Skipper : 14 novembre 2017 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 16/00551

·

·

Skipper : 14 novembre 2017 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 16/00551

14 novembre 2017
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
16/00551

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 14 NOVEMBRE 2017

A.D

N° 2017/

Rôle N° 16/00551

Société FIFTH OCEAN SAIL LTD

C/

Etablissement Public DIRECTION REGIONALE DES GARDES COTES DES DOUANES- PACA CORSE

Grosse délivrée

le :

à :Me Andre

La Direction des Douanes

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 11 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/12633.

APPELANTE

Société FIFTH OCEAN SAIL LTD

société de droit britanique,

[Adresse 1]

représentée par Me Gildas ANDRE de la SELARL ANDRE – DESCOSSE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Vanessa MOURRE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Etablissement Public DIRECTION REGIONALE DES GARDES COTES DES DOUANES- PACA CORSE

[Adresse 2]

représentée par Madame [Y] [V] inspectrice des douanes, munie d’un pouvoir en date du 4 octobre 2017

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 Octobre 2017 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Madame DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2017,

Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller , faisant fonction de Président, et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE :

Vu le jugement, contradictoire, rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 11 décembre 2015, ayant statué ainsi qu’il suit :

– constate l’irrégularité du règlement transactionnel signé les 20 et 24 septembre 2012 entre la société Fifth Ocean Sail LTD et l’administration des douanes,

– dit que la société Fifth Ocean Sail LTD est redevable de la TVA à l’importation du navire Slivochka d’un montant de 217’099 €,

– ordonne la restitution par la direction des douanes à la société de la somme de 80’000 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2012,

– déboute la société Fifth Ocean Sail LTD de sa demande aux fins de dommages et intérêts,

– dit n’y avoir lieu à dépens.

Vu l’appel interjeté par la société Fifth Ocean Sail LTD le 13 janvier 2016, le recours étant limité aux dispositions du jugement la condamnant à la somme de 217’099 €, rejettant sa demande de dommages et intérêts ainsi qu’aux dépens.

Vu les conclusions de la société Fifth Ocean Sail LTD en date du 4 octobre 2017, demandant de :

– à titre principal, déclarer nulle la procédure comme entachée de nullité pour violation des droits de la défense et du droit d’être entendu et la décharger en conséquence de l’ensemble des droits qui lui sont réclamés,

– à titre subsidiaire, juger nulle la procédure suivie par l’administration des douanes et notamment le procès-verbal du 20 septembre 2012,

– en tout état de cause, dire ce procès-verbal entaché d’irrégularités au visa de l’article 325 du code interne des douanes et au regard de la motivation exigée par ce texte,

– juger infondé le redressement de droit qui lui a été infligé et en conséquence, prononcer la décharge de l’ensemble des droits en litige, et dire que la somme de 217’099 euros devra lui être restituée, avec intérêts moratoires à compter de septembre 2012 et capitalisation des intérêts,

– condamner la direction des douanes [Localité 1] à lui verser la somme de 20’000 € au titre du préjudice causé par la saisie du navire et par le paiement de la somme indue de 297’099 €

, ainsi que la somme de 5000 € au titre de l’illégalité de la pénalité de 80’000 € et dire que ces sommes porteront intérêts à compter du 24 avril 2013, date de saisine du tribunal avec capitalisation,

– ordonner que les intérêts sur la restitution de la pénalité portent eux mêmes intérêts par capitalisation,

– condamner l’État à lui verser la somme de 18’000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– réformer dans cette mesure le jugement attaqué et en confirmer toutes les autres dispositions.

Vu les conclusions de l’administration des douanes prise en la personne de M. Le directeur des garde-côtes de [Localité 1], du 10 janvier 2017, réitérées le 10 octobre 2017, demandant de :

– confirmer le jugement,

– constater que l’administration des douanes a réglé par virement du 17 juin 2016 le montant des dommages et intérêts calculés à compter du 24 septembre 2012, soit la somme de 1196,21€,

– dire qu’il n’y a pas lieu à un versement d’indemnité tenant lieu de préjudice au titre du livre des procédures fiscales,

– rejeter les autres demandes,

– dire n’y avoir lieu à dépens.

Motifs

Attendu que le 9 septembre 2012, le service de la brigade de surveillance nautique des douanes [Localité 2] a contrôlé les navire Slivochka, battant pavillon des iles Cook, celui-ci consistant dans un catamaran de 17 mètres; qu’étaient alors présents à bord le skipper, M.[W], et M. [P], de nationalité russe.

Attendu que l’administration établissait une procédure au motif que le navire était en infraction au regard de la TVA à l’importation et relevait contre M. [P] l’infraction d’importation sans déclaration de marchandises prohibées au moyen de fausses déclarations ou manoeuvres ayant pour effet d’obtenir une exonération attachée à une importation ; que suite à la saisie du navire, un règlement transactionnel était signé prévoyant l’acquittement de la TVA pour un montant de 217’099 €, outre une pénalité de 80’000 €, avec la levée de la saisie du navire ; que le 21 septembre la somme due était réglée et que la main levée de la saisie intervenait le 24 septembre.

Attendu le tribunal a considéré que le règlement transactionnel signé ne pouvait avoir autorité de chose jugée dans la mesure où la transaction avait été ratifiée par le directeur général des garde-côtes à [Localité 1], alors qu’elle devait être signée par le directeur régional des douanes et des droits indirects, le montant du délit dépassant 100’000 €.

Attendu que le jugement n’est pas critiqué sur ce chef.

Attendu que les dispositions de l’article 137 du règlement communautaire numéro 2913- 92, qui prévoit le régime de l’admission temporaire, permettent l’utilisation, dans le territoire douanier de la communauté en exonération totale ou partielle des droits à l’importation et sans qu’elles soient soumises aux mesures de politique commerciale, de marchandises non communautaires destinées à être réexportées sans avoir subi de modifications.

Attendu que pour bénéficier de ce régime dérogatoire, qui est limité à 18 mois, il convient de respecter les dispositions de l’article 558 du règlement communautaire 2454- 93 au terme duquel l’exonération totale des droits à l’importation est accordée pour les moyens de transport maritime lorsqu’ils sont immatriculés en dehors du territoire douanier de la communauté au nom d’une personne établie en dehors de ce territoire et utilisés par une personne établie en dehors du territoire douanier de la communauté .

Attendu qu’au soutien de son appel, la société Fifth Ocean Sail LTD soulève divers moyens de procédure et de fond.

Attendu sur le moyen tenant à l’utilisation de la langue française lors de la rédaction des procès-verbaux de douane qu’il résulte de l’examen du procès verbal du 19 septembre, signé par M.[P], qu’il a accepté, ainsi que cela est mentionné en procédure, que le contrôle se fasse en langue anglaise, langue lue et comprise par lui; que la traduction en a été faite par un contrôleur du service, accepté sans réserve par M [P], notamment quant à ses compétences en anglais ou à la fidélité de sa traduction, l’absence d’un interprête étant sans incidence s’agissant en l’espèce de l’appréciation d’une seule procédure douanière civile et la nécessité de rédiger le procès verbal en anglais n’étant pas requise.

Que par ailleurs, le procès verbal du 20 septembre a été signé par M [W], qui est français, et dont M [P] n’a pas contesté les pouvoirs à signer la transaction, ni la main levée de la saisie, le service des Douanes ayant, par ailleurs, pris le soin de noter sur le procès verbal que M [W] lui avait remis une lettre de représentation signée de M [P].

Attendu que dans ces conditions, la société appelante ne peut utilement invoquer avoir subi un préjudice quant à la compréhension des griefs qui lui ont été faits, ni se plaindre d’une atteinte aux droits de la défense, ou de la violation de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne, ou encore de celle de la Convention européenne des droits de l’homme ; que ce moyen sera donc rejeté.

Attendu que sur le moyen tiré du droit à être entendu, que l’infraction, objet du présent débat, ne rentre pas dans le champ d’application des articles 67 A et suivants du code des douanes qui dispose : toute décision prise en application du code des douanes communautaires et de ses dispositions d’application, lorsqu’elle est défavorable ou lorsqu’elle notifie une dette douanière telle que définie à l’article 4 § 9 du code des douanes communautaires est précédée de l’envoi ou de la remise à la personne concernée d’un document par lequel l’administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée, ainsi que la possibilité dont dispose l’intéressé de faire connaître ses observations dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la remise de ce document.

Mais attendu que l’infraction, notifiée le 20 septembre 2012 portait sur le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée à l’importation et que celle-ci n’est pas une dette douanière au sens du code des douanes communautaire, lequel ne concerne que les droits de douane ou taxes d’effets équivalents;

Attendu, en outre, que M [P] a été entendu lors de l’établissement du procès verbal du 19 septembre de façon complète et sur tous les éléments permettant à l’administration d’asseoir sa décison, l’établissement du procès verbal du 20 septembre démontrant précisément qu’elle les a pris en considération, y ayant en effet reporté, ainsi qu’il sera vu ci dessous , notamment, les éléments de fait de nature à conditionner l’appréciation des conditions d’exonération; que dans ces circonstances, il sera considéré que M [P] a été, en toute hypothèse, entendu dans des conditions permettant aux deux parties de faire valoir leur point de vue et de l’appprécier de part et d’autre, et ce même si la procédure a été menée sur les deux journées du 19 et 20 septembre; qu’en outre, M [P] a eu encore la possibilité de s’expliquer lors des négociations ayant conduit à l’établissement de la transaction, puis à la main levée de la saisie du 24 septembre 2012 .

Attendu encore que le grief tiré du défaut de motivation du procès verbal n’est pas fondé en ce que celui ci vise parfaitement l’infraction reprochée, les textes la sanctionnant, qu’il se réfère au contrôle effectué sur le navire en rappelant le procès verbal dressé la veille ;qu’il contient, de surcroît, en sa page ,1 tous les éléments de fait réunis au sujet des éléments ( domicile de l’utilisateur, domicile du propriétaire et pavillon du navire) présentement discutés relativement à la possibilité d’exonération lorsque l’exportation du navire n’est pas immédiate, et que d’ailleurs, M [P], lui même, a reconnu qu’il avait immatriculé le navire aux Iles Cook et non en Grèce car il n’avait ainsi pas eu à s’acquitter de la TVA, de telle sorte qu’il ne peut utilement prétendre avoir ignoré la portée et les conséquences de l’importation reprochée .

Attendu que l’ensemble de ces données, qui ont ainsi mis la personne poursuivie en état de comprendre à la fois les faits et le fondement de la poursuite, constituent une motivation suffisante à son exacte information ainsi qu’à sa défense.

Attendu, enfin, qu’il ne peut être sollicité l’application du livre de procédure fiscale dès lors que seuls s’appliquent au présent litige le code des douanes nationales et le code des douanes communautaires .

Attendu sur le fond, qu’ il résulte des documents versés que le navire est sorti du chantier naval français qui l’a construit le 1er août 2012 avec une déclaration d’exportation à destination des îles vierges britanniques par la société Fifth Ocean Sail LTD ; que néanmoins, le bateau est resté dans les eaux territoriales, ce qui justifie l’application de l’ensemble des dispositions du code des douanes ici mises en oeuvre relatives à la réputation d’importation de marchandises prohibées ( notamment les articles 414 et 426-4°) et qu’il a bénéficié du régime dérogatoire, sous réserve de respecter les deux conditions cumulatives ci-dessus citées, et notamment, la condition de résidence hors du territoire de l’union européenne pour l’utilisateur;

Que les éléments réunis lors du contrôle des douanes démontrent la réalité de la fausse déclaration ou manoeuvre prévue par l’article 426-4° du code des douanes en raison de la discordance entre les éléments recueillis par les douanes lors du contrôle des garde-cotes et la déclaration du document d’exportation 27806823;

Qu’ils établissent également que si le propriétaire est établi aux iles Vierges, et le navire immatriculé aux Iles Cook,ce qui satisfait aux deux premières conditions exigées pour l’exonération, M [P], qui est le dirigeant de la société propriétaire s’est bien déclaré, le 19 septembre 2012, être l’utilisateur principal du navire, dont il précise, en outre, qu’il s’agit d’un navire de plaisance privé et non commercial; qu’il a, par ailleurs, affirmé vouloir, suite au contrôle, encore naviguer 1 à 2 semaines à Palma de Majorque avant de traverser l’Atlantique, puis, avoir l’intention de ramener le bateau dans les eaux grecques au printemps 2013 ; qu’aucune autre utilisation n’est justifiée avant le contrôle et que tout élément sur une utilisation postérieure différente est inopérante, notamment la location faite en 2013 à une société mauritienne;

Attendu, en second lieu, que M [P], résidant en Grèce, il n’est pas satisfait à la seconde condition cumulativement prévue par la réglementation communautaire;

Qu’à cet égard, il sera relevé qu’il n’a donné que son adresse en Grèce lors de son audition du 19 septembre; qu’il a ensuite expliqué qu’il y demeurait avec sa femme et un de ses enfants âgé de 7 ans, étant amené, pour ce qui concerne pour ses affaires dans le commerce maritime, à se déplacer dans le monde entier;

Que les vérifications ont par ailleurs permis de connaître qu’il était résident de ce pays depuis l’année 2005, qu’il y travaillait pour une société grecque et qu’il était titulaire d’un titre de séjour donné par la Grèce au moment du contrôle; que la copie de son passeport russe, de surcroît en date du 19 novembre 2001, et les différents autres documents produits ( de nature fiscale, foncière, médicale, scolaire pour ses enfants ou documents de voyage et certificat d’emploi de M [P] datant de 2013) ne suffisent pas, en l’état des renseignements tenus tant de l’interessé, qui a déclaré voyager dans tout le monde , que des autorités grecques, à combattre les éléments ci dessus rapportés et à démontrer qu’il résidait effectivement en Russie lors du contrôle; qu’enfin, l’appelante se prévaut vainement de la production par l’administration de documents non traduits alors que lui même en produit aussi en langue anglaise et en langue russe et qu’il ne fait pas état de ce qu’il n’a pas compris ceux en langue anglaise, notamment la pièce 24 de l’administration qui est suffisamment probante, même si les documents qui y sont joints sont en grec.

Attendu qu’il en résulte que les conditions légales des différents textes appliqués par l’administration des Douanes sont bien caractérisées, que sa réclamation sur la TVA en litige est fondée, la demande de la société appelante tendant à être déchargée des droits ainsi poursuivis devant, en conséquence, être rejetée.

Attendu, en dernier lieu, sur les demandes de dommages et intérêts à raison de la saisie du navire, que celle ci a été levée le 24 septembre 2012 dès le paiement justifié et la transaction signée par l’administration; que de surcroît, et en l’état de la présente décision, elle s’avère justifiée au regard des droits qu’elle cherchait à garantir; qu’il n’est pas démontré de préjudice particulier en résultant sur une telle période d’immobilisation; que le caractère humiliant, s’agissant de la seule application des textes légaux en cas de non respect de la règlementation ne peut être retenu; qu’enfin, l’administation justifie avoir réglé à l’appelant les intérêts dus sur la somme de 80 000€ et que ne justifiant pas d’un préjudice autre elle sera déboutée de toute demande plus ample, sauf l’anatocisme dans les conditions de l’article 1154 du Code Civil .

Attendu, par suite, que le jugement sera confirmé et que l’appelante sera déboutée des fins de son recours.

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Reçoit l’appel,

Déboute la société Fifth Ocean Sail LTD des fins de son recours et confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à y ajouter l’application de l’anatocisme dans les conditions de l’article 1154 du Code Civil pour les intérêts afférents à la somme de 80 000€,

Y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu à dépens

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x