20 novembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-12.824
COMM.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 novembre 2019
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 859 F-D
Pourvoi n° M 18-12.824
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Fifth Ocean Sail Ltd, dont le siège est Geneva, place Water front drive, PO box 3469, Road-Town-Tortola (Iles vierges britanniques),
contre l’arrêt rendu le 14 novembre 2017 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige l’opposant à la direction régionale des garde-côtes des douanes PACA-Corse, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 1er octobre 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Fifth Ocean Sail Ltd, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction régionale des garde-côtes des douanes PACA-Corse, l’avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 novembre 2017), que, le 19 septembre 2012, la brigade de surveillance nautique des douanes de Cannes a procédé au contrôle du navire dénommé …, appartenant à la société Fifth Ocean Sail Ltd (la société), à bord duquel se trouvaient M. P…, représentant de la société, et M. E…, son employé dans les fonctions de skipper ; qu’à la suite de ce contrôle, l’administration des douanes a relevé contre la société une infraction d’importation sans déclaration de marchandises prohibées au moyen de fausses déclarations ou manoeuvres ayant pour objet d’obtenir une exonération attachée à l’importation ; que l’administration des douanes a procédé à la saisie du navire et a proposé à M. P…, agissant au nom de la société, la signature d’un règlement transactionnel, prévoyant l’acquittement de certaines sommes au titre de la TVA et de pénalités, l’arrêt des poursuites pénales et la main-levée de la saisie du navire ; que M. E…, mandaté par M. P…, a signé la transaction et les sommes demandées à la société ont été réglées ; que, le 21 janvier 2013, la société a contesté la procédure douanière et le protocole transactionnel ; que l’administration des douanes ayant rejeté cette contestation, la société l’a assignée aux fins de voir déclarer nulle la procédure suivie et obtenir la restitution de l’ensemble des sommes versées ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu’une transaction nulle a été exécutée, les parties doivent être remises en l’état dans lequel elles se trouvaient avant cette exécution et toutes les sommes versées en exécution de cette transaction doivent être restituées ; qu’il résulte des constatations des juges du fond que le règlement transactionnel conclu, le 20 septembre 2012, entre M. E… pour le compte de la société et l’administration des douanes, n’a pas été régulièrement conclu, faute d’avoir été signé par le directeur régional des douanes et des droits indirects, seul compétent au regard du montant des droits prétendument éludés, supérieurs à 100 000 euros ; qu’en refusant d’ordonner la restitution à la société de la somme de 217 099 euros, qui avait été payée par celle-ci au titre de la TVA prétendument due en exécution d’une transaction dont elle constatait la nullité, la cour d’appel a violé ensemble les articles 1234 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ainsi que l’article 1er du décret n° 78-1297 du 28 décembre 1978 et l’article 352 bis du code des douanes ;
2°/ qu’il n’appartient pas au juge saisi uniquement de l’action en annulation d’une transaction douanière de se prononcer sur l’exigibilité de la créance alléguée par l’administration fiscale ; qu’il résulte des constatations de la cour d’appel que le règlement transactionnel conclu entre M. E… pour le compte de la société et l’administration des douanes a été signé le lendemain de la constatation de l’infraction par procès-verbal, et qu’ainsi aucune action en paiement n’était en cours au moment de la signature de cette transaction ; que, d’ailleurs, l’administration fiscale avait seulement demandé, devant le tribunal, que la somme de 217 099 euros soit consignée dans l’attente d’une décision définitive à intervenir dans une procédure parallèle et n’exigeait pas la condamnation immédiate en paiement de la société ; qu’en décidant d’apprécier elle-même si la société était ou non redevable de la somme de 217 099 euros au titre de la TVA et en retenant que cette somme était due, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé l’article 357 bis du code des douanes ;
Mais attendu qu’il résulte de l’arrêt et de ses conclusions d’appel que, loin de dénier aux juridictions saisies le pouvoir de se prononcer sur les sommes dues en conséquence de l’infraction relevée par le procès-verbal du 19 septembre 2012, la société les invitait au contraire à statuer sur ce point, saisissant la cour d’appel, en particulier, de plusieurs moyens d’annulation de la procédure et contestant subsidiairement le bien fondé du « redressement de droit qui lui avait été infligé », en lui demandant de prononcer en conséquence la décharge de l’ensemble des droits qui lui étaient réclamés ; qu’elle n’est donc pas recevable à invoquer, à hauteur de cassation, un moyen contraire à la position soutenue devant les juges du fond ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que le régime dit de l’admission temporaire permet, lorsqu’un bien non communautaire est importé dans le territoire douanier de la Communauté et destiné à être réexporté, l’exonération totale ou partielle des droits à l’importation normalement dus ; qu’il résulte des constatations des juges du fond que le navire dont la société est propriétaire a été construit en France et vendu à celle-ci par la société française Fountaine-Pajot, qu’il est ensuite resté dans les eaux territoriales, étant présenté au festival de Cannes et Monaco en septembre 2012, et qu’il devait quitter les eaux communautaires pour les Caraïbes seulement en octobre 2012, soit après le contrôle de l’administration des douanes réalisé le 19 septembre 2012 ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, s’il ne résultait pas de ces éléments que le navire n’avait pas été importé ou réimporté en France, de telle sorte qu’il n’y avait pas lieu de rechercher si le régime de l’admission temporaire était applicable, puisqu’aucune TVA sur l’importation n’était due, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4 et 137 du règlement n° 2913/92 du 12 octobre 1992, en vigueur à l’époque des faits, et des article 291, I, 2, a) et 293 A, 1 du code général des impôts ;
2°/ qu‘une personne physique est considérée comme établie hors du territoire de la Communauté européenne lorsqu’elle y a sa résidence normale ; que le lieu de résidence normale correspond au lieu où une personne demeure habituellement, c’est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d’attaches personnelles et professionnelles ; que la résidence normale d’une personne dont les attaches professionnelles sont situées dans un lieu différent de celui de ses attaches personnelles, et qui, de ce fait, est amenée à séjourner alternativement dans des lieux différents situés dans deux ou plusieurs États membres, est censée se situer au lieu de ses attaches personnelles, à condition qu’elle y retourne régulièrement ; que pour dire que M. P… avait sa résidence en Grèce au moment du contrôle, l’arrêt se borne à constater que celui-ci est titulaire d’un titre de séjour grec et a fourni une adresse en Grèce lors du contrôle ; qu’en s’abstenant de vérifier que M. P… résidait effectivement en Grèce au moins 185 jours par an au moment du contrôle et de rechercher, comme elle y était invitée, si celui-ci n’avait pas plutôt ses attaches personnelles et professionnelles en Russie, ayant une résidence principale à Moscou, où ses enfants étaient scolarisés, ainsi qu’un logement ponctuel à Kaliningrad, où il exerçait ses fonctions, et étant fiscalement domicilié en Russie, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 558 du règlement n° 2454/93 du 2 juillet 1993 et de l’article 4 du règlement n° 2913/92 du 12 octobre 1992, en vigueur à l’époque des faits, tels qu’interprétés à la lumière de l’article 7 § 1er de la directive n° 83/182/CEE du 28 mars 1983 et de l’article 50 septies de l’annexe IV du code général des impôts ;