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Conseils juridiques :
1. Attention à la rédaction des conclusions : Il est recommandé de veiller à ce que les conclusions présentées dans un dossier judiciaire comprennent de manière distincte un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens, ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Il est essentiel que les moyens invoqués soient formulés de manière formellement distincte et que le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. 2. Attention à la preuve de la création antérieure : Il est recommandé de rassembler des éléments probants pour démontrer l’antériorité de la création d’une œuvre. Dans le cas de litiges liés aux droits d’auteur, il est déterminant de fournir des preuves tangibles telles que des constats d’huissier, des témoignages, des documents de divulgation antérieure, des captures d’écran, etc., pour étayer les revendications de création antérieure. 3. Attention à la précision des autorisations d’usage : Il est recommandé de veiller à ce que les autorisations d’usage soient clairement définies, précises et limitées dans leur étendue, leur destination, leur lieu et leur durée. Il est essentiel de s’assurer que les contrats de cession de droits ou les autorisations d’exécution soient consignés par écrit et que les droits cédés soient clairement spécifiés. Il convient également de vérifier que les autorisations d’usage ne portent pas atteinte aux droits moraux de l’auteur et soient interprétées de manière stricte. Ces conseils visent à garantir une meilleure préparation et présentation des arguments juridiques dans le cadre de litiges liés aux droits d’auteur, en mettant en avant l’importance de la rigueur dans la rédaction des conclusions, la solidité des preuves de création antérieure et la précision des autorisations d’usage. |
→ Résumé de l’affaireMonsieur [S] [T], réalisateur et monteur, a suivi une formation à l’ECOLE [5] et a réalisé un court métrage intitulé “Rêves d’enfants”. Il a découvert que l’image d’une scène de son film avait été extraite et utilisée par la société EICAR [Localité 6] CAMPUS, anciennement CENTRE [5], sur ses supports médias sans son autorisation. Malgré une proposition de règlement amiable, la société a continué à utiliser l’image, ce qui a conduit Monsieur [S] [T] à intenter une action en contrefaçon de droits d’auteur devant le tribunal de grande instance de Lyon. Il demande des dommages-intérêts, la cessation de l’utilisation de l’image, la destruction des produits contrefaisants et la publication d’une mention de condamnation sur le site internet de la société. La société EICAR [Localité 6] CAMPUS conteste les accusations et demande le rejet des demandes de Monsieur [S] [T] ou, à défaut, de limiter les dommages-intérêts à une somme minimale.
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→ Les points essentielsIntroductionL’affaire en question porte sur une demande de contrefaçon de droits d’auteur concernant une photographie extraite d’un court-métrage intitulé “Rêves d’enfant”. Monsieur [S] [T], le demandeur, accuse la société EICAR [Localité 6] CAMPUS d’avoir utilisé cette photographie sans autorisation. La décision judiciaire se base sur plusieurs aspects légaux, notamment la recevabilité de la demande, l’antériorité et l’originalité de la création, l’autorisation d’usage, l’atteinte aux droits patrimoniaux et moraux, ainsi que les mesures d’interdiction et de réparation. Recevabilité de la DemandeEn vertu de l’article 753 du code de procédure civile, les conclusions doivent inclure un exposé des faits, une discussion des prétentions et des moyens, ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. La société défenderesse n’a pas formulé de demande formelle d’irrecevabilité dans son dispositif, ce qui rend la demande de Monsieur [S] [T] recevable. La juridiction ne peut statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Antériorité de la CréationLa société EICAR [Localité 6] CAMPUS conteste l’antériorité de la création de la photographie par Monsieur [S] [T]. Cependant, selon l’article L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle, une œuvre est réputée créée dès sa réalisation, indépendamment de sa divulgation publique. Monsieur [S] [T] a fourni plusieurs preuves, y compris des extraits de sites internet, des attestations et des photographies, démontrant que l’image litigieuse faisait partie du court-métrage “Rêves d’enfant” diffusé en 2013. Originalité de la CréationL’originalité de la création n’est pas contestée par la société défenderesse. Monsieur [S] [T] a expliqué les éléments originaux de l’image, ce qui permet de la protéger au titre du droit d’auteur. La photographie extraite du court-métrage “Rêves d’enfant” est donc reconnue comme une œuvre originale. Autorisation d’UsageLa société défenderesse se prévaut d’une autorisation d’usage basée sur le règlement intérieur de l’école, qui permettrait une utilisation des travaux des étudiants à des fins pédagogiques ou non commerciales. Cependant, cette autorisation est jugée trop large et ambiguë, ne précisant pas les droits patrimoniaux et n’étant pas limitée dans le temps. En conséquence, l’utilisation de l’image litigieuse par la société défenderesse n’est pas couverte par cette autorisation. Atteinte aux Droits PatrimoniauxL’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle stipule que toute reproduction sans le consentement de l’auteur est illicite. La société EICAR [Localité 6] CAMPUS a reproduit l’image litigieuse sans autorisation, constituant ainsi une atteinte aux droits patrimoniaux de Monsieur [S] [T]. La juridiction a pris en compte les preuves fournies, y compris un procès-verbal de constat, pour établir cette atteinte. Mesures d’Interdiction et de RéparationPour fixer les dommages et intérêts, la juridiction a pris en compte les conséquences économiques, le préjudice moral et les bénéfices réalisés par la société défenderesse. Monsieur [S] [T] a sollicité une somme forfaitaire de 40 000 euros, mais la juridiction a finalement alloué 18 741 euros pour les atteintes patrimoniales et 2 000 euros pour le préjudice moral, totalisant 20 741 euros. La société défenderesse est également condamnée à cesser tout acte de contrefaçon et à retirer l’image litigieuse de tous ses supports. Atteinte aux Droits MorauxL’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle confère à l’auteur le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. La société défenderesse a modifié l’image sans autorisation, ce qui constitue une atteinte au droit moral de Monsieur [S] [T]. La juridiction a accordé 4 000 euros de dommages et intérêts pour cette atteinte. Mesure de PublicationLa demande de mesure de publication a été rejetée. Bien que la société EICAR [Localité 6] CAMPUS ait commis une atteinte au droit moral, elle a proposé une indemnisation dans le cadre des discussions amiables. La juridiction a estimé que cette proposition et le contexte de la cession de l’école ne justifiaient pas une mesure de publication. Demandes AccessoiresLa société EICAR [Localité 6] CAMPUS, ayant succombé, est condamnée aux dépens et doit payer à Monsieur [S] [T] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. La décision est assortie de l’exécution provisoire en raison de la nature du litige et de l’ancienneté de la créance. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableVoici la liste des articles des Codes cités dans les motifs de la décision, ainsi que le texte de chaque article cité :
– Article 753 du Code de procédure civile (version en vigueur du 11 mai 2017 au 1er janvier 2020) : – Article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle : – Article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle : – Article L. 131-2 du Code de la propriété intellectuelle (version en vigueur jusqu’au 9 juillet 2016) : – Article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle (version applicable à la cause) : – Article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle : – Article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle : – Article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle : – Article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle : – Article 700 du Code de procédure civile : Ces articles ont été cités et reproduits dans le contexte de la décision judiciaire concernant la contrefaçon de droits d’auteur. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Nelly THROO
– Maître Denis WERQUIN – Maître Pierre CUSSAC |
→ Mots clefs associés & définitions– Contrefaçon de droits d’auteur
– Recevabilité de la demande – Article 753 du code de procédure civile – Irrecevabilité des demandes en contrefaçon de droits d’auteur – Antériorité de la création – Article L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle – Preuve de création de l’œuvre – Originalité de la création – Autorisation d’usage – Contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle – Transmission des droits de l’auteur – Atteinte aux droits patrimoniaux – Article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle – Mesures d’interdiction et de réparation – Dommages et intérêts – Barème de l’ADAGP – Utilisation d’une œuvre sur une plaquette – Utilisation sur la page d’accueil du site internet – Usages sur les réseaux sociaux – Atteintes au droit moral – Droit au respect de l’auteur – Mesure de publication – Demandes accessoires – Dépens – Article 700 du code de procédure civile – Exécution provisoire |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 3 cab 03 D
N° RG 19/04753 – N° Portalis DB2H-W-B7D-T6TC
Jugement du 30 Avril 2024
Notifié le :
Grosse et copie à :
Me Nelly THROO – 2076
la SAS TW & ASSOCIÉS – 1813
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 30 Avril 2024 devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement contradictoire suivant,
Après que l’instruction eut été clôturée le 11 Avril 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 02 Mai 2023 devant :
Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Delphine SAILLOFEST, Vice-Président,
Julien CASTELBOU, Juge,
Siégeant en formation Collégiale,
Assistés de Anne BIZOT, Greffier,
En présence de Mme [U] [J], professeur d’université stagiaire,
Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :
DEMANDEUR
Monsieur [S] [T]
né le 12 Novembre 1991 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Nelly THROO, avocat au barreau de LYON
DEFENDERESSE
S.A.S. EICAR [Localité 6] CAMPUS, anciennement dénommée [4],
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Pierre CUSSAC de la SELAS CUSSAC, avocats au barreau de PARIS (avocat plaidant)
La société CENTRE [5], devenue la société EICAR [Localité 6] CAMPUS, est un établissement d’enseignement supérieur à but lucratif, spécialisé dans le cinéma. A ce titre, elle gère une école de cinéma et d’audiovisuel, l’ECOLE [5], située à [Localité 7] (69), ci-après dénommée [4].
Monsieur [S] [T], qui exerce la profession de réalisateur, monteur, étalonneur, y a suivi une formation de monteur lors des années scolaires 2009/2010 et 2010/2011.
En 2011, il a réalisé puis monté un film intitulé « Rêves d’enfants ». Ce court métrage a été divulgué sur la page Viméo de Monsieur [S] [T] le 28 mai 2013 à 6h05.
En mars 2019, il s’est aperçu que l’image apparaissant à la 5ème minute et 27 secondes de ce film en avait été extraite et modifiée par la société CENTRE [5] puis apposée sur l’ensemble de ses supports médias.
Estimant qu’il s’agissait d’une atteinte à ses droits patrimoniaux et moraux d’auteur, Monsieur [S] [T] a alerté l’ÉCOLE [5], laquelle lui a proposé d’acheter les droits d’utilisation de cette photo extraite du film.
Il a alors proposé un règlement amiable du litige par le versement d’une somme forfaitaire de 8 100€ HT en contrepartie d’une cession de ses droits d’auteur pour une durée de 10 ans et pour l’ensemble du territoire mondial.
Considérant que l’ECOLE [5] continuait à utiliser cette image en violation de ses droits et ce, malgré sa proposition de règlement amiable, Monsieur [T] l’a mise en demeure de lui payer la somme de 9 720€ TTC par courrier du 5 avril 2019, demande réitérée par son conseil, en vain.
Telles sont les circonstances dans lesquelles, selon acte d’huissier de justice du 5 juin 2019, Monsieur [S] [T] a assigné devant le tribunal de grande instance de LYON la société [4] en contrefaçon de droits d’auteur.
Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 11 janvier 2022, Monsieur [S] [T] sollicite qu’il plaise :
Vu les articles L111-1, L111-2, L112-2 6° et 9°, L113-1, L113-7, L121-1, L122-1, L122-4, L131-2, L131-3, L331-1-3, L331-1-4 et L335-3 du Code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 514 et suivants du Code de procédure civile dans leur nouvelle rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019,
Vu la jurisprudence citée et les pièces versées aux débats,
Dire et juger Monsieur [S] [T] bien fondé et recevable en ses demandes,
Dire et juger que Monsieur [S] [T] est l’auteur de l’image extraite de l’œuvre cinématographique « Rêves d’enfants » et jouit des droits moraux et patrimoniaux sur cette image,
Dire et juger que le CENTRE [5] contrefait l’œuvre de Monsieur [S] [T] et viole ses droits moraux et patrimoniaux,
Dire et juger que la responsabilité du [4] est engagée et qu’il doit être condamné à réparer le préjudice subi par Monsieur [S] [T],
Condamner le CENTRE [5] à payer à Monsieur [S] [T] la somme forfaitaire de 40.000 € de dommages-intérêts,
Ordonner au [4] la cessation de tout acte de contrefaçon portant atteinte aux droits de Monsieur [S] [T] et notamment ordonner au CENTRE [5] le retrait de l’image extraite du film « Rêves d’enfants », sur tous ses supports (sites internet en particulier du site www.centre-[5].fr, réseaux sociaux, brochures, sans que cette liste ne soit limitative), sous astreinte de 500 € par jour à compter du prononcé du jugement,
Ordonner, aux frais du [4], la destruction des produits contrefaisants (kakémono, brochures, sans que cette liste ne soit limitative),
Ordonner la publication pendant un (1) mois de la mention « CONDAMNATION DE l’ÉCOLE [5] POUR CONTREFAÇON DES DROITS D’AUTEUR DE M. [S] [T] PAR JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON DU [DATE] », en police de caractères Arial de taille 18, dans un bandeau visible en haut de la page d’accueil du site internet de l’ancien site internet (www.centre-[5].fr) et de l’actuel site internet de CENTRE [5] (https ://www.eicar-lyon.fr/) contenant également un lien hypertexte vers le jugement complet à intervenir, aux frais de CENTRE [5], et sous astreinte de 500 € par jour à compter du prononcé du jugement,
Se réserver la liquidation de l’astreinte, Condamner le [4] à payer à Monsieur [S] [T] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Ordonner l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir, le cas échéant partiellement,
Condamner CENTRE [5] aux entiers dépens.
Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 19 octobre 2021, la société EICAR [Localité 6] CAMPUS, anciennement dénommée [4], sollicite qu’il plaise :
Débouter Monsieur [S] [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Le condamner en tous les dépens ainsi qu’à verser à la société Centre [5] une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, débouter Monsieur [S] [T] de toutes ses demandes autre que de dommages intérêts et limiter ceux-ci à la somme de 300 €.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 11 avril 2022.
Sur la demande au titre de la contrefaçon de droits d’auteur
Sur la recevabilité de la demande
En vertu de l’article 753 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 11 mai 2017 au 1er janvier 2020, « les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ».
En l’espèce, cette disposition est bien applicable, l’assignation ayant été délivrée le 5 juin 2019.
La société défenderesse, qui évoque l’irrecevabilité des demandes en contrefaçon de droits d’auteur dans ses motifs, n’a pas repris cette prétention au dispositif, puisqu’elle ne conclut qu’au débouté de la demande.
En conséquence, la présente juridiction, qui ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, n’est pas saisie d’une demande tendant à voir déclarer Monsieur [S] [T] irrecevable en ses demandes, étant précisé que, conformément à l’article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle, le défaut de mise en cause des coauteurs se trouve exclusivement sanctionné par l’irrecevabilité.
Sur le bien-fondé de la demande
S’agissant de l’antériorité de la création
La société EICAR [Localité 6] CAMPUS soutient que Monsieur [T] doit être débouté de sa demande, faute de démontrer qu’il a créé la photographie litigieuse avant que la société défenderesse ne la divulgue.
Toutefois, en application de l’article L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle, l’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur. Ainsi, le droit ne naît pas de la divulgation.
Si Monsieur [T] ne produit aucun constat d’huissier permettant d’attester que l’image litigieuse figure au sein du film court « Rêves d’enfant » diffusé en 2013, il verse aux débats :
– Un extrait du site internet Viméo démontrant que le film court « Rêves d’enfant » a été mis en ligne par [S] [T] le 28 mai 2013 (pièce n° 14) ;
– Une attestation de Monsieur [B] déclarant avoir été présent sur le tournage du court-métrage « Rêves d’enfants » en qualité de cadreur et d’opérateur et attestant que le plan dont est issu la photographie est l’œuvre de [S] [T] (pièce n° 12) ;
– Des photographies le montrant entrain de photographier une jeune fille qui se trouve être précisément celle représentée sur la photographie litigieuse, cette dernière ayant la même coiffure, le même maquillage et posant également à côté d’un arbre (pièce n° 13) ;
– Un courriel de Madame [V], responsable communication de l’EICAR, expliquant que la photographie utilisée par l’EICAR se trouvait dans un pack de photographies transmis dans le cadre de la cession de l’école à son nouveau propriétaire et proposant en conséquence le rachat des droits sur cette photographie (pièce n° 4) ;
– La copie numérique du film qui comprend l’image, même s’il ne s’agit pas, comme le soutient la société défenderesse, d’un contenu intangible (pièce n° 2-2).
Ces éléments convergent tous dans le même sens, à savoir le fait que l’image litigieuse fait bien partie de l’œuvre « Rêves d’enfant » divulguée en 2013 par Monsieur [S] [T], soit antérieurement à l’exploitation qui en a été faite par la société défenderesse, et qu’elle a été réalisée par lui.
Il y a lieu de souligner par ailleurs que la société EICAR [Localité 6] CAMPUS, qui en sa qualité de personne morale ne peut être auteur de l’œuvre litigieuse, ne livre aucune indication sur la personne qui pourrait en être l’auteur si ce n’est pas Monsieur [S] [T].
Dans ces conditions, Monsieur [S] [T] doit être reconnu auteur de l’image extraite du film court « Rêves d’enfant » qu’il a divulgué en 2013.
S’agissant de l’originalité de la création
L’originalité de la création n’est pas contestée, alors que Monsieur [T] explique les éléments originaux de l’image sur laquelle il revendique des droits. L’image extraite du court-métrage « Rêves d’enfants » est en conséquence protégée au titre du droit d’auteur.
S’agissant de l’autorisation d’usage
L’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur jusqu’au 9 juillet 2016, dispose que « les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d’exécution ».
En vertu de l’article L. 131-3 du même code, dans sa version également applicable à la cause, « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».
La société défenderesse se prévaut des dispositions du guide de l’étudiant 2010/2011 en vertu duquel « l’étudiant est détenteur des droits moraux au sens du code de la propriété intellectuelle (CPI), sur les travaux réalisés dans le cadre du cursus effectué à [5]. Toutefois, l’étudiant concède à l’école une utilisation de ses travaux à des fins exclusivement pédagogiques ou non commerciales, pour effectuer la promotion de l’établissement auprès des publics » (pièce n° 4). Elle démontre que Monsieur [T] a pris connaissance de ce règlement intérieur par la production de son attestation sur l’honneur signée de sa main et en attestant (pièce n° 3).
Il résulte des dispositions légales susmentionnées qu’il existe soit des contrats de cession de droits, soit des autorisations gratuites d’exécution, ce à quoi doit être assimilée l’autorisation d’usage dont se prévaut la défenderesse.
Cette autorisation d’usage, qui n’emporte pas cession des droits, doit être précise, strictement interprétée et a nécessairement un caractère précaire.
Or, la disposition susmentionnée, comprise dans le règlement intérieur, est extrêmement large et ne peut donner lieu à discussion de la part de l’auteur pour chacune des œuvres qu’il crée dans le cadre de sa formation.
Sa rédaction est également ambiguë, puisqu’elle reconnait que l’étudiant est détenteur de ses droits moraux sans invoquer ses droits patrimoniaux, qu’il conserve également, dès lors qu’il n’y a pas de cession. L’utilisation du terme « concède » est également problématique, comme renvoyant habituellement à une licence d’utilisation. La même conclusion s’impose s’agissant d’un usage à des fins « non commerciales » alors qu’un usage à des fins publicitaires est visé. Enfin, cette autorisation, dont il n’est pas indiqué qu’elle est révocable, n’est aucunement limitée dans le temps.
Il s’en infère, qu’à supposer même que la société défenderesse parvienne à rapporter la preuve dont elle à la charge de ce que l’image litigieuse constituerait le résultat d’un travail scolaire et que les conditions lui permettant d’en faire usage seraient réunies, les dispositions du guide de l’étudiant ne sauraient autoriser l’utilisation par [5] de l’image litigieuse dans les conditions particulières qui ont été constatées.
En tout état de cause, il y a lieu de souligner que les atteintes aux droits moraux ne peuvent être couvertes par l’autorisation d’usage invoquée.
S’agissant de l’atteinte aux droits patrimoniaux
L’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que “toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite”.
Il doit être liminairement précisé que le défendeur ne reprend pas au sein de son dispositif la demande de nullité du procès-verbal de constat produit, de telle sorte que la présente juridiction n’est pas saisie de cette prétention et que les arguments développés s’agissant du non-respect des prescriptions techniques de la norme AFNOR sont dépourvues d’effet.
Le demandeur produit des extraits du site de l’ECOLE [5] faisant état de la reproduction de la photographie litigieuse (pièce n° 3) mais surtout un procès-verbal de constat du 17 juin 2019 sur lequel apparaît l’image protégée au titre du droit d’auteur dans une version modifiée (pièce n° 11).
La reproduction par la société EICAR [Localité 6] CAMPUS de l’image représentant une jeune fille approchant son visage d’un arbre, extraite du film court « Rêves d’enfant », constitue une atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur de Monsieur [S] [T] constitutive de contrefaçon.
S’agissant des mesures d’interdiction et de réparation
Pour fixer les dommages et intérêts en application de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
En l’espèce, le demandeur sollicite une somme forfaitaire de 40 000 euros, calculée notamment sur la base du barème de l’ADAGP, à savoir une société de gestion de droits d’auteur. En défense, la société EICAR [Localité 6] CAMPUS conteste l’évaluation présentée et soutient essentiellement que le barème de l’ADAGP n’est pas pertinent et que la photographie litigieuse ayant été réalisée dans le cadre d’un projet étudiant, elle n’a qu’une valeur symbolique.
Contrairement à ce que soutient la société défenderesse, il importe peu que Monsieur [T] ne démontre pas être adhérent à l’ADAGP, dont le barème permet seulement de se faire une idée des prix du marché, nécessairement dépendants des caractéristiques de chaque œuvre et de leur réception par le public. Il y a lieu de souligner par ailleurs que la société défenderesse se limite à une critique non étayée et ne produit en tout cas aucun élément permettant de mettre en doute le sérieux ou la crédibilité du barème proposé par l’ADAGP.
Il convient enfin de rappeler que le droit d’auteur ne permet pas de considérer que les œuvres réalisées dans un cadre scolaire auraient une moindre valeur que les autres, ou à tout le moins une « valeur symbolique » comme le prétend la société défenderesse.
S’agissant de la plaquette commerciale sur laquelle l’œuvre se trouve reproduite en 1re de couverture, le demandeur se réfère au barème de l’ADAGP correspondant à l’utilisation d’une œuvre sur une plaquette dont le nombre d’exemplaires est situé entre 10 001 et 20 000 exemplaires. Cette projection, qui n’est pas spécifiquement critiquée par la société défenderesse, n’est étayée par aucun élément. Compte tenu du fait que l’ECOLE [5] est une école de cinéma, ce nombre apparaît excessif de sorte qu’il convient de retenir une diffusion maximale de 1 000 exemplaires, soit le premier palier du barème de l’ADAGP. Il y a lieu en conséquence de retenir que Monsieur [T] aurait pu obtenir dans un cadre négocié la somme de 464 euros, qu’il convient d’augmenter à hauteur de 50% du fait de la contrefaçon. Pour cet usage, l’indemnisation est donc estimée à 696 euros.
S’agissant de la présence sur la page d’accueil du site internet, le forfait proposé par l’ADAGP pour l’utilisation d’une œuvre par un organisme à but lucratif à des fins promotionnelles de façon pérenne hors utilisation en page d’accueil étant de 92 euros par mois, la somme de 184 euros par mois pour une utilisation en page d’accueil apparaît raisonnable pour une utilisation conventionnelle. Compte tenu de la contrefaçon, il convient d’augmenter cette somme de 50% pour la porter à 276 par mois pendant les 15 mois revendiqués par la partie demanderesse de février 2018 à juin 2019, étant souligné qu’il apparaît que la contrefaçon s’est en réalité poursuivie jusqu’en 2021 (pièce n° 22). Pour cet usage, il convient en conséquence de retenir l’indemnisation totale de 4 140 euros.
S’agissant des usages sur les réseaux sociaux, compte tenu de la majoration de 12% retenue par l’ADAGP pour ce type d’usages, il convient de retenir la somme de 206 euros HT par mois multipliée par trois (Facebook, Linkedin et Instagram), aucune pièce probante ne permettant de retenir un usage sur Youtube. La somme mensuelle préconisée pour un usage conventionnel étant de 618 euros, elle doit être augmentée de 50% pour un usage contrefaisant pour être portée à 927 euros. Pour 15 mois d’usage, il convient de retenir la somme totale de 13 905 euros.
Enfin, l’usage sur des « panneaux » n’étant pas explicité, aucune somme ne pourra être accordée à ce titre.
Il convient en conséquence d’allouer à Monsieur [T] la somme de 18 741 euros, outre de justes dommages et intérêts évalués à 2 000 euros en réparation du préjudice moral.
En conséquence, la société EICAR [Localité 6] CAMPUS sera condamnée à payer à Monsieur [T] la somme totale de 20 741 euros au titre de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux.
La contrefaçon étant établie, il convient de prononcer une mesure d’interdiction en lien avec le périmètre de l’atteinte constatée. Il sera ordonné à la société EICAR [Localité 6] CAMPUS de cesser tout acte de contrefaçon et de procéder au retrait de l’image extraite du film « Rêves d’enfants », sur tous ses supports (en particulier le site internet ERLINK”http://www.centre-[5].fr/”www.centre-[5].fr, réseaux sociaux, brochures…), et ce sous astreinte provisoire de trois mois à hauteur de 50 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision. Il n’y a pas lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ainsi prononcée.
La destruction des produits contrefaisants n’apparaît pas opportune compte tenu de la mesure d’interdiction prononcée.
Sur les atteintes au droit moral
L’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment que le droit d’auteur “comporte des attributs d ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial”.
Aux termes de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre.
Il résulte des pièces versées aux débats que l’image litigieuse a été modifiée, puisqu’elle est parfois utilisée en noir et blanc et/ou avec une rotation à 180°, qu’elle a été recadrée et qu’elle est recouverte d’un bandeau comprenant des inscriptions (pièce n° 11). Il est également établi que l’image ne mentionne pas le nom de [S] [T].
L’atteinte au droit moral est donc caractérisée et le préjudice résultant de cette atteinte sera justement réparé par l’octroi de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, au paiement de laquelle la société EICAR [Localité 6] CAMPUS sera condamnée.
Sur la mesure de publication sollicitée
La société EICAR [Localité 6] CAMPUS dispensant un enseignement à destination des créateurs, il est essentiel qu’elle ait à cœur la protection de leurs œuvres. Or, si elle a pu ignorer de bonne foi qu’elle commettait une atteinte au droit patrimonial de Monsieur [S] [T] en pensant disposer d’un droit d’usage sur le film court litigieux et l’image qui en est extraite, elle ne peut avoir sérieusement pensé qu’elle pouvait la modifier à sa guise sans recueillir au préalable le consentement de son auteur. L’atteinte au droit moral ainsi constatée ne justifie par pour autant le prononcé d’une mesure de publication, dès lors que l’école a proposé une indemnisation dans le cadre des discussions amiables et que l’utilisation de l’image fait suite à une cession de l’école.
La demande de mesure de publication sera donc rejetée.
Sur les demandes accessoires
La société EICAR [Localité 6] CAMPUS, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
La société EICAR [Localité 6] CAMPUS sera également condamnée à payer à Monsieur [S] [T] la somme totale de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La nature du litige et l’ancienneté de la créance justifient d’assortir la décision de l’exécution provisoire.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition de la présente décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
DIT que la reproduction par la société EICAR [Localité 6] CAMPUS de l’image représentant une jeune fille approchant son visage d’un arbre, extraite du film court « Rêves d’enfant », constitue une atteinte aux droits d’auteur de Monsieur [S] [T] constitutive de contrefaçon ;
CONDAMNE en conséquence la société EICAR [Localité 6] CAMPUS à payer à Monsieur [S] [T] la somme totale de 20 741 euros au titre de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux d’auteur ;
ORDONNE à la société EICAR [Localité 6] CAMPUS de cesser tout acte de contrefaçon et de procéder au retrait de l’image extraite du film « Rêves d’enfants », sur tous ses supports (en particulier le site internet www.centre-[5].fr, réseaux sociaux, brochures…), et ce sous astreinte provisoire d’une durée de trois mois à hauteur de 50 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision ;
DIT qu’il n’y a pas lieu à se réserver la liquidation de l’astreinte ainsi prononcée ;
DEBOUTE Monsieur [S] [T] de sa demande présentée au titre de la destruction des produits contrefaisants ;
DIT que la société EICAR [Localité 6] CAMPUS a porté atteinte au droit moral de Monsieur [S] [T] ;
CONDAMNE en conséquence la société EICAR [Localité 6] CAMPUS à payer à Monsieur [S] [T] la somme totale de 4 000 euros au titre de l’atteinte portée à ses droits moraux d’auteur ;
REJETTE la demande de mesure de publication;
CONDAMNE la société EICAR [Localité 6] CAMPUS aux dépens ;
CONDAMNE la société EICAR [Localité 6] CAMPUS à payer à Monsieur [S] [T] la somme totale de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision ;
REJETTE le surplus des demandes.
Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. GOUNOT, et le Greffier, Mme BIZOT.
Le Greffier,Le Président,