Skipper : 30 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/20374

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Skipper : 30 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/20374

30 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG
19/20374

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 30 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/20374 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA5YR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2017014642

APPELANTES

SUPER YACHT HOLIDAYS LIMITED

Société de droit étranger enregistrée sous le numéro 9286021

dont le siège social est

[Adresse 1]

LONDRES (W43 BT) ROYAUME-UNI

et

ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY

Société de droit étranger exerçant sous le nom commercial NAVIGATORS & GENERAL

enregistrée sous le numéro 13460

dont le siège social est

[Adresse 5]

Ballsbridge Park

DUBLIN (IRLANDE)

Représentées par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assisté de Me Christophe HUNKELER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1037

Substitué à l’audience par Me Franck HARMONIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J116

INTIMÉE

SPBI

S.A., immatriculée au R.C.S. de LA ROCHE-SUR-YON sous le n° 491 372 702

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assisté de Me Patrice GRENIER, de AARPI TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : C1144

Substitué à l’audience par Me Claire LAPORTE, avocat au barreau de PARIS, Toque : C1144

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été appelée le 19 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargée du rapport

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

La société anonyme SPBI exerce l’activité de conception, construction et fabrication de navires. Selon facture en date du 27 février 2015 et après une commande dont elle a accusé réception, le 9 janvier 2015, elle a vendu à la société Super yacht holidays ltd, un navire neuf de type Jeanneau 64 au prix de 865 000 euros.

Ce bateau, l’Argentous, a été livré le 18 mars 2015 et enregistré sous pavillon britannique le 19 mai 2015. Il a été assuré par la société de droit étranger Zurich insurance public limited compagny, exerçant sous le nom commercial de Navigators & general.

Le 21 juillet 2016, un incendie s’est déclaré sur l’Argentous qui était à l’ancre dans le port de [Localité 4], situé sur l’Île de Paxos en Grèce.

Désigné par l’autorité côtière de Paxos le 27 juillet 2016 pour mener enquête afin de déterminer les causes probables de l’incendie, M. [I] [X]. [G] a fait transférer le yacht à terre et a mené à bien sa mission. Il a conclu à un départ de feu dans le lieu de stockage situé en partie arrière du yacht et que la cause de l’incendie est un dysfonctionnement du système /mécanisme hydroélectrique de la passerelle qui a généré une température élevée, a surchauffé la couverture en tissu du ballon en caoutchouc et a provoqué l’incendie.

Deux autres cabinets spécialisés, le cabinet Hawkins et le cabinet [Y] et associés ont examiné les dommages subis par le bateau. Ils ont déposé leurs conclusions respectivement, les 27 juillet et 19 juin 2017.

Par acte extra-judiciaire en date du 10 février 2017, la société Super yacht holidays ltd et la société Zurich insurance public limited compagny ont fait assigner la société SPBI devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité et indemnisation.

Par jugement du 19 septembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Zurich insurance public limited compagny de sa demande de dommages et intérêts au titre des préjudices matériels de son assurée, a débouté la société Super yacht holidays ltd de sa demande de dommages et intérêts au titre des préjudices immatériels et a condamné in solidum, les sociétés Super yacht holidays ltd et Zurich insurance public limited compagny à payer à la société SPBI la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, rejetant les demandes des parties autres, plus amples ou contraires.

Le 31 octobre 2019, la société Super yacht holidays ltd et la Zurich insurance public limited compagny ont interjeté appel et aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 mars 2021, elles demandent à la cour, au visa des articles 1134 (ancien), 1641 et suivants du code civil et L. 5113-5 du code des transports de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevables les rapports qu’elles ont versés aux débats, jugé que les textes régissant la responsabilité en droit français sont seuls applicables à l’exclusion des conditions générales du vendeur et de la Convention de Vienne et de l’infirmer en ce qu’il a constaté que la preuve n’était pas rapportée que le bateau renfermait un vice caché ou autre devant conduire au sinistre du 21 juillet 2016, les a déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts et les a condamnées in solidum au paiement d’une somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens et a rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires. Elles sollicitent de la cour que, statuant à nouveau, elle déclare leur action recevable et bien fondée et condamne la société SPBI à payer à :

– la société Zurich insurance public limited compagny : la somme de 428 265,35 £ dont la contrevaleur en euros – égale à 502 128,44 euros au jour de l’assignation – sera calculée au jour du paiement et celle de 60 074,68 euros au titre des préjudices matériels ;

– la société Super yacht holidays ltd : la somme de 178 232,03 £ dont la contrevaleur en euros ‘ égale à 208 971,78 euros au jour de l’assignation ‘ sera calculée au jour du paiement et celle de 36 200 euros au titre des préjudices immatériels ;

sommes qui seront assorties des intérêts au taux légal et leur capitalisation, le tout à compter de la mise en demeure en date du 19 janvier 2017.

Elles sollicitent également que la société SPBI soit déboutée de ses demandes et condamnée à payer à la société Zurich insurance public limited compagny les sommes de 19 667,42 £ dont la contrevaleur en euros ‘ égale à 23 059,47 euros au jour de l’assignation ‘ sera calculée au jour du paiement et celle de 31 266,37 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 février 2021, la société SPBI demande à la cour, le cas échéant après avoir écarté in limine litis les rapports d’expertise [G], Hawkins et [Y] et au vu éventuellement des articles 7 et 35 de la Convention internationale de vente de marchandises, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris dont elle reprend le dispositif et à titre subsidiaire, de prononcer la tenue d’une expertise judiciaire aux frais avancés des appelantes. En tout état de cause, elle réclame la condamnation des appelantes à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 13 avril 2022.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire, les parties s’opposent sur la loi applicable au contrat – une vente internationale de bateau – la société Super yacht holidays ltd revendiquant l’application de la loi française, loi de la débitrice de la prestation caractéristique et la société SPBI, celle de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises et ses Incoterms auxquels renvoient ses conditions générales de vente figurant au verso de ses documents commerciaux.

En l’espèce, la convention litigieuse emporte vente internationale de bateau, soit un acte juridique expressément exclu du champ d’application de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente de marchandises, par l’article 2 de cette convention. Il appartient à la société SPBI, qui revendique l’application de ses conditions générales de vente qui en leurs articles 5 et 12 renvoient aux règles internationales (our sale are governed by Incoterms 2010 ICC Paris) et à la convention de Vienne (our sale are gouverned by the Vienne convention and matters not couvered thereby shall be gouverned by French law), d’établir qu’elles constituent la loi à laquelle les parties ont entendu soumettre la vente qu’elles ont conclue.

La vente litigieuse ne s’inscrit pas dans des relations commerciales suivies et les seuls documents produits pour établir la connaissance et l’acceptation des conditions générales de la société SPBI par sa cocontractante au titre d’une vente conclue le 9 janvier 2015 sont la facture établie le 27 février suivant et l’accusé de réception de la commande daté du 9 janvier 2015 et établi par la société SPBI.

Certes ce dernier document porte la mention : je soussigné commande le bateau suivant les spécifications ci-dessous aux conditions générales de vente (qui figure au verso) mais aucune signature n’est apposée et il n’est pas justifié que ce document et les conditions générales qu’il contient ont été portées à la connaissance de l’acquéreur et acceptées par celui-ci lors de la commande.

La loi française sera par conséquent retenue comme étant celle du contrat.

*

Toujours à titre liminaire, la société SPBI prétend que le rapport de M. [G] ainsi que les rapports des techniciens commis par la société Super yacht holidays ltd ou son assureur, non contradictoires, ne lui sont pas opposables.

Ainsi que le soutient l’appelante et l’a retenu le tribunal, ces pièces ont été soumises à la libre discussion des parties dans le cadre du débat judiciaire et à ce titre, sont opposables à la société SPBI seule leur valeur probante peut être discutée.

*

La société Super yacht holidays limited et la société Zurich insurance public limited compagny soutiennent, en premier lieu, que le navire litigieux était affecté d’un vice caché engageant la responsabilité de la société SPBI en qualité de constructeur du bateau et d’installateur de la passerelle hydraulique et ce, sur le fondement des articles 1641 et 1643 du code civil. Selon les appelantes, l’intimée a reconnu le défaut de construction/conception puisqu’elle a émis un avis de sécurité relatif au moteur entraînant le pack hydraulique, trois mois après le sinistre, lequel avis était destiné aux propriétaires de navires du même modèle que celui litigieux. Elles relèvent que selon M. [B] cet avis de sécurité a été décidé en réaction à l’incendie du bateau et elles mettent en exergue la déloyauté de l’intimée, laquelle n’a pas communiqué l’avis de sécurité à la société Super yacht holidays limited.

En second lieu, les appelantes soutiennent, sur le fondement des rapports d’expertise, que la cause de l’incendie réside dans la défaillance moteur qui entraînait le pack hydraulique commandant la passerelle télescopique et plus précisément dans l’apparition d’arcs électriques à l’intérieur et à l’extérieur du moteur, lesquels ont conduit à l’inflammation du matériel entreposé dans le compartiment moteur, conséquence de la défaillance et non cause de la défaillance du moteur. En troisième lieu, les appelantes soutiennent que la survenance de l’incendie a été facilitée et ses conséquences aggravées du fait de multiples autres malfaçons imputables à l’intimée (installation du dispositif commandant la passerelle en violation des préconisations de sécurité du fabricant, absence de mise en garde quant au risque d’entreposer du matériel dans le compartiment abritant le moteur, absence de ventilation forcée dans le garage et de système de détection et d’extinction d’incendie).

En réplique, la SA SPBI soutient qu’aucun manquement, notamment à l’usage auquel le navire litigieux était destiné, n’est établi à son égard au sens de l’article 35 de la Convention de Vienne. Elle estime que les causes de l’incendie peuvent être recherchées dans le stockage de matériaux inflammables dans le compartiment abritant le groupe hydraulique, lequel stockage est imputable à la société Super yacht holidays limited, ce qu’a retenu le tribunal. En second lieu, l’intimée écarte l’apparition d’un arc électrique provoqué par le raccordement du câble d’alimentation du groupe hydraulique puisqu’aucun desserrement des cosses et des boulons dudit câble n’est intervenu et elle invoque, en tout état de cause, qu’il résulterait d’une utilisation normale du yacht ainsi qu’il en est fait mention dans la documentation technique du bateau et l’atteste M. [B]. En troisième lieu, l’intimée soutient n’avoir pas omis de prévoir un dispositif de protection par fusible ou disjoncteur du raccordement du groupe hydraulique de la passerelle ainsi qu’elle l’établit, qu’elle a mis en garde l’acquéreur du risque que présente le dépôt de matériaux dans ce compartiment du navire et l’a informé de la présence du groupe hydraulique de la passerelle dans ledit compartiment, par le biais du manuel d’utilisation français et anglais de la passerelle édité par la société Besenzoni. Enfin, l’intimée soutient que l’installation de dispositifs de détection et d’extinction d’incendie n’est imposée par la norme EN ISO 9094 2017 applicable que depuis 2017 et seulement aux espaces habitables du navire, ce que n’est pas la cale.

*

Aucune reconnaissance du vice de la chose ou d’une insuffisance des instructions et informations des propriétaires et utilisateurs ne peut se déduire de l’avis de sécurité émis par la société SPBI en octobre 2016 conseillant l’installation d’embouts de sécurité en caoutchouc destinés aux connexions du moteur et des étiquettes d’avertissement précisant qu’il ne fallait rien stocker dans les compartiments. Un tel avis relève du principe de précaution après un sinistre dont les techniciens retiennent parmi les causes possibles (ainsi qu’il sera dit ci-dessous) celles, qui selon les appelantes, justifieraient les mesures prises.

La société Super yacht holidays ltd et son assureur produisent, pour soutenir que l’incendie qui a endommagé le yacht Argentous a pour origine un défaut de conception ou de construction, trois documents (rédigés en langue anglaise et librement traduits) :

– le rapport d’expertise du 8 août 2016 de M. [G], ingénieur électricien qui est intervenu sur instruction de l’autorité côtière du port de [Localité 4] afin de déterminer les causes probables de l’incendie de l’Argentous et qui sur une page, décrit sa mission, ses diligences et constatations et énonce ses conclusions ; il écrit avoir mené l’enquête le 4 août 2016, après le transfert et mise à terre du bateau à Corfou, sans préciser les personnes présentes lors de son intervention ;

– le rapport d’expertise des dommages de M. [Y], architecte naval et ingénieur maritime du 19 juin 2017 précise qu’il s’est rendu, sur le yacht le 23 juillet 2016 en présence du skipper et du représentant du propriétaire, puis les 4 et 5 août, en présence de M. [B], expert incendie agissant pour le compte des assureurs, de M. [G] agissant pour le compte du ministère public, de M. [R] responsable du service après-vente de la société SPBI, du propriétaire du bateau et du réparateur puis les 13 septembre 2016 et 25 mai 2017, en présence du réparateur et lors de la dernière réunion, du skipper ;

– le rapport relatif à l’enquête sur l’origine de l’incendie de M. [B] du 27 juillet 2017, qui précise avoir été mandaté par l’assureur du bateau, précise s’être rendu sur le site, les 4 et 5 août 2017 et y avoir rencontré, outre M. [Y], les autres personnes citées par ce dernier et que le document qu’il a établi constitue un rapport sommaire des informations importantes mise à (sa) disposition et n’a pas été préparé en vue d’une utilisation des tribunaux, une version modifiée appropriée dans le cadre d’une utilisation devant les tribunaux peut être préparé si nécessaire et qu’il est possible que ses conclusions nécessitent une révision en présence de nouvelles preuves ou si les preuves telles qu’acceptées par les tribunaux diffèrent des informations fournies.

Ces deux derniers rapports sont particulièrement succincts sur les missions confiées à M. [B] et [Y], qui ne sont pas produites mais il ressort qu’ils sont intervenus, à la demande de charles Taylor Adjusting expert en sinistre agissant pour le compte de Navigators général, les assureurs du yacht.

Il s’évince de ce qui précède et de l’intitulé de leurs rapports respectifs, ainsi que de l’aveu de M. [B] qu’il ne possède aucune qualification en matière de yacht (§2.4.9 de son rapport complémentaire du 28 février 2019), qu’il s’agit de deux techniciens commis par le représentant d’une des parties à l’instance et intervenant chacun, dans leur domaine de compétence respectif.

Par ailleurs, aucun des deux rapports n’est explicite sur les échanges et communications de pièces et documents avant et après l’examen du bateau les 4 et 5 août 2017 où à l’occasion de ces réunions, auquel la société SPBI a participé mais il convient de relever ainsi que l’écrit M. [B], que M. [Y] s’était auparavant entretenu avec l’affréteur et le skipper et avait inspecté le bateau, que lui-même avait recueilli le témoignage de l’électricien qui était monté à bord du bateau après l’incendie, et lui a décrit l’état de l’armoire électrique.

Dès lors et ainsi que l’avance l’intimée, les investigations des techniciens n’ont été que partiellement menées en sa présence et de surcroît, sans qu’il puisse être retenu que leur déroulement offrait de réelles garanties en terme de contradictoire, notamment lors de la communication des documents et le recueil de la parole de chacun des intervenants et témoins, ni d’ailleurs en terme d’impartialité s’agissant de M. [B].

En effet, ce dernier a, sur instruction de Thomas Cooper law, déposé un rapport complémentaire daté du 28 février 2019 dont il écrit qu’il doit être lu parallèlement à son précédent rapport, dans lequel, sous couvert de compléter ses premières conclusions, il porte une appréciation sur la pertinence des écrits judiciaires de la société SPBI et des preuves produites devant le tribunal.

Dès lors et ainsi l’a retenu le tribunal, aucune de ces pièces, librement discutées devant la juridiction peut fonder seule une condamnation.

M. [G] conclut à un départ de feu dans le lieu de stockage situé en partie arrière du yacht et que la cause de l’incendie est un dysfonctionnement du système /mécanisme hydroélectrique qui a généré une température élevée, a surchauffé la couverture en tissu du ballon en caoutchouc et a provoqué l’incendie. Et plus précisément qu’il a été causé par le système/mécanisme hydroélectrique de contrôle de la passerelle du yacht. Au-dessus du système/mécanisme hydroélectrique, il y avait un ballon de caoutchouc recouvert de tissu qui a surchauffé et fini par brûler les tuyaux à haute pression du système hydraulique, ce qui a eu pour effet de faire gicler et éclabousser de l’huile tout au long de l’incendie. Le feu a dû éclater quant le yacht s’est rendu rapidement au port de [Localité 4] et que la passerelle (et le système / mécanisme hydroélectrique) était en marche. L’incendie a été découvert un certain temps après car il était confiné dans une zone fermée avec une quantité d’oxygène limitée. A l’évidence d’autres équipements du yacht étaient stockés dans le local où l’incendie a éclaté. Je remarque que le système /mécanisme hydroélectrique n’avait pas de couverture protectrice et par conséquent, il pouvait bouger lorsque le yacht se déplaçait et entrer en contact avec tout ce qui se trouvait à proximité.

Il convient de relever que M. [G] a commencé ses investigations, le 28 juillet 2016 soit sept jours après l’incendie et le démontage de certaines parties et compartiments mais également après la visite des lieux, le 23 juillet 2016, par M. [Y] et l’intervention le lendemain de l’incendie d’un électricien, qui a tenté de restaurer une quantité suffisante d’énergie électrique pour pouvoir déplacer le yacht (§ 2-9 à 2-11 du rapport [B]).

M. [G] ne procède à aucune démonstration pour soutenir son avis lorsqu’il incrimine le système/mécanisme hydroélectrique de la passerelle et il ne vient pas expliciter le mécanisme du départ de feu. La cour doit également relever que cet expert, ingénieur électricien, n’évoque pas un départ de feu consécutif à un arc électrique ni ne fait le constat de traces de fusion localisées au sein du moteur et sur sa face externe ou des dommages externes causés par l’arc électrique, pourtant relevés par M. [B], alors qu’il a assisté selon ce dernier aux réunions de 4 et 5 août 2016. Il ne se prononce pas sur les responsabilités et il ne reprend dans son rapport, les propos que M. [Y] lui attribue (en page 14 de son propre rapport).

Le rapport de M. [G] ne peut pas étayer utilement une démonstration imputant l’incendie à un dysfonctionnement du système électrique hydraulique de la passerelle ou un vice de la chose ni venir sur ce point étayer les constatations ou démonstration d’un autre technicien.

Le constat de cet expert que le système était dépourvu de couverture protectrice et que par conséquent, il pouvait bouger lorsque le yacht se déplaçait et entrer en contact avec tout ce qui se trouvait à proximité, ne suffit pas à établir un défaut de conception dès lors que ce local qualifié à juste titre de garage (page 13 du rapport [Y]) puisqu’il abritait, le tendeur propulsé par un moteur à réaction, son dispositif de mise à l’eau et de levage, le système hydraulique de la passerelle et le moteur actionnant sa porte et n’avait pas vocation a recevoir du matériel notamment de voile, ce que ne pouvait pas ignorer le professionnel qui le pilotait.

M. [B] reprend la localisation d’un départ de feu dans le casier situé côté bâbord du garage, écrit avoir constaté des dommages dus à un arc électrique à l’intérieur du moteur, qui indiquent un incident électrique significatif (par exemple un court-circuit au niveau du moteur) ainsi que des dommages dus à un arc électrique sur la face externe de son carter, non loin des connexions. Il retient que les traces de fusion au sein du moteur (dans la zone de la tête de boulon) ont pu être causées par un raccord lâche et évoque ensuite la possibilité d’un détachement de la connexion (négative). Il ajoute : j’ai considéré que le stockage d’articles non loin du moteur électrique pouvait avoir endommagé ou autrement desserré la cosse et le boulon du câble d’alimentation ; cependant ceci semble moins probable que l’effet des vibrations dans le cadre d’une utilisation normale ou un mauvais raccord lors de l’installation du pack hydraulique. Des matériaux combustibles étaient en contact avec le moteur électrique et ce dernier a été utilisé environ 30 mn avant que l’incendie ne soit découvert. Il est probable que l’important arc électrique qui s’est produit en dehors du moteur a enflammé les matériaux combustibles. Il estime également qu’un dispositif de protection des circuits de tension correcte aurait dû se déclencher lors des courts circuits, ce dont il déduit son absence ou son inadaptation. Enfin, il relève l’absence de panneau d’avertissement ou d’instruction permettant de réduire le risque lié à l’entreposage de matériaux combustibles en contact avec l’équipement des compartiments du garage et enfin, relève l’émission d’une note d’information destinée au propriétaire de yacht identique à l’Argentous détaillant l’installation de bouchons isolés sur les raccords du moteur électrique et la mise en place d’étiquette d’avertissement sur la face interne des capots des compartiments du garage.

Ainsi contrairement aux allégations des appelantes, M. [B] envisage la possibilité d’un départ de l’incendie dû au stockage d’articles non loin du moteur électrique (qui) pouvait avoir endommagé ou autrement desserré la cosse et le boulon du câble d’alimentation.

M. [Y], architecte naval et ingénieur maritime, ne se prononce pas sur le fait générateur de l’incendie, dont il note qu’il a démarré au niveau du système hydraulique de la passerelle et regrette l’absence de grille de protection afin de s’assurer que les articles stockés ne viennent pas en contact de pièces électriques et/ou l’absence de panneaux d’avertissement attirant l’attention sur le risque d’incendie, écrivant qu’il pensait que les précautions de sécurité n’avaient pas été respectées par le fabricant. Enfin, il relève l’absence de système de détection incendie dans le garage et d’extincteur.

Dans ses conclusions, il regrette également l’absence de ventilation forcée du garage, qui aurait évité la formation de poches de vapeur d’essence et permis de refroidir l’espace, que les équipements (électriques) n’étaient pas intrinsèquement sûrs, alors qu’ils auraient dû l’être et que l’expert incendie désigné par le Ministère public a informé oralement l’assuré, que selon lui les dommages relevaient de la seule responsabilité du fabricant.

Force de constater que M. [B] émet des hypothèses, quant à la cause initiale de l’incendie, dont il dit que certaines sont moins probables que d’autres. Il ne peut être trouvé des éléments étayant celle qu’il estime la plus probable (liée au stockage d’articles non loin du moteur) dans le rapport de M. [G] pour les motifs évoqués ci-dessus ou dans celui de M. [Y] qui ne se prononce pas sur le fait générateur de l’incendie.

En l’absence de détermination de la cause première de l’incendie, il ne peut pas être retenu comme ayant un rôle causal, l’absence de mise en garde du risque lié à l’entreposage de matériel dans le garage, risque que le professionnel qui pilotait le bateau ne pouvait pas ignorer. A supposer qu’il s’agisse d’un défaut de conception, l’absence de ventilation forcée du garage (qui persiste après la remise en état du bateau sous le contrôle de M. [Y]) n’a eu aucun rôle contributif à la lecture des rapports d’expertise qui ne notent pas que des vapeurs d’essence ou la chaleur accumulée dans l’espace auraient joué un rôle dans le déclenchement de l’incendie ou en auraient aggravé ses conséquences.

M. [Y] se contente d’affirmer, sans pour autant étayer cette allégation, que l’absence de système de détection d’incendie comme celle d’un extincteur manuel ou électrique dans le garage – qu’il regrette tout en notant que la présence d’un système automatique d’extinction d’incendie et d’extincteurs sur le yacht d’ailleurs utilisés – auraient aggravé les conséquences de l’incendie. Il n’apporte pas plus d’éléments aux débats qui permettraient de retenir que l’absence de ces dispositifs au sein du garage pourrait au regard de la réglementation ou des règles de l’art de la construction navale constituer un vice de conception ou de construction. Ce même constat, s’impose s’agissant de l’absence de protection des installations contre d’éventuels dommages causés par du matériel notamment de voile qui n’aurait pas dû être entreposé dans ce lieu.

Enfin, s’agissant du dispositif de protection des circuits de tension (par un fusible au niveau du câblage entre les batteries et le moteur électrique) préconisé par le fabricant de la passerelle, la société SPBI produit aux débats le schéma électrique et la nomenclature qu’elle présente comme étant ceux du groupe hydraulique installé prévoyant cette protection. Le constat contradictoire d’une distorsion entre ce schéma et les installations de l’Argentous qui comprend deux panneaux électriques CC n’a été rendu impossible que par le choix fait par les appelantes de ne pas recourir à une expertise judiciaire, malgré l’opposition de la société SPBI à la poursuite des investigations des experts désignés par l’assureur du bateau.

De plus, dans son rapport complémentaire, M. [B] écrit que son examen sur site avait permis de constater qu’un seul conducteur était branché en sortie de chaque disjoncteur (§2-3-2), constat qu’il ne fait pas dans son rapport initial qui ne contient aucune description de branchement en sortie de chaque disjoncteur et dans lequel il se contente de retenir l’absence de disjoncteur identifié (par une étiquette) pour la passerelle.

La cour doit comme l’a fait le tribunal constater que la société Super yacht holidays ltd et son assureur échouent à rapporter la preuve qui leur incombe d’un vice de la chose vendue ayant causé le sinistre du 21 juillet 2016.

Dans la mesure où le propriétaire du bateau a procédé aux réparations et qu’il n’est ni établi ni allégué que les équipements incriminés et que les pièces déposées auraient été conservées,

Il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise judiciaire.

*

Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées. La société Super yacht holidays ltd et son assureur seront condamnés aux dépens d’appel et à payer une indemnité complémentaire au titre des frais exposés par l’intimée  pour assurer sa défense devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris, le 19 septembre 2019 ;

Y ajoutant,

Condamne la société Super yacht holidays limited et la société Zurich insurance public limited compagny à payer à la société SPBI la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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