3 octobre 1995
Cour de cassation
Pourvoi n°
94-10.547
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la compagnie d’assurances La Concorde, dont le siège est … (9e), en cassation d’un arrêt rendu le 19 octobre 1993 par la cour d’appel de Rennes (7e chambre), au profit de :
1 ) Mme Bernadette Z…, née Y…, demeurant … (Côtes-d’Armor),
2 ) la compagnie d’assurances La France Iard, dont le siège est … (9e),
3 ) la compagnie Groupe Présence, dont le siège est … (9e),
4 ) M. Jacques X…, demeurant avec son épouse née Raymonde A…, … (Morbihan),
5 ) Mme Raymonde A…, épouse de M. Jacques X…, avec lequelle elle demeure … (Morbihan), défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 6 juin 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Nicot, conseiller rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Nicot, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la compagnie d’assurances La Concorde, de Me Cossa, avocat de la compagnie d’assurances La France Iard, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la compagnie Groupe Présence, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen, unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 19 octobre 1993), que M. X…, propriétaire, ainsi que Mme A…, son épouse, du navire à voile Camafra, dont il était le « skipper », a déplacé pour amarrer son propre navire, le voilier Voyou, appartenant à Mme Y…, et l’a réamarré à couple sur le Camafra ;
que le Voyou a ultérieurement rompu ses amarres et, en dérivant, a abordé un troisième voilier, le Xerus ;
que Mme Y… a assigné M. et Mme X…, ainsi que les compagnies d’assurances La Concorde, assureur du Camafra, Groupe Présence, depuis lors AXA, assureur de M. et Mme X… pour les risques de « responsabilité civile » ;
que la compagnie La France, est intervenue à l’instance en tant que subrogée dans les droits de Mme Y… ;
Attendu que la compagnie La Concorde reproche à l’arrêt de l’avoir condamnée à garantir M. X…, dans les limites de son contrat, des condamnations prononcées au profit de Mme Y…, mis hors de cause la compagnie Groupe Présence et d’avoir reçu la compagnie La France en son intervention et condamné in solidum M. et Mme X… et elle-même à payer deux sommes à la compagnie La France, alors, selon le pourvoi, d’une part, que les dispositions qui régissent le contrat d’assurance maritime et les risques de mer spécifiques définis au titre VII du Code des assurances ne sont pas applicables aux risques relatifs à la navigation du plaisance, lesquels sont assurables dans les conditions du droit commun ;
qu’en l’absence d’implication du Camafra dans le sinistre, imputé à une faute personnelle, hors d’un acte de navigation, de M. X… sur la base du droit commun de l’article 1382 du Code civil, l’arrêt attaqué n’a retenu sa garantie au travers d’une « faute de navire », assimilée dans la spécificité du droit maritime à celle commise par son capitaine, qu’au prix d’une violation des articles L. 171-5 du Code des assurances, sur les risques relatifs à la navigation de plaisance, et 1134 du Code civil, alors, d’autre part, que l’article 8 des conditions générales de la police « garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu’il peut encourir pour les dommages matériels… causés à autrui par le bâteau de plaisance assuré » ;
qu’ayant retenu une faute personnelle de M. X…, au sens de l’article 1382 du Code civil, hors de toute garde du voilier Camafra au sens de l’article 1384, alinéa 1er, du même Code, l’arrêt attaqué, qui ne constate aucune implication du Camafra, ni un fait de navigation du bâteau de plaisance assuré, ne l’a déclarée tenue de garantir le geste fautif de M. X… qu’au prix d’une dénaturation de l’article 8 susvisé et d’une violation de l’article 1134 du Code civil, et alors, enfin, que la cassation à intervenir, en l’absence de toute implication du Camafra, bâteau de plaisance assuré par elle, et d’un sinistre imputé à une faute personnelle de M. X…, distincte de l’activité nautique dudit navire, entraînera la perte de fondement juridique des dispositions de l’arrêt attaqué mettant hors de cause la compagnie AXA, aux droits du Groupe Présence, n’ayant du reste invoqué aucun cas d’exclusion de sa garantie propre, et la condamnant à rembourser à la compagnie La France les sommes versées du fait de l’abordage survenu entre le Voyou et le Xerus, hors de toute faute du navire Camafra, dispositions prononcées en violation de l’article 625 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant constaté que la faute qu’il a relevée à l’encontre de M. X… avait été commise au cours de l’opération d’amarrage de son voilier Camafra, faute consistant à avoir déplacé et mal amarré à couple le voilier Voyou, l’arrêt retient que cette faute a eu pour conséquence le départ en dérive du Voyou et l’abordage par celui-ci du navire Xérus ;
qu’ayant, en outre, relevé que le contrat d’assurance conclu par M. X… avec la compagnie La Concorde couvrait la responsabilité civile de l’assuré en raison des dommages matériels causés à autrui par son navire de plaisance, par ces motifs propres et adoptés et abstraction faite du motif erroné mais surabondant par lequel elle s’est référée aux règles spécifiques du droit maritime, et notamment à celle de l’assimilation de la faute du navire à la faute du capitaine, la cour d’appel, a retenu exactement, sans dénaturer la stipulation contractuelle visée au moyen, que la compagnie La Concorde devait garantie ;
Attendu, en second lieu, qu’en raison du rejet du pourvoi le moyen, en sa troisième branche, manque en fait ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la compagnie d’assurances La Concorde, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du trois octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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