1 juin 1999
Cour de cassation
Pourvoi n°
98-85.291
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller RUYSSEN, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, et de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– Z… Marc, partie civile,
contre l’arrêt de la cour d’appel de NIMES, chambre correctionnelle, du 14 mai 1998, qui, dans la procédure suivie contre Christophe X…, notamment pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 3 de la loi du 5 juillet 1985, 2, 464, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a fixé, après déduction des prestations servies par l’organisme social, le préjudice corporel subi par Marc Y… à la somme de 951 535, 86 francs et son préjudice corporel à celle de 23 943, 74 francs, et a condamné Christophe X… à payer à celui-ci lesdites sommes ;
» aux motifs qu’eu égard aux conclusions de l’expert, non critiquées par Christophe X…, la durée des périodes d’incapacité temporaire totale et d’incapacité temporaire partielle sont respectivement de 5 et 6 mois ; que si Marc Z… prétend que son incapacité n’a jamais été partielle, mais totale pendant 36 mois du jour de l’accident à celui de la consolidation en raison de son impossibilité à reprendre toute activité, l’expert a expliqué le passage d’une incapacité totale à une incapacité partielle par le recours à un appareillage en dépit des difficultés et des douleurs subies, position qui mérite d’être adoptée ; que l’impossibilité de reprendre toute activité ne saurait être prise en compte au titre de l’indemnisation de l’incapacité temporaire totale ; que Marc Z… demande une indemnisation sur la base de 10 000 francs tenant compte des revenus qu’il aurait eus au poste de chef mécanicien que lui proposait à compter de septembre 1994 l’entreprise Stenchenko ; que, cependant, le préjudice lié à l’incapacité temporaire totale et à l’incapacité temporaire partielle doit être apprécié au regard des revenus antérieurs à l’accident et non des revenus à venir en raison de leur caractère incertain, que les pièces justificatives fournies ne justifient pas cette somme de 10 000 francs comme base de calcul, de sorte qu’il sera allouée la somme de 15 000 francs en réparation de ce poste de préjudice au regard des revenus déclarés et des périodes d’incapacité déterminées par l’expert ; qu’en ce qui concerne l’incapacité permanente partielle pour laquelle il est sollicité, au titre du préjudice physiologique, la somme de 1 000 000 francs et celle de 1 666 440 francs en réparation du préjudice professionnel, la Cour possède les éléments d’appréciation suffisants, tenant à l’âge de la victime, aux séquelles constatées par l’expert, à l’incapacité permanente partielle de 40 % et au
retentissement professionnel de l’accident ainsi qu’au préjudice physiologique, pour fixer la réparation au titre de l’incapacité permanente partielle avec incidence professionnelle à 663 000 francs ; qu’il échet de prendre intégralement en compte les frais médicaux restés à charge pour un montant de 65 816, 26 francs eu égard aux justificatif produits ; qu’en définitive le préjudice soumis à recours s’établit à un total de 1 162 676, 79 francs, soit après déduction de la créance de la CPAM du Vaucluse pour 441 140, 93 francs, un solde de 721 535, 86 francs ; que si Marc Z… réclame la somme de 250 000 francs au titre du pretium doloris, l’expert a qualifié ce préjudice à 6/ 7, de sorte qu’il sera alloué la somme de 100 000 francs ; que pour le préjudice esthétique pour lequel la victime demande la somme de 250 000 francs, l’expert n’a pas qualifié ce préjudice mais il ressort de son rapport des éléments d’appréciation suffisants pour permettre à la cour de juger de sa réalité et de le réparer, compte tenu de l’âge de la victime, par l’allocation de la somme de 80 000 francs ; qu’en ce qui concerne le préjudice d’agrément pour lequel il est également réclamé la somme de 250 000 francs, la victime produit des attestations démontrant qu’elle pratiquait des sports et l’expert note que Marc Z… souffre de relations difficiles avec les femmes en raison de l’aspect disgracieux de son moignon, ce qui démontre la réalité de ce préjudice pour lequel il sera alloué la somme de 50 000 francs ; que dès lors le préjudice personnel de la victime s’établit à un total de 230 000 ; que si Marc Z… réclame les sommes de 14 617, 45 francs de frais de séjours au centre de rééducation restés à sa charge, de 1 705 francs pour son hospitalisation, de 2 512, 45 francs de déplacements et de 50 francs de frais divers, seuls les frais justifiés ayant un lien de causalité certain avec l’accident seront retenus de sorte que sera prise en compte la somme totale de 13 055 francs ;
que la victime produisant un devis pour l’aménagement de son véhicule, cette demande mérite d’être accueillie pour son montant de 10 868, 74 francs ; qu’en définitive après déduction des débours de la CPAM, les préjudices de Marc Z… s’établissent comme suit :
préjudice corporel global : 951. 535, 86 francs, préjudice matériel :
13 055, 00 francs + 10 868. 74 francs = 23 943, 74 francs ;
» alors, d’une part, que l’incapacité temporaire totale est caractérisée par l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle quelconque ; qu’ainsi la cour d’appel ne pouvait retenir l’existence seulement d’une incapacité partielle sans rechercher si, comme le soutenait Marc Z…, les difficultés de mise en place de sa prothèse. expressément constatées et décrites par l’expert, ne l’avaient pas empêché de reprendre une quelconque activité professionnelle ;
» alors, d’autre part, qu’en tout état de cause, la cour d’appel ne pouvait entériner les conclusions de l’expert limitant la période d’incapacité temporaire partielle au 22 mars 1995, sans rechercher si, comme le reconnaissait cet expert lui-même, Marc Z… n’était pas incapable encore à cette date de reprendre son activité de chauffeur et livreur tout comme celle, qui devait être la sienne ultérieurement, de skipper ;
» alors, enfin, que la réparation du préjudice doit être intégrale ; que dès lors, les juges d’appel ne pouvaient refuser d’apprécier le préjudice lié à l’incapacité temporaire totale et à l’incapacité temporaire partielle au regard de la rémunération qui avait été offerte de façon ferme à la victime quelques jours avant l’accident » ;
Attendu qu’en évaluant, comme elle l’a fait, la réparation du préjudice résultant pour Marc Z… de l’atteinte à son intégrité physique, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l’indemnité propre à réparer le dommage né de l’infraction ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Ruyssen conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;