28 février 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/05193
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N° 80
N° RG 20/05193 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RAUW
Mme [C] [S]
S.A.S. FRANCOPHIL
C/
S.A.R.L. AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me CAHOURS
Me CROGUENNEC
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Elodie CLOATRE, lors des débats, et Madame Lydie CHEVREL, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 Novembre 2022
devant Madame Fabienne CLEMENT, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTES :
Madame [C] [S]
née le 04 Août 1961 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mélanie CAHOURS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
S.A.S. FRANCOPHIL, SAS à associé unique au capital de 181 000 euros, dont le
siège est situé [Adresse 9], immatriculée au RCS de BREST sous le n°811 004 076, en la personne de sa Présidente, Madame [C] [S], domiciliée en cette qualité audit siège.
[Adresse 9]
[Localité 2]
Représentée par Me Mélanie CAHOURS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
INTIMÉE :
S.A.R.L. AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE, immatriculée au RCS
de BREST sous le n°422 219 360, représentée par ses représentants légaux
[Adresse 11]
[Localité 7]
Représentée par Me Sylvain CROGUENNEC de la SELARL BELLEIN-CROGUENNEC-GASSIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
FAITS
Mme [C] [S] est propriétaire d’un navire de plaisance dénommé ZAZE, immatriculé sous le n° [Immatriculation 12], de type WINNS VISTA 248.
Par contrat du 10 juillet 2017 à effet du 15 juin 2017, elle a donné ce navire en gestion à la société FRANCOPHIL dont elle est la présidente.
La société FRANCOPHIL a pour activité l’achat, la vente, la location, l’import-export, le négoce de matériel et véhicules terrestres aériens ou nautiques.
La société FRANCOPHIL a confié à la SARL AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE (ATMP), la réalisation de travaux dont l’équipement du navire par un moteur MERCRUISER 451 250 ALPHA V6 250 CV et d’une embase ALPHA ONE + TRANSCOM.
Une facture a été établie le 8 août 2017 et le navire est resté en stockage plusieurs mois.
Le 1er mars 2018 la société FRANCOPHIL et la société ISOLA BREIZH ont régularisé un contrat aux termes duquel la société FRANCOPHIL a mis à disposition de la société ISOLA BREIZH le navire FOUR WINNS VISTA 248 avec skipper pour la période du 14 juillet 2018 au 15 septembre 2018 pour un montant de 14 000 euros HT en ce qui concerne la location et 210 euros HT/jour pour le skipper salarié de la société ISOLA BREIZH, M. [B] [M].
A la suite du changement de moteur par la SARL AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE M. [B] [M] a pris en charge le navire à l'[Localité 4] le 10 juillet 2018 pour le convoyer jusqu’à [Localité 6], le moteur étant en rodage.
Quelques heures après le départ, le navire a subi une panne.
La SNSM a procédé au remorquage du navire jusqu’au port de [Localité 8].
La société FRANCOPHIL a mandaté un expert maritime, le cabinet KEROMAN EXPERTISE MARITIME.
La garantie MERCURY a pris en charge le remplacement des éléments affectés.
Après réparations le convoyeur désigné par la société FRANCOPHIL a repris possession du navire le 7 août 2018 qui a pu naviguer jusqu’à [Localité 6] sans difficulté.
Lorsqu’il a quitté le port de [Localité 6] le 15 août 2018 pour [Localité 5], un nouvel incident s’est produit, sa vitesse plafonnant à 11 n’uds.
La SARL AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE est à nouveau intervenue pour régler les difficultés tenant à un défaut d’étalonnage des compte tours.
La société FRANCOPHIL estime que la responsabilité de la société ATMP est engagée et demande la prise en charge par la société ATMP de son préjudice financier estimé à 8 880 euros calculé sur la base de 40 jours de location perdue.
Par acte en date du 4 février 2019, Mme [C] [S] et la société FRANCOPHIL ont assigné la SARL AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE devant le tribunal de commerce de Brest aux fins d’obtenir à titre principal sa condamnation au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 8 880 euros en raison de la défaillance constatée du moteur.
Par jugement rendu le 11 septembre 2020, le tribunal a :
– Pris acte que Mme [S] ne formule aucune demande à titre personnel;
– Débouté la société FRANCOPHIL de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamné la société FRANCOPHIL à payer la somme de 1 000 euros à la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– Condamné la société FRANCOPHIL à payer la somme de 2 500 euros à la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la société FRANCOPHIL aux entiers dépens ;
– Liquidé au titre des dépens les frais de greffe à la somme de 94,34 euros TTC.
Suivant déclaration d’appel du 26 octobre 2020, Mme [S] et la société FRANCOPHIL ont interjeté appel du jugement.
L’ordonnance de clôture est en date du 20 octobre 2022.
MOYEN ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées le 12 septembre 2022 Mme [S] et la société FRANCOPHIL demandent à la cour au visa des articles 1217 et suivants du code civil et 1641 et suivants du code civil, de :
– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Brest le 11 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;
– Juger que la facture établie le 8 août 2017 par la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE comporte la mise en place d’un moteur ;
– Dire et juger qu’un contrat de location a bien été signé au profit de la société ISOLA BREIZH
– Juger que le bateau a subi une avarie le 10 juillet 2018 alors que cela faisait à peine 4 heures que le moteur était en fonctionnement ;
– Juger enfin que l’entreprise ELECTRO MARINE INDUSTRIE a observé que le lignage moteur n’était pas bon et qu’il a fallu raboter le châssis ;
En conséquence,
– Dire, et juger que la SARL AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE, en tant que professionnelle, a manqué à son obligation de résultat ;
– Qu’en outre, il peut être reconnu en l’espèce un vice caché ;
– Dire et juger que l’intervention de la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE n’a pas permis de solutionner le désordre ;
– Condamner la SARL AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE à payer à la société FRANCOPHIL une somme de 8 888,80 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure;
– La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– Condamner la même au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– La condamner au entiers dépens.
Au contraire dans ses écritures notifiées le 7 octobre 2022 la SARL AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE demande à la cour au visa des articles 31 du code de procédure civile, 9 du code de procédure civile, 1240 du code civil, de :
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel rendu par le tribunal de commerce de Brest le 11 septembre 2020 ;
Et en conséquence,
– Prendre acte que Mme [S] ne formule aucune demande à titre principal ;
– Débouter la société FRANCOPHIL de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner la société FRANCOPHIL à payer la somme de 1.000 euros à la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– Condamner la société FRANCOPHIL à payer la somme de 2.500 euros à la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société FRANCOPHIL aux entiers dépens ;
– Liquider au titre des dépens de première instance les frais de greffe à la somme de 94,34 EUROS TTC ;
Y additer,
– Juger irrecevables comme étant prescrites Mme [S] et la société FRANCOPHIL à agir sur le fondement des dispositions des articles 1641 et suivants du code civil ;
– Condamner la société FRANCOPHIL à payer la somme de 2.000 euros à la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société FRANCOPHIL aux entiers dépens dont les dépens en cause d’appel.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
DISCUSSION
La procédure
La demande en paiement de la somme de 8.880 euros vise le préjudice qui aurait été subi par la société FRANCOPHIL en raison de l’indisponibilité du navire à location.
Mme [S] ne peut se voir accorder aucune indemnisation à ce titre, ce qu’elle reconnaît puisqu’elle ne’formule’aucune demande à titre personnel.
La question de son intérêt à agir est donc sans objet et le jugement du tribunal de commerce de Brest est confirmé de ce chef.
L’imputabilité de l’avarie du 10 juillet 2018
la société FRANCOPHIL et Mme [S] estiment que la société ATMP n’était pas habilitée à intervenir sur l’installation du moteur MERCRUISER et que sa faute est établie de sorte qu’elles sont en droit d’invoquer la garantie légale des vices cachés et son obligation de résultat.
La société ATMP réplique qu’elle était compétente pour procéder à l’installation du moteur, que le constructeur en acceptant sa garantie a considéré que la panne provenait d’un défaut constructeur qui ne lui est pas imputable et qu’aucune expertise judiciaire n’est venue apporter un éclairage fiable sur la panne.
Il est constant en droit que la société ATMP est tenue à une obligation de résultat dans l’installation du moteur ce qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage sauf aux appelantes à établir que le dommage subi par le navire trouve son origine dans l’organe sur lequel est intervenu ATMP.
En l’espèce le rapport de mer de M. [B] [M] du 30 juillet 2018 précise :
Le 10 juillet 2018 à 7h 50 Mr [P] [O] (maître principal dans la marine nationale spécialité chef de quart) et moi-même (numéro permis côtier : 2006042743), après avoir fait le plein dans le bateau Zaze et vérifié les niveaux d’huile nous quittons le port de [Localité 7] pour [Localité 6]. Le moteur étant en rodage, nous avons respecté les consignes du mécanicien. La traversée se passe très bien, la mer est calme et le temps idéal pour naviguer. A 9h35 alors que nous passions le phare du four nous entendons un gros bruit au niveau de la calle moteur, nous mettons le moteur au point mort et nous l’arrêtons. Nous avons tout de suite contrôlé le moteur (courroie et huile) rien à signaler à ce niveau là, nous avons ensuite relevé l’embase pour contrôler qu’un bout ne se soit pas enroulé dans l’hélice, rien à signaler non plus. Nous décidons alors de redémarrer le moteur, il démarre parfaitement mais au moment de passer la marche avant, impossible, le bruit revient et nous empêche d’embrayer. Nous essayons alors la marche arrière, aucun problème, nous décidons à 9h50 d’appeler la SNSM . Les sauveteurs en mer arrive aux alentours de 10h30 et nous déposent au Port de [Localité 8]. J’ai appelé le mécanicien de l'[Localité 4] qui a monté le moteur sur le bateau, il me demande si je n’ai pas touché un rocher ou pris un bout dans l’hélice, je lui dis que non, il décide donc de se déplacer pour faire un premier état de panne, il teste les câbles d’embrayage avant et arrière, il contrôle l’embase et l’hélice et n’observe rien d’anormal, il décide alors que le bateau doit être rapatrié à l'[Localité 4] afin de démonter l’embase et procéder à un contrôle plus poussé.
Le rapport du cabinet KEROMAN EXPERTISE MARITIME du 19 septembre 2018 indique.
Les constations intéressent l’embase de marque MERCRUISER n° 2A475941 …
La pompe à eau est en bon état, pas d’anomalie
Les arbres de transmission et les roulements ne présentent pas de défauts,
Le système de clabotage des pignons de marche avant et arrière présentent des traces de frottement au niveau de l’accouplement et du pignon de marche arrière
Il n’a pas été possible de déterminer l’origine de l’avarie, l’embase étant démontée. Un défaut de montage à l’usine peut cependant être envisagé.
L’origine de la panne trouve son origine dans un organe installé par la société ATMP.
L’expert n’est pas affirmatif sur un défaut de montage à l’usine ni sur un désordre qui serait manifestement inhérent à l’embase. Il n’émet qu’une hypothèse.
Dans son mail du 20 juillet 2018 M. [D] de Ouest Marine Moteurs (distributeur MERCURY MERCRUISER) indique que :
…Encore une fois au niveau de la rupture, l’huile cramée s’explique par une friction trop forte des pignons du pied d’embase l’arbre d’hélice a ainsi souffert, le crabot ne se déplace de fait plus assez pour l’embrayage…
Cette observation ne confirme pas que la panne trouve son origine dans un défaut constructeur.
Il importe peu de caractériser ou d’exclure ses compétences en matière de montage de moteur MERCRUISER dès lors que tenue par un contrat de louage d’ouvrage elle est tenue à une obligation de résultat.
Sur ce point la société FRANCOPHIL verse un mail d’infoconso MERCURY FRANCE adressé à M. [F] (compagnon de Mme [S]) le 22 février 2019 qui précise que :
Le revendeur Agence technique Marine que vous citez est un revendeur Mercury mais pas spécifié pour du Mercruiser ; dans votre cas il est préférable de vous adresser à notre distributeur Mercruiser dans le 56 Ouest Marine Moteur …
Ouest Marine Moteurs indique pour sa part le 10 juillet 2019 :
Nous confirmons que les ETS AGENCE TECHNIQUE MARINE, membre du réseau MERCURY est habilité à traiter des applications Sterndrive MERCRUISER.
Ces informations qui ne vont pas dans le même sens ne permettent pas de relever une incompétence professionnelle de la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE ou au contraire sa spécialité dans les moteurs MERCRUISER.
En tout état de cause à la demande de M [F], la société ELECTRO MARINE affirme aussi concernant la panne du 10 juillet 2018 que:
le technicien a sorti l’embrase en tirant fortement dessus. Pour le remontage, impossibilité de remettre en place le cardan. Le lignage moteur n’était pas bon et il a fallu raboter le châssis tribord pour remédier au problème
Cette affirmation n’est accompagnée d’aucun document technique permettant de la soutenir.
Pour autant MERCURY MARINE FRANCE précise le 26 juin 2020:
Il s’agit d’un V6 4.5L Mercruiser avec embase Alpha one, je pense qu’il y a un problème de sonde de pression d’eau mais je laisse faire un diagnostic avec le G 3 et m’envoyer un full report.
Ce moteur a été mal monté par un chantier de l'[Localité 4] et a été corrigé et entretenu par le chantier EMI de [Localité 5].
Par conséquent le jeu de la garantie constructeur ne permet pas à la société ATMP de s’exonérer de son obligation de résultat vis à vis de sa cliente consistant à lui livrer un navire avec un moteur neuf capable de naviguer plus de 4 heures. Et il n’appartenait pas à la société FRANCOPHIL ou à la société ISOLA BREIZH de vérifier qu’il fonctionnait.
La réparation du préjudice de la société FRANCOPHIL
La société ATMP fait valoir que la société FRANCOPHIL ne démontre pas la possibilité de louer le bateau dans la mesure où il ne possédait pas d’équipement de secours, n’avait pas fait l’objet d’une vérification annuelle spéciale et que le statut du skipper était confus. Elle ajoute que les liens entre les sociétés FRANCOPHIL et ISOLA BREIZH sont peu clairs de même que le positionnement de Mme [S] et de M. [F].
La société FRANCOPHIL et Mme [S] précisent que ces arguments sont sans incidence sur l’obligation de la société ATMP de l’indemniser de sa perte d’exploitation et de jouissance et qu’en tout état de cause le navire a bien équipé après la livraison, qu’il n’était pas destiné à transporter des passagers payants et que la location n’ayant pas pu aboutir le débat sur la vérification annuelle est sans objet. Elle ajoute que le statut de M. [M] est sans lien avec l’avarie et que le calcul de l’expert concernant le préjudice invoqué est erroné puisqu’il constitue une perte de chiffre d’affaire.
La société FRANCOPHIL et Mme [S] versent le contrat du 1er mars 2018 régularisé entre la société FRANCOPHIL et la société ISOLA BREIZH aux termes duquel la société FRANCOPHIL a mis à disposition de la société ISOLA BREIZH le navire FOUR WINNS VISTA 248 avec skipper pour la période du 14 juillet 2018 au 15 septembre 2018.
Dans ces conditions il est bien établi que le navire était destiné à la location ce dont au demeurant la société ATMP était informée (échanges de mail du 30 mai 2017).
Les appelantes versent des factures d’achat de matériel mais pour un seul gilet de sauvetage.
Le bateau est resté à quai du jour de sa livraison le 26 juin 2018 au 10 juillet 2018.
La société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE ne rapporte pas qu’au jour du départ en mer le 10 juillet 2018 le bateau n’était pas équipé alors que M. [M] le skipper précise le 2 juillet 2019 :
Je soussigné Mr [M] [B], titulaire du permis côtier N°2006042743, atteste par la présente avoir pris la mer le 10 juillet 2018 avec le bateau Zaze immatriculé [Immatriculation 12] avec les équipements de sécurité obligatoire (Brassières, VHF portable, fusée de détresse, carte des marées et de la zone empruntée).
Lorsque le bateau a quitté le chantier naval de l’Aber Wrach il ne possédait pas les équipements de sécurité à bord, les feux ne fonctionnaient pas et aucun équipement d’alerte ni de détresse n’était présent à bord. Un fusible a permis de faire fonctionner les feux et, des brassières, boutes d’amarrage et pare battage neufs ont été mis en place sur le bateau avant la traversée de l’Aber Wrach vers le port de [Localité 6]. Lorsque nous sommes tombés en panne dans le chenal du four nous avons pu signaler notre panne sur le canal 16 et pu être rappelés sur les téléphones portables que nous avions pris soin de charger avant la traversée.
La réglementation ne distingue pas entre la location de navire pour le transport de passager et autres, la visite annuelle spéciale s’imposant à tous.
Pour autant la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE n’établit pas que le jour prévu pour le départ en mer dans le cadre de la location, le 14 juillet 2018, le navire n’aurait pas été visité au risque de se placer hors la loi dans le cas contraire il aurait pris le risque de se placer hors la loi en cas de contrôle.
En outre M. [M] est titulaire du Permis Mer côtier délivré le 29 mai et la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE ne verse aucune pièce de nature à remettre en cause ses compétences maritimes.
Sur ce point les débats sur son statut du skipper salarié ou indépendant et sur les liens entre les sociétés FRANCOPHIL et ISOLA BREIZH et/ou entre ces dernières et Mme [S] et M. [F] sont sans incidence sur l’obligation à réparation de la société ATMP dont la mission était de restituer un navire en état de marche et aucunement de contrôler la responsabilité éventuelle de ses clients dans le cadre de la mise en location du bateau.
Il n’est ainsi pas établi que la société FRANCOPHIL se soit trouvé dans l’impossibilité de mettre son bateau en location.
Au cas d’espèce l’expert précise :
Le montant de la location est de 14 000 € pour 63 jours calendaires soit un montant de 222,22 € HT par jours calendaire.
Le navire après avarie est redevenu disponible pour la location le 23 août 2018. Il n’a pu donc être loué du 14 au 23 août 2018 soit 40 jours calendaires.
Le manque à gagner suite à l’avarie s’élèverait à 40 X 222,22 : 8888,80 euros.
Il est cependant à noter que le coût moyen journalier de location de ce type de navire s’élève à 450 € par jour, cf annexe E.
Un perte d’exploitation est un manque à gagner alors que le chiffre d’affaires représente le montant des affaires (hors taxes) réalisées.
La demande de la société FRANCOPHIL doit donc s’analyser en perte de chiffre d’affaires et ne saurait être équivalente à la somme de 8 888, 80 euros. Elle est fixée à la somme de 5000 euros.
Il convient donc de condamner la société ATMP à régler à la société FRANCOPHIL la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation devant le tribunal de commerce.
Le jugement du tribunal de commerce est infirmé.
La demande de la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE pour procédure abusive
Au regard de l’infirmation du jugement du tribunal de commerce la demande de la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE pour procédure abusive est rejetée.
Les demandes annexes
Il n’est pas inéquitable de condamner la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour :
– Confirme le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a :
– Pris acte que Mme [S] ne formule aucune demande à titre personnel.
– Infirme le jugement du tribunal de commerce pour le surplus.
Statuant à nouveau :
– Condamne la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE à régler à la société FRANCOPHIL la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation devant le tribunal de commerce ;
-Condamne la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejette les autres demandes des parties ;
– Condamne la société AGENCE TECHNIQUE MARINE PLAISANCE aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT