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Skipper : 21 janvier 2003 Cour de cassation Pourvoi n° 02-82.169

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Skipper : 21 janvier 2003 Cour de cassation Pourvoi n° 02-82.169

21 janvier 2003
Cour de cassation
Pourvoi n°
02-82.169

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un janvier deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me BLANC et de Me Le PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– X… Lucie,

– X… Michel,

– Y… Françoise, parties civiles,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 18 février 2002, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Cyril Z… et de Rémi A… du chef d’homicide involontaire ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 221-6 du Code pénal, 121-3 du même Code dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a relaxé les prévenus Cyril Z… et Rémi A… des fins de la poursuite, et débouté, en conséquence, les parties civiles de leurs demandes ;

“aux motifs que Cyril Z…, titulaire du permis “mer” et licencié de la fédération française de voile pour l’année 1994, avait les compétences requises pour assurer la fonction de chef de bord ;

qu’en confiant, après avoir décidé de faire demi-tour compte tenu de la dégradation des conditions météorologiques, la barre à Rémi A…, le plus expérimenté des co-équipiers, alors que les manoeuvres de changement de cap étaient achevées, il a eu une attitude conforme aux règles de navigation ; qu’il n’avait nulle obligation de modifier l’allure du bateau ; que les conditions météorologiques ne nécessitaient ni l’installation d’une retenue de bôme, ni la mise à l’écart des coéquipiers moins expérimentés ; que Rémi A… ne saurait se voir reprocher l’empannage, qui relève des aléas de la navigation à voile, et qui ne peut être considéré comme une faute ; qu’il s’ensuit que les prévenus ne sauraient être considérés comme coupables d’une quelconque faute en relation avec les blessures ayant entraîné le décès de la victime ;

“alors, d’une part, que constitue une faute d’imprudence, en relation de causalité directe avec les blessures, provoquées par un violent coup de bôme, ayant entraîné le décès de Cécile X…, le fait pour Cyril Z…, chef de bord et à ce titre responsable de la sécurité des coéquipiers, de choisir, malgré les conditions météorologiques défavorables (mer très agitée avec vagues de 5 à 7 mètres, vent de force 7, avec rafales de force 8) et le manque d’expérience des coéquipiers, une allure cortante (l’allure de grand largue), sans installer une retenue de bôme, c’est-à-dire sans anticiper les risques sérieux et prévisibles d’empannage pouvant résulter, par gros temps, d’un passage inopiné de l’allure de grand largue à l’allure de vent arrière, et de quitter ensuite son poste pour laisser la barre à un coéquipier moins expérimenté sans plus se préoccuper de la sécurité des autres coéquipiers ; qu’en estimant néanmoins que Cyril Z… n’avait commis aucune faute en relation avec le décès de la victime, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

“alors, d’autre part, que constitue une faute de maladresse le fait pour Rémi A…, skipper en second du voilier s’étant vu confier la barre, de ne pas avoir su maintenir l’allure choisie par le chef de bord (allure de grand largue) et d’avoir, après avoir été déporté en allure de vent arrière, perdu la maîtrise du bateau, provoquant ainsi l’empannage, sans avoir su anticiper le risque d’empannage suffisamment tôt pour permettre à tous les coéquipiers de se mettre à l’abri ; qu’en estimant, néanmoins, que Rémi A… n’avait commis aucune faute en relation avec le décès de la victime, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

“alors, enfin, que même à supposer que Cyril Z… et Rémi A… n’aient pas causé directement la mort de Cécile X…, mais seulement créé la situation ayant permis la réalisation du dommage et omis de prendre les mesures permettant de l’éviter, il reste qu’en s’abstenant, malgré les conditions météorologiques défavorables et l’allure portant néanmoins choisie d’installer une retenue de bôme pour prévenir le risque connu d’empannage, et en omettant d’avertir en temps utile les coéquipiers inexpérimentés du risque prévisible d’empannage, afin de leur permettre de se mettre à l’abri, ils ont commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’ils ne pouvaient ignorer, qu’en les relaxant néanmoins du délit d’homicide involontaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 470-1 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a débouté les parties civiles de leurs demandes en réparation de leurs préjudices résultant du décès de Cécile X… ;

“aux motifs qu’il résulte de ce qui précède qu’aucune faute en relation avec les blessures ayant entraîné le décès de la victime ne peut être reprochée aux prévenus ; qu’il y a donc lieu de rejeter les demandes des parties civiles fondées sur l’article 1382 du Code civil ;

“alors, d’une part, que constitue une faute d’imprudence et de négligence au sens de l’article 1382 du Code civil, en relation causale avec le décès de la victime due à un violent coup de bôme reçu sur la tête, le fait pour le chef de bord de s’abstenir, malgré le choix, par mer très agitée et vent de force 7, d’une allure de grande largue pouvant passer, si le barreur fait preuve d’une adresse insuffisante, de façon inopinée, en allure de vent arrière et même dépasser cette allure, avec un risque prévisible d’empannage (grand voile changeant de côté, barre balayant le pont de façon rapide et violente), d’installer une retenue de bôme, et d’omettre d’avertir les coéquipiers inexpérimentés, en temps utile, du risque connu et prévisible d’un empannage ; qu’en estimant le contraire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

“alors, d’autre part, que constitue une faute de maladresse et de négligence en relation causale avec le décès de la victime, le fait pour le skipper en second s’étant vu confier la barre, d’être incapable de maintenir l’allure imposée par le chef de bord et de se laisser déporter en allure de vent arrière et même au delà, en perdant la maîtrise du bateau, ainsi que le fait de ne pas avoir anticipé le risque prévisible d’un empannage et de ne pas avoir donné l’alerte suffisamment tôt pour permettre aux coéquipiers inexpérimentés de se mettre à l’abri ; qu’en estimant le contraire, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1384 du Code civil, 470-1 et 583 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a débouté les parties civiles de leurs demandes en réparation de leurs préjudices résultant du décès de Cécile X… ;

“aux motifs que la responsabilité de Cyril Z…, chef de bord, et de Rémi A…, barreur au moment de l’accident, peut, le cas échéant, être engagée sur le fondement de l’article 1384 du Code civil ; que, toutefois, Cécile X… était, non passagère, mais coéquipière et avait, à ce titre, l’obligation de se conformer aux usages et règles de la navigation, étant précisé que l’une des règles élémentaires consiste à éviter les coups de bôme ; que Rémi A… avait averti ses coéquipiers du passage de la bôme, avertissement dont tous ont tenu compte, à l’exception de la victime ; que ces faits constituent, à la charge de Cécile X…, des fautes d’imprudence et d’inattention, cause exclusive de l’accident dont elle a été victime ;

“alors, d’une part, que la faute de la victime n’exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure ; que la cour d’appel relève expressément que la responsabilité de Cyril Z…, chef de bord, et de Rémi A…, barreur au moment de l’accident, peut, le cas échéant, être engagée sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil, c’est-à-dire admet leur qualité de cogardiens du bateau ; qu’en les exonérant totalement de la présomption de responsabilité pesant sur eux au motif de fautes d’imprudence et d’inattention de la victime, sans caractériser la force majeure exonératoire, la cour d’appel a violé l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

“alors, d’autre part, que ne commet pas de faute, et en tout cas ne commet pas une faute ayant le caractère de la force majeure la coéquipière inexpérimentée d’un bateau, qui n’avait pas été avertie, par le chef de bord, du risque d’empannage et n’avait pas été éloignée de la zone dangereuse, qui avait été avertie au tout dernier moment – trop tard pour elle -, par le barreur qui avait perdu la maîtrise du bateau, du passage imminent de la bôme, et qui a été mortellement blessée par la bôme que le barreur lui-même blessé à un moindre degré n’a pu éviter ; qu’en estimant, néanmoins, que Cécile X… a commis des fautes d’imprudence et d’inattention qui sont la cause exclusive de l’accident dont elle a été victime, et qui sont de nature à exonérer les deux gardiens du bateau de toute responsabilité, la cour d’appel a violé l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil” ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l’article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, le 25 juin 1994, sept étudiants de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Lyon ont embarqué, à Saint Mandrier (Var), pour une croisière de sept jours sur un voilier loué par le club de voile de l’INSA, dont ils étaient tous membres ; que, vers 16 heures, en raison de la dégradation des conditions météorologiques, Cyril Z…, qui avait été désigné par le club de voile pour assurer la fonction de chef de bord, a décidé de faire demi-tour ; qu’une fois les manoeuvres de changement de cap achevées, Cyril Z… a confié la barre à Rémi A…, puis est descendu dans la cabine pour faire le point et tracer une nouvelle route ; qu’une grosse vague a soudainement déstabilisé le voilier et a provoqué un empannage non contrôlé ; que la bôme a, alors, balayé le pont, heurtant violemment la tête de Rémi A… puis celle de Cécile X…, qui est décédée peu après des suites de cette blessure ;

Que, sur plainte avec constitution de partie civile des parents et de la soeur de Cécile X…, Cyril Z… et Rémi A… ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef d’homicide involontaire ; que les parties civiles ont demandé réparation de leur préjudice tant sur le fondement de l’article 221-6 du Code pénal qu’en vertu de l’article 470-1 du Code de procédure pénale ; que le tribunal, qui a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite, a condamné Cyril Z… et son assureur à indemniser les consorts X… en application des règles du droit civil ; que cette décision a, notamment, été frappée d’appel par Cyril Z… et son assureur, par le ministère public et par les parties civiles ;

Attendu que, pour renvoyer les prévenus des fins de la poursuite du chef d’homicide involontaire et débouter les parties civiles de toutes leurs demandes, la cour d’appel, après avoir retenu que l’accident de mer dans lequel Cécile X… a péri trouve son origine dans un coup de roulis qui a déséquilibré le voilier d’une façon inattendue et imprévisible, énonce que les prévenus n’ont commis aucune faute en relation avec l’accident dont la cause exclusive est l’imprudence et l’inattention de la victime qui n’a pas su éviter le coup de bôme ;

 


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