21 juillet 2016
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
14/24049
COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 21 JUILLET 2016
N°2016/321
Rôle N° 14/24049
[E] [A]
[T] [O] épouse [A]
C/
[U] [Z]
MMA IARD
Compagnie d’assurances PACIFICA
SA MMA IARD
CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
Grosse délivrée
le :
à :
Me REBUFAT
Me SIMON DE KERGUNIC
Me TOLLINCHI
Me GUEDJ
Me CONSTANS
Me ABEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Novembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 12/04374.
APPELANTS
Monsieur [E] [A]
né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 1], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Denis REBUFAT, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [T] [O] épouse [A]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 2], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Denis REBUFAT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [U] [Z], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Nicolas SIMON DE KERGUNIC de la SELARL AVOCALEX, avocat au barreau de GRASSE, Me Béatrice FAVAREL, avocat au barreau de MARSEILLE
SA MMA IARD
demeurant [Adresse 8]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
MMA IARD, venant aux droits de la Compagnie COVEA RISKS, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Ariane LAMI SOURZAC, avocat au barreau de PARIS
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la Compagnie COVEA RISKS, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Ariane LAMI SOURZAC, avocat au barreau de PARIS
CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Régis CONSTANS de la SCP VINSONNEAU PALIES-NOY-GAUER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTERVENANTE VOLONTAIRE
Compagnie d’assurances PACIFICA demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Jean françois ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mars 2016 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christiane BELIERES, Présidente, et Madame Anne VELLA, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Christiane BELIERES, Présidente
Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller
Madame Anne VELLA, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Gisèle SEGARRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 mai 2016. Le 26 mai 2016 la prononcé de la décision a été prorogé au 23 juin 2016.Le 23 juin 2016 le prononcé de la décision à été prorogé au 21 Juillet 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2016.
Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Samira CHKIRNI , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé des faits et de la procédure
Le 23 juillet 2011 M. [E] [A] se trouvait assis à l’avant du bateau ‘Cala Rossa’ propriété de M. [U] [Z] exerçant sous l’enseigne ‘Cala Rossa Location’ qui organisait dans le cadre de son activité professionnelle une sortie en mer pour ‘Voir et nager avec les dauphins’ avec onze passagers lorsqu’à la suite d’une vague plus importante que les autres il a été soulevé puis est retombé, assis sur son postérieur.
Il a été gravement blessé dans cet accident.
Par acte du 18 mai 2012 M. [A] et son épouse [T] [O] ont fait assigner M. [Z] devant le tribunal de grande instance de Draguignan en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis à déterminer par voie d’expertise médicale avec octroi d’une provision et ont appelé en cause les sociétés Mutuelles du Mans Assurances Iard (MMA) et Covea Risks en leur qualité d’assureurs du bateau.
Par jugement du 6 novembre 2014 cette juridiction a :
– dit que M. [Z] était responsable à hauteur de 60 % des conséquences dommageables de l’accident
Avant-dire droit,
– ordonné une expertise médicale en vue d’évaluer le préjudice corporel de la victime et désigné le docteur [C] pour y procéder
– rejeté la demande d’extension de la mission de l’expert médical et la demande de désignation d’un expert marîtime avec pour mission de décrire les conditions météorologiques du 23 juillet 2011
– condamné M. [Z] à payer à M.[A] une provision de 40.000 € à valoir sur la réparation de son préjudice corporel
– constaté la limitation de la réparation du préjudice à un montant de 195.119,75 € et la limitation de la garantie de la Sa Covea Risks à 175.000 €
– rejeté l’appel en garantie formé par M. et Mme [Z] à l’encontre de la société MMA
– condamné les époux [Z] aux dépens de l’appel en garantie et à payer à la société MMA une somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile
– déclaré le jugement commun à la Cpam des Bouches du Rhône et à la Sa Covea Risks
– réservé pour le surplus les droits des parties
– ordonné l’exécution provisoire.
Pour statuer ainsi au visa des articles L 5421-2 et 5421-3 du code des transports elle a considéré que ‘M. [Z] n’avait pas donné les instructions nécessaires pour que M. [A] s’éloigne de la proue du navire lorsqu’il a accéléré pour se placer face à la houle en vue de rechercher la zone de présence des dauphins, que M. [A] était resté assis à la proue alors que tous les autres passagers avaient reculé et n’avait pas respecté la consigne donnée de se tenir alors qu’il avait la possibilité de s’agripper aux taquets d’amarrage ou à la rambarde de bastingage, ce qui aurait pu limiter le choc lorsqu’il est retombé et qu’il avait ainsi commis une imprudence d’autant plus caractérisée que ses antécédents médicaux de hernie discale devaient le conduire à choisir une place plus protégée et était responsable de 40 % de son préjudice’.
Par acte du 22 décembre 2014 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, les époux [A] ont interjeté appel général de cette décision.
L’expert médical a déposé son rapport le 15 mai 2015 dans lequel il mentionne notamment qu’aucun état antérieur n’est susceptible d’interférer avec les séquelles présentées aujourd’hui qui ne sont pas en rapport avec une quelconque hernie discale ou discarthrose.
Par conclusions du 11 février 2015 la Sa Pacifica est intervenue volontairement à l’instance en sa qualité d’assureur de M. [A] dans le cadre d’un contrat d’assurance ‘Garantie Accidents de la Vie’, subrogée dans ses droits au titre du versement de diverses provisions.
Par conclusions du 23 février 2016 la Sa MMA Iard et la société MMAIard Assurances Mutuelles sont venues aux droits de la Sa Covea Risks.
Moyens des parties
Les époux [A] demandent dans leurs conclusions du 25 mars 2016 de
– infirmer la décision
– déclarer M. [Z] entièrement responsable de l’accident
– rejeter toute demande de partage et de limitation de responsabilité
Evoquant l’entier litige,
– homologuer le rapport d’expertise judiciaire du docteur [C]
– dire que M. [Z] et la Sa Covea Risk sont solidairement tenus à l’indemnisation de l’ entier préjudice subi
– les condamner solidairement à indemniser les préjudices subis dans les termes suivants :
Préjudices avant consolidation
* pertes de gains professionnels actuels : 59.891,43 €
* frais divers : 60.152,60 € dont 57.939,20 € au titre de la tierce personne temporaire
* déficit fonctionnel temporaire: 4.959,3l €
* déficit fonctionnel temporaire partiel :
75 % classe IV du 5 novembre 2011 au 4 avril 2012 : 2.776,19 €
60 % classe III jusqu’a la date de la consolidation du 1/4/ 2014 : 10.712,85 €
* souffrances endurées : 45.000 €
* préjudice esthétique temporaire : 6000 €
Préjudices après consolidation
* dépenses de santé futures : 491.043,66 €
* frais de logement et de véhicule adapté : 17.641,50 €
* assistance définitive par tierce personne : 446.959,44 €
* pertes de gains professionnels futurs : 651.839,56 € sauf à déduire la pension d’invalidité de la Cpam de 295.312,68 soit une indemnité lui revenant de 356.526,88 €
* incidence professionnelle : 100.000 €
* déficit fonctionnel permanent : 127.000 €, en l’absence d’état antérieur susceptible de réduire son taux de 50 %
* préjudice d’agrément : 20.000 €
* préjudice esthétique permanent : 6.000 €
* préjudice sexuel permanent : 50.000 €
* préjudice d’établissernent : 50.000 €
– condamner solidairement M. [Z] et la Sa Covea Risk à verser à M. [A] une indemnité globale et forfaitaire de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner solidairement M. [Z] et la Sa Covea Risk aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile
– dire le jugement à intervenir opposable aux organismes sociaux appelées en la cause.
Ils recherchent la responsabilité de M. [Z] sur le fondement des articles L 5421-1 et suivants du code des transports au titre de son obligation de sécurité de transporteur pour avoir commis plusieurs fautes et en particulier pour l’avoir laissé, ainsi d’ailleurs que d’autres passagers, à l’avant du bateau lorsqu’il a accéléré et changé de cap pour se retrouver face aux vagues, ce qui constitue un défaut de précaution, pour n’avoir pas pris connaissance des prévisions météo pour l’après-midi du samedi qui étaient défavorables avec des creux de plus d’1,50 mètre et ne pas avoir suivi leur évolution, pour avoir pris la mer avec des passagers inexpérimentés et mal placés alors que la mer allait être agitée et pour avoir accéléré dans un mer agitée et face à la vague, toutes fautes qui sont à l’origine des blessures subies.
Ils soutiennent également que la prise en charge a manqué de rapidité alors que l’état de M.[A] constituait une urgence fonctionnelle, M. [Z] ayant préféré plutôt que d’envoyer un message de détresse par VHF ou avertir l’avion qui se trouvait au-dessus pour faire venir les secours et l’hélitreuiller, faire une heure et demi de navigation jusqu’à un port et sans l’immobiliser dans une coque.
Ils contestent toute faute de la part de M. [A].
Ils soulignent que, totalement novice en matière de plaisance, il ne pouvait pas imaginer être soulevé ni que le capitaine allait accélérer face aux vagues sans l’aviser qu’il n’était pas bien placé et qu’il courait un danger en restant assis à l’avant du bateau.
Ils considèrent que la faute inexcusable commise par le capitaine définie comme la ‘conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire’ rend inapplicable la limitation de responsabilité en matière de transport maritime avec dommage corporel édictée par la convention de Londres et les différents protocoles notamment le décret 2007-1379 du 22 septembre 2007.
Ils ajoutent qu’en toute hypothèse cette limitation n’est pas de 175 000 unités de compte mais de 12 fois cette limite car elle doit être multipliée par le nombre de passagers que le navire est autorisé à transporter conformément à son certificat.
Ils réclament l’indemnisation des pertes de gains actuels et futurs sur la base d’un salaire de 2.553,83 € au titre de son activité professionnelle de représentant de commerce en ferronnerie d’art à laquelle il est désormais devenue inapte comme à toute autre activité professionnelle, à capitaliser selon le barème de la Gazette du Palais de Mars 2013.
Ils sollicitent réparation du déficit fonctionnel temporaire sur la base de 75 € par mois et du déficit fonctionnel permanent sur la base d’une valeur du point de 2.540 € et de l’assistance de tierce personne à raison de 5 heures par semaine ou 20 heures par mois et de 1.810,60 € par mois (base Smic outre charges patronale et congés payés).
La Sa Pacifia réclame dans ses conclusions du 25 mars 2016
Vu les articles 1147 et suivants et 1249 et suivants du Code civil, les articles L.5421-2 et suivants du Code des transports, les articles L.121-12 et suivants du Code des assurances
– recevoir son intervention volontaire en sa qualité de subrogée dans les droits de son assuré
– dire qu’en vertu du contrat Garantie Accidents de la Vie n° 4295525908 (notamment page 19 des Conditions Générales) elle dispose d’un recours subrogatoire à l’encontre de M. [Z] et de ses assureurs pour l’ensemble des sommes versées du fait de l’accident
– dire qu’en tout état de cause, elle dispose d’un intérêt à participer à la présente instance, qui a pour objet la détermination des responsabilités, des garanties dues par la Sa MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, ainsi qu’à l’évaluation du préjudice corporel subi par son assuré (au regard des postes de préjudices garantis)
– réformer le jugement en toutes ses dispositions, sauf celles relatives à l’expertise ordonnée
– dire que M. [Z] est entièrement responsable et tenu d’indemniser le dommage causé à M. [A] en raison des fautes caractérisées commises lors de l’événement litigieux, le droit à indemnisation de cette victime étant entier et ce tant au regard des dispositions de l’article L.5421-5, alinéa 3 du Code des transports que la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes
– dire par ailleurs que le plafond de garantie de la Sa MMA Iard et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles retenu par les premiers juges devra être multiplié par le nombre de passagers soit 12
– dire qu’elle est en droit en exécution de son recours subrogatoire de solliciter à l’encontre de M. [Z] et de ses assureurs le remboursement de l’ensemble des sommes versées du fait de l’accident
– condamner solidairement M. [Z] et ses assureurs au remboursement de la somme de 50.000 € déjà versée
– dire que la Sa MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles devront garantir en application du contrat la totalité de son recours
A titre subsidiaire, et au cas où l’intégralité du préjudice de M. [A] ne serait pas pris en charge en totalité par la Sa MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, réduire les postes de préjudice de la victime par la garantie Pacifica et ce, sous réserve de la production du recours définitif des tiers payeurs à défaut de quoi un sursis à statuer s’imposerait quant aux chefs de préjudice soumis à recours (voir motifs pages 11 et 13)
– condamner la partie qui succombera à lui payer une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Elle fait valoir qu’il pèse sur le transporteur une obligation de sécurité qui constitue une obligation de résultat dont le débiteur ne peut s’exonérer qu’en cas de force majeure, non démontrée, qu’au contraire M. [Z] a commis de multiples fautes pour notammment ne pas s’être assuré que l’ensemble des passagers se trouvait suffisamment protégé au regard des conditions météorologiques et avoir laissé M. [A] assis à la proue du navire,endroit le plus exposé aux chocs alors qu’il se dirigeait à vive allure vers un groupe de dauphns signalés.
Elle indique que le contrat souscrit par M. [A] garantit uniquement certains chefs de dommage pour lesquels elle propose les évaluation suivantes : perte de gains professionnels actuels : plafond de 15.000 €, déficit fonctionnel temporaire 22.500 €, frais d’aménagement du véhicule : rejet en l’absnce de facture, assistance de tierce personne viagère : 83.868 € sur la base d’un coût horaire de 14 €, perte de gains professionnels futurs : 46.859,79 € déduction faite des pensions d’invalidité versées, déficit fonctionnel permanent : 115.000 € sur la base d’une valeur du point de 2.300 €, préjudice d’agrément : rejet, préjudice esthétique permanent : 5.000 €.
M. [Z] demande dans ses conclusions du 29 mars 2016 de 68 pages auxquelles il convient de se reporer pour plus de précisions de
Vu les articles 56, 564, 568, 699 et 700 du code de procédure civile, l’article 7 de la Convention de Londres du 19/11/1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, le protocole du 2 mai 1996 modifiant la Convention de Londres du 19/11/1976, l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme, les articles L.5121-3, L 5421-1 à L.5421-8 du Code des transports
In limine litis
– rejeter la demande d’évocation de l’affaire par les époux [A]
– déclarer irrecevables les nouvelles demandes, dont la liquidation de sa créance indemnitaire, formulées en cause d’appel par M. [A] le 8 juin 2015
A titre principal
– reformer le jugement en ce qu’il a mis à sa charge un taux de responsabilité de 60% dans la survenance de l’accident du 23/07/2011.
– juger qu’il n’a commis aucune faute dans la conduite de son bateau, qu’il n’est pas juridiquement responsable de l’accident survenu à M. [A]
– juger que M. [A] a commis une faute, directement à l’origine de son préjudice, en ne se tenant ni à la rambarde du bastingage ni à l’un des taquets d’amarrage
– le décharger de toute responsabilité dans la survenance du préjudice corporel de M. [E] [A]
– rejeter les demandes des époux [A] ainsi que des compagnies d’assurances MMA Iard et Pacifica
A titre subsidiaire, si une faute était retenue à son encontre
– dire qu’elle ne présente pas le caractère d’une faute inexcusable
– confirmer le jugement en ce qu’il a limité sa responsabilité pécuniaire à 175.000 DTS, soit au 23 juillet 2011 une somme de 195.119,75€
– juger que son éventuelle condamnation pécuniaire sera prise en charge par la Sa Covea Risk dans la limite de la limitation de garantie contractuelle de 175.000 €
– juger que la limitation de sa responsabilité à 175 000 DTS est opposableà la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Bouches du Rhône.
– dire que M. [A] a commis une faute, à l’origine de son préjudice, en ne l’informant pas de ses problèmes de sciatique et lombalgie et, en conséquence, opérer un partage de responsabilité
– dire que le limitation de responsabilité de M. [Z] à 175.000 DTS s’appliquera avant le partage de responsabilité résultant de la faute de M. [A]
– rejeter les demandes de M. [A] d’indemnisation de ses différents préjudices
– juger que les condamnations et limitations de montant de responsabilité seront opposables à la Cpam des Bouches du Rhône
Sur les demandes financières de [E] [A]
– rejeter les demandes financières de M. [A], à tout le moins les réduire.
– prononcer notamment la suspension et donc le paiement de l’aide pour l’assistance définitive par tierce personne en cas d’hospitalisation de M. [A].
– écarter des débats les quatre pièces signifiées par RPVA le 14 décembre 2015 par la Cpam des Bouches du Rhône
– condamner M. [A] à lui verser une somme de 5.000€ au titre de ses frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il fait valoir que le contrat de sortie en mer conclu entre lui-même et M. [A] est un contrat de transport maritime régi par les seules dispositions de l’article L 5421-2 et suivants du code des transport qui font peser sur le transporteur en cas d’accident individuel une obligation de sécurité de moyens prévue en son articles L 5421-3.
Il soutient n’avoir commis aucune faute en sa qualité de capitaine de navire, les conditions météorologiques permettant d’assurer cette sortie en mer sans aucun danger et ayant pris, à la suite de l’accident, toutes mesures nécessaires pour le rapatrier à terre afin d’être pris en charge par les services de secours.
Il fait remarquer que M. [A] est le seul passager à bord du navire à avoir été blessé, et se prévaut de
– l’absence d’interdiction légale de se positionner à la proue du navire, d’autant que son bateau dispose d’une grande plage permettant aux passagers de s’y asseoir sans risque
– des consignes de sécurité dispensées au moment où il a accéléré pour se rendre sur la zone de localisation des dauphins, alors que les conditions météorologiques étaient bonnes et qu’il n’était pas nécessaire d’imposer une mesure d’interdiction de rester assis à la proue ni de revenir à l’arrière du bateau, en l’absence de danger lié à l’état de la mer, étant souligné que M. [A] n’était pas seul à l’avant lors du sinistre puisque deux couples étaient présents
– l’absence d’aggravation des conditions météorologiques nécessitant des conditions de sécurité particulières (vitesse 8 noeuds lors du sinistre) comme en attestent les photographies, les vidéos et les témoignages de professionnels naviguant le même jour, Météo France annonçant un vent variable force 2 à 3 et une mer peu agitée se renforçant uniquement en fin de soirée et au large (soit au delà des 20 miles nautiques) avec au moment de l’accident vers 12 heures un vent de force 2 (6 à 11 km/h) soit de faible intensité, de sorte que la sortie en mer dans la zone cotière des 20 miles ne peut être considérée comme fautive
– son expérience professionnelle significative en qualité de marin depuis 2005.
Il rappelle que le transporteur échappe à toute responsabilité lorsqu’aucune faute n’est prouvée à son encontre ou si la faute est imputable à la victime.
Il reproche à M. [A] de n’avoir pas fait état de la hernie discale dont il souffrait, de n’avoir pas respecté les consignes de sécurité de s’accrocher lorsque le navire a accéléré alors qu’il disposait pour se tenir de la rambarde du bastingage ou des taquets d’amarrage présents sur le pont du navire.
Il ajoute qu’il ne peut être tenu pour responsable d’une prise en charge tardive ou inadaptée des services médicaux et une intervention chirurgicale pratiquée 10 heures après l’accident, ayant lui-même appelé les secours dès 12 h 23, d’autant qu’un médecin se trouvait à bord du navire et était à même de procurer les premiers soins.
Il se prévaut, en toute hypothèse, de la limitation de responsabilité de la Convention de Londres à laquelle renvoit l’article L 5421- du code des transports qui est de 175 000 droits de tirage spéciaux par passager accidenté avant un éventuel partage de responsabilité (195.119,75 €) sans pouvoir excéder, quand plusieurs passagers sont blessés, une somme globale correspondant à la multiplication de ce chiffre par le nombre de personnes que le navire est en mesure de transporter et sans que ces limitations ne soient subordonnées à la constitution d’un fonds prévu à l’article L 5121-6 du code des transport.
Il soutient que ce plafond a vocation à jouer en l’absence de toute faute inexcusable établie à son encontre au sens de l’article L 5121-3 du code des transports défini comme ‘un fait commis avec l’intention de provoquer le dommage ou commis témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement’.
Il ajoute au sujet du préjudice corporel que l’évocation n’est possible que si la cour est saisie de la réformation de la partie du jugement qui a ordonné une mesure d’instruction alors qu’en l’espèce personne n’a interjeté appel de l’expertise, de sorte que les demandes de liquidation du préjudice corporel sont irrecevables au visa de l’article 564 du code de procédure civile comme nouvelles en cause d’appel.
Il souligne d’une part, que M. [A] souffrait déjà avant l’accident d’une maladie de dos et avait en pleine connaissance de cause accepté de monter à bord d’un bateau d’autre part, que les préjudices dont il se prévaut ne sont pas justifiés voire sont exagérés et doivent donc être rejetés ou modifiés à la baisse selon les offres présentées qui sont les suivantes :
* perte de gains professionnels actuels : rejet en l’absence de production des douze derniers bulletins de paie antérieurs à l’accident et d’avis d’imposition des années 2012 à 2015
* frais divers : rejet à défaut de preuve du préjudice réellement subi
– déficit fonctionnel temporaire : 8.927,37 € sur une base mensuelle de 750 € à appliquer proportionnellement pendant la période d’incapacité partielle
* souffrances endurées : 5.300 €
* préjudice esthétique temporaire : rejet
* dépenses de santé futures non justifiées
* frais de véhicule adapté : rejet, en raison du choix d’un modèle le plus élevé de la gamme et faute de rapporter la preuve d’avoir obtenu l’habilitation à conduire de la commission médicale préfectorale
* assistance définitive par tierce personne : 93.641,18 € sur la base de 15 € de l’heure
* perte de gains professionnels futurs : rejet, faute de justificatifs de ses ressources lors de l’accident
* incidence professionnelle : rejet
* déficit fonctionnel permanent : 34.400 € sur la base d’un taux de 20 % en raison d’une nette amélioration sur les plans vésico sphinctérien et ano rectal et d’une valeur du point de 1.720 € de sorte que les atteintes aux fonctions physiologiques se sont équilibrées et qu’il peut avoir une bonne qualité de vie
* préjudice d’agrément : rejet
* préjudice esthétique permanent : à minorer
* préjducie sexuel et préjudice d’établissement : rejet.
La Sa MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la Sa Covea Risks (police n° PLA/20110312) demandent dans leurs conclusions du 10 mars 2016 de
Vu les dispositions des articles 562 et suivants du code de procédure civile, L 121-12 du code des assurances et L 5420- 1 et suivants du code des transports
– constater que la Sa Pacifica ne justifie pas de sa subrogation dans les droits des époux [A]
– la déclarer irrecevable en son intervention volontaire
– débouter la Sa Pacifica de toutes ses demandes
– déclarer M. [A] irrecevable en ses demandes nouvelles de liquidation de son préjudice
Subsidiairement,
– infirmer le jugement en ce qu’il a retenu une part de responsabilité à la charge de M. [Z]
– constater que M. et Madame [A] ne démontrent aucune faute de M. [Z] a l’origine de l’accident de nature à mettre en cause sa responsabilité de transporteur
Tres subsidiairement, pour le cas ou par impossible, la Cour estimerait devoir retenir une part de responsabilite à la charge de M. [Z]
– dire que la part de responsabilité supportée par M. [Z] ne saurait excéder 50 %
– dire qu’elles sont fondées à limiter leur garantie à la somme de 175.000 € conformément à la clause CP 002 des conditions particulières de la police
Infiniment subsidiairement, pour le cas ou par impossible, la Cour estimerait que les demandes formées par M. [A] au titre de la liquidation de son préjudice sont recevables,
– fixer le préjudice de la manière suivante :
* assistance d’une tierce personne pour la période du 23 juillet 2011 au 1er avril 2014 : 6.207,77€
* déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 4.959,31 € + 2.776,19 € +10.712,85 €
* souffrances endurées avant consolidation : 30.000 €
* préjudice esthétique temporaire : 2.000 €
* frais de logement et de véhicule adapte : 4.195 €
* assistance définitive par tierce personne : 249.264,78 €
* incidence professionnelle : 40.000 €
* déficit fonctionnel permanent à hauteur de 50 % : 127.000 €
* préjudice d’agrément : 10.000 €
* préjudice esthétique permanent : 6.000 €
* préjudice sexuel permanent : 10.000 €
* préjudice d’établissement : 5.000 €
– débouter purement et simplement M. [A] de ses demandes au titre de la perte des gains professionnels actuels, des frais divers, de la perte des gains professionnels futurs
En tout état de cause,
– condamner M. et Madame [A] à verser a la Sa Covea Risks la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La Sa Mma Assurances Iard (police n° 115 0 46 293) sollicite dans ses conclusions du 23 juillet 2015 de
– confirmer le jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause
– rectifiant l’erreur matérielle affectant le jugement dire qu’est rejeté l’appel en garantie formé en son encontre non par les époux [Z] mais par les époux [A]
– condamner les époux [A] ou tout succombant à lui verser la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Cpam des Bouches du Rhône a constitué avocat mais n’a pas conclu.
Elle a fait connaître le 14/12/2015 à l’ensemble des parties le montant de sa créance définitive constituée de prestations en nature à hauteur de 125.838,69 €, d’indemnités journalières de 35.044,80 €, de frais futrus de soins de 106.011 €, de frais futurs d’appareillage de 357.066 €, d’une pension d’invalidité de 128.773,28 € (arrérages échus du 01/04/2014 au 01/01/2015 de 17.500 € et capital représentatif de 111.273 €).
Motifs de la décision
Sur la procédure
Il convient de donner acte à la Sa Pacifica de son intervention volontaire parfaitement recevable en application de l’article 554 du code de procédure civile comme subordonnée à la seule condition d’un intérêt pour celui qui la forme et d’un lien suffisant avec la prétention originaire ; en effet, elle exerce devant la cour un recours subrogatoire au titre de sommes versées à la victime, M. [A], relatives à des chefs de préjudice corporels sollicités par ce dernier , du chef du même accident, auprès d’un tiers qu’il estime responsable de son dommage et de son assureur.
Le décompte établi par la Cpam le 24/08/2015 n’a pas à être écarté des débats car il n’a pas été déposé au soutien de conclusions mais à titre d’information indispensable à la liquidation du préjudice corporel de la victime.
Sur la responsabilité
En l’absence de tout élément d’extranéité, c’est le droit maritime interne français qui est applicable sous réserve du renvoi qu’il opère au droit international.
En vertu des articles L 5421-2 et suivants du code des transports, d’ordre public, le transporteur maritime de passagers à titre onéreux doit faire toutes diligences pour assurer leur sécurité ; tenu à une obligation de moyens en ce qui concerne les dommages corporels subis par les voyageurs victimes d’un accident individuel, conformément aux dispositions de l’article L 5421-3 du code des transports, sa responsabilité légale n’est engagée qu’en cas de faute de sa part en relation de causalité avec le préjudice subi.
La matérialité de l’accident et des blessures de M. [A] pendant qu’il était à bord du navire pour une excursion payante et qui a nécessité son évacuation et son transport à l’hôpital suivant attestation du centre de secours de [Localité 3] du 23/07/2011 n’est pas discutée.
Seule son origine est contestée par les parties, l’une l’attribuant à une faute du transporteur, l’autre à une faute de la victime.
Le rapport de mer signé par le capitaine qui, en vertu de l’article L 5412-7 fait foi jusqu’à preuve contraire, des événements et des circonstances qui y sont relatés établit qu’il a ‘appareillé du port de Cannes Marina à Mandelieu vers 8 H 30 le 23/07/2011 pour une croisière à la journée ; la mer était belle avec une houle d’environ 70 centimètres, le ciel dégagé, bonne visibilité, veille VHF et visuelle assurées. A environ 5 miles nautiques au sud du Cap d’Antibes, à environ 12 heures, M. [A] se trouvait assis à la pointe avant du navire. Le navire naviguait à une vitesse d’environ 8 noeuds, face à la houle ; la partie avant du navire s’est soulevée avec la houle et est retombée dans le creux de celle-ci. M. [E] [A] ne se tenant pas à la main courante s’est soulevé d’environ 20 centimètres et est retombé, assis sur son postérieur. Il a tout de suite ressenti une forte douleur dans le bas du dos…’
Les conditions atmosphériques sont confirmées par les bulletins météo versés aux débats
Le bulletin cotier pour la bande des 20 miles entre Saint Raphaël et Menton, en zone Ligure, mentionnait des prévisions pour la journée du samedi 23 juillet avec ‘un vent variable force 2 à 3 puis un régime de brises force 3 l’après-midi près des côtes, une mer peu agitée devant agitée au large l’après midi, une houle de sud ouest se creusant jusqu’à 1,5 m en soirée au large, un temps peu nuageux, une visibilté bonne ; A 5 heures légales on observait Nice NN0/6 noeuds.’
Celui de 11 h 30 est identique si ce n’est qu’il mentionne ‘un temps ensolleillé ; A 11 heures légales on observait Nice : SSO/7Noeuds’.
Selon l’échelle de Douglas versée aux débats par M. [Z] une mer peu agitée donne une hauteur de vagues de 0,5 à 1,25 mètres.
L’un des passagers, M. [R] interne à médecin qui a donné les premiers soins a témoigné qu »’il faisait beau temps et la mer présentait une faible houle’.
Le certificat d’intempérie en mer de Metéo France versé aux débats par les sociétés d’assurances pour la journée du 23 juillet 2011 de 6 heures à 18 heures particulièrement vers 10 heures à 5 miles nautiques au sud du Cap d’Antibes mentionne ‘en mer le vent moyen sur 10 minutes est faible (force 3 beaufort = petite brise) compris entre 7 et 10 noeuds. Le vent est de secteur Nord est.
La hauteur moyenne des vagues se situe entre 40 et 50 cm en matinée (mer belle). La mer devient peu agitée à partir de 10 h UTC ; la hauteur significative oscille alors entre 60 et 80 cm essentiellement composée par une houle sud.
Le ciel est peu nuageux en journée, hormis un passage plus prononcé sur le coup de 11 heures locales. La visibilité reste supérieure à 10 kilomètres tout au long de la journée.
La zone étudiée ne fait pas l’objet d’un bulletin métérologique de sécurité (vent fort) pour la période. Aucun phénomène dangereux (orages, trombes, brumes ou brouillars) n’est observée sur la zone durant la période’.
L’accident s’étant produit vers midi, puisque le Samu a reçu le premier appel à 12 h 23 ‘signalant la chute et que le bateau était à 20 mn du port’ comme attesté par le CHU de Nice dans un courrier électronique du 9/08/2012, la situation météorologique est bien celle décrite dans le rapport de mer et n’interdisait nullement la sortie en mer pour des raisons de sécurité.
Les circonstances de cet accident sont précisées par les attestations produites par certains passagers.
M. [R] indique ‘En fin de matinée, alors que M. [A] était assis à la pointe avant du bateau, l’avion qui servait au repérage des cétacées a indiqué à M. [Z] la présence d’un groupe de dauphins à quelques miles de notre position. Le bateau a mis le cap vers le point donné par l’avion et a commencé à naviguer face à la houle. A un moment donné une vague un peu plus importante que les autres est apparue à l’avant du bateau ; le nez du bateau s’est soulevé et a fait décoller de quelques centimètres (environ 20, 25 cms) M. [A] qui était toujours à la même place. En retombant sur le bateau celui-ci s’est mis à gémir et à s’allonger sur le dos’..
M. [X] mentionne ‘Avant l’accident [U] a reçu une information sur la localisation d’un groupe de dauphins. Il nous a tous prévenus de faire attention car il allait accélérer ; seul [E] et resté assis à l’avant du bateau. Au moment où le bateau a chuté derrière une vague, [E] a décollé de la surface du bateau et est lourdement tombé assis. Il a immédiatement manifesté une très forte douleur au dos.’
Mme [S] [J] épouse [G] déclare ‘Au moment de l’accident nou étions en route pour rejoindre un banc de dauphins. M. [Z] nous avait demandé de bien nous tenir car le bateau allait aller plus vite. Nous étions deux couples installés sur les matelas à l’avant du bateau ; les autres participants à l’arrière . Il n’y a que [E] qui s’est installé à la proue du bateau. Sur la vague qui a provoqué l’accident nous avons nous aussi décollé (les deux couples à l’avant) mais nous avons eu le matelas pour amortir. Le choc n’était pas non plus énorme .. [E] quant à lui a décollé , s’est tapé les jambes sur la rambarde du bateau et a atterri violemment sur les fesses’.
Ces témoignages traduisent un manquement fautif du capitaine du navire.
En tant que professionnel expérimenté du nautisme il appartenait à M. [Z], qui s’apprêtait à accélérer fortement face à la houle pour rejoindre un groupe de dauphins signalé, d’attirer l’attention de ce passager profane sur le fait qu’en restant assis à l’avant du bateau il serait plus exposé, la proue étant un endroit particulièrement sensible aux vagues et plus mouvementé que le reste du bateau et de l’inviter, au besoin, à se déplacer vers l’arrière.
Aucun reproche ne peut, en revanche, être retenu à son encontre au titre de l’organisation des secours, faute pour la victime de rapporter la preuve, à sa charge, d’un quelconque manquement de ce chef.
Les éléments produits établissent, en effet, qu’il a tout de suite arrêté le bateau et demandé à l’interne de 6ème année de médecine présent, M. [R], d’aller lui porter assistance et de l’examiner, lequel atteste avoir ‘ appelé le Samu (15) avec son portable qui a envoyé une équipe de pompiers au port le plus proche (Golf Juan) où il nous a demandé de nous rendre. Sur le trajet de retour, j’ai donné des consignes strictes d’immobilisation de M. [A] sur le dos (décubitus dorsal); une fois au port j’ai appelé le 15 afin de notifier notre arrivée. Nous avons attendu les pompiers qui, une fois sur place, l’ont transporté dans une coquille rigide jusqu’à l’ambulance pour ensuite l’amner à l’hôpital’.
M. [A] ne produit aucune donnée objective de nature à étayer ses dires et remettre en cause ce témoignage parfaitement précis, circonstancié, émanant d’un professionnel de santé qui établit que l’alerte a été quasi immédiate et que les instructions des services de secours d’atteindre le port le plus proche ont été suivies.
Un défaut de vigilance peut, toutefois, être reproché à cette victime qui a participé à la production de son propre dommage.
En effet, le rapport de mer fait état de ce que M. [A] ne se tenait pas à la main courante malgré les consignes données par le capitaine en ce sens, point qui n’est pas contesté
par cette victime qui admet expressément à la page 14 de ses écritures avoir reçu une telle consigne.
M. [A] a, ainsi, fait preuve de négligence et n’a pas veillé suffisamment à sa propre sécurité alors qu’il ne pouvait pas ne pas avoir conscience que le changement annoncé d’allure du bateau allait modifier les conditions de navigation et les rendre plus mouvementées.
Aucun grief ne peut, en revanche, être retenu à son encontre pour être monté sur le bateau alors qu’il présentait une discopathie dégénérative lombaire qui, en l’absence de toute donnée médicale contraire, ne créée en elle-même aucune incompatibilité, étant souligné que l’expert judiciaire [C] a conclu que ‘les séquelles de l’accident ne sont pas en rapport avec une quelconque hernie discale ou discarthrose’.
Les fautes respectives commises par M. [Z] et par M. [A] justifient un partage de responsabilité à hauteur de 30 % à la charge de cette victime et de 70 % à la charge du transporteur ; au vu des données de la cause, un tel pourcentage apparaît proportionnel à l’importance respective des fautes commises et à leur rôle causal respectif dans la survenance des dommages subis.
M. [A] ne donc peut prétendre à la réparation de son préjudice qu’à hauteur de 70%.
Sur le préjudice corporel
La décision déférée, qui est une décison mixte, a notamment ordonné une expertise pour déterminer l’étendue du préjudice corporel de M. [A], dispsoiton qui doit être confirmée sans examen au fond dès lors qu’elle n’est critiquée par aucune partie en cause d’appel.
Le rapport ayant été déposé, la victime sollicite l’évaluation des différents chefs de dommage par la juridiction du second degré par voie d’évocation.
En application de l’article 568 du code de procédure civile et dans l’intérêt d’une bonne justice afin de donner un solution définitive à l’affaire relative à un accident qui remonte à 2011 il y a lieu de faire droit à cette demande dès lors qu’en présence d’un appel général de la victime la cour est saisie de l’entier litige en application de l’article 562 alinéa 2 et de statuer sur la liquidation du préjudice corporel de la victime, point non jugé en première instance mais sur lequel toutes les parties ont conclu devant la cour.
sur la limitation de responsabilité
En vertu des articles L 5121-3 et suivants du code des transports maritimes, le transporteur maritime de personnes peut se prévaloir des plafonds d’indemnité fixés à l’article 7 la Convention de Londres du 19 novembre1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, dite LLMC (pour Limitation of Liability for Maritime Claims), modifiée par le Protocole de Londres du 2 mai 1996 pour ce qui concerne les lésions corporelles de passagers, sauf s’il est prouvé que ‘le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels ou de l’un de ses préposés commis avec l’intention de provoquer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement’.
Seule la faute dolosive ou inexcusable peut faire échec au droit à limitation de responsabilité qui est la règle.
La faute retenue à l’encontre de M. [Z] n’implique ni la recherche volontaire du dommage, ce qui n’est d’ailleurs pas allégué, ni objectivement la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire, dès lors que les conditions de navigation étaient bonnes, que les passagers avaient été alertés d’une augmentation de la vitesse de progression du bateau, avaient été invités à se cramponner et qu’à l’endroit où il se trouvait M. [A] conservait la possibilité de se maintenir au bastingage en partie supérieure ou aux montants latéraux qui l’encadrent en partie inférieure voire au deux taquets d’ammarrage fixés au pont, suivant photographies et rapport de constat de M. [L] du 26 juillet 2012 versés aux débats.
La limitation légale de responsabilité a donc vocation à s’appliquer au bénéfice de ce capitaine, n’étant pas subordonné à la constitution du fonds de limitation prévu à l’article L 5121-6 du code des transports.
Le plafond est fixé par le protocole de 1996 adopté par la France le 5 juillet 2006 à 175.000 DTS (droits de tirage spéciaux) par passager dans le cadre d’un accident individuel qui marque la limite de l’obligation de M. [Z], dont la contrevaleur est chiffrée à 195.119,75 € dans le jugement, montant qui n’est critiqué devant la cour par aucune partie.
Le partage de responsabilité avec la victime est sans incidence sur l’application de ce plafond d’indemnisation car il s’opére avant application de la limitation ; l’article L 5421-5 du code des transports fait, en effet, référence à ‘la réparation due par le transporteur pour ce qui concerne les créances résultant de lésions corporelles de passagers’, de sorte que le plafond d’indemnisation s’applique à la part d’indemnité mise à la charge du transporteur maritime qui constitue la créance du passager envers lui, avant imputation des débours du tiers payeur.
Par ailleurs, aucune action directe ne peut être exercée par M. [A] à l’encontre de la société MMA Iard dont la police ‘responsabilité civile entreprise n° 115 0 46 293″ en date du 23 mars 2011 exclut de la garantie en son article 10 paragraphe 17 avec toutes leurs conséquences les dommages causés par les voiliers de plus de 5,05 mètres et les bateaux à moteurs.
Elle ne peut être dirigée qu’à l’égard de la Sa MMA Iard et la société MMAIard Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covea Risks (police n° PLA/20110312), lesquelles sont en droit de lui opposer la limitation légale de responsabilité de son assuré M. [Z].
Certes, comme le souligne la victime, en droit interne l’assureur ne figure pas parmi les personnes énumérées par l’article L 5121-2 du code des transports pour revendiquer le bénéfice de la limitation légale de responsabilité ; ne disposant d’aucun droit propre en cette matière, il ne peut donc s’en prévaloir pour son propre compte, sauf si l’assuré a constitué le fonds de limitation prévu à l’article L 173-24 du code des assurances, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; ce dernier texte stipule, en effet, que les créanciers ne peuvent plus agir contre l’assureur mais seulement contre le fonds.
Mais, il en va différémment si l’assuré a lui-même sollicité le bénéfice de la limitation légale de responsabilité, ce qui est le cas de M. [Z] ; dans une telle hypothèse, ce montant constitue aussi la limite de l’engagement financier de l’assureur qui, selon l’une des règles essentielles de l’assurance de responsabilité civile, ne peut être supérieur à la dette de responsabilité de son assuré ; ce mécanisme du droit des assurances permet ainsi à la Sa MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles de bénéficier par ricochet de la limitation légale de réparation.
Ces assureurs ne peuvent, toutefois, se prévaloir également du plafond contractuel de garantie de 175.000 € inséré aux conditions particulières de la police au visa de l’article L 113-5 du code des assurances aux termes duquel l’assureur ne peut être tenu au-delà de la prestation déterminée par le contrat, s’agissant d’une assurance non obligatoire souscrite le 27 avril 2011 pour un navire d’une jauge de 17,5 tonneaux habile à recevoir au maximum 12 passagers.
Les conditions générales de l’assurance Covea Risks ‘Tous risques sauf du plaisancier’ mentionnent, en effet, que la garantie responsabilité civile ‘assure l’indemnisation des dommages causés accidentellement aux tiers, aux personnes transportées à titre gratuit et aux skieurs nautiques tractés par le bateau assuré lorsque ces dommages ont pour responsable l’un des assurés et que le bateau assuré est impliqué dans la réalisation de ces dommages.’
Le tiers y est désigné comme ‘toute personne non définie comme personne assurée’.
La clause CP 002 des conditions particulières fixe le montant maximum de la garantie à 175.000 € par personne transportée à titre onéreux, tous dommages confondus ; mais elle ne vise, ainsi que précisé expressément dans son titre, que ‘la location avec skipper.’
D’interprétation stricte, elle impose à l’assureur de rapporter la preuve des conditions de de la limitation de garantie dont il se prévaut ; or, il est défaillant à cet égard.
Les éléments versés aux débats établissent, au contraire, que la situation prévue par la clause n’était nullement celle existant lors de l’accident.
M. [A] était présent sur le bateau en tant que passager payant d’une sortie en mer à la journée organisée par l’exploitant lui même ; elle était présentée sur le site internet de l’entreprise sous l’intitulé ‘nager avec les dauphins’ comme ‘une croisière en petits groupes, accessible à tous à condition de savoir nager, de fin mai à début octobre, avec accueil au bateau à 7 h 45, un départ de Mandelieu, une recherche des mammifères marins avec repérage par avion et liaison radio entre le bateau et l’avion, ce qui permet au bateau et à ses occupants de rejoindre les cétacées au prix de 200 € la journée entière en ce inclus le petit déjeuner, le déjeuner, les boissons, le prêt de matériel (combinaison, masque, tuba) et l’assurance’.
Dans un document dressé par M. [Z] lui-même répertoriant les sorties effectuées de 2005 à 2014 à bord du bateau Cala Rossa, sont mentionnés le nombre total de sorties commerciales à la journée avec des clients à bord du bateau (nager avec le dauphins, pêche au gros, location de bateau avec skipper, journées évenementielles) soit quatre types d’activités distinctes, la première devenant de plus en plus majoritaire et quasi exclusive au fil des ans.
sur le montant de la réparation
L’expert [C] indique que M. [A] a présenté un traumatisme direct du rachis lombaire par fracture de L1 avec syndrome de la queue de cheval qui a conduit à effectuer en urgence une décompression arthrodèse lombaire D12 l2 avec des complications au plan digestif avec une occlusion post opératoire, et au niveau de la plaie opératoire avec une désunion avec écoulement lombaire au niveau de la cicatrice postérieur en lien avec une infection de site opératoire qui entraînera un simple retard de consolidation et précise qu’il conserve comme séquelles des troubles de la marche et de l’équilibre, des problèmes vésico- sphinctériens et un syndrome anxio dépressif secondaire.
Il conclut à
– un arrêt des activités professionnelles de l’accident à la consolidation
– un déficit fonctionnel temporaire total du 23/07/2011 au 4/11/2001, du 6/09/2012 au 4/10/2012, 20/12/2012 au 28/01/2013, 23/07/2013 au 23/08/2013
– un déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % du 5/11/2011 au 04/04/2012
– un déficit fonctionnel temporaire partiel à 60 % du 5/04/2012 à la consolidation
– une consolidation au 1er avril 2014
– des souffrances endurées de 5,5/7
– la nécessité d’un véhicule adapté
– une assistance par tierce personne de 5 heures par semaine
– l’impossibilité de reprendre toute activité professionnelle
– un préjudice esthétique temporaire de 3/7.
– un déficit fonctionnel permanent de 50 %
– un préjudice esthétique permanent de 3/7.
– un préjudice d’agrément
– un préjudice sexuel
Son rapport constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime (né le [Date naissance 3] 1961), de son activité (représentant de commerce en ferronnerie d’art) de la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 applicable quel que soit l’événement dommageable, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Par ailleurs, l’évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue ; et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais du 27 et 28 mars 2013 taux d’intérêt 1,2 % qui apparaît le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.
Préjudices patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
– Dépenses de santé actuelles 125.838,69 €
Ce poste est constitué des frais d’hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, actes de radiologie et divers pris en charge par la Cpam soit 125.838,69 € suivant attestation d’imputabilité de son médecin conseil
Aucune somme ne peut être allouée au titre des frais médicaux restés à charge de la victime réclamés soit médicament Coliflush pour l’année 2013 (120 €), le premier trimestre 2014 (30 €) outre des médicaments divers pour 28,40 € soit au total 178,40 €, en l’absence de la moindre pièce justificative versée au dossier relative à ces dépenses.
Eu égard au partage de responsabilité, ce chef de dommage n’est réparable qu’à hauteur de 70 % soit 88.087,08 € revenant intégralement au tiers payeur.
– Frais divers165,00 €
Aucune indemnité ne peut être allouée au titre des honoraires d’assistance à expertise par le docteur [K], médecin conseil, soit 960 € en l’absence de la facture correspondante.
L es frais de déplacement pour se rendre aux divers examens et consultations médicales doivent être admis à hauteur de la somme demandée de 165 € ramenée à 115,50 € après application du partage de responsabilité.
En revanche, en vertu des articles 695 et 696 du code de procédure civile, les frais d’expertise judiciaire font partie des dépens et seront pris en compte à ce titre.
– Perte de gains professionnels actuels67.543,04 €
Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d’une perte effective de revenus.
Au vu de ses bulletins de salaire versés aux débats du 1er avril 2011 au 31/07/2011 M. [A] percevait lors de l’accident un salaire net imposable de 2.110,72 € par mois au vu de son bulletin d epaie de juillet 2001 portant mention d’un cumul net imposbale de 14.775,04 € ; les primes sur objectifs et prime de 13ème mois doivent être prises en considération pour le calcul de la perte de revenus s’agissant d’un accessoire du salaire, la dernière prime étant stipulée payable pour moitié en juillet et pour moitié en décembre selon l’article 5 de son contrat de travail à durée indéterminée.
Sa perte de gains s’établit ainsi à la somme de 67.543,04 € pour les 32 mois d’arrêt d’activité retenus par l’expert dont 47.280,12 € à la charge du tiers responsable
Des indemnités journalières ont été versées sur cette même période du 23/07/2011 au 31/03/2014 par la Cpam pour un montant de 35.044,80 € qui s’imputent sur ce poste de dommage qu’elles ont vocation de réparer.
M. [A] percevra en vertu de son droit de priorité la somme de 32.498,24 € (67.543,04 € – 35.044,80 €), le solde revenant à l’organisme social dans la limite de l’indemnité mise à la charge du tiers responsable soit la somme de 14.781,88 € (47.280,12 € – 32.498,24 €).
– Assistance de tierce personne8.840,00 €
La nécessité de la présence auprès de M. [A] d’une tierce personne n’est pas contestée dans son principe pour l’aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d’autonomie mais elle reste discutée par M. [Z] dans son étendue et par le tiers responsable et son assureur dans son coût.
L’expert précise que M. [A] a besoin d’une aide pour les activités ménagères et les courses, estimée à 5 heures par semaine, chiffre qui doit être entériné d’autant qu’il n’est pas critiqué par la victime ni par l’assureur du tiers responsable .
En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d’indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d’aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.
Le mode de calcul de la victime ne peut être retenu, étant erroné pour appliquer à un nombre d’heures définies le montant du Smic brut mensuel et non son montant horaire.
Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 16 € durant l’ensemble de la période de l’accident à la consolidation où il se trouvait à domicile, et donc hormis les périodes d’hospitalisation qui ont duré au total 6,5 mois, soit pendant 25,5 mois.
L ‘indemnité de tierce personne s’établit à la somme de 8.840 € (5 h x 52 semaines /12 mois x 25,5 mois x 16 €) ramenée à 6.188 € pour tenir compte de la limitation à 70 % du droit à indemnisation.
Préjudices patrimoniaux
permanents (après consolidation)
– Dépenses de santé futures463.077,00 €
Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l’installation de prothèses soit à la pose d’appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.
Il est constitué des frais futurs pris en charge par la Cpam
* pour soins médicaux (consultation du médecin traitant et spécialisées en urologie) pharmacie, actes de biologie et examens complémentaires, hospitalisations, soins de kinésithérapie, autres soins paramédicaux soit la somme de 6.250,29 € par an capitalisée à 106.011 €
* pour petit appareillage (sondes, compresses et pansements) soit 21.052,16 € par an capitalisé à 357.066 €
suivant attestation d’imputabilité du médecin conseil du 25/08/2012.
M. [A] ne justifie d’aucun frais restant à sa charge personnelle dès lors que l’expert judiciaire ne retient ni la nécessité d’un fauteuil releveur ni de chaussures orthopédiques.
Le coût global de 463.077 € est indemnisable à hauteur de 70 % soit la somme de 324.153,90 € au profit du tiers payeur.
– Perte de gains professionnels futurs323.180,30 €
Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.
L’inaptitude de M. [A] à exercer à l’avenir sa profession comme tout autre profession en raison des seules séquelles consécutives à l’accident ressort clairement du rapport d’expertise judiciaire et notamment de la description de l’examen fonctionnel : marche et station debout sur la pointe des pieds impossible, instabilité antéro postérieure du tronc majeure lors de la fermeture des yeux, contrôle visuel nécessaire pour tous les déplacements, transferts réalisés avec douleurs et difficultés importantes, station assise très limitée rapidement et station debout prolongée aussi, présence de troubles urino sphinctériens créant de très grandes contraintes ; l’expert considère cette victime comme inapte à son activité professionnelle et à toute activité professionnelle, ce qui n’est au demeurant pas contesté par l’assureur du tiers responsable..
Pour la période passée du 01/04/2014, date de la consolidation, jusqu’au 21 juillet 2016, date du prononcé du présent arrêt soit pendant 27,75 mois la perte de gains s’établit à une somme de 58.572€ (2.110,72 € x 27,75 mois).
Pour l’avenir, le montant annuel de 25.328,64 € (2.110,72 € x 12 mois) doit être capitalisé selon l’euro de rente temporaire jusqu’à 67 ans, âge maximal de mise à la retraite, pour un homme né en [Date naissance 2] âgé de 55 ans au 21 juillet 2016 soit selon le barème susvisé un indice de 10,447 et une indemnité de 264.608,30 €
Le choix d’un indice temporaire et non viager comme demandé par M. [A] s’impose dès lors qu’au moment de l’accident il était âgé de 50 ans et avait déjà un long parcours professionnel avec nombre de trimestres de retraite acquis, étant rappelé que la pension d’invalidité allouée pour inaptitude au travail donne lieu à validation gratuite de trimestres assimilée à des périodes d’assurances pour le calcul de la pension vieillesse (article R 351-12 du code de la sécurité sociale).
L’indemnité globale s’établit ainsi à la somme de 323.180,30 € indemnisable à hauteur de 226.226,21 €.
La Cpam des Bouches du Rhône a réglé une pension d’invalidité de catégorie 2 d’un montant de 128.773,28 € soit 17.500,28 € au titre des arrérages échus du 01/04/2014 au 31/05/2015 et 111.273 € au titre du capital constitutif qui s’impute sur ce poste de dommage qu’elle a vocation à réparer.
M. [A] percevra en vertu de son droit de priorité la somme de 194.407,02 € (323.180,30 € – 128.773,28 €), le solde revenant à l’organisme social dans la limite de l’indemnité mise à la charge du tiers responsable soit la somme de 31.819,19 € (226.226,21 € – 194.407,02 €).
– Incidence professionnelle 40.000,00 €
Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle.
La perte de toutes les capacités professionnelles de M. [A] avec les incidences péjoratives sur sa future retraite, nées de seules séquelles provoquées par l’accident, a mis prématurément fin à tout parcours professionnel quel qu’il soit et causé la perte d’une partie de son identité sociale, à l’âge de 50 ans, ce qui justifie l’octroi d’une indemnité de 40.000 € dont 70 % indemnisable ou 28.000 €.
– Assistance de tierce personne 98.102,20 €
L’indemnité de tierce personne permanente doit être calculée sur la même base de 5 heures par semaine à titre viager et le même coût horaire de 16 € qu’avant la consolidation, étant souligné que la même anomalie de calcul de la vicime, déjà signalée, se retrouve à l’identique pour la période postérieure à la consolidation..
Pour la période passée du 1er avril 2014 jusqu’au 21 juillet 2016, prononcé du présent arrêt soit durant 27,75 mois, l’indemnité s’établit à 9.619 € (5 h x 52 semaines x 16 € = 4.160 € /12 mois x 27,75 mois)
Pour l’avenir, le montant annuel de 4.160 € doit être capitalisé selon l’euro de rente viagère, pour un homme âgé de 55 ans en juillet 2016 soit un indice de 21,270 et la somme de 88.483,20 €
L’indemnité globale s’établit ainsi à 98.102,20 € dont 70 % ou 68.671,54 € à la charge du tiers responsable.
– Frais de véhicule adapté15.975,47 €
Ce poste de préjudice comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l’adaptation d’un véhicule aux besoins de la victime atteinte d’un handicap permanent et celles liées au surcoût d’achat d’un véhicule susceptible d’être adapté, ainsi que leur renouvellement.
L’expert retient la nécessité d’un véhicule avec boîte automatique et boule au volant soit au vu de la proposition commerciale en date de juin 2015 la somme de 800 € pour la différence entre un véhicule équipé d’une boite automatique et anuelle et 3.230 € TT pour la ‘transformation Handi Mobil ‘ soit au total 4.030 € à renouveler tous les 6 ans soit une dépense annuelle de 671,66 € et une indemnité de 11.945,59 € selon l’indice de 17,785 pour un homme âgé de 61 ans lors du prochain renouvellement en 2022.
Ce poste de dommage s’établit ainsi à la somme globale de 15.975,47 € (4.030 € + 11.945,47 €) qui doit être ramené par application du taux de partage de 70 % à celle de 11.182,82 €.
Le principe de la réparation intégrale n’implique pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à la victime qui conserve leur libre utilisation de sorte que l’indemnisation ne peut être subordonnée à la production de factures acquittées.
Le prix d’acquisition du véhicule lui-même une C3 Citroën soit 13.890 € ne peut, en revanche, être mis à la charge du tiers responsable dès lors que, même sans l’accident, M. [A] aurait du en acheter un ; et son état n’impose pas d’acquérir un véhicule plus spacieux et donc un surcoût.
Préjudices extra-patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
– Déficit fonctionnel temporaire18.448,35 €
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence et le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.
Il doit être réparé sur la base d’environ 750 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 4.959,31€ pendant la période d’incapacité totale de 6,5 mois et proportionnellement pendant la période d’incapacité partielle à 75 % de 5 mois soit 2.776,19 € et à 60 % de 24 mois soit 10.712,85 € et un total de 18.448,35 € selon les calculs détaillés en jours de la victime, réduit à 12.913,84 € en raison du pourcentage de limitation du droit à indemnisation.
– Souffrances endurées35.000,00 €
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de plusidurs hospitatisations, de plusieurs complications, de deux interventions chirugicales, d’une coloscopie, de traitements antibiothiques, orthopédiques, antalgiques et antidépresseurs, soins infirmiers avec pansements, longs soins de rééducation en particulier de kinésithérapie, apprentissage des auto sondages et irrigations transanales ; évalué à 5,5/7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 35.000 € dont 24.500 € à la charge du tiers responsable.
– Préjudice esthétique temporaire4.000,00 €
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique
Qualifié de 3/7 au titre de l’usage d’un fauteuil roulant pusi de cannes et à la boiterie durant les 32 mois qui ont séparé l’accident de la consolidation, il doit être indemnisé à hauteur de 4.000 € ramenée à 2.800 € selon partage de responsabilité.
permanents (après consolidation)
– Déficit fonctionnel permanent127.000,00 €
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiale et sociales).
Il est caractérisé par un syndrome de la queue de cheval avec une atteinte du cône médullaire par fracutre de L1, troubles de la sensibilité majeurs à partir de S1, pparaprésie de niveau moteur L5, une arthrodèse T12-L2 et les séquelles neuro-péinéales, en particulier les dyschésies, rétention et incontinence avec la nécessité d’auto-sondages et d’irrigation trans-anales et un syndrome anxio-dépressif traité, ce qui conduit à un taux de 50 % justifiant l’indemnité de 127.000 € sollicitée pour un homme âgé de 53 ans à la consolidation,indemnisable à concurrence de 88.900 €.
M. [Z] n’apporte aucun élément médical venant contredire cet avis médico-légal.
L’expert judiciaire souligne que toutes ces lésions, soins, interventions chirurgicales, consultations etc.. sont en rapport direct, certain et exclusif avec le fait traumatique, qu’il n’existe en particulier aucun état antérieur qui ait pu interférer avec les séquelles actuelles dont le degré de gravité est appréciée au jour de la consolidation.
– Préjudice esthétique6.000,00 €
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique
Il est caractérisé par une boiterie, l’usage d’une canne en T, de nombruses cicatries au niveau du rachis lombaire ; qualifié de 3/7 il doit être réparé à hauteur de la somme de 6.000 € ramenée à 4.200 € selon partage de responsabilité.
– Préjudice d’agrément10.000,00 €
Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.
M. [A] ne plus pouvoir s’adonner à certaines activités sportives antérieures à l’accident, à savoir randonnée, ski, bricolage, l’expert mentionnant une gêne totale à leur pratique, ce qui justifie l’octroi d’une indemnité de 10.000 € offerte par l’assureur du tiers responsable, réduite à 7.000 € après application du partage de responsabilité.
– Préjudice sexuel30.000,00 €
Ce poste répare les préjudices touchant la sphère sexuelle comprenant le préjudice morphologique (atteintes aux organes sexuels), le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même (perte de la libido, de la capacité à réaliser l’acte ou à accéder au plaisir) et l’impossibilité ou difficulté à procréer.
L’expert le retient au titre de la dysérection et des impossibilités positionnelles.
Son existence est admise par l’assureur du tiers responsable qui est uniquement en désaccord sur son évaluation.
Au vu des données de la cause, l’incidence du handicap de M. [A] sur sa vie sexuelle et affective doit être indemnisé à hauteur de la somme de 30.000 € ramenée à 21.000 € en raison de la limitation de son droit à réparation.
– Préjudice d’établissement 5.000,00 €
Ce poste de préjudice, qui consiste en la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap.
L’indemnité de 5.000 € offerte par les assureurs du tiers responsable réduite à 3.500 € après application du taux de partgae de responsabilité assure la réparation intégrale de ce chef de dommage, étant souligné que la victime avait déjà fondé une famille avant l’accident et qu’après son divorce, la nature même de son handicap entrave tout nouveau projet de vie de couple.
Le préjudice corporel global subi par M. [A] s’établit ainsi à la somme de 1.378.169,99 €, indemnisable à hauteur de 964.718,93 € par M. [Z] et les sociétés MMA venant aux droits de la société Covea Risks in solidum eu égard au partage de responsabilité prononcé soit après imputation des débours de la Cpam de 458.842,05 €, une somme de 505.876,88 € lui revenant.
En raison de la limitation légale de réparation de l’article L 5121-2 du code des transports, l’indemnité à la charge du capitaine et de son asssureur doit être réduite à 195.119,75 € comme analysé ci -dessus.
La Cpam ne sollicitant pas le remboursement de ses débours, ce qu’elle ne pouvait faire que dans le cadre de la présente intance, et la part revenant normalement à la victime à titre personnel excèdant le plafond légal de réparation, M. [A] recueille l’intégralité de l’indemnité.
Ainsi M. [Z] et les sociétés MMA venant aux droits de la société Covea Risks, doivent être condamnés in solidum à verser entre les mains de M. [A] la somme de 145.119,75 € qui en application de l’article 1153-1 du code civil porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et entre les mains de la Sa Pacifica subrogée dans ses droits suivant quittances justificatives produites à hauteur de 50.000 € qui, en application de l’article 1153 du code civil porte intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2015, date de ses premières conclusions en réclamant paiement qui valent mise en demeure, sauf à déduire les provisions versées.
Sur les demandes annexes
M. [Z] et les sociétés MMA venant aux droits de la société Covea Risks qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenus à indemnisation supporteront in solidum la charge des entiers dépens de première instance en ce compris les frais d’expertise médicale et les dépens d’appel et doivent être déboutées de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande d’allouer à M. [A] l’indemnité globale de 3.000 € sollicitée, et à la MM Assurances Iard en qualité d’assureur suivant police n° 115 0 46 293 la somme globale de 1.500 €, au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal et la cour et à la Ssa Pacifica la somme de 1.000 € à ce même titre devant la cour, à la charge de M. [Z] et des sociétés MMA venant aux droits de la société Covea Risks in solidum.
Par ces motifs
La Cour,
– Confirme le jugement,
hormis sur l’étendue de la responsabilité de M. [Z], sur le jeu du partage de responsabilité avec le plafond légal d’indemnisation, sur les dépens et frais irrépétibles relatifs à l’appel en garantie de l’assureur mis hors de cause, sur le jeu du plafond de garantie contractuelle des sociétés MMA venant aux droits de la société Covea Risks
Rectifiant une erreur matérielle
– Rejette l’appel en garantie de M. et Mme [A] à l’encontre de la société MMA Iard
Statuant à nouveau sur les points infirmés,
– Dit que M. [Z] a engagé sa responsabilité partielle à hauteur de 70 % dans l’accident survenu le 23 juillet 2011 à M. [A] et se trouve tenu d’en réparer les conséquences dommageables dans cette proportion.
– Dit qu’en l’absence de faute dolosive ou inexcusable de sa part il bénéficie de la limitation de réparation prévue à l’article L 5421-5 du code des transports.
– Dit que les sociétés MMA venant aux droits de la société Covea Risks peuvent se prévaloir de cette limite d’indemnisation.
– Dit que le partage de responsabilité avec la victime est sans incidence sur l’application de ce plafond d’indemnisation.
– Dit que les sociétés MMA venant aux droits de la société Covea Risks ne peuvent opposer le plafond de garantie contractuelle inséré à la clause CP002 des conditions particulières de la police PLA/20110312 qui n’est pas applicable.
Evoquant sur l’évaluation du préjudice corporel de M. [A].
– Fixe le préjudice corporel global de M. [A] à la somme de 1.378.169,90 €
– Dit qu’il est indemnisable à hauteur de 964.718,93 € eu égard au partage de responsabilité prononcé.
– Dit qu’il revient à la victime une somme de 505.876,80 € après application de son droit de priorité et imputation des débours de la Cpam de 458.842,05 €.
– Dit qu’en raison de la limitation légale de réparation de l’article L 5121-2 du code des transports, l’indemnité à la charge de M. [Z] et des sociétés MMA venant aux droits de la société Covea Risks doit être réduite à 175.000 DTS.
– Condamne in solidum M. [Z], la Sa MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [A] les sommes de
* 145.119,75 € en réparation de son dommage corporel, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2016
* 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamne in solidum M. [Z], la Sa MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à la Sa Pacifica, subrogée dans les droits de M. [A], les sommes de
* 50.000 €, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2015
* 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamne in solidum M. [Z], la Sa MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à la MMA Iard (police n° 115 046293) la somme globale de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Déboute M. [Z], la Sa MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la Sa Covea Risks de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés.
– Condamne in solidum M. [Z], la Sa MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de la Sa Covea Risks aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Le greffier Le président