Requalification en CDI et durée du travail

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Requalification en CDI et durée du travail
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Il résulte  de l’article L. 1245-1 du code du travail que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Par ailleurs il incombe au salarié qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles de rapporter la preuve qu’il est resté à la disposition de l’employeur durant les périodes séparant deux contrats à durée déterminée.

 

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/00963

N° Portalis : DBV3-V-B7F-UNCR

AFFAIRE :

[D] [J] épouse [X]

C/

S.A.R.L. BMJ

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 mars 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHARTRES

Section : C

N° RG : F20/00198

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Carole ZOZIME

Me Emilie GATTONE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 06 avril 2023, prorogé au 25 mai 2023, puis prorogé au 08 juin 2023, puis prorogé au 29 juin 2023, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Madame [D] [J] épouse [X]

née le 23 septembre 1991 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Carole ZOZIME, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 66

APPELANTE

****************

S.A.R.L. BMJ

N° SIRET : 434 710 653

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Sandra RENDA, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000018 –

Représentant : Me Emilie GATTONE, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 693

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [D] [J] épouse [X] a été engagée pour une durée déterminée le 30 mars 2019, du 1er au 20 avril 2019 et le 1er juin 2019 en qualité de serveuse polyvalente par la société BMJ, qui exploite une pizzeria sous l’enseigne Roma Nostra à [Localité 3].

La société BMJ emploie moins de onze salariés.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Par requête reçue au greffe le 1er octobre 2020, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Chartres afin d’obtenir la requalification de sa relation de travail à durée déterminée avec la société BMJ en contrat de travail à durée indéterminée et le versement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de la relation contractuelle.

Par jugement du 15 mars 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Chartres a reçu Mme [D] [X] en ses demandes, reçu la société BMJ en ses demandes reconventionnelles et, au fond, a :

– requalifié la relation de travail couvrant la période du 30 mars 2019 au 1er juin 2019 convenue entre Mme [X] et la société BMJ en un contrat de travail à durée indéterminée,

En conséquence,

– condamné la société BMJ à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

*541,62 euros à titre d’indemnité de requalification,

*125,38 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

*12,54 euros au titre des congés payés afférents,

*541,62 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

*729,68 euros à titre de rappel de salaires,

*1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné à la société BMJ de remettre à Mme [X] ses documents sociaux rectifiés et conformes au jugement, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30éme jour suivant la notification du présent jugement,

– dit que le bureau de jugement se réserve le droit de liquider l’astreinte,

– débouté Mme [X] du surplus de ses demandes,

– débouté la société BMJ de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

– condamné la société BMJ aux entiers dépens qui comprendront les frais d’exécution éventuels.

Mme [X] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 29 mars 2021.

Les condamnations prononcées ont été exécutées.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 26 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Mme [D] [X] demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

– infirmer les dispositions du jugement entrepris condamnant la société BMJ à lui verser les sommes suivantes :

*541,62 euros à titre d’indemnité de requalification,

*125,38 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

*12,54 euros au titre des congés payés y afférents,

* 541,62 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

*729,68 euros à titre de rappel de salaires,

– infirmer les dispositions du jugement qui en sont la suite logique à savoir celles ayant ordonné à la société BMJ de remettre à Mme [X] ses documents sociaux rectifiés et conformes au présent jugement, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30 ème jour suivant la notification du jugement, et celles ayant débouté madame [X] du surplus de ses demandes,

Statuer à nouveau en condamnant la société BMJ à lui verser les sommes suivantes :

*2 022,38 euros à titre d’indemnité de requalification,

*798,14 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

*79,81 euros au titre des congés payés y afférents,

*2 022,38 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

*4 157,23 euros à titre de rappel de salaires,

*532,30 euros au titre des congés payés y afférents,

*1 500 euros du titre du préjudice moral,

– Ordonner à la société BMJ de remettre à madame [X] ses documents sociaux rectifiés et conformes au présent arrêt, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30 ème jour suivant la signification de l’arrêt,

– Débouter la société BMJ de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires,

– Condamner la société BMJ à payer à madame [D] [J] épouse [X] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société BMJ aux entiers dépens de l’instance, dont il sera fait distraction au profit de Maître Carole Zozime, en application de l’article 699 du code de procédure civile,

– Ordonner l’exécution provisoire sur l’ensemble des dispositions de la décision à intervenir.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 20 septembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société BMJ demande à la cour de :

– Déclarer Mme [X] [D] mal fondée en son appel et l’en débouter ;

– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau :

– Condamner Mme [X] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 11 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est constant :

– que Mme [X] a été engagée par la société BMJ pour travailler dans la pizzeria que celle-ci exploite sous l’enseigne Roma Nostra à [Localité 3] ;

– qu’elle y a travaillé 2,5 heures le 30 mars 2019 et a perçu pour l’emploi de serveuse polyvalente une rémunération mensuelle brute de 31,57 euros, constituée d’un salaire de 25,08 euros, calculé sur la base d’un taux horaire de 10,03 euros, d’une indemnité repas conventionnelle de 3,62 euros et d’une indemnité compensatrice de congés payés de 2,87 euros ;

– qu’elle y a travaillé 35,25 heures du 1er au 20 avril 2019 et a perçu pour l’emploi de serveuse polyvalente une rémunération mensuelle brute de 420,77 euros, constituée d’un salaire de 353,56 euros, calculé sur la base d’un taux horaire de 10,03 euros, d’une indemnité repas conventionnelle de 26,96 euros et d’une indemnité compensatrice de congés payés de 38,25 euros, somme correspondant à une somme nette de 320,73 euros, payée par virement du 7 mai 2019 ;

– qu’elle y a travaillé 11,5 heures le 1er juin 2019 et a perçu pour l’emploi de serveuse polyvalente une rémunération mensuelle brute de 134,84 euros, constituée d’un salaire de 115,34 euros, calculé sur la base d’un taux horaire de 10,03 euros, d’une indemnité repas conventionnelle de 7,24 euros et d’une indemnité compensatrice de congés payés de 12,26 euros ;

– que la société BMJ a effectué le 1er avril 2019 une déclaration préalable à l’embauche et a délivré à Mme [X] des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi correspondant aux heures de travail effectuées.

Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée

Aux termes de l’article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit, à défaut de quoi, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Il résulte de cet article que la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ; il n’en est autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.

La société BMJ produit les contrats suivants signés par son gérant :

– des contrats de travail à durée déterminée d’usage ‘extra’ pour un emploi de serveuse polyvalente :

*en date du samedi 30 mars 2019 à effet du 30 mars à 20h30 au 30 mars à 23h00 pour un taux horaire de 10,03 euros ;

*en date du 1er avril 2019 à effet du lundi 1er au samedi 6 avril 2019, pour 20,5 heures de travail répartis comme suit : le lundi de 11h30 à 14h30, le mardi de 10h00 à 14h30, le jeudi de 12h00 à 15h00, le vendredi de 12h00 à 15h00 et le samedi de 12h00 à 15h00 et de 19h00 à 23h00 pour un taux horaire de 10,03 euros ;

*en date du 8 avril 2019 à effet du lundi 8 au samedi 13 avril 2019, pour 3 heures 30 heures de travail le samedi de 12h00 à 15h30 pour un taux horaire de 10,03 euros ;

*en date du 15 avril 2019 à effet du lundi 15 au samedi 20 avril 2019, pour 11 heures 15 de travail répartis comme suit : le vendredi de 12h15 à 15h15 et le samedi de 12h00 à 15h45 et de 18h00 à 22h30 pour un taux horaire de 10,03 euros ;

– un contrat de travail à durée déterminée à effet du samedi 1er juin au samedi 31 août 2019 mentionnant comme motif de recours un accroissement temporaire d’activité dû à la saison touristique et à l’animation [Localité 3] en Lumière, portant sur un emploi de serveuse polyvalente pour une durée de travail de 41 heures par semaine, moyennant un salaire de 2 167,72 euros brut pour 177,67 heures de travail par mois, soit 1 815 euros pour 151,67 heures de travail et 352,72 euros pour 26 heures supplémentaires au taux majoré conformément aux dispositions légales et conventionnelles, ce dont il ressort l’application d’un taux horaire de 11,966, majoré selon les dispositions conventionnelles de 10% au-delà de 35 heures jusqu’à 39 heures (4 heures par semaine, soit 17,33 heures par mois) et de 20% au-delà de 39 heures jusqu’à 41 heures (2 heures par semaine, soit 8,67 heures par mois).

Si elle soutient que Mme [X] a refusé de signer ces contrats, elle n’en justifie pas. La mauvaise foi ou l’intention frauduleuse de la salariée, qu’elle allègue n’est pas caractérisée.

Faute de comporter la signature de Mme [X], ces contrats à durée déterminée ne peuvent être considérés comme ayant été établis par écrit et sont par suite réputés conclus pour une durée indéterminée. Il convient en conséquence de requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à effet au 30 mars 2019.

Sur la demande de rappel de salaire

Mme [X], qui revendique un rappel de salaire de 4 157,23 euros, fait valoir qu’elle aurait dû percevoir la somme de 5 474,32 euros à titre de salaire de base du 30 mars au 1er juin 2019, selon le calcul suivant :

– du 30 au 31 mars 2019 : 230,88 euros bruts, soit : 8 heures x 2 jours au taux horaire de 14,43 euros ;

– du 1er avril au 30 avril 2019 : 2 564 euros ;

– du 1er mai au 31 mai 2019 : 2 564 euros ;

– le 1er juin 2019 : 115,44 euros, soit : 8 heures au taux horaire de 14,43 euros,

mais que la société BMJ ne lui a versé que la somme de 587,41 euros brut (31,57 euros pour le mois de mars + 421 euros pour le mois d’avril + 134,84 euros pour le mois de juin), puis dans le cadre de l’exécution du jugement du conseil de prud’hommes la somme de 729,68 euros brut, soit la somme de 1 317,09 euros au total au titre de son salaire de base, de sorte qu’elle reste lui devoir la somme de 4 157,23 euros.

À l’appui de sa demande, elle soutient, d’une part, que par l’effet de la requalification, elle est réputée avoir travaillé à temps complet du 30 mars au 1er juin 2019 et, d’autre part, qu’elle aurait dû être rémunérée sur la base d’un taux horaire de 14,43 euros.

– Sur le paiement d’un salaire durant les périodes non travaillées entre deux contrats de travail

Mme [X] est mal fondée à soutenir que par l’effet de la requalification, elle est réputée avoir travaillé à temps complet sur la totalité de la période du 30 mars au 1er juin 2019.

Il résulte en effet de l’article L. 1245-1 du code du travail que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Par ailleurs il incombe au salarié qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles de rapporter la preuve qu’il est resté à la disposition de l’employeur durant les périodes séparant deux contrats à durée déterminée.

Il n’est pas établi que la relation contractuelle liant Mme [X] à la société BMJ ait débuté avant le 30 mars à 20h30 et Mme [X] ne conteste pas avoir terminé son travail le 30 mars 2019 à 23h00. Elle est dès lors mal fondée à prétendre être rémunérée pour 8 heures de travail au lieu de 2,5 heures pour la journée du samedi 30 mars.

La salariée qui ne rapporte pas la preuve qu’elle s’est tenue à la disposition de la société BMJ pour accomplir un travail le dimanche 31 mars 2019, à supposer que le restaurant soit ouvert le dimanche, ce qu’elle n’établit pas, est également mal fondée à prétendre être rémunérée pour 8 heures de travail ce jour-là.

Mme [X] qui revendique un rappel de salaire pour la période du 22 avril 2019 (lundi de Pâques) au 31 mai 2019, calculé sur la base de 41 heures de travail par semaine, ne rapporte pas la preuve qu’elle s’est tenue à la disposition de la société BMJ durant cette période non travaillée. Elle est dès lors mal fondée à prétendre à un rappel de salaire pour cette période.

– Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet pour la période du 1er avril au 20 avril 2019

Selon l’article L. 3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps plein et il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Faute de comporter la signature de Mme [X], les contrats à durée déterminée portant sur la période du 1er au 20 avril 2019 ne peuvent être considérés comme ayant été établis par écrit et sont par suite présumés à temps plein.

La société BMJ ne rapportant pas la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue pour la période du 1er au 20 avril 2019 et, d’autre part, que Mme [X] n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur, il convient de considérer que les parties étaient liées pendant cette période par un contrat de travail à temps plein.

Il résulte de l’article L. 3123-1 du code du travail qu’en cas de requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, la durée du travail en résultant correspond à la durée légale du travail, ou, si elle est inférieure, à la durée fixée conventionnellement. Mme [X] est en conséquence mal fondée à prétendre à un rappel de salaire calculé sur la base d’une durée de travail de 41 heures par semaine pour la période du 1er au 20 avril 2019 et ne peut prétendre qu’à un rappel de salaire calculé sur la base d’un temps de travail de 35 heures par semaine pour chacune des trois semaines en cause.

– Sur le taux horaire revendiqué par la salariée

Mme [X] revendique un salaire calculé sur la base d’un taux horaire de 14,43 euros, en se fondant sur l’annonce de la société BMJ parue le 28 février 2019 sur le site internet de Pôle emploi, mentionnant la recherche d’un responsable de salle d’une expérience de 5 ans minimum pour un contrat de travail à durée indéterminée moyennant un salaire mensuel brut de 2 564 euros pour 41 heures de travail par semaine, aux motifs qu’ayant plus de sept ans d’ancienneté dans le domaine de la restauration, elle correspondait en tous points au profil recherché et que compte-tenu de ses charges (plus de 1 700 euros de charges par mois) et des trajets à parcourir pour se rendre de son domicile à [Localité 5] au restaurant situé à [Localité 3] (51 kilomètres selon sa pièce 15), elle n’aurait pu se permettre de prendre un emploi rémunéré 10,03 euros brut par heure. Elle produit son livret de famille établissant qu’elle est mère d’un enfant né le 30 août 2013 et indique que son conjoint, au chômage, percevait des indemnités de 1 100 euros par mois. Elle produit également le bulletin de salaire qui lui a été délivré pour le mois de juillet 2018 par son précédent employeur, la société Fluvia, exploitant un établissement sis à [Localité 4] et appliquant la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, dont il ressort qu’elle y occupait un emploi d’assistante de direction moyennant un salaire mensuel brut de 1 878,06 euros pour 169 heures de travail, calculé sur la base d’un taux horaire de 11 euros (1 668,37 euros pour 151,67 heures + 209,69 euros au taux horaire majoré de 10 % pour 17,33 heures), outre l’avantage en nature conventionnel repas ainsi que le certificat de travail qui lui a été remis par cette société mentionnant qu’elle y a été employée en qualité d’assistante de direction du 1er octobre 2013 au 7 novembre 2018, avec reprise d’ancienneté au 21 février 2011 chez SMQL.

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

Il incombe dès lors à Mme [X] de rapporter la preuve que la société BMJ s’est engagée à lui verser le salaire calculé sur la base d’un taux horaire de 14,43 euros qu’elle revendique.

La cour constate tout d’abord que l’annonce destinée à une personne indéterminée publiée par la société BMJ sur le site de Pôle emploi, qui mentionne l’emploi, la rémunération mais non la date d’entrée en fonction, n’exprime aucunement la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation du poste par quiconque mais constitue seulement une invitation à entrer en négociation. Elle ne permet donc pas de rapporter la preuve que la société BMJ a pris l’engagement ferme que la personne qu’elle embaucherait en qualité de responsable de salle, quelle qu’elle soit, percevrait le salaire indiqué.

La cour constate ensuite que Mme [X] ne démontre ni qu’elle a effectivement été engagée par la société BMJ en qualité de responsable de salle, ni qu’elle a effectivement exercé les fonctions d’un responsable de salle telles que définies dans l’annonce.

La cour constate enfin que le taux horaire de 14,43 euros que la salariée déduit de l’annonce mentionnant un salaire de 2 564 euros pour 41 heures de travail par semaine, soit 177,67 heures par mois, selon le calcul suivant : 2 564/177,67 euros = 14,431 euros ne prend pas en compte les majorations pour heures supplémentaires fixées par les dispositions conventionnelles à 10% au-delà de 35 heures jusqu’à 39 heures (4 heures par semaine, soit 17,33 heures par mois) et à 20% au-delà de 39 heures jusqu’à 41 heures (2 heures par semaine, soit 8,67 heures par mois) qu’il intègre. Le taux horaire résultant du salaire annoncé est en réalité de 14,155 euros.

Il résulte de ce qui précède que Mme [X] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l’obligation de la société BMJ de lui verser un salaire calculé sur la base d’un taux horaire de 14,43 euros, ou même de 14,155 euros, laquelle ne peut se déduire d’une volonté supposée de la salariée de ne pas travailler pour un salaire moindre.

C’est dès lors à juste titre que le conseil de prud’hommes a jugé la salariée mal fondée en ce qui concerne le montant de ses prétentions, dont l’employeur sollicitait qu’elle soit déboutée en intégralité.

A défaut de preuve de l’accord des parties sur le montant du salaire convenu, il appartient à la cour de le fixer. Dès lors qu’il n’est pas établi par les pièces versées aux débats que Mme [X] a réellement exercé des fonctions d’une qualification supérieure à celle de serveur polyvalent, qui lui sont reconnues par la société BMJ, il convient de se référer, pour la période du 30 mars au 20 avril 2019, au salaire minimum conventionnel pour cet emploi relevant, au vu de la grille de classification conventionnelle et de la liste des emplois repères qu’elle comporte, de la catégorie employé qualifié, niveau III, échelon 3, à savoir le salaire horaire de 11,13 euros en vigueur à compter du 1er janvier 2019 et, pour la journée du 1er juin au salaire horaire, supérieur, mentionné par l’employeur dans la proposition de contrat qu’il produit, à savoir 11,966 euros.

Mme [X] était dès lors bien fondée à prétendre aux salaires suivants :

– pour le samedi 30 mars 2019 : 27,83 euros bruts, selon le calcul suivant : 2,5 heures x 11,13 euros = 28,83 euros ;

– pour le 31 mars 2019 : 0 ;

– pour la période du 1er avril au 20 avril 2019 : 1 168,65 euros, selon le calcul suivant : 3 x 35 heures x 11,13 euros = 1 168,65 euros ;

– pour la période du dimanche 21 avril au dimanche 31 mai 2019 : 0 ;

– pour le 1er juin 2019 : 137,61 euros, selon le calcul suivant : 11,5 heures x 11,966 euros = 137,61 euros,

soit une somme totale de 1 334,09 euros.

L’employeur lui ayant payée en 2019 la somme totale de 587,41 euros brut, restait lui devoir la somme de 746,68 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société BMJ à payer à Mme [X] la somme de 729,68 euros à titre de rappel de salaires et de condamner l’employeur à payer à ce titre à la salariée la somme de 746,68 euros brut. Il convient en outre de condamner la société BMJ à payer à Mme [X] la somme de 74,67 euros brut au titre des congés payés afférents.

Sur la demande d’indemnité de requalification

Il résulte de l’article L.1245-2 du code du travail que lorsqu’il est fait droit à la demande du salarié tendant à voir requalifier un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, il est alloué à ce dernier une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

La base de calcul de cette indemnité est celle du dernier salaire mensuel perçu par le salarié, avant la saisine de la juridiction, au sein de l’entreprise qui avait conclu le contrat de travail à durée déterminée.

Au vu du préjudice subi par Mme [X], maintenue dans une situation précaire, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société BMJ à payer à la salariée la somme de 1 200 euros qu’elle revendique à titre d’indemnité de requalification.

Sur la rupture du contrat de travail

Le contrat de travail à durée indéterminé liant les parties ayant été rompu par l’employeur sans lettre de rupture et donc sans motif, produit les effets d’un licenciement abusif.

Mme [X] est bien fondée à prétendre à une indemnité compensatrice du préavis.

En application de l’article L. 1234-5 du code du travail, l’indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu’aurait perçus le salarié s’il avait travaillé pendant cette période. Le préavis étant fixé par la convention collective à 8 jours et Mme [X] étant bien fondée à se prévaloir d’une durée de travail de 35 heures par semaine et d’un taux horaire de 11,966 euros, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société BMJ à payer à Mme [X] la somme de 505,57 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 50,26 euros au titre des congés payés afférents, aux lieu et place des sommes allouées de ces chefs par le conseil de prud’hommes, à savoir 125,38 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 12,54 euros au titre des congés payés afférents.

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, le licenciement ayant été opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés et Mme [X] comptant moins d’une année complète d’ancienneté, la salariée peut prétendre à une indemnité à la charge de l’employeur d’un montant maximal d’un mois de salaire brut.

En raison de l’âge de la salariée au moment de son licenciement, 27 ans, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à l’intéressée, en réparation du préjudice matériel et moral qu’elle a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi, la somme de 541,62 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et de condamner la société BMJ payer à celle-ci la somme 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct

Mme [X], qui a formé devant le conseil de prud’hommes une demande en paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier dont elle a été déboutée, ne réitère pas cette demande dans ses conclusions devant la cour, mais sollicite la réparation d’un préjudice moral de 1 500 euros.

Mme [X] ne rapporte pas la preuve que le trop-perçu d’indemnités de chômage de 1 484,61 euros pour les périodes du 1er mars 2019 (36,21 euros), du 1er au 8 avril 2019 (289,68 euros), du 1er au 31 mai 2019 (1 122,51 euros) et du 3 juin 2019 (36,21 euros) qui lui a été réclamé par Pôle emploi par courrier du 5 juillet 2019, somme dont elle indique qu’elle a été réduite sur son recours à 400 euros, soit la conséquence d’une faute de la société BMJ. Elle n’établit pas non plus l’existence d’un lien de causalité entre la distance séparant son domicile de son lieu de travail, le fait de devoir s’organiser pour la garde de son enfant et le fait de supporter des frais de parking, dont elle ne justifie d’ailleurs pas, et l’existence d’une faute imputable à la société BMJ.

Il convient en conséquence de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d’ordonner à la société BMJ de remettre à Mme [X] un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt. Il n’est pas nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur l’exécution provisoire

Le pourvoi en cassation n’ayant pas d’effet suspensif, la demande de Mme [X] tendant à ce que l’exécution provisoire du présent arrêt soit ordonnée est sans objet.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

Aucune faute n’étant caractérisée dans l’exercice par Mme [X] de ses droits, il convient de débouter la société BMJ de sa demande de des dommages et intérêts pour procédure abusive. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

La société BMJ, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de la condamner, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à Mme [X] la somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles exposés par celle-ci tant en première instance qu’en cause d’appel en lieu et place de la somme de 1 500 euros qu’elle a été condamnée à payer à celle-ci par le conseil de prud’hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Chartres en date du 15 mars 2021, sauf en ce qu’il a requalifié la relation de travail de Mme [D] [J] épouse [X] en contrat de travail à durée indeterminé à effet au 30 mars 2019, rompu le 1er juin 2019, a débouté Mme [D] [J] épouse [X] de sa demande de dommages-intérêts de 1 500 euros pour préjudice financier et en ce qu’il a débouté la société BMJ de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne la société BMJ à payer à Mme [D] [J] épouse [X] les sommes suivantes, aux lieu et place des condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes :

*746,68 euros brut à titre de rappel de salaires,

*74,67 euros au titre des congés payés afférents,

*1 200 euros à titre d’indemnité de requalification,

*505,57 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

*50,26 euros au titre des congés payés afférents,

*1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

Ordonne à la société BMJ de remettre à Mme [D] [J] épouse [X] un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

Y ajoutant :

Déboute Mme [D] [J] épouse [X] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct ;

Condamne la société BMJ à payer à Mme [D] [J] épouse [X] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par celle-ci tant en première instance qu’en cause d’appel aux lieu et place de la somme de 1 500 euros qu’elle a été condamnée à payer à celle-ci par le conseil de prud’hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance ;

Déboute la société BMJ de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Condamne la société BMJ aux dépens d’appel et autorise Maître Carole Zozime, avocat de Mme [D] [J] épouse [X], à recouvrer directement contre la société BMJ les dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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