doivent s’acquitter les utilisateurs de phonogrammes publiés à des fins de commerce, quelque soit leur lieu de fixation dès lors qu’ils font l’objet d’une communication directe dans un lieu public ou d’une radiodiffusion.

La société [9] a pour objet social déclaré la gestion de salles de spectacle, la gestion et l’exploitation d’un restaurant, bar, club. Son établissement éponyme est situé [Adresse 3] dans le 13ème arrondissement de [Localité 7] et son dirigeant est M. [N].
Par acte sous seing privé du 10 avril 2014, la SPRE a signé avec la société [9] une première transaction, aux termes de laquelle cette dernière a reconnu lui devoir la somme de 138 890,14 euros en principal. Cette transaction a été homologuée par le président du tribunal de grande instance de Paris le 2 mai 2014. Une seconde transaction a été signée le 12 novembre 2015, aux termes de laquelle la société [9] a reconnu devoir à la SPRE la somme de 274 939,79 euros en principal. Cette transaction a également été homologuée le 12 janvier 2017. Cependant, la SAS [9] a contesté le montant et le fondement de cette somme au moment de sa mise à exécution. Après deux saisies-attribution infructueuses pratiquées les 28 février et 14 avril 2017, la SPRE a diligenté une procédure de saisie-vente mobilière que la société [9] a fait suspendre le 7 novembre 2017, par un règlement partiel et une assignation en nullité de la saisie devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris.
Après deux nouvelles saisies-attribution infructueuses pratiquées le 6 juillet 2018, la SPRE a fait assigner la société [9] en redressement judiciaire devant le tribunal de commerce de Paris le 18 septembre 2018. La société [9] a sollicité la mise en place d’une procédure de conciliation, qui a abouti à la signature, le 10 octobre 2019, d’un protocole d’accord de conciliation confidentiel prévoyant un échelonnement du paiement de la dette de rémunération équitable due au 31 décembre 2015, homologué par le tribunal le 10 décembre 2019. Cependant, la SAS [9] s’est opposée au paiement de la dette non couverte par un titre exécutoire, soit celle due depuis le 1er janvier 2016.
La SPRE a donc fait assigner la société [9] devant le tribunal judiciaire de Paris par acte de commissaire de justice des 28 juillet et 9 août 2022 afin d’obtenir l’exécution des obligations légales et réglementaires.
Par conclusions notifiées par voie électronique du 18 novembre 2022, la société [9] et M. [N] ont saisi le juge de la mise en état d’un incident tendant à voir déclarer prescrite non seulement l’action de la SPRE à l’encontre de la société [9] pour la période antérieure au 28 juillet 2017 et mais également l’action de la SPRE tendant à voir M. [N] être condamné in solidum avec la société [9] à règler des sommes portant sur une période antérieure au 28 juillet 2019. Par mesure d’administration judiciaire, le juge de la mise en état a, le 6 décembre 2013, renvoyé l’examen de ces fins de non-recevoir au tribunal, sur le fondement de l’article 789 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mai 2023, la SPRE demande au tribunal, au visa des articles L. 212-3, L. 213-1, L. 214-1, L. 331-2 et R. 331-1 du code de la propriété intellectuelle et des articles 1231-6 et 1240, 2224 et 2233 du code civil, de: Dire la SPRE recevable et bien fondée en ses demandes ; Débouter la société [9] et M. [N] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; Condamner in solidum la société [9] et M. [N] à lui payer la somme de 770 185,34 euros au titre de la rémunération équitable due pour l’exploitation de son établissement jusqu’au 31 janvier 2023, augmentée des intérêts au taux légal sur la somme de 476 002,07 euros à compter de la mise en demeure du 13 octobre 2021, sur la somme de 513 540,32 euros à compter de la mise en demeure du 31 mai 2022, sur la somme de 709 096,92 euros à compter de l’assignation du 28 juillet 2022 et sur le solde à compter de la notification des présentes conclusions valant mise en demeure, dont la capitalisation pourra intervenir conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ; Ordonner à la société [9] de lui communiquer, sous astreinte de 250 euros par jour de retard passé le délai de quinzaine à compter de la signification de la décision à intervenir, la copie certifiée conforme par un expert-comptable ou un comptable agréé de ses comptes de résultat, balances ou déclarations de TVA détaillant ses recettes pour les exercices 2016 à 2022 inclus ; Condamner les défendeurs in solidum à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi; Condamner les défendeurs in solidum à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2023, M. [N] et la société [9] demandent au tribunal, au visa des articles 2224 du code civil, L. 225-49 et suivants du code de commerce et L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, de : Déclarer prescrite et donc irrecevable l’action de la SPRE à l’encontre de la société [9] pour ce qui concerne la période antérieure au 28 juillet 2017 ; Déclarer prescrite et donc irrecevable l’action de la SPRE, en ce qu’elle tend à la condamnation in solidum de M. [N] pour ce qui concerne la période antérieure au 28 juillet 2019 ; Constater que l’activité de la société [9] ne peut être assimilée à une activité de discothèque ou de bar/restaurant à ambiance musicale ; Débouter la SPRE de l’ensemble de ses fins demandes et conclusions ; En tout état de cause, débouter la SPRE de ses demandes de condamnation in solidum de M. [N] ; Condamner la SPRE aux entiers dépens et à leur payer la somme de 5.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2023.

MOTIFS

Sur les fins de non-recevoir

Sur la prescription de la demande en paiement de la SPRE

Moyens des parties

Rappelant qu’une demande en paiement, action mobilière, se prescrit par cinq ans, la société [9] et M. [N] exposent que les demandes en paiement de la SPRE qui portent sur une période antérieure au 28 juillet 2017 sont prescrites.
La SPRE soutient qu’aucune des sommes dont le paiement est réclamé au titre de la rémunération équitable n’est couverte par la prescription quinquennale. Rappelant que la présente action ne porte que sur les sommes impayées dues depuis le 1er janver 2016, elle souligne que la détermination de sa créance dépend d’éléments comptables et fiscaux qui n’ont pas été communiqués par le débiteur, en dépit de l’obligation qui lui incombe. Elle souligne que les déclarations finalement effectuées sont dépourvues de tout justificatif comptable et fiscal, si bien que la prescription n’a pu commencer à courir.
Appréciation du tribunal

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations auxquelles le débiteur est tenu de procéder.
En l’espèce, la demande de la SPRE porte sur le paiement de la rémunération équitable prévue à l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle. L’article L. 214-3 du même code dispose que le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d’activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 214-1.
Ainsi, s’agissant des discothèques et établissements similaires, une décision de la commission créée par l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle a été publiée au JO du 14 décembre 2001 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2002. S’agissant des bars et restaurants à ambiance musicale, la situation est régie par l’article 2 de la décision du 5 janvier 2010 publiée au JO le 23 janvier 2010 et entrée en vigueur le 1er février de la même année. En application de ces dispositions, les exploitants de ce type d’établissement doivent fournir à la SPRE tout justificatif des éléments nécessaires au calcul de la rémunération, en particulier les éléments comptables et fiscaux permettant leur vérification.
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la demande de la société [9] concerne les exercices 2016 à 2022 et le mois de janvier 2023. En effet, les périodes antérieures ont fait l’objet de protocoles d’accord et de mise en place d’échéanciers, et les règlements partiels effectués par la société [9] doivent s’imputer sur la créance la plus ancienne.
Or, il s’avère que la société [9] s’est montrée défaillante dans son obligation de déclaration s’agissant de ces exercices. En effet, si elle a finalement adressé des déclarations annuelles, à partir du 19 novembre 2018, pour les exercices 2016 à 2020, elle ne justifie pas avoir joint à ces bordereaux les justificatifs comptables et fiscaux requis, alors même que le formulaire qu’elle a rempli précise bien qu’il faut joindre impérativement une copie certifiée conforme par un expert-comptable ou par un comptable agréé du compte de résultat ou la liste des comptes de classe 7 ou déclarations de TVA et que toute déclaration sans justificatif ne sera pas prise en compte.
Par conséquent, à défaut d’avoir produit les justificatifs requis, la société [9] n’a pas mis la SPRE en mesure de calculer sa créance. Elle ne peut donc utilement lui opposer la prescription quiquennale. La demande en paiement de la SPRE est déclarée recevable pour l’ensemble de la période sollicitée.
Sur la prescription de la demande de condamnation de M. [N]

Moyens des parties

La société [9] et M. [N] soutiennent que l’action en responsabilité dirigée à l’encontre du dirigeant de la société se prescrit par trois ans en application de l’article L. 225-254 du code de commerce. Ils en déduisent que la demande en paiement solidaire, portant sur la période antérieure au 28 juillet 2019, doit être déclarée irrecevable. Ils exposent que cette prescription trouve à s’appliquer lorsqu’il est reproché au dirigeant d’avoir commis une faute séparable de ses fonctions, y compris lorsque la faute résulte de la soustraction de la société à son obligation de déclaration permettant la fixation de la créance réclamée.
La SPRE soutient que la prescription triennale de l’article L. 225-254 du code de commerce n’est pas applicable à la situation de M. [N] dès lors que ne lui sont pas reprochées des fautes de gestion commises dans l’exercice de son mandat ou pour une infraction à la législation sur les sociétés, mais pour un comportement fautif personnel.
Appréciation du tribunal

L’article L. 227-8 du code de commerce dispose que les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.
L’article L. 225-251 du code de commerce dispose, en son premier alinéa, que les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
L’article L. 225-254 prévoit que l’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié de crime, l’action se prescrit par dix ans.

En l’espèce, la responsabilité du président de la société [9], M. [N], est recherchée, non pour une infraction à la règlementation régissant les sociétés ou pour une faute de gestion, mais pour une faute personnelle dont il est allégué qu’elle est incompatible avec l’exercice normal des fonctions et dépasse la simple mauvaise gestion.
Dès lors, dans la mesure où il n’est pas reproché à M. [N] une faute commise dans l’exercice de son mandat mais une faute personnelle, détachable de ses fonctions, la prescription triennale n’a pas vocation à s’appliquer. La demande de la SPRE est déclarée recevable.
Sur la demande en paiement de la rémunération équitable.

Moyens des parties

La SPRE soutient que la société [9] est redevable de la rémunération équitable pour l’établissement de nuit qu’elle exploite depuis plusieurs années et où la diffusion de phonogrammes du commerce à fort volume a été constatée par ses agents assermentés, dont elle rappelle que les procès-verbaux font foi jusqu’à preuve du contraire, et sur internet.
La SPRE ajoute que la société [9] ne démontre pas l’activité de salle de concert qu’elle allègue, ne pouvant créditer tous les disc-jockey qui interviennent de son établissement d’artistes-interprètes produisant des spectacles vivants en “live”, sans le démontrer au cas par cas. Le seul fait de régler la taxe fiscale sur les spectacles de variété auprès du CNM, sur simple déclaration, est une preuve insuffisante. En outre, l’exercice ponctuel d’une activité de salle de concert, qu’elle ne conteste pas, n’est pas incompatible avec celle de discothèque, le règlement de ladite taxe pouvant se révéler un choix fiscal opportuniste pour percevoir des aides. En tout état de cause, elle souligne que les critères d’application de la rémunération équitable sont indépendants de ceux de la législation fiscale et que la société [9] a, elle-même, reconnu sa qualité de discothèque dans plusieurs protocoles d’accord signés avec elle par le passé.

En réponse au moyen soulevé par la société [9], elle rappelle qu’il n’existe pas de droit au “sampling”, alors que les défendeurs qui s’en prévalent ne sont ni artiste, ni compositeurs, mais de simples utilisateurs de phonogrammes. En tout état de cause, elle soutient que cela reste une pratique soumise à autorisation et que la société [9] ne produit pas l’autorisation préalable des artistes-interprètes et des producteurs des phogrammes concernés dans le cadre de spectacles.

Faute pour la société [9] d’avoir déféré à son obligation de déclaration et de production de justificatifs, la SPRE expose avoir facturé sur la base de la totalité des dernières recettes connues. Une régularisation a été faite au regard de la transmission par le service des impôts des entreprises de [Localité 7] des recettes déclarées entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2021. Elle précise que les justificatifs produits ne permettent même pas d’exclure les recettes correspondant aux concerts de l’assiette de la facturation de la rémunération équitable.

La société [9] et M. [N] rappellent que l’établissement [9] dispose de plusieurs espaces proposant diverses activités, dont un bar, un restaurant et un espace concert, avec des propositions musicales différentes. Ils contestent la qualification de discothèque et de bar à ambiance musicale retenue par la SPRE, au profit de celle de salle de concert de musique électronique.

Pour ce faire, ils se prévalent du paiement de la taxe sur les spectacles de variété, de la perception de l’aide à l’activité de salle de spectacle, de l’application du taux de TVA réduit au prix des billets d’entrée donnant accès à des interprétations originales d’oeuvres musicales et ajoutent détenir une licence d’entrepreneur du spectacle. Ils soutiennent que la quasi-totalité de la programmation implique la présence d’un artiste-interprète qui se produit sur scène, qu’il soit ou non disc-jockey, avec un spectacle qui lui est propre et la perception d’une rémunération. Ils précisent que les oeuvres originales interprétées intègrent parfois de brefs extraits d’oeuvres pré-existantes, selon la technique du “sampling”, qui consiste à intégrer des sons issus de différentes sources dans un nouveau morceau. Ils soutiennent que les “samples” sont des matériaux culturels de libre parcours, fragments sonores sur lesquels il ne peut y avoir aucun monopole ni autorisation. Il s’agit selon eux d’une pratique artistique répandue en matière de musique électronique à laquelle la SPRE ne peut s’opposer, sauf à porter atteinte à la liberté de création, qui justifie l’atteinte au droit exclusif du producteur d’un phonogramme.

Selon eux, la diffusion de phonogrammes du commerce au [9] ne constitue qu’une fraction très marginale de la musique diffusée, qu’elle évalue à 10%, pour faire patienter le public avant ou après la prestation de l’artiste, ou à titre d’intermèdes. Ils contestent la valeur probante des procès-verbaux de constat, estimant que la présence de danseurs, de jeux de lumières est indifférente à la qualification de discothèque et critiquent au contraire l’absence d’enregistrement ou de mesure sonore.

S’agissant de l’espace bar-restauration, ils soutiennent que la musique est une composante accessoire et que les critères pour la qualifier de restaurant ou bar à ambiance musicale ne sont pas remplis.

Enfin, concernant le quantum réclamé, ils contestent les exercices retenus dans le calcul pendant la crise sanitaire.

Appréciation du tribunal

En application de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer: 1° à sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle[…]
Ces utilisations de phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs.
Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées aux 1°, 2° et 3° du présent article.
Elle est assise sur les recettes de l’exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l’article L. 131-4.
Elle est répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogramme.

L’article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d’activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 214-1. Ces accords ont été cités au §17 auquel il convient de se reporter.
En application de ces dispositions, les exploitants de ce type d’établissement doivent fournir tout justificatif des éléments nécessaires au calcul de la rémunération, en particulier les éléments comptables et fiscaux permettant leur vérification. Ils doivent en outre s’acquitter d’une rémunération assise sur l’ensemble des recettes brutes produites par les entrées […] ainsi que la vente des consommations ou la restauration, le taux de base étant de 1,65%. Enfin, les établissements qui ne déclarent pas les recettes annuelles sont facturés sur la base du dernier chiffre d’affaire connu avec un minimum de facturation de 580 euros HT par mois.
En l’espèce, la SPRE produit quatre procès-verbaux dressés par des agents assermentés, qui font foi jusqu’à preuve du contraire:
– dans le procès-verbal du dimanche 27 novembre 2016, de minuit à minuit 45, l’agent relève “une salle avec l’inscription “club” et un vestiaire”, note entendre “de la musique au niveau sonore très élevé”, des “jeux de lumières”, “un DJ en cage qui diffuse une musique assourdissante”,“avoir reconnu plusieurs titres musicaux, notamment “electric dust” de [C] [S], “Hang out” de [H] [L], “Geeses” de [I] [K] ou encore “Eat good” de [V] [U]”;

– dans le procès-verbal du 8 mars 2019, de 23h10 à minuit 40, l’agent assermenté souligne qu’ “aucun artiste n’est annoncé et aucune affiche à l’entrée”, note “la musique est très forte et nettement audible depuis la terrasse”, “Shazam reconnait tous les titres diffusés”,“A 23h30 le volume sonore de la musique a augmenté”, “une personne va derrière les platines” “la salle est pleine de danseurs”, “[le DJ] ne diffuse que des titres commerciaux et Shazam identifie systématiquement tous les titres dès les premières secondes”,“la musique de la main-room innonde la terrasse et les quais. Les titres sont reconnus par Shazam depuis la terrasse”;

– dans le procès-verbal du mercredi 26 juin 2019, de 22h45 à 23h10, l’agent assermenté “constate une diffusion de musique très amplifiée sur la terrasse”, “une grande salle d’environ 500 m2: une cabine DJ est installée à gauche, le set est en cours, la personne qui s’occupe de diffuser la musique enregistrée passe des vinyles”,“l’application Shazam reconnaît tous les titres diffusés”;

– dans le procès-verbal du samedi 5 mars 2022, de minuit 15 à 1h 15, l’agent assermenté souligne que “la musique est déjà audible et les jeux de lumière sont en marche et visibles depuis le quai”, “une première salle dans laquelle un DJ est aux platines, je lance l’application Shazam qui reconnait immédiatement “Loyal” de [W] [Z] feat. [R] [O] & [A]”,“L’application Shazam reconnaît tous les titres diffusés les uns à la suite des autres”, “les clients chantent sur les refrains des chansons commerciales bien connues”.

Les constatations de ces agents assermentés, qui relèvent tous la diffusion de musique à fort volume reconnaissable par l’agent lui-même ou une application comme étant des phonogrammes connus, destinée à une piste de danse, sont corroborées par les captures d’écran de la page de l’établissement [9] du site internet “tripadvisors”, concernant les commentaires de clients faisant état de pistes de danse et de musique forte.
Il doit par ailleurs être souligné que la société [9], dont l’objet social dans son extrait K-bis comprend notamment l’activité de club, a déjà admis, dans plusieurs protocoles d’accord signés avec la SPRE, les 10 avril 2014 et 12 novembre 2015, être exploitante de discothèque ou assimilé, reconnaissant ainsi avoir “choisi de diffuser de la musique sous forme de phonogrammes comme élément essentiel de l’activité professionnelle”.
Si la société [9] produit aux débats, peu avant l’ordonnance de clôture, une vingtaine de contrats de cession de droits portant sur des spectacles, démontrant ainsi qu’elle organise aussi des concerts, ce que la SPRE ne conteste pas, ils sont insuffisants pour justifier concrètement de ce que son activité réelle principale serait le spectacle vivant, avec des artistes qui se produiraient exclusivement en concert et des disc-jockey intervenant uniquement en qualité d’artistes-interprètes. Outre le fait que les éléments rapportés ne sont pas de nature à couvrir l’intégralité de la période concernée, certains des contrats produits mentionnent des prestations d’1h30 à 2h, bien insuffisantes pour couvrir toute la période d’ouverture de l’établissement, trois jours par semaine, entre minuit et 6h du matin. Par ailleurs, les listings qu’elle a constitués concernant sa programmation pour les années 2016 à 2019, ne sont pas suffisamment exploitables en l’absence d’autres éléments venant en corroborer le contenu.
Au surplus, s’agissant de la diffusion de phonogrammes dans le cadre d’un spectacle, la société [9] ne justifie pas des autorisations obtenues auprès des artistes interprètes ou de leurs ayant-droits. Elle n’est pas davantage bien fondée à invoquer un régime particulier concernant les “samples”, alors qu’elle n’est qu’utilisatrice de phonogrammes et non artiste. La simple utilisation de “samples” n’est pas démontrée et encore moins le fait que des échantillons sonores seraient utilisés sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute, pas davantage que la caractérisation d’une simple “citation musicale”. De fait, la rémunération n’est pas due uniquement lorsque le titre est diffusé en son entier.
Enfin, le fait qu’elle déclare auprès de l’administration fiscale, organiser des spectacles, et s’acquitte ainsi de la taxe fiscale sur les spectacles de variétés auprès du CNM (2019-2022) ne peut permettre de démontrer son activité principale de salle de concert, alors que les deux activités ne sont, en tout état de cause, pas incompatibles.
Il est ainsi démontré que l’établissement exerce une activité qui emporte communication dans un lieu public de phonogrammes publiés à des fins de commerce.
S’agissant de l’espace bar-restaurant, le procès-verbal de constat de l’agent assermenté de la SPRE dressé le 27 novembre 2016 relate les propos de la personne tenant le vestiaire, expliquant qu’au restaurant, il y a également un disc-jockey, avec une ambiance musicale attractive dans l’ensemble de l’établissement. Les agents constatent que certains soirs, les différentes pièces communiquent et notent le niveau sonore également sur la terrasse. La société [9] qui soutient que la musique n’est qu’un fond sonore, ne le démontre pas. La qualification de bar à ambiance musicale est donc retenue.
Il en résulte que l’établissement [9] exerce une activité qui comprend une communication dans un lieu public de phonogrammes publiés à des fins de commerce. Il y a lieu de considérer que la société [9] est assujettie à la rémunération équitable.
S’agissant du calcul des droits au cas d’espèce, si des bordereaux déclaratifs ont été produits pour les exercices 2016 à 2021, la société [9] n’a pas communiqué les justificatifs comptables et fiscaux indispensables pour vérifier les données déclarées, ce qui s’assimile à une absence de déclaration, et ce, en dépit de multiples relances de la SPRE. Elle n’y est d’ailleurs pas davantage procédé dans le cadre de la présente instance.
La SPRE est donc fondée, pour calculer les droits dus pour l’activité de discothèque et celle de restaurant à ambiance musicale, à retenir une assiette calculée sur la base du dernier chiffre d’affaire connu, étant souligné que la transmission par le services des impôts des entreprises de [Localité 8] des recettes déclarées par la société du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2021 a permis à la SPRE de procéder à une régularition, pour cette période, sur la base des recettes effectives, ainsi qu’en témoigne l’extrait de compte produit.
La société [9] ne produit pas les éléments permettant d’exclure de cette assiette des recettes provenant de l’organisation des concerts dont elle justifie. Le calcul étant opéré sur la base des recettes réelles transmises par l’administration fiscale, il est tenu compte de la période de fermeture pendant la crise sanitaire.

La somme due au titre de la rémunération équitable, calculée sur la base de 1,65% des recettes, est donc de 770.185,34 euros assortie des intérêts au taux légal dans les conditions du dispositif de la décision. La capitalisation des intérêts qui est demandée, sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
Au regard des dispositions précitées, la société [9] sera également condamnée à communiquer à la SPRE les justificatifs et éléments nécessaires au calcul de la rémunération équitable, notamment les éléments comptables et fiscaux permettant leur vérification, à savoir la copie certifiée conforme par un expert comptable ou un comptable agréé de ses comptes de résultat, balances ou déclarations de TVA détaillant ses recettes pour les exercices 2016 à 2020 inclus dans les termes prévus au dispositif de la présente décision.
Sur la condamnation in solidum du président de la société [9]

Moyens des parties

La SPRE conclut que le dirigeant de la société [9] a engagé sa responsabilité personnelle en entravant la perception de la rémunération équitable de manière infondée et durable. Ce comportement fautif, réalisé en toute connaissance de cause et de manière délibérée, justifie, selon elle, l’engagement de la responsabilité personnelle de M. [N] et sa condamnation in solidum au paiement des sommes dues. Elle sollicite enfin la communication des documents financiers et comptables.
M. [N] s’oppose à sa condamnation in solidum en qualité de dirigeant. Il estime n’avoir commis aucune faute de gestion détachable de ses fonctions puisqu’il s’est contenté de refuser de déclarer et de payer des rémunérations qu’il estime indues. Il souligne avoir toujours répondu aux courriers de la SPRE et considère avoir agi dans l’intérêt de la société qu’il représente.
Appréciation du tribunal

Sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil, le dirigeant qui commet, dans l’exercice de ses fonctions, une faute intentionnelle caractérisée par la violation délibérée d’une obligation légale, engage sa responsabilité civile personnelle.
En l’espèce, la société [9], dont M. [N] est le président, a, en dépit des nombreuses démarches effectuées par la SPRE, mises en demeures, signatures de protocoles d’accord, mise en place d’échéanciers, fait preuve de défaillances réitérées dans la déclaration légale et le règlement de la rémunération équitable alors même qu’étaient diffusés des phonogrammes, portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle d’autrui. M. [N], n’a pas davantage répondu aux obligations déclaratives et demandes en paiement qui lui étaient adressées, alors même qu’il s’est impliqué personnellement dans le cadre des transactions et a reçu une mise en demeure personnelle.
Par conséquent, c’est de manière délibérée qu’il n’a pas respecté ses obligations de dirigeant. Cette faute personnelle, détachable de ses fonctions sociales, justifie que soit engagée sa responsabilité personnelle à l’égard de la SPRE, et que soit prononcée sa condamnation au paiement des sommes dues in solidum avec la société [9] qu’il préside.
Sur la demande de dommages-intérêts de la SPRE pour résistance abusive

Moyens des parties

La SPRE expose avoir subi un préjudice matériel qui excède les intérêts moratoires alloués qui ne compensent que le retard de paiement. Or, elle indique avoir exposé d’importants frais de gestion, des coûts pré-contentieux et contentieux internes causés par la résistance abusive des défendeurs à régler des sommes dues.
La société [9] et M. [N] contestent cette demande dans la mesure où la SPRE n’a pas accepté le débat juridique sur la qualification de l’établissement. Ils estiment que c’est la SPRE qui n’a jamais répondu aux demandes de précision. Subsidiairement, ils considèrent qu’aucun élément ne vient corroborer le quantum réclamé.
Appréciation du tribunal

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En résistant de manière délibérée à leurs obligations de déclaration et de paiement de la rémunération équitable due, en dépit des relances et mises en demeure de la SPRE, la société [9] et M. [N] ont commis une faute ayant contraint la SPRE à des diligences pour recouvrer les sommes dues et à exposer des frais internes de gestion supplémentaire. La SPRE justifie donc d’un préjudice distinct de celui d’ores et déjà compensé par les intérêts moratoires, qu’il convient de compenser par l’allocation d’une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur les demandes annexes

Succombant, la société [9] et M. [N] seront condamnés in solidum aux dépens de l’instance qui seront recouvrés directement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Supportant les dépens, ils seront condamnés in solidum à payer à la SPRE la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent jugement est exécutoire de droit par provision.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

DÉCLARE la SPRE recevable en son action dirigée tant à l’encontre de la société [9] que de M. [N];

CONDAMNE in solidum la société [9] et M. [N] à payer à la SPRE la somme de 770 185,34 euros au titre de la rémunération équitable due pour l’expoitation de l’établissement [9] de l’exercice 2016 jusqu’au 31 janvier 2023, augmentée des interêts au taux légal sur la somme de 476.002,07 euros à compter du 21 octobre 2021, sur la somme de 37.538,25 euros à compter du 9 juin2022, sur la somme de 195.556,60 euros à compter du 28 juillet 2022 et sur le surplus à compter de la présente décision;

DIT que la capitalisation s’applique dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil;

ORDONNE à la société [9] de communiquer à la SPRE, sous astreinte de 400 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, courant pendant un délai de trois mois, la copie certifiée conforme par un expert comptable ou un comptable agréé de ses comptes de résultat, balance ou déclarations de TVA détaillant ses recettes pour les exercices 2016 à 2022 inclus;

CONDAMNE in solidum la société [9] et M. [N] à payer à la SPRE la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts;

CONDAMNE in solidum la société [9] et M. [N] aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile;

CONDAMNE in solidum la société [9] et M. [N] à payer à la SPRE la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Fait et jugé à Paris le 16 mai 2024

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Caroline REBOULAnne-Claire LE BRAS


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