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En l’espèce, il n’est pas contesté que M. [M] disposant uniquement d’un titre de séjour étudiant, son embauche intervenue dès le 21 août 2017, soit avant l’autorisation de travail délivrée le 15 novembre 2017, est entachée d’illégalité.
Cependant, les éléments versés aux débats, notamment l’accusé de réception de la déclaration préalable à l’embauche de M. [M] du 21 août 2017, le contrat de travail à durée indéterminée régulièrement signé ainsi que les bulletins de paie mentionnant un nombre d’heures de travail régulier, permettent de constater que l’élément matériel de l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié n’est pas caractérisé.
Outre l’absence d’élément matériel, aucun élément objectif et vérifiable ne permet de caractériser l’intention de la SARL 5 sur 5 de dissimuler l’activité salariale régulièrement déclarée et rémunérée de M. [M].
Le fait pour la SARL 5 sur 5 d’avoir embauché, dans les conditions susvisées, M. [M] en l’absence d’une autorisation de travail conforme aux dispositions des articles L. 8251-1 et L8251-2 du code du travail, ne saurait caractériser l’intention requise par l’article L. 8221-5 du même code.
7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°313/2023
N° RG 20/04548 – N° Portalis DBVL-V-B7E-Q6F4
M. [W] [M]
C/
S.A.R.L. 5 SUR 5
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 Avril 2023 devant Monsieur Hervé BALLEREAU, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [C], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [W] [M]
né le 23 Mars 1991 à ALGERIE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Kellig LE ROUX de la SELARL SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX PEIGNE MLEKUZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Chloé RUGRAFF, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A.R.L. 5 SUR 5
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sylvain LEBIGRE de la SELARL S. LEBIGRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Tiphaine RUBIN, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL 5 sur 5 est une société de services linguistiques et technologiques.
M. [W] [M] bénéficiait d’un titre de séjour étudiant pour la période du 10 octobre 2016 au 09 octobre 2017.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 juillet 2017, la SARL 5 sur 5 sollicitait de la DIRECCTE Auvergne Rhône-Alpes une autorisation provisoire de travail pour M. [M] de nationalité algérienne.
M. [M] était embauché en qualité de chef de projet, coordinateur et traducteur par la société 5 sur 5 selon un contrat à durée indéterminée en date du 21 août 2017, contrat prévoyant une période d’essai de 3 mois renouvelable une fois.
Le même jour, la société effectuait une déclaration préalable à l’embauche auprès de l’URSSAF de Bretagne.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs et sociétés de conseils dite Syntec.
Le 27 septembre 2017, la DIRECCTE du Rhône informait la société 5 sur 5 qu’elle ne pouvait pas embaucher M. [M] en l’état. L’employeur mettait alors le jour même un terme à la période d’essai.
Par courrier recommandé en date du 02 octobre 2017, l’employeur adressait à la DIRECCTE de Bretagne une nouvelle demande d’autorisation de travail pour M. [M].
Par courrier en date du 15 novembre suivant, la DIRECCTE informait la société 5 sur 5 de ce que l’autorisation de travail était accordée.
Le 23 novembre 2017, un nouveau titre de séjour était délivré à M. [M] avec une durée de validité jusqu’au 22 novembre 2018.
Le 23 novembre 2017, M. [M] et la société 5 sur 5 signaient un nouveau contrat à durée indéterminée selon les mêmes conditions que le précédent contrat, incluant une période d’essai de 2 mois renouvelable une fois.
Par courrier en date du 23 janvier 2018, l’employeur informait M. [M] de la prolongation de sa période d’essai pour deux mois supplémentaires.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 mars 2018, M. [M] était convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 mars 2018.
Puis, par courrier recommandé en date du 29 mars suivant, la SARL 5 sur 5 lui notifiait son licenciement pour faute grave.
Par courrier du 23 juillet 2018 adressé à la société 5 sur 5, le conseil de M. [M] a vainement sollicité une solution amiable.
***
M. [M] a saisi le conseil de prud’homes de Rennes par requête en date du 22 novembre 2018, afin de voir :
– Dire et juger recevable et bien fondé la requête de Monsieur [W] [M],
En conséquence,
– Condamner la société 5/5 à lui verser les sommes suivantes :
– indemnité forfaitaire sur le fondement de l’article L.8252-2 alinéa 3 et de l’article L.8223-1 du code du travail : 12 000 euros
– rappel d’heures supplémentaires : 230,77 euros brut à ce titre outre la somme de 23,07 euros brut au titre des congés payés y afférents,
– indemnité pour rupture abusive du contrat de travail du 23 novembre 2017 : 2 000 euros
– rappel de salaires février 2018 : 2 150 euros brut outre la somme de 215 euros brut au titre des congés payés y afférents,
– A titre subsidiaire, condamner la SARL 5/5 à payer à Monsieur [M] la somme de 2 150 euros à titre dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l’irrégularité de la retenue sur salaire,
– Ordonner la rectification des documents sociaux,
– Dire que les sommes allouées porteront intérêts de droit à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial et à compter du jugement à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire,
– Débouter la SARL 5/5 de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– Condamner la société 5/5 à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la même aux entiers dépens,
– Ordonner l’exécution provisoire nonobstant appel et sans caution.
La SARL 5 sur 5 a demandé au conseil de prud’hommes de :
– Constater que la société 5 sur 5 n’a eu aucune intention de dissimuler l’activité salariée de M. [M]
– Constater que la société 5 sur 5 a effectué toutes les démarches vis-à-vis de la DIRECCTE du Rhône pour permettre l’embauche de M. [M] en bonne et due forme
– Débouter M. [M] de sa demande en paiement de travail dissimulé
– Constater que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée du 23 novembre 2017 est régulière
– Débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes
– Dans l’hypothèse où M. [M] ferait droit aux demandes indemnitaires, dire et juger que ces sommes s`entendent comme brutes de CSG/RDS et avant précompte des charges sociales.
Par jugement en date du 03 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Rennes a :
– Condamné la SARL 5 sur 5 à payer à Monsieur [M] les sommes suivantes :
– 2 150 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la retenue sur salaire effectuée sur le bulletin de salaire de février 2018
– 1 000 euros à titre d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Ordonné l’exécution provisoire du jugement
– Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la citation, celles à caractère indemnitaire à compter du prononcé du jugement
– Débouté Monsieur [M] du surplus de ses demandes
– Condamné la SARL 5 sur 5 aux entiers dépens y compris ceux éventuels d’exécution de la présente décision.
***
M. [M] a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 25 septembre 2020.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 22 juin 2021, M. [M] demande à la cour d’appel de :
– Dire et juger recevable et bien fondé l’appel de Monsieur [W] [M],
En conséquence,
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Rennes le 3 septembre 2020,
– Condamner la Société 5/5 à lui verser les sommes suivantes :
– indemnité forfaitaire sur le fondement de l’article L8252-2 alinéa 3 et de l’article L8223-1 du code du travail : 12 000,00euros
– rappel d’heures supplémentaires : 230,77 euros brut à ce titre outre la
somme de 23,07euros brut au titre des congés payés y afférents,
– indemnité pour rupture abusive du contrat de travail du 23 novembre 2017: 2 000,00euros
– article 700 du code de procédure civile (première instance) : 2 000,00 euros,
– Ordonner la rectification des documents sociaux,
– Dire que les sommes allouées porteront intérêts de droit à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial et à compter du jugement à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire,
– Confirmer le jugement pour le surplus,
– Dire irrecevables les demandes formulées par la SARL 5/5 au titre des dommages-intérêts pour recours abusif et des frais irrépétibles de première instance,
– Débouter la SARL 5/5 de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– Condamner la Société 5/5 à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la même aux entiers dépens.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 29 juillet 2021, la SARL 5 sur 5 demande à la cour d’appel de :
1. Sur la demande indemnitaire formulée par M. [M] au titre du travail dissimulé
– Confirmer le jugement entrepris ;
– Débouter Monsieur [M] de sa demande indemnitaire (12 000 euros) pour travail dissimulé ;
2. Sur la demande de paiement d’heures supplémentaires
– Confirmer le jugement entrepris ;
– Débouter Monsieur [M] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires ;
3. Sur la demande indemnitaire relative à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée du 23 novembre 2017
– Confirmer le jugement entrepris ;
– Débouter Monsieur [M] de sa demande indemnitaire à ce titre ;
4. Sur la demande indemnitaire de la société 5 sur 5 au titre de recours abusif de la partie demanderesse
– Condamner Monsieur [M] à payer à la société 5 sur 5 la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
5. Sur l’article 700 du code de procédure civile
– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société 5 sur 5 de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et mis à sa charge, à ce titre, la somme de 1 000 euros ;
Statuant à nouveau,
– Débouter Monsieur [M] de ses demandes formulées à ce titre ;
A titre reconventionnel, s’agissant de la procédure engagée en première instance, condamner Monsieur [M] à payer à la société 5 sur 5 la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– S’agissant de la présente instance, condamner Monsieur [M] à payer à la société 5 sur 5 la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
6. En tout état de cause
– Débouter Monsieur [M] du surplus de ses demandes ;
– Condamner le même aux entiers dépens ;
Dans l’hypothèse où la cour d’appel ferait droit aux demandes indemnitaires de Monsieur [M]:
– Dire et juger que ces sommes s’entendent comme brutes de CSG/CRDS et avant précompte des charges sociales.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 28 février 2023 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 04 avril 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur l’exécution du contrat de travail
1-1 Sur la demande au titre du travail dissimulé
M. [M] soutient en substance que la dissimulation d’emploi est caractérisée sur deux périodes distinctes :
– La période du 21 août 2017 au 27 septembre 2017,
– La période du 27 septembre 2017 au 22 novembre 2017.
L’article L. 8221-5 du code du travail définit le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En vertu des dispositions de l’article L. 8251-2 du code du travail, nul ne peut, directement ou indirectement embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisation à exercer une activité salariée en France.
En application de l’article L. 8252-2 du même code, le salarié étranger a droit au titre de la période d’emploi illicite :
1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d’une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ;
2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l’application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L.1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable.
3° Le cas échéant, à la prise en charge de par l’employeur de tous les frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel il est parti volontairement ou a été reconduit.
Lorsque l’étranger non autorisé à travailler a été employé dans le cadre d’un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l’article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables.
L’article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l’article L. 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La dissimulation d’emploi salarié nécessite de caractériser un élément intentionnel imputable à l’employeur.
Sur la première période du 21 août au 27 septembre 2017
M. [M] fait valoir qu’il bénéficiait uniquement d’un titre de séjour étudiant lorsqu’il a été embauché par la SARL 5/5 le 21 août 2017. Or, l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles déroge aux dispositions de l’article R. 5221-26 et suivants du code du travail, de sorte que la SARL 5/5 devait obtenir une autorisation provisoire de travail préalable à son embauche. L’autorisation de travail, dépourvue d’effet rétroactif, ayant été délivrée le 15 novembre 2017, son embauche est illégale et il sollicite à ce titre une indemnité équivalente à 6 mois de salaire.
Au soutien de ses prétentions, M. [M] verse aux débats :
Son contrat de travail à durée indéterminée avec prise d’effet au 21 août 2017,
Les bulletins de paie des mois d’août et septembre 2017 mentionnant comme date d’ancienneté le 21 août 2017,
L’autorisation de travail délivrée par la Préfecture d’Ille et Vilaine le 15 novembre 2017,
Les échanges de mails avec Mme [F] [L], gérante de la SARL 5 sur 5, avant son embauche le 21 août 2017.
En réplique, la SARL 5 sur 5 soutient qu’elle a accompli l’ensemble des démarches relatives à l’embauche de M. [M] et qu’elle a pris contact avec la DIRECCTE du Rhône pour connaître les formalités à accomplir de sorte qu’elle n’avait aucune intention de dissimuler l’activité du salarié. L’intimée fait valoir sa bonne foi en indiquant avoir mis un terme au contrat de travail de M. [M] après avoir été informée que son embauche nécessitait une autorisation de travail préalablement délivrée par la préfecture.
Au soutien de ses prétentions, la société 5 sur 5 produit :
Le dossier de candidature et les échanges de mails précédents l’embauche de M. [M] mentionnant une disponibilité à compter du 1er août 2017, L’accusé de réception de la déclaration préalable à l’embauche de M. [M] effectuée le 21 août 2017 auprès de l’URSSAF de Bretagne,
La demande d’autorisation de travail de M. [M] adressée le 17 juillet 2017 à la DIRECCTE Auvergne-Rhône-Alpes,
Des échanges de courriers de la DIRECCTE Auvergne-Rhône-Alpes dans lesquels la SARL 5 sur 5 détaille la situation de M. [M] et les conditions de son embauche intervenue le 21 août 2017,
Le certificat de travail de M. [M] mentionnant comme période de travail la période du 21 août 2017 au 27 septembre 2017,
La nouvelle demande d’autorisation de travail de M. [M] adressée à la DIRECCTE [Localité 5] le 02 octobre 2017,
L’autorisation de travail délivrée par la Préfecture d’Ille et Vilaine le 15 novembre 2017,
Le second contrat à durée indéterminée avec prise d’effet au 21 novembre 2017,
L’accusé de réception de la déclaration préalable à l’embauche de M. [M] effectuée le 23 novembre 2017 auprès de l’URSSAF de Bretagne.
En l’espèce, il n’est pas contesté que M. [M] disposant uniquement d’un titre de séjour étudiant, son embauche intervenue dès le 21 août 2017, soit avant l’autorisation de travail délivrée le 15 novembre 2017, est entachée d’illégalité.
Cependant, les éléments versés aux débats, notamment l’accusé de réception de la déclaration préalable à l’embauche de M. [M] du 21 août 2017, le contrat de travail à durée indéterminée régulièrement signé ainsi que les bulletins de paie mentionnant un nombre d’heures de travail régulier, permettent de constater que l’élément matériel de l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié n’est pas caractérisé.
Outre l’absence d’élément matériel, aucun élément objectif et vérifiable ne permet de caractériser l’intention de la SARL 5 sur 5 de dissimuler l’activité salariale régulièrement déclarée et rémunérée de M. [M].
Le fait pour la SARL 5 sur 5 d’avoir embauché, dans les conditions susvisées, M. [M] en l’absence d’une autorisation de travail conforme aux dispositions des articles L. 8251-1 et L8251-2 du code du travail, ne saurait caractériser l’intention requise par l’article L. 8221-5 du même code.
Il résulte de ce qui précède que l’infraction de travail dissimulé n’est pas établie pour la période du 21 août au 27 septembre 2017. Sur ce point, M. [M] sera débouté de sa demande d’indemnité forfaitaire.
Sur la seconde période du 27 septembre au 22 novembre 2017
M. [M] fait valoir qu’il a officieusement continué à travailler pour la société 5 sur 5 après que cette dernière ait officiellement mis fin à sa période d’essai le 27 septembre 2017. Il soutient avoir travaillé sans contrat écrit ni autorisation de travail du 27 septembre au 22 novembre 2017.
L’appelant produit en ce sens :
Le bulletin de paie du mois de septembre 2017 mentionnant comme date de fin de contrat le 27 septembre 2017,
Le courrier recommandé adressé le 14 mars 2018 à la SARL 5 sur 5 dans lequel il réclame les bulletins de paie pour la période du 27 septembre au 22 novembre 2017 ainsi que le paiement des salaires,
Le courrier de réponse en date du 27 mars 2018 dans lequel la société 5 sur 5 affirme : « Je fais suite à votre courrier du 14 mars 2018, reçu le 16 mars 2018. Une régularisation est intervenue sur le bulletin de salaire du mois de février 2018. »
Le bulletin de salaire du mois de février 2018 mentionnant « rappel sur salaire du 27 septembre au 22 novembre 2017 » moyennant une rémunération de 3 637,55 euros brut.
Des échanges de mails professionnels d’octobre à novembre 2017 signés comme suit : « M. [W] [M], Project coordinator 5/5 » et mentionnant l’adresse postale, le site internet et le numéro de téléphone de la SARL 5 sur 5,
Le second contrat de travail de travail avec prise d’effet au 23 novembre 2017,
L’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail mentionnant comme période de travail la période du 23 novembre 2017 au 29 mars 2018.
La société 5 sur 5 n’a formulé aucune observation sur ce point et ne produit aucun élément.
En l’espèce, il convient de souligner que ni M. [M], ni la SARL 5 sur 5, ne produisent d’éléments permettant de constater que la société a effectivement mis un terme à la période d’essai le 27 septembre 2017 comme elle le prétend. Cependant, l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail mentionnant la période du 21 août au 27 septembre 2017 comme période de travail, la seconde déclaration préalable à l’embauche intervenue le 23 novembre 2017 ainsi que la conclusion d’un second contrat de travail mentionnant comme date de début le 23 novembre 2017, constituent un faisceau d’indices permettant de considérer que le premier contrat de travail signé le 21 août 2017 a effectivement été rompu.
En outre, les mails échangés au cours des mois d’octobre et novembre 2017 ont été adressés avec l’adresse mail professionnelle de M. [M]. Le contenu de ces mails ainsi que leur signature désignant M. [M] comme étant un salarié de la société 5 sur 5 indiquent que l’appelant a poursuivi son activité salariée nonobstant la rupture de son contrat de travail intervenue le 27 septembre 2017.
De plus, il ressort de la lecture du courrier de la société en date du 27 mars 2018, du bulletin de paie de février 2018 mais aussi de l’absence d’observations de la SARL 5 sur 5 sur ce point, que l’employeur ne conteste pas avoir maintenu le contrat de travail de M. [M] de façon officieuse dans l’attente d’obtenir l’autorisation de travail délivrée le 15 novembre 2017 par la préfecture.
Dès lors, les éléments versés aux débats permettent de considérer que M. [M] a travaillé pour le compte de la SARL 5 sur 5 du 21 août 2017 au 29 mars 2018, sans discontinuer, nonobstant la rupture de la période d’essai intervenue le 27 septembre 2017.
Il est ainsi établi que la SARL 5 sur 5 a artificiellement mis un terme à la période d’essai de M. [M] le 27 septembre 2017 et a sciemment éludé toute délivrance de bulletins de salaire du 27 septembre au 22 novembre 2017 nonobstant l’activité salariale réelle de M. [M].
La volonté de dissimuler l’emploi de M. [M] résulte clairement de l’ensemble de ces éléments qui démontrent que la SARL 5 sur 5, consciente de l’illégalité de l’embauche de M. [M], a intentionnellement manqué aux obligations qui étaient les siennes en application des règles d’ordre public en droit du travail et en droit de la sécurité sociale pour la période du 27 septembre au 22 novembre 2017.
Dans ces conditions, le conseil de prud’hommes n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en considérant que M. [M] a travaillé pour la SARL 5 sur 5 sans discontinuer mais l’a débouté de ses demandes à ce titre.
L’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié étant caractérisée, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et la société 5 sur 5 sera condamnée au paiement de la somme de 12 000 euros à titre d’indemnité forfaitaire sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail.
Par conséquent, la SARL 5 sur 5 sera déboutée de sa demande de paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour recours abusif de M. [M] sur le travail dissimulé.
1-2 Sur le rappel des heures supplémentaires
M. [M] soutient avoir effectué 16 heures supplémentaires non rémunérées sur la période du 04 au 26 septembre 2017.
En réplique, la SARL 5 sur 5 fait valoir que l’appelant ne fournit aucun élément de preuve permettant de corroborer ses dires.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, M. [M] produit une copie du courrier de réclamation adressé à la société 5 sur 5 le 23 mars 2018 ainsi que le bulletin de paie de septembre 2017.
Il observe dans ses écritures que ce bulletin de paie mentionne 17,33 heures correspondant aux heures supplémentaires contractuelles (151,67 + 17,33 = 169) mais qu’il reste créancier d’un solde de 16 heures supplémentaires non payées sur la période du 4 au 26 septembre 2017.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre dans le cadre du bébat contradictoire.
Or, la société 5/5 qui se borne à contester la réclamation du salarié faute « d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis » (conclusions intimée par 15) ne justifie pas des heures de travail effectivement réalisées par M. [M] durant la période litigieuse.
Il convient dès lors, par voie d’infirmation du jugement entrepris sur ce point, de condamner la société 5/5 à payer à M. [M] la somme de 230,77 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et celle de 23,07 euros brut au titre des congés payés y afférents.
2- Sur la rupture du contrat de travail
M. [M] fait valoir en substance que la période d’essai prévue au contrat de travail du 23 novembre 2017 ainsi que son renouvellement intervenu le 23 janvier 2018, sont irréguliers. Il indique que la rupture de son contrat de travail est également abusive en raison de l’absence de notification de la lettre de licenciement et sollicite le paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
A ce titre, l’appelant produit :
Le contrat de travail régularisé le 23 novembre 2017 mentionnant une période d’essai initiale d’une durée de 2 mois, renouvelable une fois, pour la même durée,
Le courrier de la SARL 5 sur 5 en date du 23 janvier 2018 l’informant du renouvellement de sa période d’essai pour une durée de 2 mois comportant la mention « lu et approuvé » suivie de sa signature,
Le courrier recommandé du 12 mars 2018 de convocation à un entretien préalable au licenciement pour faute grave,
Le courrier recommandé du 05 avril 2018 incluant les documents de fin de contrat, notamment l’attestation Pôle Emploi mentionnant comme date de fin de contrat la datte du 29 mars 2018.
En réponse, la société 5 sur 5 soutient d’une part, que le renouvellement de la période d’essai de 2 mois était prévue au contrat de travail et que l’accord exprès et non équivoque de M. [M] a été recueilli le 23 janvier 2018. La société indique également que le non respect du délai de prévenance du renouvellement de la période d’essai ne saurait être sanctionné par l’allocation d’une indemnité.
D’autre part, la société soutient que M. [M] ne peut prétendre à l’absence de notification de son licenciement pour faute grave dès lors qu’il a refusé de récupérer son courrier recommandé régulièrement adressé par la société.
La SARL 5 sur 5 verse aux débats :
La lettre de licenciement pour faute grave du 29 mars 2018,
Le bordereau d’envoi de la lettre de licenciement notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 29 mars 2018 indiquant l’adresse postale et le nom de M. [M] avec la mention : « Pli avisé et non réclamé ».
En vertu de l’article L. 1221-19 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d’essai dont la durée maximale est de trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens.
L’article L. 1221-23 du même code dispose que la période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
Il est constant que l’accord du salarié concernant le renouvellement de la période d’essai doit être exprès. Cet accord doit intervenir avant le terme de la période d’essai initial. La seule signature du salarié sur la lettre remise en main propre prolongeant la période d’essai ne saurait valoir accord du salarié à son renouvellement.
En l’espèce, la clause stipulant une période d’essai d’une durée de 2 mois, renouvelable une fois pour la même durée est régulière.
Si la seule mention « Lu et approuvé » suivie de la signature de M. [M] ne saurait suffire à établir son accord exprès au renouvellement de la période d’essai, force est de constater que la rupture de son contrat de travail étant intervenue au terme d’une procédure disciplinaire qui a donné lieu à l’envoi d’une lettre de licenciement pour faute grave le 29 mars 2018, le renouvellement de la période d’essai par la SARL 5 sur 5 le 23 janvier 2018, n’a pas eu pour effet d’éluder l’application des règles relatives à la procédure de licenciement disciplinaire, de telle sorte que la question du renouvellement de la période d’essai est superfétatoire, tandis qu’il n’est formé aucune contestation argumentée sur la question du caractère réel et sérieux des motifs disciplinaires précisément énoncés dans la lettre de licenciement du 29 mars 2018.
Au demeurant, il est établi que la SARL 5 sur 5 a régulièrement notifié la lettre de licenciement pour faute grave le 29 mars 2018 et que la lettre est revenue avec la mention « Pli avisé et non réclamé », de telle sorte que M. [M] ne saurait se prévaloir de l’absence de notification de la rupture du contrat de travail.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
3- Sur les dépens et frais irrépétibles
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la SARL 5 sur 5, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande en revanche de condamner la SARL 5 sur 5 à payer de ce chef à M. [M] une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme partiellement le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,
Condamne la SARL 5 sur 5 à payer à M. [W] [M] les sommes suivantes :
12 000 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour dissimulation d’emploi salarié ;
230,77 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et celle de 23,07 euros brut au titre des congés payés y afférents
Confirme le jugement pour le surplus.
Y additant,
Déboute la SARL 5 sur 5 de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL 5 sur 5 à payer à M. [W] [M] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL 5 sur 5 aux dépens d’appel.
Le Greffier Le Président