6 octobre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/05707
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 06 OCTOBRE 2022
N° 2022/344
N° RG 21/05707
N° Portalis DBVB-V-B7F-BHJGJ
Commune COMMUNE DE [Localité 11]
C/
[E] [G]
Association SOCIETE NAUTIQUE DE [Localité 11]
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
Etablissement CAMIEG UES ET GAZIERES
S.A. MMA IARD
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-SELARL BREU ET ASSOCIES
-Me Joseph CZUB
-SELARL CRUDO REMY
-SCP FRANCOIS DUFLOT COURT-MENIGOZ
-SELASU CECCALDI STÉPHANE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’Aix-en-Provence en date du 01 Avril 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/03496.
APPELANTE
COMMUNE DE [Localité 11],
demeurant [Adresse 8]
représentée par Me Clémence AUBRUN de la SELARL BREU ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et par Me Céline CONTREPOIDS-BERTIN de la SELARL BERTIN & BERTIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU.
INTIMES
Monsieur [E] [G]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 4]
représenté et assisté par Me Joseph CZUB, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et plaidant.
Association SOCIETE NAUTIQUE DE [Localité 11],
demeurant [Adresse 10]
représentée par Me Rémy CRUDO de la SELARL CRUDO REMY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE.
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,
demeurant [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Ingrid SALOMONE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et plaidant.
Etablissement CAMIEG UES ET GAZIERES LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERES ORGANISME PRIVE CHARGE DE LA GESTION DU SERVICE PUBLIC DES PRESTATIONS DE L’ASSURANCE MALADIE,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE.
S.A. MMA IARD,
demeurant [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Ingrid SALOMONE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et plaidant.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 28 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2022,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et de la procédure
L’association société nautique de [Localité 11], créée en 1919, organise chaque année des régates.
En 1987 elle a conclu avec le port autonome de [Localité 9] une convention d’occupation temporaire du domaine public (en l’espèce le port de [7] à [Localité 11]), renouvelée par tacite reconduction chaque année.
Dans le cadre de l’organisation des régates, des pavillons de signalisation sont accrochés sur des poteaux.
Le 18 octobre 2009 dans le cadre d’une régate organisée par l’association, M. [E] [G], bénévole, qui hissait une barre transversale entre deux poteaux pour accrocher des pavillons de départ, a été blessé par la chute d’un poteau.
Une information judiciaire a été ouverte et un expert en mécanique a été désigné par le juge d’instruction afin d’examiner le poteau litigieux et de déterminer l’origine de l’accident.
Après dépôt du rapport d’expertise, l’information judiciaire a été clôturée par un non lieu.
Parallèlement, M. [G] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d’Aix en Provence aux fins d’expertise médicale. Par ordonnance du 8 juin 2010, le docteur [K] a été désignée.
Le rapport d’expertise a été déposé le 5 septembre 2012.
En 2016, M. [G] a saisi le tribunal administratif de Marseille afin que la commune de [Localité 11] soit condamnée à l’indemniser.
Par jugement du 6 février 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande au motif qu’elle était portée devant une juridiction incompétente pour en connaitre.
Par actes des 7, 12 et 17 juin 2019, M. [G] a fait assigner la commune de [Localité 11], l’association société nautique de [Localité 11] ainsi que son assureur, la société MMA incendie, accidents et risques divers assurances mutuelles (société MMA) venant aux droits de la société assurances Mader, devant le tribunal de grande instance d’Aix en Provence, afin d’obtenir, au contradictoire de la caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG), l’indemnisation de son préjudice corporel.
La société MMA incendie, accidents et risques divers (société MMA IARD) est intervenue volontairement aux débats.
L’association société nautique de [Localité 11] a soulevé l’incompétence du tribunal.
Par jugement du 1er avril 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire d’Aix en Provence a :
– déclaré l’exception d’incompétence irrecevable ;
– déclaré l’association société nautique de [Localité 11] et la commune de [Localité 11] responsables in solidum des préjudices subis par M. [G] le 18 octobre 2009 ;
– évalué les préjudices de M. [G] à 76 433,80 € ;
– condamné in solidum la société nautique de [Localité 11] et la commune de [Localité 11] à payer à M. [G] la somme de 76 433, 80 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [G] de sa demande au titre d’un préjudice moral ;
– condamné in solidum la société nautique de [Localité 11] et la commune de [Localité 11] aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me [M] ;
– dit que dans les rapports entre co-obligés les condamnations seront réparties à raison de 20 % pour la société nautique de [Localité 11] solidairement avec les société MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD et 80 % pour la commune de [Localité 11].
Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :
– déficit fonctionnel temporaire : 5 413,80 €
– souffrances endurées : 10 000 €
– préjudice esthétique : 1 500 €
– déficit fonctionnel permanent : 47 520 €
– préjudice d’agrément : 12 000 €.
Pour statuer ainsi, il a notamment considéré que :
Sur les responsabilités,
‘ le dommage trouve son origine dans la chute du poteau ;
‘ la commune est propriétaire de ce poteau litigieux puisqu’elle l’a installé ;
‘ l’installation a été réalisée sans respecter les préconisations du fabricant et la commune n’a jamais entretenu l’installation mais de son côté, l’association avait l’usage exclusif du poteau et elle était en mesure de constater la corrosion à l’origine de l’accident et ne s’en est pas préoccupée ni ne l’a signalée ;
Sur les rapports entre co-obligés, la commune a fait installer ce poteau sans respecter les préconisations du fabricant et en se désintéressant ensuite de son entretien ; en sa qualité de gardien du poteau, elle doit assumer 80 % des dommages-intérêts, tandis que l’association société nautique de [Localité 11], en ne cherchant pas à se renseigner sur les conditions d’entretien de celui-ci alors que l’usure était évidente, est responsable à hauteur de 20 % des dommages.
Par acte du 16 avril 2021, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, la commune de [Localité 11] a relevé appel de cette décision en visant expressément chacun des chefs de son dispositif à l’exception de celui déclarant irrecevable l’exception d’incompétence.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 14 juin 2022.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 10 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, notamment quant aux préjudices, la commune de [Localité 11] demande à la cour de :
‘ infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré l’exception d’incompétence irrecevable ;
‘ dire et juger M. [G] et l’association société nautique de [Localité 11] mal fondés en leurs demandes et les en débouter ;
‘ condamner l’association société nautique de [Localité 11] et son assureur à la garantir de toute condamnation qui serait mise à sa charge ;
‘ rejeter les appels incidents de M. [G], de l’association l’association société nautique de [Localité 11] et des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD ;
‘ rejeter l’appel en garantie dirigé elle par l’association société nautique de [Localité 11] et son assureur ;
A titre infiniment subsidiaire,
‘ condamner M. [G] ou toute autre partie succombante au paiement d’une indemnité de 10 000 € au titre des frais irrépétibles.
Dans le cadre de son subsidiaire, elle chiffre le préjudice comme suit :
– déficit fonctionnel temporaire : 2 500 €
– souffrances endurées : 4 000 €
– préjudice esthétique : 500 €
– préjudice d’agrément : 2 500 €.
S’agissant du déficit fonctionnel permanent, elle estime qu’il ne saurait être indemnisé sur la base d’un point d’un valeur de 1 600 €.
Au soutien de son appel, elle fait valoir que :
– les poteaux sont situés sur la parcelle A[Cadastre 5] qui appartient à l’État sous la tutelle du ministère de l’équipement et des transports ;
– la responsabilité du dommage causé par une chose est liée à l’usage qui est fait de celle-ci ainsi qu’aux pouvoirs de surveillance et de contrôle exercés sur elle ; si elle a fait installer le poteau litigieux à la demande et pour le compte de l’association société nautique de [Localité 11] à titre gracieux, étant observé qu’il était exclusivement utilisé par celle-ci pour hisser des pavillons dans le cadre de l’organisation de manifestations nautiques, de sorte que la garde lui en a été transférée ;
– l’association n’a jamais signalé de problème aux services de la ville concernant ces équipements qu’elle était seule à utiliser, ni fait remarquer que ceux-ci pouvaient présenter un risque quelconque alors qu’elle était seule à même d’apprécier les travaux d’entretien nécessaires à la conservation de la chose, étant précisé que la présence de sable et de terre recouvrant la base du poteau, de même que l’absence de porte de la trappe de visite ne sont pas la conséquence d’un vice de construction mais bien d’un défaut d’entretien par l’association ;
– elle supportait une obligation d’entretien des bâtiments et équipements, au besoin en faisant appel des intervenants compétents pour procéder à ces tâches pour lesquelles elle n’aurait pas eu de compétence interne ;
– subsidiairement, si sa responsabilité devait être retenue, l’association devra la garantir des condamnations prononcées à son encontre puisqu’en plus de ne pas avoir rempli son obligation d’entretien des poteaux dont elle avait la garde, elle s’est abstenue de signaler la présence de corrosion sur ceux-ci alors qu’en sa qualité d’utilisateur exclusif des poteaux, elle était la mieux à même d’identifier les défauts affectant ces installations, ceux-ci étant visibles par tous.
Dans ses dernières conclusions d’intimée et d’appel incident, régulièrement notifiées le 1er juillet 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, notamment quant aux préjudices, l’association société nautique de [Localité 11] demande à la cour de :
A titre principal,
‘ réformer le jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité ;
A titre subsidiaire,
‘ confirmer le jugement en ce qu’il a retenu à sa charge une part de responsabilité de 20 % dans les dommages subis par M. [G]
‘ évaluer le préjudice corporel de M. [G] à 50 946 € ;
‘ condamner tout succombant à lui payer une somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamner tout succombant aux dépens.
Elle propose de chiffrer le préjudice de la façon suivante :
– déficit fonctionnel temporaire : 2 646 €
– souffrances endurées : 4 000 €
– préjudice esthétique : 500 €
– déficit fonctionnel permanent : 43 200 €
– préjudice d’agrément : rejet
– préjudice moral rejet.
Elle fait valoir que :
– l’action est fondée sur l’article 1242 du code civil et le propriétaire du poteau à l’origine du dommage est la commune de [Localité 11] qui, en sa qualité de propriétaire, en est également le gardien ;
– aucune convention, ni écrit ne lui a transféré la garde de ce poteau qui, en réalité, est un lampadaire public situé en bordure du terrain, de sorte qu’elle n’avait pas à l’entretenir, étant observé que la commune ne lui a pas interdit, pour les besoins de la manifestation sportive, de les utiliser pour signaliser la régate ; il s’agit d’une mise à disposition temporaire qui ne lui en a pas transféré la garde et il n’était pas de la compétence de bénévoles d’analyser les boursouflures, non visibles car enfouies dans le sable, comme des signes de corrosion susceptibles de mettre en danger la sécurité des personnes.
Dans leurs dernières conclusions d’intimées et d’appel incident, régulièrement notifiées le 30 août 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, notamment quant aux préjudices, les sociétés MMA demandent à la cour de :
‘ réformer le jugement en ce qu’il a déclaré l’association société nautique de [Localité 11] et la commune de [Localité 11] responsables in solidum de l’accident sur le fondement de l’ancien article 1384 alinéa 1 du code civil, dit que l’association société nautique de [Localité 11] est responsable à hauteur de 20% des conséquences dommageables et la commune à hauteur de 80% de celles-ci, évalué le préjudice de M. [G] à 76 433,80 €, condamné in solidum l’association société nautique de [Localité 11] et la commune de [Localité 11] à payer à la victime la somme de 76 433,80 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice avec intérêts à compter du jugement, outre la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens et dit que la répartition des condamnations y compris les dépens sera opérée entre l’association et la commune à raison de 20 % pour la première et 80 % pour la seconde, tenue solidairement avec son assureur ;
Statuant à nouveau,
‘ débouter la commune de [Localité 11] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
‘ dire que la commune est seule responsable de l’accident sur le fondement de l’ancien article 1384 alinéa 1 du code civil ;
‘ la condamner seule à réparer le préjudice subi par M. [G] et à supporter la charge de la condamnation prononcée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens de première instance et d’appel ;
Subsidiairement
‘ confirmer le jugement en ce qu’il a retenu les responsabilités de l’association et de la commune, réparties entre elles à raison de 20 % pour l’association et 80 % pour la commune ;
‘ y ajoutant, condamner la commune de [Localité 11] à les relever et garantir de toutes les condamnations prononcées contre elles et débouter la commune de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires ;
‘ réformer le jugement en ce qu’il a évalué le préjudice de M. [G] à 76 433,80 € et les a condamnées in solidum avec l’association et la commune à payer cette somme à M. [G] ;
‘ évaluer le préjudice à 52 946 € ;
‘ condamner la commune de [Localité 11] à les relever et garantir, de même que l’association société nautique de [Localité 11], de toutes les condamnations prononcées contre elles ;
‘ débouter la commune de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires ;
‘ condamner la commune de [Localité 11] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel.
Elles ventilent ainsi l’offre qu’elles formulent à titre subsidiaire sur les préjudices :
– déficit fonctionnel temporaire : 3 246 €
– souffrances endurées : 4 000 €
– préjudice esthétique : 500 €
– déficit fonctionnel permanent : 43 200 €
– préjudice d’agrément : 2 000 €.
Elles font valoir que :
– le poteau litigieux a été installé en dehors du périmètre de la convention d’occupation du domaine public par la commune, plus précisément en bordure d’une voie de circulation et à proximité d’un sentier de promenade et la commune demeure taisante sur les autorisations qu’elles aurait obtenues pour installer ces équipements sur un terrain dont elle ne serait pas propriétaire ;
– s’agissant de mobilier urbain, la commune en avait la garde et ne démontre pas avoir transféré celle-ci à son assurée ;
– la mise à disposition ponctuelle entre le mois de mai et le mois de septembre chaque année à son profit n’a pas entrainé de transfert de la garde ;
– la commune qui a acheté les trois poteaux et les a installés sans respecter les consignes du fabricant, ne les a pas ensuite entretenus et n’en a jamais limité l’usage en avertissant son assurée qu’ils ne pouvaient servir de mât pour l’accroche des drapeaux de signalisation ;
– la corrosion à l’origine de l’accident est le résultat d’un défaut dans l’entretien des poteaux qui était à la charge de la commune en sa qualité de gardien, étant relevé que, n’étant pas technicienne, l’association n’a pu mesurer l’ampleur de la corrosion.
Dans ses dernières conclusions d’intimé et d’appel incident, régulièrement notifiées le 23 septembre 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, notamment quant aux préjudices, M. [G] demande à la cour de :
‘ dire et juger irrecevables et mal fondés l’appel principal et les appels incidents ;
‘ débouter la commune de [Localité 11], l’association société nautique de [Localité 11] et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA incendie, accidents et risques divers de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
‘ le recevoir en son appel incident ;
‘ confirmer le jugement de première instance sur la responsabilité in solidum de l’association société nautique de [Localité 11] et de la commune de [Localité 11], ainsi que sur le partage de responsabilités ;
‘ condamner in solidum la commune et l’association in solidum avec les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à réparer intégralement ses préjudices et à lui payer la somme de 92 280,80 € en réparation de ses préjudices avec intérêts et capitalisation de ceux-ci à compter du 21 mars 2013 ;
‘ condamner la commune de [Localité 11] à lui payer 8 000 € de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Subsidiairement, si la cour ne retenait pas la responsabilité de l’association,
‘ condamner la commune en qualité de gardien du poteau ou subsidiairement sur le fondement de l’article 1241 du code civil, à raison de ses négligences, à réparer intégralement ses préjudices et à lui payer la somme de 92 280,80 € en réparation de ses préjudices avec intérêts et capitalisation de ceux-ci à compter du 21 mars 2013 ;
En tout état de cause,
‘ condamner in solidum la commune de [Localité 11] et l’association société nautique de [Localité 11] et son assureur à lui verser la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel, comprenant les frais d’expertise judiciaire, distraits au profit de son Conseil.
Il détaille ainsi son préjudice :
– déficit fonctionnel temporaire : 6 413,80 €
– souffrances endurées 3/7 : 10 000 €
– préjudice esthétique 1/7 : 2 200 €
– déficit fonctionnel permanent 27 % : 48 600 €
– préjudice d’agrément : 15 000 €
– préjudice moral : 10 000 €.
Il fait valoir que :
– le poteau litigieux a cédé alors qu’il hissait une barre horizontale par l’intermédiaire de 2 poteaux métalliques afin de monter des pavillons au moyen de drisses et les dommages trouvent leur origine dans le comportement de la chose ;
– la commune et l’association sont toutes deux responsables de la chute de ce poteau sur le fondement de l’article 1384 du code civil puisque la première en était propriétaire, l’a installé au mépris des règles de l’art et sans l’entretenir et que la seconde en avait l’usage exclusif et qu’elle a fait preuve de légèreté en utilisant ces poteaux sans jamais se préoccuper de leur état ni signaler leur état d’usure auprès de la commune, seule à même de réaliser les réparations nécessaires, alors qu’aux termes de la convention qui la lie au port autonome de [Localité 9] elle doit entretenir les équipements de l’espace qui lui est concédé ;
– subsidiairement, la responsabilité peut être recherchée sur le fondement, soit de l’article 1240 soit de l’article 1241 du code civil au regard des fautes commises et des négligences qui lui sont imputables puisque la commune est responsable des conditions d’implantation du poteau et de l’absence d’entretien et l’association d’un manque de vigilance puisqu’elle utilise très fréquemment ces poteaux dont la corrosion était visible par tous ;
– il subit un préjudice d’agrément puisqu’il a été contraint de cesser ses activités de skipper et celles au sein de la SNSM en qualité de sauveteur en mer, de peur de sortir seul et de tomber et qu’il ne peut plus faire de plongée depuis l’accident ni être membre d’équipage.
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 14 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la CAMIEG demande à la cour de :
‘ lui donner acte qu’elle s’en rapporte à la sagesse de la cour sur la responsabilité de la commune de [Localité 11] dans la survenance des dommages ;
‘ juger qu’elle justifie avoir pris en charge au titre de la législation sur l’assurance maladie la somme de 45 116,33 € ;
‘ dans l’hypothèse où la cour confirmerait le jugement, condamner solidairement la commune de [Localité 11], l’association société nautique de [Localité 11] et leurs assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à lui payer la totalité des sommes dont elle a fait l’avance en relation avec le dommage, conformément aux dispositions de l’article L 376-1 susvisé, soit la somme de 45 116,33 € sous intérêts au taux légal et la somme de 1 114 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale
‘ condamner la commune de [Localité 11], l’association société nautique de [Localité 11] et leurs assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux entiers dépens de l’instance ;
‘ les condamner solidairement à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle précise que ses débours correspondent à des prestations en nature (frais hospitaliers, frais médicaux et frais pharmaceutiques).
*****
L’arrêt sera contradictoire conformément aux dispositions de l’article 467 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur les responsabilités
En application de l’article 1384 alinéa 1 du code civil, devenu l’article 1242 al 1er du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.
Ce texte institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute, qui pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage, sauf à prouver qu’il n’a fait que subir l’action d’une cause étrangère, le fait d’un tiers imprévisible et irrésistible ou la faute de la victime.
Le principe de responsabilité du fait des choses trouvant son fondement dans la notion de garde, il appartient à la victime du dommage de démontrer que la personne à laquelle elle demande réparation de son dommage est le gardien de la chose à l’origine du dommage au sens de l’article 1384 devenu 1242 du code civil.
En l’espèce, il n’est pas contesté que M. [G] a été blessé par la chute d’un poteau, chose mobile, alors qu’il tentait d’installer une barre transversale entre celui-ci et un autre poteau.
Dans le cadre de l’information judiciaire, le juge d’instruction a désigné un expert en mécanique qui, dans son rapport d’expertise, conclut que le dommage trouve sa cause dans une corrosion importante du poteau en raison de l’endroit d’implantation (en bordure de mer), de la durée de son exposition ainsi que d’un défaut d’entretien et de surveillance en raison de la présence de terre à l’intérieur du poteau.
Il convient donc de déterminer qui est le gardien du poteau qui a blessé M. [G].
Le tribunal administratif de Marseille dans son jugement du 6 février 2017 a estimé que la commune de [Localité 11] était propriétaire de l’ouvrage litigieux, même si ce dernier n’était pas implanté sur son domaine public et n’était pas affecté à une activité de service public que la commune aurait confiée à l’association société nautique de [Localité 11]. Le juge relève dans sa décision que la commune s’est contentée de mettre l’ouvrage gracieusement à la disposition de l’association.
Il a ainsi considéré qu’il ne s’agissait pas d’un dommage de travaux publics et qu’il appartenait en conséquence au juge judiciaire de connaître du litige contre la commune de [Localité 11] en sa qualité de propriétaire de l’ouvrage litigieux.
Ce jugement est définitif.
Au delà des termes de ce jugement, il convient de relever que le poteau a été commandé, payé et installé par les employés des services de la commune.
Celle-ci soutient qu’il a été implanté sur le domaine public maritime, mais elle ne le démontre par aucune pièce probante, étant relevé que le port autonome de [Localité 9] n’a été appelé en cause ni dans le cadre de la procédure suivie devant le juge administratif ni devant le juge judiciaire dans le cadre de la présente procédure.
Le financement et l’installation de ce poteau par la commune de [Localité 11] consacrent une présomption de sa qualité de propriétaire de l’ouvrage. Sa mise à disposition de l’association société nautique de [Localité 11] n’est pas suffisante pour valoir transfert de propriété.
Quant au fait qu’il n’est pas implanté sur le domaine public de la commune et qu’il n’est pas affecté à une activité de service public, ces circonstances sont indifférentes selon le juge administratif pour remettre en cause sa qualité de propriétaire de l’ouvrage.
La qualité de propriétaire du poteau de la commune de [Localité 11] ne peut donc être remise en cause.
Le propriétaire de la chose est présumé en être le gardien.
Cette présomption peut être combattue, si le propriétaire prouve l’existence d’un transfert de la garde antérieur au dommage.
En l’espèce, cependant, il n’existe aucun document écrit entre la commune et l’association au sujet de ces poteaux. La convention conclue entre le grand port autonome et l’association société nautique de [Localité 11] met à la charge de cette dernière l’entretenir des ‘installations’ de la plage, mais le poteau litigieux n’est pas installé sur la plage elle même.
Il ne résulte d’aucun écrit que la garde du poteau litigieux, propriété de la commune, a été expressément transférée à l’association société nautique de [Localité 11]. Les procès verbaux d’audition du président de l’association société nautique de [Localité 11], du directeur des services techniques de la commune de [Localité 11] et du directeur général adjoint des services de la mairie de [Localité 11] font ressortir que les poteaux ont été installés par les services de la mairie à la demande de l’association société nautique de [Localité 11] pour son usage.
Dans son jugement, le tribunal administratif relève que l’équipement n’a d’autre fonction que le signalement des départs des manifestations nautiques organisées par l’association et que celle-ci ne démontre par aucune pièce que d’autres associations l’utiliseraient également. Dans le cadre de la présente procédure, l’association ne produit pas davantage de pièce démontrant que d’autres associations en auraient un usage, quel qu’il soit.
Il en résulte que l’association avait l’usage de ces poteaux dans le cadre de ses activités. Certes, la commune ne conteste pas qu’il s’agit d’un support habituellement utilisé pour l’éclairage public mais il n’est pas démontré que tel était le cas en l’espèce. Sur ce point, le tribunal administratif a d’ailleurs considéré que ces poteaux, compte tenu de leur configuration et de leur utilisation, ne peuvent être regardés comme affectés à l’usage du public et comme présentant une utilité pour les usagers du sentier public ouvert à la circulation.
Pour autant, le fait que l’usage lui en ait été concédé ne suffit pas pour consacrer un transfert de garde, celle-ci impliquant le transfert des pouvoirs de direction et de contrôle sur la chose.
Par ailleurs, il est de principe que la garde, au sens de l’article 1242 du code civil, présente un caractère alternatif et non cumulatif, de sorte qu’il ne peut y avoir de garde commune entre un propriétaire et un locataire ou un usager de la chose dès lors que les pouvoirs concurrents ne sont pas détenus au même titre.
Dès qu’il est possible de discerner la personne qui est à l’origine des initiatives sur la chose, la garde en commun ne peut être retenue.
A l’inverse, s’il est démontré que propriétaire et usager exercent des pouvoirs concurrents sur la chose, leur responsabilité peut être engagée in solidum au titre du dommage causé par la chose.
En l’espèce, l’expert désigné afin de rechercher la cause de la chute du poteau a conclu, aux termes de ses investigations, que les poteaux devaient être entretenus au titre de la protection anticorrosion des supports puisque leur base se trouvait dans du sable apporté par le vent et que si la plaque d’appui à la base du mat est recouverte notamment par du sable, les matériaux utilisés doivent être isolants, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, la plaque d’appui ayant été posée sur le béton en dessous du niveau du sol. Selon lui, la corrosion sur le poteau, située entre la trappe de visite et la base, était visible à l’oeil nu.
Par ailleurs, il retient que l’installation ne respectait pas les préconisations du fabricant puisque, non seulement la base était en contact avec la terre et le sable sans protection supplémentaire mais au surplus il n’existait aucune trappe de visite.
Surtout, il résulte de son expertise qu’aucun entretien n’a été assuré au cours des dix neuf années écoulées depuis l’installation alors que le fabricant recommande un contrôle tous les douze ans.
Il n’existe entre la commune de [Localité 11], qui est la propriétaire du poteau pour l’avoir installé et financé, et l’association qui en avait l’usage, aucun écrit définissant les conditions d’utilisation des poteaux et répartissant entre elles la charge de leur entretien.
En sa qualité de propriétaire de l’ouvrage, la commune a donc conservé le pouvoir et le devoir d’assurer l’entretien de ces poteaux selon les préconisations du fabriquant.
N’ignorant pas la nature de l’usage qui en était fait, elle devait s’assurer, par un entretien constant et régulier, de leur solidité, ce d’autant que leur utilisation par l’association, bien que récurrent, n’était pas constant, mais limité aux périodes au cours desquelles l’association organisait des régates, soit environ huit mois par an.
Le fait qu’elle en ait concédé l’usage à l’association n’empêchait pas la commune ni ne la dispensait des mesures de contrôle induites par les nécessités de leur entretien, au regard notamment de l’emplacement où ces poteaux avaient été installés puisque celui-ci les rendait spécialement vulnérables à la corrosion.
La commune ne peut donc utilement soutenir qu’elle n’avait aucune possibilité d’exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance sur l’état du poteau.
Cependant, de son côté, l’association s’est vue concéder l’usage des poteaux pour y accrocher les panneaux de signalisation de départ des régates. En ce sens, elle exerçait, durant les périodes où elle en avait l’usage, des pouvoirs concurrents à ceux de la commune en ce qui concerne le contrôle de la capacité du poteau à supporter le poids de la barre transversale que ses bénévoles installaient chaque année entre les deux poteaux.
Or, dès lors que la corrosion était visible, elle était en mesure de s’en rendre compte, d’en prendre la mesure et de signaler la difficulté aux services techniques de la commune afin que des dispositions soient prises pour assurer la sécurité des utilisateurs du poteau et du public assistant aux régates depuis la plage.
Certes, les bénévoles de l’association n’ont pas personnellement l’expérience professionnelle des personnels techniques municipaux, mais l’association, dont la responsabilité est recherchée est une professionnelle de l’organisation des régates et, utilisant les poteaux pour y accrocher une barre destinée à supporter la signalisation du départ des courses, elle se devait de prêter attention à la corrosion qui était visible à l’oeil nu, pour, sinon dresser elle-même un diagnostic et prendre les mesures indispensables, en tout cas en référer aux services techniques de la commune afin qu’ils s’en chargent et dans l’attente, renoncer à l’utilisation de poteaux susceptibles de mettre en danger ses bénévoles.
En conséquence, durant les périodes de régates, l’association disposait d’un pouvoir d’initiative concurrent à celui des services techniques de la commune pour constater l’état de corrosion des poteaux et prendre la mesure de leur dangerosité éventuelle vis à vis, tant de ses bénévoles, que des usagers de la plage.
Dans ces conditions, les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle sur la chose à l’origine du dommage, étant concurrents, la commune de [Localité 11] et l’association société nautique de [Localité 11] doivent être condamnées in solidum en qualité de co-gardiens du poteau, à réparer les dommages que celui-ci a causés à M. [G].
Sur le préjudice corporel
L’expert, le docteur [K] indique que M. [G] a souffert d’un traumatisme crânien avec fracture ouverte, d’un hématome extra-dural pariétal gauche, d’un hématome sous dural temporal droit, d’une contusion temporale gauche, d’une hémorragie méningée, d’une pneumencéphalie, ainsi que d’une fracture du sphénoide, du malaire et du canal carotidien gauche.
Il conserve comme séquelles une surdité de perception bilatérale prédominante du côté droit avec, au plan vestibulaire, une aréflexie droite et des troubles neuropsychologiques (troubles du caractère, de l’attente et de la mémoire).
L’expert conclut à :
– un déficit fonctionnel temporaire total du du 18 octobre 2009 au 17 novembre 2009 ;
– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 33 % du 18 novembre 2009 au 28 mars 2011 ;
– une consolidation au 28 mars 2011 ;
– des souffrances endurées de 3/7 ;
– un préjudice esthétique temporaire de 1/7 ;
– un déficit fonctionnel permanent de 27 % ;
– un préjudice esthétique permanent de 1/7 ;
– un préjudice d’agrément par restrictions et difficultés à la pratique de la voile.
Son rapport constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime, née le [Date naissance 1] 1944, de son statut de retraité et de la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
M. [G] était âgé de 65 ans au moment de l’accident et de 66 ans au jour de la consolidation. Il est actuellement âgé de 78 ans.
Préjudices patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
– Dépenses de santé actuelles 45 116,33 €
Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la CAMIEG, soit 45 116,33 €, la victime n’invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.
Préjudices extra-patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
– Déficit fonctionnel temporaire5 256,36 €
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence, le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.
Il doit être réparé sur la base d’environ 810 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :
– un déficit fonctionnel temporaire total du du 18 octobre 2009 au 17 novembre 2009 : 837 €
– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 33 % du 18 novembre 2009 au 28 mars 2011 : 4 419,36 €
et au total la somme de 5 256,36 €.
– Souffrances endurées8 000 €
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de l’accident initial, des troubles neurologiques et des soins ; évalué à 3 /7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 8 000 €.
permanents (après consolidation)
– Déficit fonctionnel permanent47 520 €
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales.
Il est caractérisé par, ce qui conduit à un taux de 27 % justifiant une indemnité de 47 520 € pour un homme âgé de 66 ans à la consolidation.
– Préjudice esthétique2 000 €
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique.
Évalué à 1/7 au titre d’une cicatrice fronto pariétale gauche en partie cachée sous le cuir chevelu, en Y, fine de onze centimètres de long avec une branche de trois centimètres, il doit être indemnisé à hauteur de 2 000 €.
– Préjudice d’agrément10 000€
Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.
M. [G] justifie ne plus pouvoir pratiquer certaines activités sportives auxquelles il s’adonnait régulièrement avant l’accident, à savoir les activités de voile, alors qu’il s’agissait pour lui d’une passion ainsi qu’en témoigne son activité de bénévole dans l’association société nautique de [Localité 11].
Il produit trois attestations de MM. [X], [C] et [W] dont il résulte qu’au moment où l’accident a eu lieu, il était activement engagé dans la pratique des sport nautiques, notamment comme skipper ou équipier lors de régates depuis de nombreuses années.
M. [X] évoque également le concernant la pêche en mer.
L’expert retient bien une difficulté et des restrictions pour certains postes dans la pratique de la voile.
Il en résulte que M. [G] n’est plus en mesure de profiter dans les mêmes conditions qu’auparavant d’une activité sportive de loisirs qu’il pratiquait régulièrement et qui constituait une place importante dans son quotidien de retraité.
Ces éléments justifient d’évaluer le préjudice d’agrément que lui a causé le fait dommageable à la somme de 10 000 €.
Récapitulatifs des préjudices
Postes de préjudices
Préjudice total
Part victime
Part tiers payeur
Dépenses de santé actuelles
45 116,33 €
0
45 116,33 €
Déficit fonctionnel temporaire
5 256,36 €
5 256,36 €
0
Souffrances endurées
8 000 €
8 000 €
0
Déficit fonctionnel permanent
47520 €
47 520 €
0
Préjudice esthétique permanent
2 000 €
2 000 €
0
Préjudice d’agrément
10 000 €
10 000 €
0
Total
117 892,69 €
72 776,36 €
45 116,33 €
Le préjudice corporel global subi par M. [G] s’établit ainsi à la somme de 117 892,69 € soit, après imputation des débours de la CAMIEG (45 116,33 €), une somme de 72 776,36 € lui revenant qui, en application de l’article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 1er avril 2021.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime sont confirmées.
La commune de [Localité 11], l’association société nautique de [Localité 11] et les sociétés MMA, qui succombent dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation, supporteront la charge des entiers dépens d’appel.
L’équité ne commande pas de leur allouer une indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité justifie d’allouer à M. [G] une indemnité de 4 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
En application de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu’elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la Caisse d’assurance maladie à laquelle est affilié l’assuré social victime de l’accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l’organisme national d’assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d’un montant maximum et d’un montant minimum révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l’indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année considérée.
La CAMIEG sollicite une somme forfaitaire de 1 114 € au titre des frais de gestion dont ce texte lui accorde le bénéfice. Les co-obligés seront donc également condamnés à lui payer cette indemnité forfaitaire de gestion, ainsi qu’une indemnité de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la charge finale de la réparation
La commune de [Localité 11] et l’association société nautique de [Localité 11], responsables de plein droit en leur qualité de co-gardiens du poteau à l’origine du dommage, disposent d’un recours afin de déterminer leur part contributive finale à l’indemnisation.
S’agissant des critères de répartition de la contribution à la dette, en présence de co-responsabilités de droit qui ne sont pas fondées sur la faute mais sur la garde de la chose à l’origine du dommage, la contribution à la dette des personnes responsables d’un même dommage doit se faire à parts égales.
En l’espèce, tel est le cas, la commune et l’association étant condamnées in solidum au titre d’une responsabilité de plein droit.
Dans ces conditions, dans leurs rapports respectifs, les condamnations seront supportée à hauteur de 50 % par chacune.
Aucune considération d’équité ne justifie de faire application au profit de la commune de [Localité 11], de l’association société nautique de [Localité 11] ou des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande de dommages-intérêts pour abus de droit
M. [G] sollicite une somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral en raison de l’attitude procédurale de la commune de [Localité 11] et notamment du caractère abusif de l’appel.
L’exercice du droit d’ester en justice, de même que la défense à une telle action, constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas où le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.
En l’espèce, la commune de [Localité 11] conteste sa responsabilité.
Pour caractériser l’abus qu’il lui reproche, M. [G] invoque l’évidence de la responsabilité de la commune sur le fondement de la responsabilité du fait des choses.
Cependant, en regard des circonstances ci dessus décrites, la responsabilité de la commune ne relève pas, comme le soutient M. [G], de l’évidence. En réalité, l’intéressé ne caractérise de la part celle-ci aucun abus au delà de son droit, légitime, à contester sa qualité de gardien de l’installation litigieuse.
En conséquence, sa demande de dommages-intérêts ne saurait prospérer.
Par ces motifs
La Cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement, hormis sur le montant de l’indemnisation de la victime et les sommes lui revenant et sur la répartition de la dette d’indemnisation entre co-obligés ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Condamne in solidum la commune de [Localité 11], l’association sports nautiques de [Localité 11] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [E] [G] les sommes suivantes :
– 5 256,36 € au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
– 8 000 € au titre des souffrances endurées ;
– 47 520 € au titre du déficit fonctionnel permanent
– 2 000 € au titre du préjudice esthétique permanent ;
– 10 000 € au titre du préjudice d’agrément,
le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2021 ;
– une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
Condamne in solidum la commune de [Localité 11], l’association sports nautiques de [Localité 11] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à la CAMIEG les sommes suivantes ;
– 45 116,36 € en remboursement de ses débours ;
– 1 114 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;
– 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel
Condamne in solidum la commune de [Localité 11], l’association sports nautiques de [Localité 11] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile ;
Dit qu’entre co-obligés, la dette de réparation sera partagée à raison de 50 % pour la commune de [Localité 11] et 50 % pour l’association société nautique de [Localité 11] garantie par les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ;
Déboute M. [G] de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Dit n’y avoir lieu à condamnation au profit de la commune de [Localité 11], de l’association société nautique de [Localité 11] ou des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.
Le greffier Le président