Site internet non livré dans les délais : l’indemnisation du client

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Site internet non livré dans les délais : l’indemnisation du client
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Il ressort des emails de la société Bewapp qu’aucun site n’était livré un an après la date prévue entre les parties. La société Bewapp, qui ne comparaît pas en appel, et n’a manifestement produit aucune pièce en première instance pour rapporter l’exécution de sa prestation, ni procès-verbal de livraison, ni élément sur la mise à disposition des codes d’administration du site, succombe dans la charge de la preuve.

En l’absence d’élément probant, la réparation du préjudice du client ne peut être supérieure au prix de la prestation payée et non réalisée soit 15.000 euros que la société Bewapp a été condamnée à payer à Waydoo et CLS, augmentée des intérêts au taux légal.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 11 MARS 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/21475 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBBAD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2016069967

APPELANTES

SARL CLS, prise en la personne de ses représentants légaux

RCS de Versailles : numéro 481 552 016

ayant son siège social 6 avenue Charles de Gaulle-78150 LE CHESNAY-ROCQUENCOURT

SARL WAYDOO, prise en la personne de ses représentants légaux

RCS de Versailles : numéro 799 047 253

ayant son siège social 24 rue Jean Duplessis – 78150 LE CHESNAY-ROCQUENCOURT

représentées par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque:D0945,

assistées de Me Karine ROZENBLUM, avocat au barreau de PARIS, toque : E0402,

INTIMEES

SARL EASYIT, prise en la personne de ses représentants légaux

RCS de Versailles : numéro 529 239 238

ayant son siège social […]

représentée par Me Paul YON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0347

Société BEWAPP, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social […]

assignée par acte d’huissier du 11 février 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère

Mme H-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

– réputé contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, et par Mme Emilie POMPON, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

***

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

Il sera succinctement rapporté que la sarl CLS (Computer Linked Sources) a été créée en 2005 par M. D A, associé majoritaire et dirigeant. CLS est un distributeur indépendant de grandes marques de serveurs et réseaux en lien avec plus de 150 partenaires grossistes, ayant développé le concept de stock virtuel lui permettant de consolider les achats en groupement et mutualiser les stocks sur une plateforme de vente pour ses membres. Elle propose ainsi des offres globales à des prix réduits, tout en augmentant la disponibilité des produits proposés.

La sarl C, initialement détenue à 100% par M. E X, a été créée le 28 décembre 2010. Elle se présente comme reliant le marché aux technologies et les technologies au marché en proposant un accompagnement complet pour toutes les demandes en réseau, sécurité, wi et technologies de l’information. Elle a changé de dénomination en 2015 pour « Easyit ».

Suite à des discussions entre CLS et C en 2013 autour d’un projet de développement de l’activité de la première, en ligne, sur une plateforme web dédiée aux ventes privées des professionnels de l’informatique, CLS a constitué la sarl Waydoo en décembre 2013 avec pour objectif d’être la première plateforme de vente numérique de produits informatiques professionnels et de distribuer sous contrats de nouvelles marques. M. D A en était associé majoritaire et M. E X associé minoritaire.

La société C (devenue Easyit) devait assurer une mission de prestation de développement de la plateforme opérationnelle, directement d’une part, CLS mettant à disposition ses moyens humains et de structure et finançant la prestation, mais aussi avec l’intervention d’une société de développement de sites internet, la sarl Bewapp, d’autre part, dirigée par M. F Z, chargée de créer le site internet de Waydoo.

Jugeant que C mettait des freins au développement de la société Waydoo et avait seulement cherché à accéder au business model de CLS et à en connaître les secrets professionnels, les fournisseurs, les clients, et les contrats de distribution, dans le seul but d’en profiter seule, sans réaliser aucune prestation malgré les prix payés, CLS notifiait à C la fin du partenariat entre elles par lettre recommandée avec avis de réception d’avril 2015 et saisissait, avec Waydoo, le tribunal de commerce de Paris le 24 novembre 2016. M. X saisissait le conseil de prud’hommes de Versailles le 19 juin 2015 afin de voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée avec CLS, procédure qu’il abandonnera par la suite.

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 mai 2019 qui a :

– Débouté la sarl CLS et la sarl Waydoo de l’ensemble de leurs demandes au titre de dommages et intérêts et de publication du présent jugement ;

– Condamné la sarl CLS et la sarl Waydoo à payer respectivement à la sarl Easyit et la sarl BEWAPP la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie ;

– Dit les parties mal fondées en leurs moyens et demandes contraires aux termes du présent jugement, les en déboute respectivement ;

– Condamné solidairement la sarl CLS et la sarl Waydoo aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 190,29 euros dont 31,29 euros de TVA.

Vu l’appel interjeté par les sarl CLS et Waydoo le 21 novembre 2019,

Vu l’ordonnance sur incident du conseiller chargé de la mise en état du 1er juillet 2021 disant que l’appel interjeté par CLS et Waydoo n’était pas tardif et déboutant Easyit de sa demande d’irrecevabilité de l’appel, puis déclarant parfait le désistement de Easyit de sa demande de radiation de l’affaire sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile et condamnant cette dernière à payer aux appelantes la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’incident.

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le19 février 2020 et le dernier bordereau de communication de pièces en date du 7 juin 2021 pour la sarl CLS et la sarl Waydoo par lesquels elles demandent à la cour de :

Vu les articles 42, 43, 78, 101 du code de procédure civile,

Vu les articles 1382, 1137, 1174 et 1382 du code civil (anciens articles applicables aux faits de l’espèce),

Vu les articles L.442-6 du Code de commerce et D. 442-3 du code de commerce,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la sarl CLS et la sarl Waydoo de l’ensemble de leurs demandes au titre de dommages et intérêts et de publication du présent jugement ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la sarl CLS et la sarl Waydoo à payer respectivement à la société eaysit et bewapp, la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné solidairement la sarl CLS et la sarl Waydoo aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 190,29 euros dont 31,29 euros de tva ;

y ajoutant :

– constater que la société C, devenue Easyit, a failli à ses obligations contractuelles;

– constater que la société C, devenue Easyit, a commis de manière régulière des actes de concurrence déloyale par désorganisation commerciale et par parasitisme, à l’encontre des sociétés CLS et Waydoo depuis fin 2013 ;

– constater que la société bewapp a failli à ses obligations contractuelles ;

– condamner la société bewapp à verser aux sociétés Waydoo et CLS la somme globale de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices ;

– condamner la société easyit à verser à la société CLS la somme totale de 752.367 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts légaux capitalisés à compter de janvier 2014,

– condamner la société easyit à verser à la société Waydoo la somme globale de 430.000

euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, assortie des intérêts légaux capitalisés à compter de janvier 2014,

– interdire à la société easyit de réitérer, soit directement, soit au travers de ses préposés, intervenants et réseaux, ses agissements déloyaux de désorganisation et de captation de clientèle aux préjudices des sociétés CLS et Waydoo, et de leurs intervenants, et ce, sous, une astreinte dissuasive de 1.000 euros par jour et par acte fautif, la cour d’appel de Paris se réservant le droit de procéder directement à la liquidation de l’astreinte ;

– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir sur la page d’accueil du site internet de la société easyit pendant trois mois outre la publication du jugement à intervenir dans trois revues choisies par les sociétés CLS et/ou Waydoo, aux frais avancés remboursés par la société easyit, sans que chaque publication ne puisse excéder la somme de 7.000 euros hors taxe, soit la somme globale de 21.000 euros h.t ;

– condamner solidairement la société easyit et la société bewapp à verser aux sociétés CLS et Waydoo chacune la somme de 40.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement la société easyit et la société bewapp aux dépens, dont distraction au profit de Me Jean-Claude Cheviller.

Vu les dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 15 mai 2020 pour la sarl Easyit par lesquelles elles demandent à la cour de :

Vu les articles 1134 et suivants du code civil

Vu l’article L442-6 du code de commerce

– confirmer le jugement du 31 mai 2019 en toutes ses dispositions.

– condamner les sociétés CLS et Waydoo à 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à l’ensemble des dépens.

La sarl Bewapp, qui a comparu en première instance et à laquelle la déclaration d’appel et les dernières conclusions de l’appelante ont été régulièrement signifiées à domicile le 5 mars 2020, n’a pas comparu. La décision sera réputée contradictoire à l’égard de tous.

Vu l’ordonnance de clôture du 18 novembre 2021,

SUR CE, LA COUR,

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur l’exécution des prestations par la société Bewapp

En vertu de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne. En l’espèce le devis en cause date du 12 décembre 2013 et est ainsi régi par le code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

Aux termes de l’article 1134 du code civil applicable, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi. En application de l’article 1147 du même code, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il n’est pas contesté, comme il ressort notamment des moyens de Bewapp devant le tribunal de commerce que celle-ci a été chargée de concevoir un site internet pour Waydoo aux termes d’un devis de décembre 2013 (facture en pièce 10 CLS pour un total de 15.000 euros HT). Bewapp a convenu devant le tribunal de commerce que le prix de la prestation a été intégralement payé.

C’est à juste titre que le tribunal de commerce a relevé l’existence de relations antérieures à ce devis entre Bewapp et M. X, établie par une facture de C (Easyit) à Bewapp (dirigée par F Z) datée du 7 novembre 2013, ayant pour objet un conseil en développement commercial ainsi que le paiement postérieur par Bewapp d’une commission de 3.000 euros à M. Y qui lui permettait ainsi de développer son produit Wapplink (conclusions n°2 de Bewapp devant le tribunal de commerce, page 4, pièce 81 CLS) et de deux billets d’avion aller-retour en classe affaires Paris-New-York (pièce 17 CLS) en avril 2014, établi par le mail de M. X à M. Z du 16 janvier 2014 en ces termes : « je suis heureux de savoir que 50 % du blé est arrivé, j’espère dont que vous avancez sur le projet car cela va devenir urgent. Comme convenu je t’ai dit que je prenais 3.000 euros HT, je te demanderai d’acheter pour moi 2 billets d’avion » (pièce 14 CLS).

Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 septembre 2015, CLS a mis en demeure Bewapp de livrer le site web promis pour Waydoo (sa filiale) pour la fin du premier trimestre 2014 et intégralement payé (pièce 13 CLS).

Il ressort des mails de Bewapp qu’aucun site n’était livré encore en février 2015 soit un an après la date prévue, puisqu’elle multiplie les messages d’attente ainsi : « il reste encore des petits détails de présentation à terminer (‘) mais tout semble prêt » le 28 février 2014 (pièce 83 CLS), le projet sera « prêt demain matin » le 12 mars 2014 (pièce 84) et « il y a beaucoup d’incertitudes et de travaux à réaliser : compatibilité (‘), problématique de la base de données (‘), création / récupération des données et paramètres du site et des modules utilisés. En synthèse, je pense avoir un minimum de 2 jours de travail, (soit 1.200 euros HT) » le 13 février 2015. Ce dernier mail évoque un « changement » dans la demande, sans plus de précision et sans aucune pièce sur ce point.

Bewapp, qui ne comparaît pas en appel, et n’a manifestement produit aucune pièce en première instance pour rapporter l’exécution de sa prestation, ni procès-verbal de livraison, ni élément sur la mise à disposition des codes d’administration du site, succombe dans la charge de la preuve.

Si CLS et Waydoo font valoir que les ventes en ligne envisagées dans le business plan permettaient de fixer un objectif de 1.500.000 euros dégageant une marge de 23 % représentant 300.000 euros, permettant de demander la réparation du préjudice subi, au regard des aléas commerciaux, à 100.000 euros, la cour relève d’une part que le business plan produit (pièce 63 CLS) est trop succinct pour être probant et que d’autre part les appelantes n’établissent pas le lien de causalité entre l’inexécution rapportée de sa prestation par Bewapp et la non réalisation de ses objectifs par Waydoo. En effet, si la création et la mise en ligne de son site et de la boutique Amazon notamment de Waydoo (business model, pièce 63) était un élément essentiel pour cette société de ventes en ligne, et il ressort en outre des autres moyens de CLS et Waydoo qu’elles invoquent d’autres éléments à l’origine de l’impossibilité de se développer pour Waydoo.

Faute de produire le moindre élément permettant de déterminer la part de causalité que cette inexécution a pu avoir dans le préjudice qu’elles allèguent, la réparation de ce chef ne peut être supérieure au prix de la prestation payée et non réalisée soit 15.000 euros que Bewapp sera condamnée à payer à Waydoo et CLS, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2016 date de l’assignation devant le tribunal, le jugement étant ainsi infirmé sur ce point.

Sur les comportements reprochés à Easyit

Sur l’inexécution contractuelle reprochée

De ce chef les appelantes font valoir avoir payé au total la somme de 65.000 euros HT à C/Easyit (factures en pièce n°9 CLS) chargée pour Waydoo d’une prestation de développement, laquelle n’a pas été exécutée. Cette demande se recoupe avec celles des surcoûts financiers invoqués, qui concernent les mêmes 65.000 euros HT.

A ce titre C (Easyit) a reconnu le 31 octobre 2014 avoir surfacturé CLS par rapport à l’accord initial, en acceptant un échéancier de remboursement intitulé « avoir sur facturation prestation commerciale pour la période du 1er janvier 2014 au 31 (sic) juin 2014 » à hauteur de 14.000 euros HT (pièce 32 CLS). Sur cette somme, Easyit ne répond pas et donc ne conteste pas que l’échéancier n’a pas été réglé dans sa totalité, la somme de 7 .200 euros restant due.

Au demeurant, le seul dépôt des noms de domaine et la création des adresses Waydoo fin 2014 ne peuvent suffire à démontrer la réalisation d’une prestation de développement sur plusieurs mois pour une société nouvellement créée devant développer sa clientèle sur un secteur de marché qui est présenté comme innovant par l’ensemble des parties. Easyit ne verse aucune pièce rapportant la teneur et la qualité des prestations réalisées pour le développement de Waydoo entre décembre 2013 (création de Waydoo) et début 2015 (fin du partenariat) soit sur plus d’une année, alors que 65.000 euros HT (les 76.667 euros visés par les appelantes ne sont pas détaillés et ne correspondent pas aux factures produites en pièce 9) ont été perçus pour ces prestations.

Toutefois, il ressort des mails échangés par M. A et M. X (pièce 30 CLS notamment) qu’à la suite de la dégradation des relations entre eux, il n’a été réclamé par CLS et Waydoo, sur l’ensemble du prix payé, que la somme de 14.000 euros déjà évoquée, la réalité des prestations pour le surplus n’étant manifestement pas contestée ; des factures de fournisseurs pour plusieurs milliers d’euros sont d’ailleurs évoquées dans plusieurs mails, attestant d’une activité de Waydoo.

Quant aux avantages indus (commission, billets d’avion) allégués, sur le fondement de l’article L442-6, I., 1° du code de commerce dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 relatifs aux avantages indus, ils concernent M. X et non la société Easyit. Les appelantes n’ayant pas appelé celui-ci à l’instance, leurs demandes de ces chefs doivent être rejetées.

En conséquence, le préjudice subi de ce chef doit être fixé à la somme de 7.200 euros due sur l’échéancier reconnu, que Easyit sera condamnée à payer à CLS et Waydoo, le jugement qui a retenu que cette somme n’était pas demandée alors qu’elle entrait dans le total des demandes faites au titre du préjudice étant infirmé sur ce point. Cette condamnation portera intérêt au taux légal à compter de la demande soit le 24 novembre 2016 date de l’assignation devant le tribunal.

Sur les faits de concurrence déloyale et de déloyauté

En application des articles 1382 du code civil antérieur à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 (devenu 1240 du code civil) et 9 du code de procédure civile, les actes constitutifs de parasitisme, soit le comportement par lequel un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis, ne sauraient se déduire de simples présomptions. Il appartient donc aux appelantes de rapporter la preuve des faits qu’elles reprochent à Easyit de ce chef et au titre de la déloyauté au titre du partenariat entre CLS et Easyit au titre du développement de Waydoo sur le fondement de l’article 1134 du code civil.

Il ressort du jugement, irrévocable, du conseil de prud’hommes de Versailles du 9 juillet 2019 (pièce 91 CLS) opposant M. G B, embauché par CLS le 1er mars 2011 en qualité d’ingénieur commercial, devenu responsable des ventes sédentaires le 30 septembre 2011, et licencié pour faute grave le 25 juin 2015, et des pièces produites qu’est établie la transmission d’informations confidentielles par lui au gérant de la société C, M. X, entre 2013 et 2015, soit pendant le partenariat avec les sociétés CLS et Waydoo et postérieurement à la cessation de ce partenariat, dans les circonstances suivantes :

– la transmission des identifiants et mots de passe de M. A, gérant des sociétés CLS et Waydoo, permettant au gérant de la société HTMAG non seulement de surveiller pendant plus de 18 mois les mails de M. A, mais aussi d’agir à sa place au sein de la société alors que M. B ne transmettait ces mots de passe et identifiants à son employeur M. A qu’avec retard voire de façon incorrecte, empêchant ainsi ce dernier de les utiliser et d’agir (pièces 22, 23 et 61 CLS),

– la transmission le 9 mai 2014 d’une liste de plus de 1.000 contacts clients ;

– la transmission le 18 décembre 2014 de la liste de tous les contacts clients d’une salariée commerciale de CLS, Mme H I, qui précise les sociétés clientes, les personnes à solliciter, leurs numéros de téléphone et leurs adresses mails (pièce 44 CLS),

– le détournement du client D-FI au profit de la société de M. X, C, M. B négociant par mails une commande avec une salariée de la société DFI, client important de la société CLS ; dans le cadre d’échanges par mails entre le 9 et 18 septembre 2014, M. G B disposait des informations chiffrées pour que la société CLS remporte le marché sans que le gérant de la société CLS soit en copie de ces échanges (pièce 45 CLS) ; M. B transmettait ces informations à la société HTMAG puis cessait de répondre pour le compte de CLS à la salariée de la société DFI permettant ainsi le 19 octobre 2014 à C (Easyit) d’émettre un devis reprenant ces informations (pièce 46 CLS) ; si C n’a finalement pas remporté ce marché, les informations captées ont permis à C, sans rien dépenser, de se placer dans le sillage de CLS afin de tirer profit de ses efforts et de son savoir faire,

– le détournement de l’activité due par M. B à CLS au profit de la société C, au point que sa marge diminuait en moyenne de 51.800 euros par mois entre janvier 2014 et mars 2015. En parallèle, M. B établissait des offres commerciales pour le gérant de la société C et le renseignait sur les prix d’achat des produits.

Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal de commerce, Easyit et CLS opèrent sur les mêmes marchés de stocks virtuels, vendant les mêmes produits des mêmes marques, opérant avec les mêmes fournisseurs, comme il ressort du tableau non précisément contesté en pièce 95 ; en détournant ainsi à son profit le savoir faire de CLS, Easyit s’est placée dans le sillage de celle-ci, en utilisant notamment sans rien dépenser les compétences et le temps de travail d’un employé de CLS, le carnet de clients de celle-ci, les entrées en partenariats de CLS détournées à son profit et en revendiquant sur son site internet bénéficier d’un modèle de stock virtuel en visant « un nouveau modèle d’intermédiation entre l’offre et la demande, sans la contrainte de constitution d’un stock interne susceptible de fausser la promesse et la certitude d’une mise en concurrence naturelle du marché (‘) afin de répondre, en temps réel, à toute demande d’achat au meilleur prix et délai, quel que soit le volume » (pièce n°77 CLS), ce concept ayant été développé antérieurement par CLS (pièce 2 CLS) pour l’activité normalement dévolue à Waydoo dont Easyit devait assurer le développement, lequel ne s’est pas réalisé sur la période.

M. X, sous l’adresse mail professionnelle Waydoo, a notamment fait intervenir M. J K, futur gérant de droit de la société C, en le présentant comme étant le Directeur Marketing de Waydoo auprès des clients, ce qui n’était pas le cas, dans le but de détourner les clients vers sa société, C/Easyit (mail du 7 octobre 2014, pièce 21 CLS). Ces détournements, outre ceux déjà restitués plus haut, sont rapportés par les échanges avec ces clients, notamment la société FrameIP qui précisera a posteriori avoir en effet traité avec « J » (mail du 26 août 2015, pièce 50 CLS).

Les détournements de clients, ainsi que de fichiers informatiques et du travail d’un employé au profit de la société C devenue Easyit, constituent autant d’acte de désorganisation commerciale relevant de la concurrence déloyale ayant eu pour effet la perte de chance de développer la société Waydoo et la perte de chance de CLS de réaliser le chiffre d’affaires escompté.

S’agissant de l’évaluation du préjudice subi par CLS du fait de la concurrence déloyale il ressort des comptes de la société (pièces 65 et suivantes CLS) que son chiffre d’affaires comme son résultat net étaient en progression entre 2012 et 2013, avant que la pratique anticoncurrentielle ne vienne faire chuter ces données en 2014, 2015 et encore 2016 au regard des effets de ces pratiques, la reprise n’étant amorcée qu’en 2017.

La cour adopte la marge non contestée de 23 % du manque à gagner du chiffre d’affaires sur la période effectivement contemporaine de la pratique déloyale entre 2014 et 2016 soit :

23 % x (762.025 + 688.999 + 172.425 /3)

soit un préjudice arrondi à la somme de 125.000 euros, augmenté des frais d’expertise privée contradictoire de 7.700 euros, soit un total de 132.700 euros que Easyit sera condamnée à payer à CLS, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

S’agissant du préjudice moral, CLS qui sollicite 130.000 euros ne fournit aucune référence propre à expliquer ce chiffrage, alors que l’évaluation de ce préjudice doit être concrètement déterminée et ne peut être forfaitaire. Cette demande sera donc rejetée.

S’agissant de l’évaluation du préjudice subi par Waydoo du fait de la concurrence déloyale il ne peut être, comme il a été déjà dit, déterminé à partir du chiffre d’affaires espéré dans le business plan trop peu détaillé pour être probant. Aucun autre chiffre ni aucune autre référence n’étant produit, si ce n’est les comptes 2014 qui ne permettent pas à eux seuls de déterminer le préjudice, les demandes de ce chef comme celle au titre du préjudice moral également invoqué au regard du business plan, doivent être rejetés.

Sur les autres demandes, les frais irrépétibles et les dépens

La demande d’interdiction de réitération des faits de concurrence déloyale ainsi que la demande de publication du jugement n’apparaissent pas nécessaires au regard de l’ancienneté des faits. Ces demandes seront rejetées.

Le jugement étant infirmé il le sera également en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles en première instance.

Les sarl Easyit et Bewapp, déboutées, seront condamnées in solidum aux dépens de la première instance et de l’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile Me Jean-Claude Cheviller, avocat, étant autorisé en application de l’article 699 du même code à recouvrer directement contre elles les dépens dont il a fait l’avance sans en recevoir provision, ainsi qu’à payer in solidum à CLS et Waydoo la somme globale de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau :

Condamne la sarl Bewapp à payer à la sarl Waydoo et à la sarl CLS la somme de 15.000 euros (quinze mille euros) en réparation de l’inexécution de la prestation prévue au devis de décembre 2013, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2016 date de l’assignation devant le tribunal,

Condamne la sarl Easyit à payer à la sarl Waydoo et à la sarl CLS la somme de 7.200 euros (sept mille deux cent euros) en réparation du préjudice subi du fait de la surfacturation de ses prestations, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2016 date de l’assignation devant le tribunal,

Condamnel la sarl Easyit à payer à la sarl CLS la somme de 132.700 euros (cent trente deux mille sept cent euros) en réparation du préjudice subi du fait de la pratique de concurrence déloyale exercée à son encontre, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute les appelantes du surplus de leurs demandes,

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sarl Easyit et Bewapp aux dépens de la première instance et de l’appel,

Autorise Me Jean-Claude Cheviller, avocat, à recouvrer directement contre elles les dépens dont il a fait l’avance sans en recevoir provision,

Condamne in solidum les sarl Easyit et Bewapp à payer à la sarl CLS et la sarl Waydoo la somme globale de 20.000 euros (vingt mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Le Greffier, Le Président,


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