L’usure des disques de freins n’est pas un vice caché dès lors qu’elle est inhérente aux véhicules d’occasion.
Pour rappel, aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
Il incombe à l’acquéreur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d’un vice :
– inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,
– présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l’usage attendu de la chose,
– existant antérieurement à la vente, au moins en l’état de germe,
– n’étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n’étant pas tenu ‘des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même’ conformément à l’article 1642 du code civil.
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 29/06/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/04536 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TZZX
Jugement (N° 11-20-649)
rendu le 25 juin 2021 par le tribunal de proximité de Roubaix
APPELANT
Monsieur [M] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assisté de Me Emmanuel Riglaire, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉE
Madame [L] [U]
exerçant sous le nom commercial Nord-Auto
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 27/10/2021 à domicile
DÉBATS à l’audience publique du 30 mars 2023 tenue par Céline Miller magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023 après prorogation du délibéré en date du 22 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno poupet, président et Delphine verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 09 mars 2023
****
Le 9 octobre 2019, à la suite d’une annonce parue sur le site internet ‘le bon coin’, M. [M] [T] a acquis auprès de Mme [L] [U], exerçant sous le nom commercial Nord-Auto, un véhicule Peugeot 307 immatriculé [Immatriculation 5], mis pour la première fois en circulation en avril 2003, affichant 177 198 kilomètres au compteur, pour un montant de 1 900 euros.
Le 22 octobre 2019, M. [T] s’est rapproché de la venderesse pour lui faire part de plusieurs anomalies : claquement dans la direction et fuite d’huile moteur visible sous le véhicule. Mme [U] s’est alors engagée à récupérer le véhicule afin d’y faire les réparations nécessaires.
L’intervention de Mme [U] ne l’ayant pas satisfait et à la suite d’une mise en demeure infructueuse adressée à celle-ci le 10 décembre 2019 concernant des défauts apparus sur le système de freinage, une expertise amiable a été diligentée, à laquelle la venderesse n’a pas participé.
L’expert a remis son rapport le 10 février 2020.
Par acte d’huissier en date du 9 octobre 2020, M. [T] a fait assigner Mme [U] devant le tribunal de proximité de Roubaix aux fins d’obtenir la résolution de la vente et l’indemnisation de divers chefs de préjudice.
Par jugement réputé contradictoire en date du 25 juin 2021, le tribunal de proximité de Roubaix a débouté M. [T] de ses demandes de résolution du contrat de vente litigieux, de restitution du prix de vente et de dommages et intérêts, ainsi que de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a condamné aux dépens.
M. [T] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 novembre 2021, demande à la cour, au visa de l’article préliminaire et de l’article R. 631-3 du code de la consommation, des articles 1641 et suivants du code civil, des articles 1604 et suivants du même code, de l’article 1231-1 du même code et de l’article 700 du code de procédure civile, d’infirmer le jugement dont appel et, statuant à nouveau, de :
– ordonner la résolution du contrat de vente intervenu le 9 octobre 2019 ;
– condamner Mme [U], exerçant sous le nom commercial Nord-Auto, à lui verser les sommes suivantes :
* 1 900 euros en remboursement du prix du véhicule ;
* 5 200 euros au titre du préjudice d’immobilisation, à actualiser au jour du prononcé de la décision à intervenir ;
* 496,66 euros au titre des frais d’assurance, à actualiser au jour du prononcé de la décision à intervenir ;
* 88,60 euros au titre de la facture n° 1/2002/100193 du 7 février 2020 ;
* 280,70 euros au titre des frais de gardiennage, somme à actualiser au jour du prononcé de la décision à intervenir ;
* 500 euros au titre de son préjudice moral ;
– la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Processuel conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel en application de l’article 700 du même code.
Il soutient principalement, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, que les désordres, antérieurs à la vente, qui affectent le système de freinage du véhicule litigieux, rendent celui-ci impropre à l’usage auquel il était destiné et qu’en tant qu’acheteur profane ayant réalisé les investigations nécessaires et attendues, il ne pouvait s’apercevoir desdits défauts, le contrôle technique réalisé préalablement à la vente n’ayant relevé que des désordres mineurs. Il souligne également que la venderesse, professionnelle, est réputée avoir eu connaissance du vice affectant le véhicule. A titre subsidiaire, il sollicite la résolution de la vente sur le fondement du défaut de délivrance conforme.
Outre la résolution de la vente et la restitution du prix, il sollicite, au visa de l’article 1645 du code civil, l’indemnisation de son préjudice d’immobilisation à raison de l’impossibilité d’utiliser le véhicule, de son préjudice financier (frais d’assurance, frais de gardiennage et frais d’intervention de la société Ricci automobiles) et de son préjudice moral.
Mme [U] n’a pas constitué avocat devant la cour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il sera rappelé qu’en application de l’article 472 du code civil, ‘si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée’.
En l’espèce, Mme [U] n’a pas constitué avocat devant la cour. L’appelant a fait signifier, avec assignation de comparaître devant la cour d’appel, la déclaration d’appel et ses conclusions les 27 octobre et 1er décembre 2021 par remise à la fille de l’intimée présente à son domicile.
L’action étant régulière et recevable, il convient de statuer sur son bien-fondé.
Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Sur l’action en garantie des vices cachés
Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
Il incombe à l’acquéreur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d’un vice :
– inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,
– présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l’usage attendu de la chose,
– existant antérieurement à la vente, au moins en l’état de germe,
– n’étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n’étant pas tenu ‘des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même’ conformément à l’article 1642 du code civil.
En l’espèce, M. [T] verse aux débats une mise en demeure adressée à sa venderesse le 10 décembre 2019 dans laquelle il fait état des défauts suivants qu’il déclare avoir constatés sur le véhicule objet de la vente : ‘plaquettes de frein avant défectueux + disques avants défectueux, plaquettes de frein arrière défectueux + disques arrières défectueux’.
Ces allégations sont corroborées par le procès-verbal de contrôle technique réalisé le 12 décembre 2019 qui relève les défauts critiques suivants :
‘1.1.11.a.3 : conduite rigide des freins : risque imminent de défaillance ou de rupture C ;
1.1.13.a.3 : garnitures ou plaquettes de frein : usure excessive (marque minimale non visible) ARD ;
1.1.14.a.3 : tambours de freins, disques de freins : disque ou tambour excessivement usé, excessivement rayé, fissuré, mal fixé ou cassé ARD’.
Il résulte par ailleurs du rapport d’expertise amiable que ‘la roue arrière droite est bloquée et le disque arrière droit est complètement usé’, que ‘les canalisations de frein arrière rigides sont complètement oxydées’ et qu’il a été impossible de réaliser un essai routier en raison d’un ‘système de freinage défaillant et (de) l’absence d’une fixation conforme du silencieux’. L’expert affirme ainsi que ‘les constatations techniques relevées lors de notre réunion d’expertise et à environ 4 mois de l’acquisition du véhicule par M. [T] nous permettent de confirmer que le véhicule est impropre à son usage avec, entre autre, un système de freinage arrière totalement hors d’usage et que ces anomalies sont très largement antérieures à la transaction’. Il conclut alors qu »au vu de l’historique de l’affaire, du relevé des anomalies en toute promiscuité avec l’achat du véhicule et de nos constatations techniques, il apparaît que les désordres étaient existants lors de la transaction et résultent d’un gros défaut de préparation à la vente confirmant ainsi le bien fondé des motifs de réclamations formulées par M. [T] à l’encontre de son vendeur professionnel Nord auto’.
Cependant, il convient de relever, premièrement, que l’expert, qui précise, en outre, que l’état général du véhicule litigieux est ‘mauvais’, ne spécifie pas que la défaillance du système de freinage est antérieure à la vente mais bien l’ensemble des anomalies relevées, sans précision aucune.
Deuxièmement, il doit être relevé que seuls les équipements de freinage arrière droit sont visés par des défaillances critiques dans le procès-verbal de contrôle technique réalisé le 12 décembre 2019. De fait, ce dernier ne relève que des défaillances mineures pour les autres équipements de freinage : ‘1.1.14.a.1 : tambours de freins, disques de freins : disque ou tambour légèrement usé AVG, AVD, ARG’. De plus, ce procès-verbal fait état d’une perte d’efficacité du frein de service de seulement 5 %, passant de 74 % au 23 septembre 2019, date du premier contrôle technique, à 69 % – étant précisé que le taux d’efficacité globale du frein de service doit être supérieur ou égal à 50 %. Il met également en évidence une augmentation peu importante du déséquilibre du frein de service – devant être inférieur à 20 % – , passant de 5 % pour l’avant et l’arrière au 23 septembre 2019 à 12 % pour l’avant et 7 % pour l’arrière.
Troisièmement, il est à noter qu’alors que le procès-verbal de contrôle technique réalisé le 23 septembre 2019 ne faisait nullement mention d’une quelconque défaillance des équipements du système de freinage du véhicule litigieux, le véhicule litigieux, d’occasion, mis pour la première fois en circulation en 2003, a parcouru près de 7 000 kilomètres depuis sa date d’achat par M. [T]. C’est ainsi que le juge de première instance a exactement relevé que s’agissant d’un véhicule d’occasion, il présentait nécessairement un état d’usure, que les plaquettes et disques de freins constituaient des pièces d’usure et que l’antériorité à la vente du problème de frein relevé par l’expert n’était pas caractérisée,
C’est donc à juste titre que le premier juge a estimé, au vu de l’ensemble de ces éléments, que la preuve de l’antériorité à la vente du vice allégué n’était pas suffisamment rapportée. Par conséquent, il y a lieu de confirmer la décision rendue par le juge de première instance et de débouter M. [T] de ses demandes fondées sur la garantie des vices cachés.
Sur l’action en garantie de conformité
Il est constant que l’action en garantie des vices cachés et l’action en non-conformité pour manquement à l’obligation de délivrance sont exclusives l’une de l’autre, de sorte que M. [T], ayant exercé la première, ne peut utilement exercer la seconde, même à titre subsidiaire.
Sur les autres demandes
M. [T], succombant en cause d’appel, sera tenu aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise automobile réalisée par M. [Y], ainsi que les frais d’huissier.
Il convient, par ailleurs, de le condamner à verser à Mme [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, de le débouter de sa demande formulée à ce titre, ainsi que de ses autres demandes indemnitaires.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu en première instance en toutes ses dispositions,
Et, y ajoutant,
Condamne M. [M] [T] à payer à Mme [L] [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Le déboute de sa demande formulée à ce titre ;
Le condamne aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise automobile réalisée par M. [O] [Y], ainsi que les frais d’huissier.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet