Slogan publicitaire sans originalité : aucune protection

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Slogan publicitaire sans originalité : aucune protection
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Une communication publicitaire qui ne présente aucune spécificité ou originalité particulière s’agissant de la combinaison usuelle de couleurs vives avec des slogans accrocheurs (“le moins cher, la preuve …) , laissant à penser que les prix pratiqués sont les plus compétitifs, n’est protégeable ni par les droits d’auteurs ni par la concurrence déloyal ni par le parasitisme.

1. Attention à la nécessité de démontrer de manière concrète et circonstanciée les éléments constitutifs de la concurrence déloyale et du parasitisme, tels que le risque de confusion, la copie intentionnelle d’une valeur économique, et les investissements spécifiques réalisés. Il est recommandé de fournir des preuves tangibles et vérifiables pour étayer les allégations de concurrence déloyale et de parasitisme.

2. Il est recommandé de se conformer aux critères légaux et aux directives en matière de publicité comparative, en veillant à ce que les comparaisons soient objectives, pertinentes, vérifiables et ne portent pas atteinte à la réputation des concurrents. Il est recommandé de s’assurer que les publicités comparatives respectent les exigences légales en matière de transparence et d’exactitude des informations fournies.

3. Il est recommandé de prêter une attention particulière à la distinction entre la publicité comparative licite et illicite, en veillant à ce que les comparaisons soient effectuées de manière objective, sans induire en erreur les consommateurs, et en respectant les règles établies en matière de pratiques commerciales trompeuses. Il est recommandé de s’assurer que les pratiques commerciales adoptées sont conformes aux dispositions légales et ne portent pas préjudice à la réputation des concurrents.

Résumé de l’affaire

Introduction de l’affaire

L’affaire en question concerne un litige entre deux sociétés, Promodentaire et Méga Dental, sur des accusations de concurrence déloyale et de parasitisme. La société Méga Dental accuse Promodentaire d’avoir copié ses éléments de communication, créant ainsi un risque de confusion et profitant indûment de ses investissements.

Contexte et prétentions des parties

La société Promodentaire conteste les accusations portées contre elle, affirmant que ses documents publicitaires diffèrent notablement de ceux de Méga Dental. Elle soutient que les couleurs vives et les slogans utilisés sont courants dans le domaine de la publicité et que ses propres documents sont distincts visuellement. Méga Dental, de son côté, maintient que Promodentaire a repris des éléments spécifiques de sa communication, créant ainsi un risque de confusion et profitant de ses investissements.

Analyse des faits de concurrence déloyale

La cour a examiné les documents publicitaires des deux sociétés et a constaté que les flyers de Méga Dental ne justifient pas d’une identité visuelle propre en matière de code-couleur. Les couleurs utilisées varient régulièrement et l’usage de couleurs vives est courant en publicité. Les flyers de Promodentaire, quant à eux, présentent des éléments distinctifs tels qu’un sceau rouge et des cercles indiquant les prix des concurrents, ce qui écarte le risque de confusion.

Évaluation des slogans publicitaires

Concernant le slogan “Forcément moins cher la preuve!”, la cour a relevé que Méga Dental ne peut revendiquer un monopole sur son usage, car il est utilisé par d’autres acteurs économiques. Le slogan de Promodentaire, “Moins cher…la preuve!”, s’inscrit dans une publicité comparative mentionnant explicitement les concurrents, ce qui exclut toute confusion.

Analyse des lettres d’information

Les lettres d’information des deux sociétés diffèrent également visuellement. Celles de Promodentaire se présentent en format paysage avec des bandes de couleurs et des encadrés jaunes ou rouges, tandis que celles de Méga Dental sont en format A4 avec des bandeaux de couleurs légèrement de biais. Ces différences visuelles marquées écartent le risque de confusion.

Conclusion sur la concurrence déloyale

La cour a conclu que les actes de concurrence déloyale dénoncés par Méga Dental ne sont pas caractérisés. Les différences visuelles et l’absence de preuve de détournement de clientèle ont conduit à l’infirmation du jugement initial en ce qui concerne la concurrence déloyale.

Analyse des faits de parasitisme

Le parasitisme, fondé sur l’article 1240 du code civil, requiert la preuve d’une copie intentionnelle d’une valeur économique individualisée. Méga Dental n’a pas démontré que ses supports commerciaux constituaient une telle valeur. Les slogans et les éléments visuels revendiqués sont courants et utilisés par d’autres acteurs économiques.

Conclusion sur le parasitisme

La cour a conclu que Méga Dental ne prouve pas l’existence d’une copie parasitaire par Promodentaire. Les différences relevées et l’absence de preuve d’investissements spécifiques ont conduit à l’infirmation du jugement initial en ce qui concerne le parasitisme.

Demandes reconventionnelles de Promodentaire

Promodentaire a également demandé la condamnation de Méga Dental pour publicités comparatives illicites et pratiques commerciales trompeuses. La cour a constaté que les publicités de Méga Dental ne mentionnent pas explicitement Promodentaire et ne constituent pas des publicités comparatives illicites. Les slogans utilisés sont génériques et ne trompent pas les professionnels du domaine dentaire.

Conclusion finale et condamnations

La cour a rejeté les demandes de Méga Dental et a condamné cette dernière aux dépens de première instance et d’appel. Méga Dental devra également verser à Promodentaire une somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance ont été infirmées.

Les points essentiels

L’affaire oppose la société Méga Dental à la société Promodentaire, spécialisées dans la vente de produits dentaires. Méga Dental accuse Promodentaire de concurrence déloyale et parasitaire en reprenant ses codes couleurs et slogans. Le tribunal de commerce de Paris a condamné Promodentaire à payer 100 000 euros de dommages et intérêts, à cesser les pratiques déloyales et à publier le jugement sur son site. Promodentaire a interjeté appel et demande l’annulation du jugement, tandis que Méga Dental demande la confirmation du jugement et des dommages et intérêts supplémentaires.
Les montants alloués dans cette affaire: – La société Promodentaire : 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– La société Méga Dental : Dépens de première instance et d’appel

Réglementation applicable

Voici la liste des articles des Codes cités dans les motifs de la décision, ainsi que le texte de chaque article cité :

– Article 455 du Code de procédure civile :
“Le jugement doit être motivé. Le juge ne peut se borner à faire siennes les prétentions des parties en les renvoyant à leurs écritures. Les jugements sont rédigés en français.”

– Article 1240 du Code civil :
“Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

– Article L.122-1 du Code de la consommation :
“Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si :
1° Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.”

– Article 4 de la directive communautaire n°2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 :
“Pour ce qui concerne la comparaison, la publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont remplies :
a. elle n’est pas trompeuse au sens de l’article 2, [sous] b, de l’article 3 et de l’article 8, paragraphe 1, de la présente directive ou des articles 6 et 7 de la directive 2005/29 […];
b. elle compare des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif;
c. elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services, y compris éventuellement le prix ;
d. elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d’un concurrent ;
e. pour les produits ayant une appellation d’origine, elle porte dans chaque cas sur des produits ayant la même appellation ;
f. elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de produits concurrents ;
g. elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégés ;
h. elle n’est pas source de confusion parmi les professionnels, entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et ceux d’un concurrent.”

– Article 6 de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 :
“1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement: (…)
d) le prix ou le mode de calcul du prix, ou l’existence d’un avantage spécifique quant au prix; (…) .”

– Article 7 de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 :
“1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.
2. Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse lorsqu’un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu’il n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l’un ou l’autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d’être amené à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.
3. Lorsque le moyen de communication utilisé aux fins de la pratique commerciale impose des limites d’espace ou de temps, il convient, en vue de déterminer si des informations ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre les informations à la disposition du consommateur par d’autres moyens.
(…) .”

– Article 700 du Code de procédure civile :
“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Emmanuel JARRY, avocat au barreau de PARIS
– Me Emmanuel ESKINAZI, avocat au barreau de PARIS
– Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS
– Me Julie JACOB de la SELEURL JACOB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés & définitions

– Motifs de la décision
– Concurrence déloyale
– Parasitisme
– Risque de confusion
– Identité visuelle
– Slogan publicitaire
– Notoriété de la marque
– Investissements en marketing et communication
– Liberté du commerce et de l’industrie
– Faute et risque de confusion
– Publicité comparative
– Pratiques commerciales trompeuses
– Directive 2005/29/CE
– Dépenses en marketing
– Publicités comparatives illicites
– Pratiques commerciales trompeuses
– Dépens et frais irrépétibles
– Article 700 du code de procédure civile

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

3 avril 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/04723
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 03 AVRIL 2024

(n° 049/2024, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 22/04723 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFMYX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – 15ème chambre – RG n° 2018055982

APPELANTE

S.A.S. PROMODENTAIRE

Société au capital de 500 000 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 312 826 191

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuel JARRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209

Assistée de Me Emmanuel ESKINAZI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0119

INTIMEE

S.N.C. MEGA DENTAL

Société au capital de 100 000 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’EVRY sous le numéro 409 405 792

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Julie JACOB de la SELEURL JACOB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1001

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Méga Dental est spécialisée dans l’achat, la vente, l’importation et la distribution de produits dentaires et orthodontiques aux professionnels. Elle est titulaire de plusieurs marques protégées, dont les marques françaises « MEGA DENTAL » enregistrées le 12 juillet 1993 sous le n° 93476041 et le 20 juillet 2012 sous le n° 10579498.

La société Promodentaire est également spécialisée dans la vente sur internet de matériel médical dentaire pour professionnels.

Estimant que la société Promodentaire commettait des actes de concurrence déloyale et parasitaire en reprenant notamment ses codes couleurs et slogans sur certains outils de communication, la société Méga Dental l’a mise en demeure de cesser ces agissements suivant courriers des 27 juin et 23 juillet 2018, puis l’a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris selon assignation délivrée le 27 septembre 2018.

Par jugement rendu le 31 janvier 2022 dont appel, le tribunal de commerce de Paris a :

– condamné la SAS Promodentaire à payer à la SNC Méga Dental la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis, somme qui portera intérêt au taux légal à dater de trente jours après la signification du jugement. ;

– ordonné la cessation des pratiques déloyales soit la combinaison de couleurs jaune et rouge ou fond noir et jaune avec un slogan similaire à celui de la SNC Méga Dental et le terme MEGA sur les flyers de la SAS Promodentaire, sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision, et ce pendant une période de 30 jours à l’issue de laquelle il sera de nouveau fait droit ;

– ordonné à la SAS Promodentaire de publier sur le site www.promodentaire.com le jugement, dans les trente jours de sa signification, accessible pendant trois mois sur la page d’accueil du site, débouté pour le surplus des demandes de publications ;

– dit la SAS Promodentaire mal fondée en ses demandes reconventionnelles et l’en a déboutée ;

– condamné la SAS Promodentaire à payer à la SNC Méga Dental la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 Code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire nonobstant appel et sans caution ;

– ordonné la publication du jugement sur le site promodentaire.com dans les trente jours de la signification du jugement, accessible pendant trois mois sur la page d’accueil du site ;

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif ;

– condamné la SAS Promodentaire aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 71,35 € dont 11,68 € de TVA.

La société Promodentaire a interjeté appel de ce jugement le 1er mars 2022.

Par ordonnance du 6 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a débouté la société Promodentaire de ses demandes de communication de pièces et de désignation d’un expert tendant à l’examen des pièces sollicitées.

Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 2 novembre 2023, la société Promodentaire, appelante, demande à la cour de :

Vu l’article 1240 du Code civil,

Vu les articles L 121-2 et suivants du Code de la consommation,

Vu les articles L 122-1 et suivants du Code de la consommation,

Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,

– infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 31 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

Ce faisant,

– constater, dire et juger qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les flyers et lettres d’information respectifs de Méga Dental et de Promodentaire querellés,

En conséquence,

– débouter la Société Méga Dental de ses demandes à l’égard de la Société Promodentaire au titre de la concurrence déloyale,

– débouter la Société Méga Dental de ses demandes à l’égard de la Société Promodentaire au titre du parasitisme,

– débouter la Société Méga Dental de ses demandes à l’égard de la Société Promodentaire en réparation d’un quelconque préjudice,

– débouter la Société Méga Dental de ses demandes aux fins de publication de la décision à intervenir sur le site de la Société Promodentaire,

– débouter la Société Méga Dental du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

A titre reconventionnel,

– constater, dire et juger que la Société Méga Dental diffuse des publicités comparatives illicites, en usant des slogans « Forcément moins cher, la preuve ! » et « Vous savez que nous sommes moins chers »,

– constater, dire et juger que la Société Méga Dental s’est rendue coupable d’au moins neuf occurrences au titre des publicités comparatives illicites pour la période allant de septembre 2017 à mai 2018,

– condamner la Société Méga Dental à régler la Société Promodentaire la somme de 10.000 euros par occurrence à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, soit la somme totale de 90.000 euros, du fait des publicités comparatives illicites,

– constater, dire et juger que la Société Méga Dental se présente comme l’acteur le moins cher du marché aux termes des différents slogans qu’elle utilise, avec ou hors comparaison de produits,

– constater, dire et juger que ce faisant, la Société Méga Dental commet des pratiques commerciales trompeuses,

– condamner la Société Méga Dental à régler la Société Promodentaire la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des pratiques commerciales trompeuses,

– condamner la Société Méga Dental à régler la Société Promodentaire la somme de 20.000,00 au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– ordonner la publication du jugement à intervenir sur la première page du site internet de la Société Méga Dental à l’adresse suivante https://www.megadental.fr/, dans un délai de sept jours à compter de la publication dudit jugement et pendant un délai de trois mois.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 3 octobre 2023, la société Méga Dental, intimée, demande à la cour de :

Vu l’article 1240 du Code civil,

Vu les 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu les éléments et pièces versés aux débats.

– confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 31 janvier 2022 en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

– débouter Promodentaire de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Et y ajoutant,

– condamner Promodentaire à payer à Méga Dental la somme de 15.000 (quinze mille) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Promodentaire aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les faits de concurrence déloyale et parasitaire

La société Promodentaire conteste l’intégralité des faits qui lui sont imputés. Elle estime d’abord que c’est à tort que le tribunal a retenu un risque de confusion s’agissant tant des flyers que des lettres d’information incriminées. A cet égard, elle retient que les documents publicitaires qu’elle a diffusés diffèrent notablement de ceux de sa concurrente qui ne justifie pas, selon elle, d’une identité visuelle ancienne, continue et systématique, ses présentations variant au contraire dans le temps, ni au demeurant d’une particulière originalité, l’usage de couleurs vives étant usuel dans les publicités pour divers produits, de même que le slogan incriminé. Elle précise en outre qu’elle-même utilise un code de communication particulier articulé autour d’un slogan associé à un sceau d’huissier rouge. S’agissant de la lettre d’information, elle ajoute que l’utilisation des expressions « méga prix » ou « méga promo » est là encore usuel dans le domaine de la publicité, outre que ces lettres n’ont été diffusées qu’à ses clients qui l’ont préalablement autorisée à leur adresser ces offres et promotions, de sorte qu’aucun détournement de la clientèle de la société Méga Dental n’est caractérisé. Elle précise également que l’emploi du slogan s’est effectué dans le cadre de publicité comparative dans laquelle le nom de la société Méga Dental était expressément cité, excluant de facto toute confusion sur l’identité de l’annonceur. S’agissant du risque de confusion, elle relève que le marché de la vente de matériel dentaire est un marché étroit dans lequel peu d’acteurs se partagent la quasi-totalité du marché et que le client d’attention moyenne concerné, et non le public d’attention moyenne, en l’espèce constitué des chirurgiens-dentistes, ne sera pas amené à les confondre, ayant un degré d’attention plus soutenu.

Elle conteste également les faits de parasitisme, estimant que son adversaire a varié dans l’usage de ses codes couleurs et slogans, ne justifiant ni d’un savoir-faire spécifique, ni d’investissements en lien avec la création de sa prétendue identité visuelle ou de son slogan revendiqué qui a été créé par d’autres et est couramment employé par d’autres grands acteurs économiques.

Elle ajoute que la société Méga Dental n’apporte nullement la preuve du préjudice prétendument subi, ne produisant aucun document probant. Elle soutient également qu’aucun effort de conception ne peut être caractérisé, que les dépenses engendrées par la société Méga Dental entre 2017 et 2018 correspondent à des investissements relatifs à une activité annexe à la vente de produits dentaires, et qu’elle refuse de communiquer tout document qui permettrait de caractériser une diminution de sa marge brute.

La société Méga Dental maintient que la société Promodentaire s’est livrée à son encontre à des actes de concurrence déloyale et parasitaire. Elle retient d’abord l’existence d’un risque de confusion au travers de la reprise d’éléments propres de sa communication et notamment ses codes couleurs, la structure de certaines présentations, la reprise de son slogan « moins cher la preuve » ainsi que du terme MEGA faisant référence à ses marques, dont elle justifie, selon elle, de l’ancienneté et de la continuité de l’usage, et participant ainsi de sa notoriété et de son identité. Elle en déduit que le risque de confusion est établi auprès du public pertinent, peu important qu’il soit constitué de professionnels de santé dans la mesure où la nature de leurs achats ne requiert pas, de manière générale, une attention particulièrement élevée de leur part.

Elle estime que ce risque est également renforcé notamment en raison de la notoriété de la marque qui est quatre à cinq fois supérieure à celle de Promodentaire et de l’ancienneté de ses publicités.

Elle estime que ses faits sont également constitutifs de parasitisme au regard des investissements consentis pour élaborer son identité visuelle et sémantique propre, investissements dont a ainsi profité sans justes motifs sa concurrente afin d’établir une confusion entre elles.

La société Méga Dental soutient être un des leaders du marché et approvisionner 50 à 60% des cabinets dentaires sur le territoire et argue qu’elle a dû augmenter ses dépenses en marketing et de communication afin de conserver son statut de société notoire et réputée, soulignant la validité de ses documents comptables versés aux débats.

La cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale létant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie intentionnellement une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d`investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Sur les faits de concurrence déloyale

La cour constate que les flyers de la société Méga Dental sur la période 2017-2018, sont composés d’un fond de couleur vive unie ou de deux couleurs, associé à son nom en haut de la publicité, d’un slogan « Forcément moins cher la preuve ! », ainsi que des produits proposés à la vente.

Contrairement à ce que soutient la société Méga Dental, elle ne justifie nullement d’une identité visuelle propre en matière de code-couleur, puisqu’au contraire, les couleurs apposées sur ses flyers publicitaires ont varié régulièrement sur la période 2017-2018, alternant le rouge, le noir, l’orange, le jaune, le bleu ou le vert. S’il est vrai que ces documents arborent tous des couleurs assez vives, cet usage est cependant largement répandu en matière publicitaire afin de capter au mieux l’attention du public.

Plus globalement, il convient de retenir que cette communication publicitaire ne présente aucune spécificité ou originalité particulière s’agissant de la combinaison usuelle de couleurs vives avec des slogans accrocheurs, laissant à penser que les prix pratiqués sont les plus compétitifs, la société Méga Dental ne démontrant pas qu’une particulière notoriété soit associée à ces prestations prétendument copiées.

De son côté, la société Promodentaire démontre que sur cette période 2017-2018, ses flyers étaient essentiellement revêtus soit d’un fond noir, soit d’un fond jaune vif (et plus exceptionnellement rouge ou bleu) systématiquement associé à un sceau rouge à la manière de celui utilisé par les huissiers de justice, portant la mention « constat huissier », très présent visuellement, associé au slogan « Moins cher…la preuve ! » ses nom commercial et dénomination sociale étant, sur la plupart, mentionnés en haut à gauche.

En outre, sur chacun de ses flyers, figure systématiquement et de manière très visible en bas une succession de quatre cercles, un rouge puis trois blancs dans lesquels sont mentionnés les prix proposés pour le produit vendu d’abord par Promodentaire (en rouge) puis par ses principaux concurrents, dont Méga Dental (en blanc), présentation qui attire également forcément l’attention, la mention des noms des autres acteurs du marché avec les prix pratiqués écartant, de facto, le risque de confusion.

Il en ressort une impression visuelle nettement distincte, même pour les deux flyers particulièrement dénoncés par la société Méga Dental, soit deux flyers qu’elle a diffusés, pour l’un sur fond jaune et noir en automne/ décembre 2017 et pour l’autre en fond noir en octobre 2017, et deux flyers de la société Promodentaire, l’un en jaune datant de novembre- décembre 2017 et l’autre en noir en février 2018 portant sur les mêmes produits, ce faible nombre excluant au demeurant le caractère « systématique » des agissements allégués.

En outre, sur les flyers incriminés qui présentent tous un fond uni noir ou jaune (et exceptionnellement rouge ou bleu), on ne retrouve pas les dégradés de couleurs utilisés par Méga Dental et moins de mentions manuscrites.

S’agissant du slogan « Forcément moins cher la preuve ! » revendiqué par la société Méga Dental, il convient de relever que sur les flyers en cause, il diffère de celui utilisé par la société Promodentaire qui est « Moins cher…la preuve ! ».

Et si la société Méga Dental a été la première à utiliser le slogan « Moins cher’la preuve » de 2009 à 2012, il n’en demeure pas moins qu’elle ne peut revendiquer un monopole quant à son usage, la société Promodentaire démontrant que certaines grandes enseignes de distribution l’utilisent depuis aussi longtemps et à l’occasion de vastes campagnes de communication et ce alors qu’il se révèle assez banal s’agissant de la volonté de chacun des acteurs d’afficher une stratégie commerciale plus agressive en se prévalant de prix moindres.

En outre, l’emploi de ce slogan s’inscrit chez Promodentaire dans le cadre d’une publicité comparative dans laquelle les noms de trois autres concurrents sont systématiquement cités.

S’agissant des lettres d’informations mensuelles adressées par les deux sociétés, telles que présentées dans les conclusions de l’intimée en page 9, la cour constate qu’elles diffèrent visuellement, la lettre de Promodentaire se présentant en format paysage avec en partie haute une bande noire dans laquelle sont inscrits son nom en lettres blanches puis la mention « Méga Offre », en partie centrale sur un fond blanc, les produits offerts à la vente ainsi que leur prix dans un encadré jaune, puis une nouvelle bande noire associée en son centre à un cartouche rectangulaire rouge portant la mention « J’en profite » suivie d’un code promo, et enfin en bas de la page une bande jaune précisant la date de validité de la promotion. Les autres lettres d’informations contestées sont constituées d’une page en format paysage, sur un fond uni foncé, portant les mêmes mentions relatives au nom de la société Promodentaire et la mention « Mega offre », puis en dessous, le produit proposé à la vente reproduit sur ce fond sombre ou dans un cartouche jaune associé à son prix dans un cartouche jaune ou rouge.

La lettre de Méga Dental se présente quant à elle en format A4 habituel, la marque et enseigne figurant en haut, suivie d’un bandeau rouge mais affiché légèrement de biais portant la mention en lettres blanches et jaunes « offre incroyable économisez 40% » ainsi que le prix du produit proposé à la vente dans un encadré jaune, au milieu le produit sur fond blanc et enfin une bande bleu foncé portant des mentions en jaune, cette bande étant légèrement de biais sur sa partie haute, à l’identique de la bande rouge.

Si, sur deux des publicités, le même produit est proposé à la vente en deux exemplaires, avec un signe « + » ou le prix mentionné dans un encadré jaune, il ne peut pour autant être invoqué un risque de confusion au regard des différences de présentation nettement marquées, risque qui ne ressort pas davantage de l’emploi du superlatif « méga » notamment dans « méga offre » ou « Méga offre Promodentaire » par Promodentaire, y compris dans l’intitulé de la newsletter, ce terme étant régulièrement utilisé dans le langage courant et notamment en matière de publicité, sans que le public concerné, soit les chirurgiens-dentistes ayant un niveau d’attention relativement soutenu notamment lorsqu’il s’agit d’acquérir du matériel professionnel, soit amené à faire un lien avec le nom de la société Méga Dental.

Ainsi, même si les deux sociétés se situent sur le même marché restreint de la vente de matériel dentaire et que Méga Dental se présente comme le leader, fournissant entre 40 à 50% des cabinets dentaires français, il n’existe pas de risque que le client soit induit en erreur quant à l’origine des produits proposés ni davantage qu’il soit amené à penser que ces offres proviennent d’entités économiquement liées.

Ce risque est d’autant moins caractérisé que la société Promodentaire démontre que ses lettres ne sont pas adressées à l’ensemble des professionnels de santé mais par mail uniquement à ses clients qui l’ont préalablement autorisée à leur adresser des offres et promotions en application des articles 6 et 7 du règlement général européen sur la protection des données personnelles, aucun détournement de la clientèle de la société Méga Dental n’étant établi.

La cour retient en conséquence que les actes de concurrence déloyale dénoncés par la société Méga Dental au regard de l’ensemble des faits dénoncés, même appréciés dans leur ensemble, ne sont pas caractérisés, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.

Sur les faits de parasitisme

La cour rappelle que le parasitisme, fondé sur l’article 1240 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion. Il requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

La notion de parasitisme doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, en l’absence de faute résultant d’une captation parasitaire, notamment d’investissements, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

La charge de la preuve incombe au cas présent à l’intimée qui doit démontrer qu’elle est à l’origine de la création d’une valeur économique individualisée, dont sa concurrente aurait cherché à profiter indument.

La société Méga Dental indique avoir engagé des dépenses en frais de marketing et de communication de l’ordre de 2,5 millions d’euros en 2017.

Cependant, la cour constate d’abord que ces données ne sont pas certifiées par un professionnel du chiffre. Par ailleurs, elle ne démontre nullement que ces dépenses sont relatives spécifiquement à la conception des flyers et lettres d’informations qu’elle met en avant dans la présente instance plutôt qu’à sa communication en général, le budget avancé reprenant les frais de personnels marketing, le coût de la participation à des salons, à des séminaires de ventes, aux frais de routage des supports publicitaires, outre les frais d’impression, un budget de 218.493€ étant annoncé au titre des « publicités et annonces diverses » pour 2017.

Il doit par ailleurs être relevé que les slogans revendiqués et notamment « Moins cher…la preuve ! » sont anciens et qu’ils ont été employés par de nombreux autres acteurs économiques pour promouvoir leurs produits, conduisant à une banalisation certaine.

En outre, comme il a été vu, les flyers et lettres de communication invoqués, ne témoignent pas clairement d’une « identité visuelle et sémantique propre » s’agissant de l’emploi de couleurs vives associé à un slogan accrocheur et à la mise en avant de la marque et des prix moindres pratiqués, à l’instar de nombreuses publicités.

La cour considère en conséquence que la société Méga Dental ne démontre nullement que les supports commerciaux qu’elle diffuse, même associés à un slogan, constitue une valeur économique individualisée, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel ou d’investissements spécifiques

En outre, comme il a été vu, il n’est nullement démontré l’existence d’une copie et d’une captation parasitaires par la société Promodentaire, au regard des différences relevées ci-dessus, nonobstant sa concurrence directe sur le même marché de vente de matériel médical aux professionnels chirurgiens-dentistes.

L’ensemble de ces éléments, même appréciés globalement, ne permet pas de caractériser l’existence d’actes de concurrence parasitaire commis par la société Promodentaire au détriment de la société Méga Dental qui doit, en conséquence, être déboutée des demandes formulées sur ce point, le jugement déféré étant infirmé de ce chef et en ce qu’il a accordé des dommages et intérêts à la société Méga Dentale.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Promodentaire

Sur les publicités comparatives illicites

La société Promodentaire estime être bien fondée à solliciter la condamnation, à titre reconventionnel, de la société Méga Dental pour publicités comparatives illicites. Elle estime d’abord que certaines des publicités de son adversaire étaient bien, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, des publicités comparatives car portant sur un type de bien déterminé, offert par un ou plusieurs concurrents facilement identifiables en raison de l’étroitesse du marché et de la spécificité des produits en cause.

Elle retient ensuite que ces publicités en raison du caractère invérifiable pour les consommateurs des mentions portées, des différences entre les produits et de l’absence de précision quant aux modalités des comparaisons opérées, outre la présence de mentions erronées, sont illicites.

La société Méga dental estime quant à elle que les documents commerciaux en cause ne constituent pas des publicités comparatives, en l’absence d’identification directe ou indirecte des concurrents en cause, outre que la société Promodentaire est, selon elle, un acteur minoritaire sur le marché et ne peut être considérée comme visée dans ces publicités.

Elle ajoute qu’ils ne constituent pas davantage des publicités illicites, en l’absence de toute erreur induite pour les clients par le slogan « vous savez que nous sommes moins chers »

En vertu de l’article L.122-1 du code de la consommation, « Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si :
1° Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif;
3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie. »

Aux termes de l’article 4 de la directive communautaire n2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 :

Pour ce qui concerne la comparaison, la publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont remplies :

a. elle n’est pas trompeuse au sens de l’article 2, [sous] b, de l’article 3 et de l’article 8, paragraphe 1, de la présente directive ou des articles 6 et 7 de la directive 2005/29 […];

b. elle compare des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif;

c. elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services, y compris éventuellement le prix ;

d. elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d’un concurrent ;

e. pour les produits ayant une appellation d’origine, elle porte dans chaque cas sur des produits ayant la même appellation ;

f. elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de produits concurrents ;

g. elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégés ;

h. elle n’est pas source de confusion parmi les professionnels, entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et ceux d’un concurrent.

En outre, la publicité comparative nest trompeuse, et donc illicite, au sens de l’article L. 122-1 précité, interprété à la lumière de l’article 4, point a) de la directive 2006/114/CE, nonobstant le fait qu’elle soit objectivement inexacte, que si elle est susceptible d’avoir une incidence sur le comportement économique des personnes auxquelles elle s’adresse. (Cass. Com, 22 mars 2023 21-22.92.

Sur ce, la cour constate que sur les documents publicitaires notamment d’octobre 2018 et de juin 2019 incriminés par la société Promodentaire, où il est fait état de produits en promotion, celle-ci n’est nullement mentionnée, la société Méga Dental ne faisant référence à aucun concurrent. Elle n’est pas davantage aisément identifiable alors que le marché est réparti entre plusieurs sociétés, la société Promodentaire n’occupant qu’une part limitée du marché, selon les études produites.

En outre, dans ces publicités, la société Méga Dental ne prétend nullement être la moins chère du marché, se contentant de mentionner le slogan « Forcément moins cher la preuve » ou «vous savez que nous sommes moins chers », sans procéder à une étude comparative avec ses concurrents et les caractéristiques de leurs produits.

Ainsi, la seule mention associée figurant en petits caractère d’imprimerie « Etude réalisée sur les principaux distributeurs sur les flyers postaux du mois précédent » est insuffisante pour caractériser l’existence d’une publicité comparative illicite.

La cour retient en conséquence, comme le tribunal, que les formules utilisées sont génériques et typiques de ce genre de publicité, la société Promodentaire ne démontrant au demeurant nullement que ces publicités auraient été susceptibles d’avoir une incidence sur le comportement économique des personnes auxquelles elles s’adressent, soit comme il a déjà été dit, les professionnels dans le domaine dentaire.

Sur les pratiques commerciales trompeuses

La société Promodentaire soutient que la société Méga Dental en faisant un double usage du slogan « vous savez que nous sommes moins chers » d’une part sur son site internet en dehors de toute publicité comparative et, d’autre part, dans le cadre de publicités comparatives, basées sur une «étude réalisée sur les principaux distributeurs. Offres et catalogues des mois précédents», s’est livrée à une pratique commerciale trompeuse, faute de justifier de la supériorité tarifaire qu’elle invoque et des produits concernés, grief qu’a omis d’examiner le tribunal.

La société Méga dental soutient que le slogan : « Vous savez que nous sommes moins chers», ne signifie pas que chaque produit pris isolément est moins cher que ceux proposés par les concurrents, ni qu’elle s’est présentée comme la société la moins chère du secteur et alors que la société Promodentaire utilise le même mode de communication.

L’article 6 intitulé Actions trompeuses » de la directive 2005/292005/29/CE du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises visàvis des consommateurs dispose :

1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ciaprès et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement: (…)

d) le prix ou le mode de calcul du prix, ou l’existence d’un avantage spécifique quant au prix; (…) .

Selon l’article 7 de la directive 2005/29 :

1. Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

2. Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse lorsqu’un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu’il n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celleci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l’un ou l’autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d’être amené à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

2. Lorsque le moyen de communication utilisé aux fins de la pratique commerciale impose des limites d’espace ou de temps, il convient, en vue de déterminer si des informations ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre les informations à la disposition du consommateur par d’autres moyens.

(…) .

La cour considère que le fait pour la société Méga Dental de prétendre sur son site internet ou dans des publicités, «vous savez que nous sommes moins chers », ne peut constituer une pratique commerciale trompeuse eu égard à la généralité des termes employés et, ce, alors qu’il a été déjà été retenu qu’aucune publicité comparative illicite n’était caractérisée à son égard, la société Méga Dental ne se présentant ainsi nullement comme la société la moins chère sur le marché, ni ne garantissant les prix les plus bas sur l’intégralité des produits en vente.

La société Promodentaire doit par conséquent être déboutée de ses demandes formulées de ces chefs et le jugement déféré confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes reconventionnelles.

Sur les autres demandes

La société Méga Dental, succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés en première instance et en appel, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société Méga Dental à verser à la société Promodentaire, une somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit la société Promodentaire mal fondée en ses demandes reconventionnelles et l’en a déboutée ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société Méga Dental de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire,

Condamne la société Méga Dental aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société Méga Dental à verser à la société Promodentaire une somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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