9 octobre 2001
Cour de cassation
Pourvoi n°
01-82.430
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf octobre deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BERAUDO, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DAVENAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– Y… Antoine,
– A…, épouse Y…,
– Y… Corinne, épouse Z…, parties civiles,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, en date du 15 février 2001, qui, dans l’information suivie, sur leur plainte, contre personne non dénommée du chef d’homicide involontaire et de non-assistance à personne en danger, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 223-6, alinéa 2, du Code pénal, 575, alinéa 2, 6, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre contre Philippe X… du chef d’omission de porter secours ;
» aux motifs qu’il est constant que l’état de la mer, la force du vent et la température de l’eau, environ 13, rendaient particulièrement périlleux le sauvetage du malheureux équipier tombé à la mer ; que, dans ces conditions, il ne peut être reproché à Philippe X… de ne pas avoir plongé pour venir au secours de son équipier et ce d’autant plus qu’il n’avait aucun dispositif propre à assurer sa flottabilité, qu’il ne pouvait être relié au bateau par un cordage assez long, la réserve de flottabilité de sa propre veste de quart ne pouvant que se révéler insuffisante dans de telles circonstances ;
» 1) alors que les chambres de l’instruction doivent répondre aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elles ; que, dans leur mémoire, les parties civiles faisaient valoir : » 1- que les éléments constitutifs du délit d’omission de porter secours doivent être appréciés différemment selon que le débiteur de l’obligation de porter secours est ou non un professionnel et qu’en l’espèce, pour apprécier le manquement de Philippe X… à ses obligations, il y avait lieu de tenir compte de sa qualité de pompier professionnel dont le métier est de sauver la vie d’autrui en mer ;
» 2- que le risque, au sens de l’article 223-6, alinéa 2, du Code pénal devait s’apprécier en fonction des aptitudes professionnelles de Philippe X… et de ses interventions antérieures ; que celui-ci avait suivi un stage de chef de bord de secours côtiers et avait précédemment porté secours dans des conditions tout aussi périlleuses ;
» 3- que le danger auquel était confronté Philippe X… devait être apprécié au moment précis où Pascal Y… était tombé à l’eau et que si Philippe X… s’était jeté à l’eau immédiatement, il n’aurait pas nécessairement couru grand risque compte tenu de ses compétences puisque le bateau aurait fait demi tour ;
» et qu’en n’examinant pas, fut-ce pour les rejeter, ces arguments péremptoires, la chambre de l’instruction a privé sa décision de base légale » ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 223-6, alinéa 2, du Code pénal, 575, alinéa 2, 6, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre contre Philippe X… du chef d’omission de porter secours ;
» aux motifs qu’il ne peut être reproché à Philippe X… un retard apporté dans l’appel lancé aux Crossmed ; qu’il convient de rappeler qu’il est impératif lors d’un tel accident que l’un des équipiers tente de ne pas perdre de vue l’homme tombé à l’eau pendant que le skipper effectue les manoeuvres pour affaler les voiles ; qu’il est établi que Philippe X… a appelé, par le moyen de la radio de bord, le Crossmed et que rien ne permet de considérer que cet appel ait été tardif ;
» alors que ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale l’arrêt de la chambre de l’instruction dont les motifs ne permettent pas à la Cour de Cassation de vérifier s’il a ou non été répondu aux arguments péremptoires développés dans le mémoire de la partie civile ; que dans leur mémoire régulièrement déposé, les parties civiles faisaient valoir que la réglementation maritime impose de prévenir les secours dès qu’un homme est tombé à la mer ; que cette obligation s’imposait particulièrement au professionnel qu’était Philippe X… et qu’il résultait de ses propres déclarations (cote D 18, page 4) que celui-ci avait attendu de perdre de vue l’homme tombé à la mer pour avertir le Crossmed et qu’en l’état de cette argumentation, la chambre de l’instruction ne pouvait, comme elle l’a fait, sans s’expliquer spécialement sur le laps de temps qui s’était écoulé entre le moment où Pascal Y… était tombé par-dessus bord et le moment où Philippe X… avait averti par radio le Crossmed, se borner à faire état de ce que rien ne permet de considérer que cet appel ait été tardif, un tel motif ne permettant pas à la Cour de Cassation d’exercer le contrôle qui est le sien » ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal, 575, alinéa 2, 6, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre contre Philippe X… du chef d’homicide involontaire ;
» au motif que l’absence de matériel de sécurité réglementaire à bord, la décision même de prendre la mer, ressortent de la seule responsabilité du chef de bord et ne peuvent être imputés à un équipier, fut-il expérimenté ;
» alors que, dans leur mémoire régulièrement déposé, les parties civiles invitaient la chambre de l’instruction à rechercher si Philippe X… n’avait pas, en sa qualité de pompier professionnel, commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer en omettant, en violation des règlements, de s’assurer de la présence du matériel de sécurité réglementaire à bord et que la chambre de l’instruction qui s’est bornée à affirmer que l’absence de matériel de sécurité réglementaire à bord ressort de la seule responsabilité du chef de bord et ne peut être imputée à un équipier, fut-il expérimenté, sans s’expliquer sur les obligations spécifiques résultant pour Philippe X… de sa qualité de professionnel de sauvetage, a privé sa décision de base légale » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l’instruction, après avoir analysé l’ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;
Que les demandeurs se bornent à critiquer ces motifs, sans justifier d’aucun des griefs que l’article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l’appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l’instruction en l’absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable et qu’il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs ;
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Béraudo conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;