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Il incombe au titulaire d’une marque, en réponse à la fin de non-recevoir qui lui est opposée, de justifier de l’exploitation du signe de la marque revendiquée pendant la période des cinq années précédant la demande en contrefaçon, et ce pour chacun des produits et services visés à l’enregistrement, cet usage devant être sérieux et effectué à titre de marque, c’est-à-dire conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine d’un produit ou d’un service en lui permettant de le distinguer, sans confusion possible, de ceux d’autres entreprises.
L’usage d’une marque sous une forme modifiée qui n’altère pas son caractère distinctif est suffisant pour caractériser l’usage sérieux de la marque.
L’usage de la marque PHYT’AURA+ sous la forme stylisée n’emporte aucune conséquence dans la mesure où l’élément distinctif « PHYT’AURA » est intégralement reproduit, en majuscules. L’absence du « + » remplacé par un « R » en dernière position, renforçant l’idée qu’il s’agit d’une marque enregistrée, est peu perceptible par le consommateur et ne constitue pas une utilisation modifiée de la marque altérant son caractère distinctif.
Il a été jugé que le titulaire de cette marque a bien fait un usage sérieux de sa marque française sur le territoire national et que celui-ci ne saurait se réduire à un usage sporadique au regard de ses capacités de production et de ses investissements promotionnels et ventes effectifs.
Afin de caractériser l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des faits et des circonstances pertinents, tels que notamment, les caractéristiques du marché en cause, la nature des produits ou des services protégés par la marque, l’étendue territoriale et quantitative de l’usage ainsi que la fréquence et la régularité de ce dernier. Il n’est pas exigé que la marque en cause soit exploitée sur une partie substantielle du territoire de l’Union européenne ni sur plusieurs pays dans la mesure où il doit être fait abstraction des frontières des États membres.
La caractérisation de l’usage sérieux d’une marque sur un seul État membre ne constitue pas une exception mais bien une règle jurisprudentielle à partir du moment où l’usage suffit pour maintenir ou créer des parts sur le marché de l’espèce, et ce, peu important que cet usage ait d’ailleurs conduit à une réussite commerciale effective.
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 30 JUIN 2023
(n°109, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/08131 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDSFD
Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du 1er avril 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°20/03749
APPELANTE
S.A.S. PHYTOMARS, anciennement dénommée PHYTOAURA, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 3]
Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 838 580 249
Représentée par Me Sophie MICALLEF de la SAS HOYNG – ROKH – MONEGIER, avocate au barreau de PARIS, toque P 512
INTIME
M. [I] [W]
Né le 17 avril 1984 à [Localité 7] (42)
De nationalité française
Exerçant la profession de dirigeant d’entreprise
Demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque L 0056
Assisté de Me Ingrid BRUYAS plaidant pour la SELAS GUILLEMIN – FLICHY, avocate au barreau de PARIS, toque D 133
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mmes [Z] [F] et [P] [V] ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu l’ordonnance contradictoire rendue le 1er avril 2021 par le juge de la mise en état,
Vu l’appel interjeté le 27 avril 2021 par la société Phytoaura devenue société Phytomars,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 mars 2023 par la société Phytomars, appelante,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique 22 février 2023 par M. [I] [W], intimé,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 9 mars 2023,
Vu la note d’audience faisant état de la confirmation donnée à l’audience par la société Phytomars, anciennement société Phytoaura, de ce qu’elle a entièrement exécuté les termes de l’ordonnance entreprise et de ce que son appel relatif aux mesures d’interdiction, de rappel et de condamnation provisionnelle n’est que la conséquence de l’irrecevabilité de l’action en contrefaçon qu’elle soulève.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
M. [W] se présente comme un spécialiste de la nutrition naturelle, exerçant une activité de fabrication et de distribution de compléments alimentaires naturels tels que des gélules végétales et des boissons instantanées et protéinées à base d’extraits de plantes et de substances naturelles.
Il est titulaire de :
– la marque verbale française PHYT’AURA +, déposée le 26 avril 2013 et portant le numéro 4001362, visant les produits et services suivants :
Classe 5 : Produits pour la destruction des animaux nuisibles destinés aux êtres humains ; aliments et substances diététiques à usage médical êtres humains et animaux ; matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires : désinfectants ; bains médicinaux ; préparations chimiques à usage médical ou pharmaceutique ; herbes médicinales ; tisanes ; alliages de métaux précieux à usage dentaire ;
Classe 41 : Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ou d’éducation ; recyclage professionnel : mise à disposition d’installations de loisirs ; publication de livres ; prêts de livres ; production de films sur bandes vidéo ; location de films cinématographiques ; location d’enregistrements sonores ; location de magnétoscopes ou de postes de radio et de télévision : location de décors de spectacles ; montage de bandes vidéo ; services de photographie ; organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite de colloques ; conférences ou congrès ; organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs ; réservation de places de spectacles ; services de jeu proposés en ligne à partir d’un réseau informatique ; service de jeux d’argent ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne : microédition ;
Classe 44 : Services d’agriculture, d’horticulture et de sylviculture ; services médicaux ; services vétérinaires ; soins d’hygiène et de beauté pour animaux ; assistance médicale : chirurgie esthétique ; services hospitaliers ; maisons médicalisées ; maisons de convalescence ou de repos ; services d’opticiens ; services de médecine alternative : toilettage d’animaux ; jardinage ; services de jardinier-paysagiste.
– la marque verbale de l’Union européenne PHYT’AURA+, déposée le 27 mai 2014 et portant le numéro 012912549, pour désigner les produits et services suivants :
Classe 5 : Produits pharmaceutiques et vétérinaires : aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire ; aliments pour bébés, compléments alimentaires pour êtres humains et animaux ; matériel pour pansements : désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles destinés aux êtres humains ; bains médicinaux ; préparations chimiques à usage médical ou pharmaceutique ; herbes médicinales ; tisanes ;
Classe 41 : Éducation; formation; activités sportives et culturelles: informations en matière de divertissement ou d’éducation; publication de livres; prêts de livres; production de films sur bandes vidéo; organisation de concours (éducation ou divertissement); organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès; organisation et conduite d’ateliers de formation; organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs: publication électronique de livres et de périodiques en ligne; micro-édition ;
Classe 44 : Services d’agriculture, d’horticulture et de sylviculture ; services médicaux ; services vétérinaires ; assistance médicale ; services hospitaliers ; maisons médicalisées ; maisons de convalescence ou de repos ; services d’opticiens ; services de médecine alternative ; services d’aromathérapie ; conseils en matière de santé ; services thérapeutiques ; services de saunas.
M. [W] a également créé en 2014, en vue de la commercialisation de ses produits, la société de droit allemand Phyt’aura GmbH.
Il exploite un site internet accessible depuis l’adresse et a également réservé des noms de domaine tels phytoaura.com et phytoaura.net et phytoaura.info.
Depuis sa création en mai 2018, la société Phytoaura, aujourd’hui nommée Phytomars, développe et commercialise, sur son site internet accessible depuis l’adresse , une gamme de compléments alimentaires à base de plantes.
Elle est titulaire de la marque française semi-figurative représentée ci-dessous, déposée le 9 août 2018 :
Elle est enregistrée sous le numéro 4475565 et vise les produits et services suivants :
– Classe 5 : compléments alimentaires ; herbes médicinales ; tisanes ; extraits de plantes pour compléments alimentaires ;
– Classe 30 : thé ;
– Classe 32 : boissons à base de fruits ; jus de fruits ; préparations pour faire des boissons.
Constatant l’existence de la société Phytoaura et son activité de développement et de commercialisation de compléments alimentaires à base de plantes par le biais notamment de sites de vente en ligne destinés aux consommateurs français, M. [W] a fait procéder à l’établissement d’un procès-verbal de constat d’huissier de justice, sur Internet, le 19 janvier 2020.
Par ordonnance présidentielle du 27 février 2020, il a également été autorisé à faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon dans l’entrepôt de stockage de la société Phytoaura, ainsi qu’à son siège social.
Les opérations se sont déroulées le 9 mars 2020.
Par acte d’huissier de justice en date du 23 mars 2020, M. [W] a fait assigner la société Phytoaura devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de contrefaçon de ses marques.
Il a formé un incident devant le juge de la mise en état aux fins d’obtenir des mesures destinées à empêcher provisoirement la poursuite des agissements litigieux, et notamment obtenir l’interdiction, pour la société Phytoaura, de reproduire et d’exploiter la dénomination PHYTOAURA et tout signe similaire pour désigner, de manière directe ou indirecte, des compléments alimentaires, ou tout produit et/ou service similaire, en France.
L’ordonnance entreprise du juge de la mise en état a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Phytoaura,
– dit qu’en faisant usage du signe semi-figuratif PHYTOAURA, tel que précédemment représenté, pour commercialiser ses compléments alimentaires, il est vraisemblable que la société Phytoaura porte atteinte aux droits de M. [W] sur les marques française et de l’Union européenne n°4001362 et n°012912549,
– fait interdiction de manière provisoire, pendant toute la durée de l’instance, à la société Phytoaura de reproduire et d’exploiter la dénomination PHYTOAURA et tout signe similaire notamment avec adjonction, formule, pour désigner, de manière directe ou indirecte, des compléments alimentaires, ou tout produit et/ou service similaire, en France, en ce compris l’exposition, la commercialisation, la promotion, l’exportation, et/ou la détention à ces fins de tels produits pourvus à quelque titre que ce soit et sur quelque support que ce soit, de la dénomination litigieuse, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, et ce passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance,
– dit que le juge de la mise en état se réserve la liquidation de l’astreinte ordonnée,
– ordonné à la société Phytoaura le rappel des circuits commerciaux de tous compléments alimentaires revêtus de la dénomination litigieuse, ainsi que de tout document promotionnel y afférent, et ce, aux frais de la société Phytoaura dans un délai maximum d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance,
– condamné la société Phytoaura à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros, à titre de provision, à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,
– condamné la société Phytoaura à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Phytoaura aux dépens de la procédure d’incident,
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 11 mai 2021 à 10 heures pour les conclusions de M. [W],
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
La société Phytoaura a entièrement exécuté l’ordonnance en procédant à un changement de dénomination sociale (désormais devenue Phytomars), en déposant et utilisant une nouvelle marque ASTRAPHYTOS, en cessant toute exploitation du signe PHYTOAURA et en s’acquittant des 3 500 euros au titre des condamnations pécuniaires.
La société Phytomars a relevé appel de cette ordonnance et demande à la cour de :
– dire la société Phytomars recevable et fondée en son appel de l’ordonnance du 1er avril 2021 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris,
– infirmer ladite ordonnance en ce qu’elle a déclaré les demandes de M. [W] recevables à l’encontre de la société Phytomars,
– débouter M. [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions, comme étant irrecevables et en tout état de cause mal fondées,
Et, Monsieur [W] étant irrecevable en toutes ses demandes,
– infirmer l’ordonnance du 1er avril 2021 en ce qu’elle a :
– dit qu’en faisant usage du signe semi-figuratif PHYTOAURA pour commercialiser ses compléments alimentaires, il était vraisemblable que la société Phytomars portait atteinte aux droits de M. [W] sur les marques française et de l’Union européenne n°4001362 et n°012912549,
– fait interdiction de manière provisoire, pendant toute la durée de l’instance, à la société Phytomars de reproduire et d’exploiter la dénomination PHYTOAURA et tout signe similaire notamment avec adjonction, formule, pour désigner, de manière directe ou indirecte, des compléments alimentaires, ou tout produit et/ou service similaire, en France, en ce compris l’exposition, la commercialisation, la promotion, l’exportation, et/ou la détention à ces fins de tels produits pourvus à quelque titre que ce soit et sur quelque support que ce soit, de la dénomination litigieuse, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, et ce passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance,
– dit que le juge de la mise en état se réservait la liquidation de l’astreinte ordonnée,
– ordonné à la société Phytomars le rappel des circuits commerciaux de tous compléments alimentaires revêtus de la dénomination litigieuse, ainsi que de tout document promotionnel y afférent, et ce, aux frais de la société Phytomars dans un délai maximum d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance,
– condamné la société Phytoaura à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros, à titre de provision, à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,
– condamné la société Phytomars à payer à M. [W] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Phytomars aux dépens de la procédure d’incident,
Et statuant à nouveau,
– déclarer M. [W] irrecevable en ses actions en contrefaçon et en nullité fondée sur les marques française n°4 001 362 et de l’Union européenne n°12912549 PHYT’AURA+,
– ordonner le remboursement par M. [W], à la société Phytomars, de la somme de 3 500 euros qui lui a été versée en exécution de l’ordonnance du 1er avril 2021,
– condamner M. [W] à verser à la SAS Phytomars la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [W] aux entiers dépens de l’instance, lesquels pourront être recouvrés par Me Sophie Micallef, avocat aux offres de droit.
M. [W] demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance du 1er avril 2021 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’elle a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Phytoaura,
– dit qu’en faisant usage du signe semi-figuratif PHYTOAURA, tel que précédemment représenté, pour commercialiser ses compléments alimentaires, il est vraisemblable que la société Phytoaura porte atteinte aux droits de M. [W] sur les marques française et de l’Union européenne n°4001362 et n°012912549,
– fait interdiction de manière provisoire, pendant toute la durée de l’instance, à la société Phytoaura de reproduire et d’exploiter la dénomination PHYTOAURA et tout signe similaire notamment avec adjonction, formule, pour désigner, de manière directe ou indirecte, des compléments alimentaires, ou tout produit et/ou service similaire, en France, en ce compris l’exposition, la commercialisation, la promotion, l’exportation, et/ou la détention à ces fins de tels produits pourvus à quelque titre que ce soit et sur quelque support que ce soit, de la dénomination litigieuse, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, et ce passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance,
– dit que le juge de la mise en état se réserve la liquidation de l’astreinte ordonnée,
– ordonné à la société Phytoaura le rappel des circuits commerciaux de tous compléments alimentaires revêtus de la dénomination litigieuse, ainsi que de tout document promotionnel y afférent, et ce, aux frais de la société Phytoaura dans un délai maximum d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance,
– condamné la société Phytoaura à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros, à titre de provision, à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,
– condamné la société Phytoaura à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Phytoaura aux dépens de la procédure d’incident,
En conséquence,
– juger la société Phytomars mal fondée en son appel de l’ordonnance du 1er avril 2021.
– débouter la société Phytomars de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
– condamner la société Phytomars à payer à M. [W] la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner la société Phytomars aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la société Selarl 2h Avocats en la personne de Me Patricia Hardouin, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Sur l’usage de la marque française PHYT’AURA+
L’article L.716-4-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« Est irrecevable toute action en contrefaçon lorsque, sur requête du défendeur, le titulaire de la marque ne peut rapporter la preuve :
1° Que la marque a fait l’objet, pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l’appui de la demande, d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date à laquelle la demande en contrefaçon a été formée, dans les conditions prévues à l’article L. 714-5. »
L’article L. 714-5 du même code précise que :
« Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat.
Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
2° L’usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;
3° L’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;
4° L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation. »
Ainsi, il incombe à M. [W], en réponse à la fin de non-recevoir qui lui est opposée, de justifier de l’exploitation du signe de la marque revendiquée pendant la période des cinq années précédant la demande en contrefaçon, et ce pour chacun des produits et services visés à l’enregistrement, cet usage devant être sérieux et effectué à titre de marque, c’est-à-dire conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine d’un produit ou d’un service en lui permettant de le distinguer, sans confusion possible, de ceux d’autres entreprises.
En l’espèce, l’action en contrefaçon a été engagée par M. [W] le 23 mars 2020 ; la période de cinq années à prendre en considération s’étend donc du 23 mars 2015 au 23 mars 2020.
Les produits opposés par l’appelante pour lesquels l’usage sérieux doit être démontré sont les « aliments et substances diététiques à usage médical (…) ; les compléments alimentaires pour êtres humains (…) » en classe 5.
A titre liminaire, l’usage d’une marque sous une forme modifiée qui n’altère pas son caractère distinctif est suffisant pour caractériser l’usage sérieux de la marque.
Dès lors, l’usage de la marque PHYT’AURA+ sous la forme stylisée n’emporte aucune conséquence dans la mesure où l’élément distinctif « PHYT’AURA » est intégralement reproduit, en majuscules. L’absence du « + » remplacé par un « R » en dernière position, renforçant l’idée qu’il s’agit d’une marque enregistrée, est peu perceptible par le consommateur et ne constitue pas une utilisation modifiée de la marque altérant son caractère distinctif.
M. [W] indique avoir débuté l’exploitation de sa marque en France depuis 2019 et fournit à cet effet à la cour deux publications tirées des pages Facebook de deux de ses distributeurs, la société Au P’tit Panier Bio et la société Rayons Verts, en dates respectives des 13 juillet et 7 décembre 2019. Ces publications sont des photographies des compléments alimentaires et d’autres produits vendus par M. [W], présent sur l’une des photos, prises dans l’enceinte de ces établissements, et qui affichent clairement la marque PHYT’AURA + – dans sa forme stylisée
, sur leurs étiquettes.
L’intimé fournit également à la cour cinq factures comprises entre janvier et mars 2020 d’un montant total de 5 172 euros. Bien que ce chiffre ne soit pas très élevé au regard du marché global des compléments alimentaires, il convient de tenir compte du fait que M. [W] exerce ses activités seul en produisant, fabriquant et conditionnant ses produits dans son unique laboratoire situé à [Localité 6].
En outre, la société Au P’tit Panier Bio est située à [Localité 5].
Quant à la société Rayons Verts, elle est située au centre-ville de la commune de [Localité 4].
Le fait que les produits de la marque PHYT’AURA + soient vendus dans deux endroits géographiquement distincts et, que ces deux sociétés aient relayé les produits sur leur réseau social, est de nature à accroître le nombre de visiteurs de ces enseignes et donc la visibilité des produits de l’intimé.
S’agissant des pièces 6, 27, 28 et 29 produites devant la cour par l’intimé et relatives à la réservation de noms de domaine et la création d’étiquettes et documents promotionnels en 2015 elles constituent des actes préparatoires. Or, il est de jurisprudence constante que les actes simplement internes, accomplis au sein d’une entreprise ou en direction d’un réseau de distribution contrôlé par le titulaire de la marque sont insusceptibles de qualifier un tel usage sérieux de la marque. Afin d’être considérés comme actes à titre d’usage, il y a donc lieu de déterminer si ces derniers ont été effectués vers l’extérieur ou publiquement à l’occasion d’une offre effective de vente des produits marqués. En l’espèce, les produits tels que représentés sur les documents promotionnels notamment en pièce 29 sont pour certains identiques à ceux photographiés et publiés sur les pages Facebook des distributeurs mentionnées ci-dessus.
Ces actes préparatoires entrent dans la période de référence et sont donc à même de prouver que M. [W] a cherché à commercialiser ses produits sur le territoire français, ce qu’il a finalement fait, en se présentant d’ailleurs lui-même au sein des entreprises qui assurent leur distribution auprès de leurs clients.
Il doit être déduit de ce qui précède que M. [W] a bien fait un usage sérieux de sa marque française sur le territoire national et que celui-ci ne saurait se réduire à un usage sporadique au regard de ses capacités de production et de ses investissements promotionnels et ventes effectifs.
Sur l’usage de la marque de l’Union européenne PHYT’AURA+
Afin de caractériser l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des faits et des circonstances pertinents, tels que notamment, les caractéristiques du marché en cause, la nature des produits ou des services protégés par la marque, l’étendue territoriale et quantitative de l’usage ainsi que la fréquence et la régularité de ce dernier. Il n’est pas exigé que la marque en cause soit exploitée sur une partie substantielle du territoire de l’Union européenne ni sur plusieurs pays dans la mesure où il doit être fait abstraction des frontières des États membres.
En conséquence, contrairement à ce que soutient la société appelante, la caractérisation de l’usage sérieux d’une marque sur un seul État membre ne constitue pas une exception mais bien une règle jurisprudentielle à partir du moment où l’usage suffit pour maintenir ou créer des parts sur le marché de l’espèce, et ce, peu important que cet usage ait d’ailleurs conduit à une réussite commerciale effective.
C’est donc sous le prisme de l’ensemble de ces critères et des faits de l’espèce qu’il convient d’apprécier l’usage de la marque « PHYT’AURA + » au sein de l’Union européenne pour des « aliments et substances diététiques à usage médical (…) ; les compléments alimentaires pour êtres humains (…) » pour la même période que celle relative à l’usage de la marque française évoquée ci-avant.
Outre l’usage sérieux de sa marque sur le territoire français, M. [W] produit neuf factures attestant de la commercialisation de ce type de produits en Allemagne entre 2019 et 2020, soit un an avant l’introduction de l’instance devant le tribunal, et pour un montant total de 26 940, 84 euros.
Le montant total des factures fournies à la cour, pour la période allant de 2019 à 2020, atteint donc 32 112, 84 euros.
De surcroît, les pièces précitées 6, 27, 28 et 29 font également état de dépenses en vue d’actes promotionnels et de commercialisation des produits de la marque « PHYT’AURA + » (flyers et étiquettes) dont les noms corroborent avec ceux présents sur les factures allemandes précitées.
Il y a donc eu un usage vers l’extérieur, à destination du public de ces actes dits préparatoires.
Au regard de l’ensemble de ces éléments et notamment des capacités de production restreintes de M. [W], l’usage sérieux de la marque « PHYT’AURA + » en Allemagne et en France et donc sur le territoire de l’Union européenne ne saurait être utilement contesté.
En conséquence, M. [W] est recevable à agir sur le fondement de ses deux marques française et de l’Union européenne et dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par la société appelante a été rejetée à juste titre par l’ordonnance entreprise qui est confirmée de ce chef.
La société Phytomars n’ayant contesté les autres chefs du dispositif de l’ordonnance entreprise que comme étant la conséquence de la demande d’irrecevabilité de l’action en contrefaçon de M. [W], il n’y a pas lieu d’examiner la pertinence des mesures d’interdiction, de rappel et de condamnation provisionnelle prononcées par l’ordonnance du juge de la mise en état.
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les condamnations prononcées au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile. La société Phytomars sera en outre condamnée aux dépens d’appel et à verser à M. [W], au vu de l’équité, la somme supplémentaire de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l’appel,
Confirme l’ordonnance du 1er avril 2021 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris,
Condamne la société Phytomars à payer à M. [W] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Phytomars aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente