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En l’absence de préjudice, une secrétaire juridique en cabinet d’avocats ne peut obtenir de condamnation de son employeur pour défaut de tenue du document d’évaluation des risques professionnels.
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l’article L 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.
En l’espèce, la secrétaire juridique expose que l’avocat employeur ne produit pas le Documents Unique d’Evaluation des Risques établi durant sa période d’emploi, alors que ses conditions de travail étaient dégradées.
Cependant, s’il est constant que l’avocat ne produit pas le document en question, le conseil de prud’hommes a estimé à juste titre que la salariée ne rapportait pas la preuve de son préjudice, alors, d’une part, que le médecin du travail est intervenu dans le cabinet pour établir une fiche d’entreprise aux termes de laquelle il a déclaré que les facteurs de risques dans les fonctionnements relationnels, notamment avec la hiérarchie, étaient sans objet, que d’autre part les faits de harcèlement moral ne sont pas avérés et enfin, que l’employeur a répondu de façon circonstanciée aux courriers de doléances de la salariée.
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 28 JUIN 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01415 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDD4B
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Activités diverses chambres 4 – RG n° F19/10165
APPELANTE
Madame [L] [N]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric CHHUM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0929
INTIMÉ
Monsieur [R] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Sylvie TOPALOFF FINKIELKRAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0268
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président de chambre, chargé du rapport et Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Stéphane MEYER,président de chambre
M Fabrice MORILLO, président de chambre
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER
ARRET :
– Contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame [L] [N] a été engagée par Monsieur [R] [O], qui exerce la profession d’avocat, pour une durée indéterminée à compter du 28 septembre 2009, en qualité de secrétaire juridique
La relation de travail est régie par la convention collective des avocats et de leur personnel.
Le 20 juin 2019, une altercation a eu lieu entre les parties au sujet des dates des congés estivaux de Madame [N].
A la suite de cette altercation, Madame [N] ne s’est plus rendue au cabinet.
Par lettre du 13 septembre 2019, Madame [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.
Le 15 novembre 2019, Madame [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement nul pour harcèlement moral ou sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 27 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a dit que la prise d’acte de Madame [N] produisait les effets d’une démission, a condamné cette dernière à verser à Monsieur [O] une indemnité compensatrice de préavis de 5 331,14 €, a débouté Madame [N] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée aux dépens, et a débouté Monsieur [O] de sa demande au titre des frais de procédure.
A l’encontre de ce jugement notifié le 6 janvier 2021, Madame [N] a interjeté appel par déclaration du 27 janvier, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 avril 2023, Madame [N] demande l’infirmation du jugement sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [O] de sa demande au titre des frais de procédure, le rejet de la pièce adverse n°40, de juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul et la condamnation de Monsieur [O] à lui payer la somme de 27 710 € à ce titre.
A titre subsidiaire, Madame [N] demande de juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de Monsieur [O] à lui payer la somme de 27 710 € à ce titre.
Dans tous les cas, Madame [N] demande le rejet des demandes de Monsieur [O] et sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :
– indemnité compensatrice de préavis : 5 342,22 € ;
– congés payés afférents : 534,22 € ;
– indemnité légale de licenciement : 6 611 € ;
– dommages et intérêts pour harcèlement moral : 10 000 € ;
– dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de prévention : 5 000 € ;
– dommages et intérêts pour violation de l’obligation d’organiser les entretiens professionnels obligatoires : 5 000 € ;
– dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation et d’adaptation : 5 000 € ;
– frais de procédure : 4 000 € ;
– les dépens ;
– les intérêts au taux légal ;
– elle demande également que soit ordonnée la remise d’une attestation destinée à Pôle Emploi, d’un bulletin de paie et d’un certificat de travail, sous astreinte de 50 € par jour de retard.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l’argumentation adverse, Madame [N] expose que :
– Monsieur [O] a manqué à son obligation de lui fournir le travail convenu ;
– Monsieur [O] s’est rendu coupable d’une situation de harcèlement moral en la privant de travail, en refusant la subrogation dans ses droits dans le cadre de ses deux congés maternité, en exerçant à son encontre des pressions pour la contraindre à démissionner, par l’absence d’augmentation de son salaire pendant 10 ans, en lui adressant des reproches injustifiés, en la prenant à prise à partie dans le cadre d’un conflit avec une collaboratrice, par des humiliations et violences verbales, faits ayant entraîné une dégradation de son état de santé ;
– Monsieur [O] a manqué à son obligation d’organiser des entretiens professionnels obligatoires ;
– Monsieur [O] a manqué à son obligation de formation et d’adaptation à son emploi ;
– la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit donc produire les effets d’un licenciement nul à titre principal, et sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire ;
– Monsieur [O] a manqué à son obligation de sécurité ;
– elle rapporte la preuve de son préjudice ;
– en tout état de cause, elle ne peut être redevable d’une indemnité de préavis.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 avril 2023, Monsieur [O] demande la confirmation du jugement sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre des frais de procédure, de constater que la prise d’acte doit produire les effets d’une démission, de déclarer prescrite les demandes de Madame [N] pour défaut d’organisation des entretiens professionnels au-delà du 15 novembre 2017, de débouter cette dernière de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser les sommes suivantes :
– indemnité forfaitaire pour préavis de démission non exécuté : 5 331,14 € ;
– indemnité pour frais de procédure : 12 500 € ;
– les dépens.
Il fait valoir que :
– à compter du deuxième trimestre de 2019, Madame [N] a changé de comportement en devenant agressive et n’a pas supporté que, le 20 juin 2019, il lui demande de décaler d’une semaine ses congés d’été ; elle a alors orchestré un conflit de toutes pièces ;
– elle ne démontre pas les manquements imputables à l’employeur qui auraient fait obstacle à la poursuite de son contrat de travail ;
– ses tâches étaient variées et multiples, correspondant aux missions prévues au contrat de travail ;
– aucune situation de harcèlement moral n’est avérée ;
– aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est démontré ;
– Madame [N] ne justifie d’aucun préjudice du fait du défaut d’organisation des entretiens professionnels ; en tout état de cause, son évolution a été évoquée à plusieurs reprises de manière informelle ;
– Madame [N] a suivi plusieurs formations en lien avec son poste ;
– pour toutes ces raisons, la prise d’acte de rupture du contrat de travail doit produire les effets d’une démission et elle lui est donc redevable d’une indemnité de préavis ;
– les demandes indemnitaires de Madame [N] sont infondées.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 avril 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
* * *
MOTIFS
Sur l’allégation de harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
Aux termes de l’article L. 1152-4 du même code, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément aux dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié d’établir des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.
– En l’espèce, Madame [N] reproche tout d’abord à Monsieur [O] d’avoir introduit, à son retour de congé parental en 2014, un nouvel outil technologique de dictée vocal ayant pour conséquence de la déposséder de 80% de son temps de travail.
Elle produit la facture d’achat de l’appareil de dictée vocale en juin 2014.
Elle produit également une attestation de Madame [Y], juriste au sein du cabinet de janvier 2018 à fin mars 2019, qui déclare avoir constaté qu’elle était fréquemment désoeuvrée en raison du nombre très limité de tâches qui lui étaient dévolues, puisqu’elles se limitaient au secrétariat téléphonique, à l’ouverture du courrier, à la facturation et au classement des dossiers, les collaborateurs se chargeant souvent du secrétariat téléphonique, établissant les factures des dossiers et de la rédaction des courriers.
Elle produit également une attestation de Madame [W], avocate collaboratrice au sein du cabinet, qui témoigne dans le même sens et déclare qu’elle était dés’uvrée de façon quasi permanente et n’avait que très peu de tâches à accomplir et ajoute qu’elle se plaignait d’être mise à l’écart et qu’elle n’a d’ailleurs pas été remplacée pendant son congé de maternité de novembre 2017 à mars 2018.
Ces éléments doivent être retenus à ce stade du raisonnement.
– Madame [N] reproche en deuxième lieu à Monsieur [O] un refus de la subroger dans ses droits auprès des organismes sociaux, dans le cadre de ses deux congés de maternité.
Cependant, Monsieur [O] produit des courriels échangés entre lui, Madame [N] et l’Anaafa, établissant que c’est dans l’intérêt même de la salariée et en accord avec cette dernière qu’il n’a pas opté pour la subrogation.
Ce grief n’est donc pas établi.
– En troisième lieu, Madame [N] reproche à Monsieur [O] des pressions pour la contraindre à démissionner suivie d’une convocation à un entretien préalable à licenciement économique. Elle précise qu’elle a proposé une rupture conventionnelle à son employeur, qui a accepté dans un premier temps, pour lui indiquer finalement, lors de l’entretien consacré, qu’elle n’avait qu’à démissionner si elle voulait partir.
Elle produit, au soutien de ce grief, un courrier de convocation en vie d’une rupture conventionnelle daté du 2 septembre 2014 ainsi qu’un courrier de convocation à entretien préalable à un éventuel licenciement économique daté du 29 octobre 2014.
Cependant, ces éléments ne permettent pas d’établir la réalité du grief de Madame [N], le conseil de prud’hommes ayant à juste titre considéré que le fait d’abandonner une procédure de licenciement pour motif économique entre dans le pouvoir de direction de tout employeur.
Au surplus, Monsieur [O] fait valoir à juste titre que l’hypothèse selon laquelle il aurait préféré rémunérer pendant quatre années une salarie dépourvue de travail en la poussant à démissionner, plutôt que de la licencier immédiatement, est dépourvue de toute crédibilité.
– En quatrième lieu, Madame [N] reproche à Monsieur [O] une absence d’augmentation de rémunération pendant toute la durée de la collaboration.
Il apparaît, au vu des explications des parties et des pièces qu’elles produisent, que son salaire, initialement fixé à 2 500 euros bruts par mois pour 169 heures de travail en 2012, a ensuite été porté à 2 450,56 euros bruts pour la même durée de travail, outre 308 euros bruts par mois pour les heures supplémentaires effectuées, puis, à la suite d’un accord des parties de réduction de son temps de travail à 151,67 heures par mois, a été fixé à 2 450,56 euros brut par mois, ce dont il résulte que ce grief n’est pas fondé.
– En cinquième lieu, Madame [N] se plaint d’une prise à partie et de pressions dans le cadre d’un conflit avec une collaboratrice.
Elle expose à cet égard, qu’en avril 2019, Monsieur [O] a mis fin au contrat de sa collaboratrice, Madame [W] dans des conditions abusives, qu’elle-même entretenant des liens d’amitié avec cette collaboratrice a été choquée par cette rupture abusive mais que sentant menacé, Monsieur [O] l’a convoquée à un entretien au cours duquel il a exercé une pression en lui indiquant qu’elle se devait d’être loyale envers lui.
Cependant, le fait, pour l’employeur, de rappeler un salarié à son devoir de loyauté ne constitue pas, en soi, un acte constitutif de harcèlement moral.
– En dernier lieu, Madame [N] se plaint de reproches abusifs en 2019, ainsi que d’humiliations et violences verbales dans le cadre notamment de la fixation tardive de ses congés.
Elle produit à cet égard, un courriel du 4 juillet 2019, aux termes duquel elle se plaignait de ces faits, ainsi que des attestations d’anciens partenaires ou collaborateurs de Monsieur [O] concernant son comportement général.
Elle produit enfin l’attestation précitée de Madame [W], qui déclare l’avoir consolée, alors qu’elle était en pleurs en raison du comportement de Monsieur [O] à son égard, que, quelques semaines avant son propre départ, il a crié sur elle au sujet de la gestion de l’agenda du cabinet et du fait qu’elle s’était adressée à lui en ayant ses mains dans les poches et ajoute qu’elle lui avait confié à cette occasion qu’elle était lassée d’être prise à partie par lui dès qu’un(e) collaborateur/rice du cabinet était mise à la porte et en souffrait terriblement.
Ces éléments doivent être retenus à ce stade du raisonnement.
– En ce qui concerne la dégradation alléguée de son état de santé, Madame [N] produit, d’une part, les attestations de deux amies, Mesdames [T] et [X], qui relatent ses doléances et d’autre part un avis d’arrêt de travail de trois semaines à compter du 20 juin 2019 pour “stress important au travail”.
Les éléments retenus, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
– De son côté, concernant le premier grief, Monsieur [O] réplique, sans être contredit sur ce point, que l’appareil de dictée vocale a cessé d’être utilisé en 2015
Il produit d’ailleurs en ce sens une attestation de Monsieur [P], avocat collaborateur du cabinet, qui déclare n’avoir jamais vu Monsieur [O] ou l’un des collaborateurs utiliser un appareil de dictée vocale.
Par ailleurs, Monsieur [O] produit deux procès-verbaux de constat établis par huissier de justice, constatant l’existence des courriels qu’elle a envoyés de la messagerie de son employeur entre le jour de retour de son second congé maternité, le 26 mars 2018, jusqu’à son départ le 19 juin 2019, démontrant la réalité d’une activité assez importante ; à cet égard, contrairement à ce qu’elle prétend, c’est bien sur la messagerie qu’elle utilisait que portent les constations de l’huissier de justice.
Le dernier de ces procès-verbaux, qui constitue la pièce n°40 produite par Monsieur [O], a été produite et communiquée tant sur support papier que sous clé Usb et est donc lisible, contrairement à ce que prétend Madame [N], qui doit donc être déboutée de sa demande de rejet de cette pièce.
Au vu de ces constats, Monsieur [O] observe, sans être contredit sur ce point, que la moyenne quotidienne des courriels qu’elle a envoyés en 2018 et 2019 est supérieure à la moyenne de ceux qu’elle avait envoyés en 2013, soit à une période qui n’est pas visée par son grief d’insuffisance de travail.
Enfin, les conclusions de Monsieur [O] contiennent un descriptif, établi à partir de ces procès-verbaux, des courriels qu’elle a envoyés au cours de ses dix derniers jours de travail et qui retrace également la réalité d’un niveau d’activité non négligeable.
Monsieur [O] fait également valoir, à juste titre, qu’il résulte de ces courriels qu’en plus de leur envoi, Madame [N] effectuait d’autres tâches (frappe, facturation, gestion des services généraux du cabinet, participation au recrutement des collaborateurs et stagiaires, gestion de la comptabilité en relation avec la comptable et suivi du paiement des factures, participation au suivi des procédures et à l’exécution des décisions judiciaires, tenue du standard téléphonique, gestion de l’agenda du cabinet et des rendez-vous).
La réalité des tâches de comptabilité effectuées par Madame [N] résulte également d’une attestation de l’expert comptable du cabinet, produite par Monsieur [O].
Monsieur [O] produit également une autre attestation de Monsieur [P], qui décrit les tâches confiées à Madame [N] et qui explique que s’il arrivait également aux collaborateurs du cabinet d’en effectuer certaines, c’était de façon marginale.
Ces éléments précis et concordants permettent de contredire utilement les attestations produites par Madame [N], étant précisé que, sans être contredit sur ce point, Monsieur [O] fait valoir que leurs auteures étaient en litige avec lui, ce qui a pour effet d’amoindrir la force probante de leurs témoignages.
Enfin, Monsieur [O] établit avoir remplacé Madame [N] cinq mois après son départ.
Il résulte de ces éléments que le grief relatif à l’insuffisance de fourniture de travail n’est pas établi.
– Concernant le dernier grief, relatif aux reproches, humiliations et violences verbales,
Monsieur [O] a répondu le jour même, de façon circonstanciée, au courriel du 4 juillet 2019 Madame [N], contestant sa version des faits.
Par ailleurs, il fait valoir à juste titre que les attestations d’anciens partenaires ou collaborateurs produits par la salariée concernant son comportement à l’égard d’autres personnes ; elles ne sont donc pas de nature à éclairer utilement le litige.
Monsieur [O] remet à juste titre en cause la force probante du témoignage de Madame [W], au motif qu’un désaccord était né entre lui et Madame [N] à propos de la rupture du contrat de cette collaboratrice, avec laquelle elle entretenait des liens d’amitié.
En ce qui concerne plus particulièrement les faits du 20 juin 2019, s’il résulte des courriels échangés entre les parties qu’une dispute est survenue entre eux lorsque Monsieur [O] a demandé à Madame [N] de décaler ses congés d’été d’une semaine, les parties divergent quant au contenu exact des propos tenus et aucun élément ne permet d’établir que l’employeur ait alors dépassé les limites de son pouvoir de direction en usant de violences verbales.
– Il résulte de ces considérations que Monsieur [O] contredit utilement les éléments présentés par Madame [N] et établit ainsi la preuve de l’absence de harcèlement moral.
Le jugement doit donc être confirmée en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes afférentes.
Sur le grief relatif à l’absence d’entretiens professionnels obligatoires
Monsieur [O] fait valoir à juste titre que les faits antérieurs au 15 novembre 2017 sont prescrits en application des dispositions de l’article L.1471-1 du code du travail.
Madame [N] ne rapportant pas la preuve d’un préjudice causé par ce manquement de l’employeur, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à cet égard.
Sur le grief de violation de l’obligation de formation et d’adaptation
Aux termes de l’article L.6321-1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
En l’espèce, Monsieur [O] ne rapporte la preuve que de formations de quelques heures relatives au nouveau site internet du cabinet ou à la mise en place d’un nouveau logiciel, ce qui est nettement insuffisant eu égard à la durée d’exécution du contrat de travail de Madame [N], ce dont il résulte qu’il ne justifie pas avoir respecté ses obligations.
Madame [N] expose que ce manquement l’a empêchée de développer ses compétences et qu’elle n’a pu prétendre à un déroulement de carrière évolutif, étant cantonnée à des tâches minimes, consistant principalement à fixer des rendez-vous et à gérer le standard téléphonique.
Cependant, Madame [N], qui n’expose pas de façon précise quelles compétences elle aurait pu développer et quelle aurait pu être sa progression de carrière, ne rapporte pas la preuve du préjudice causé par ce manquement.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur le manquement allégué à l’obligation de sécurité et de prévention
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l’article L 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.
En l’espèce, Madame [N] expose que Monsieur [O] ne produit pas le Documents Unique d’Evaluation des Risques établi durant sa période d’emploi, alors que ses conditions de travail étaient dégradées.
Cependant, s’il est constant que Monsieur [O] ne produit pas le document en question, le conseil de prud’hommes a estimé à juste titre que Madame [N] ne rapportait pas la preuve de son préjudice, alors, d’une part, que le médecin du travail est intervenu dans le cabinet le 10 octobre 2016 pour établir une fiche d’entreprise aux termes de laquelle il a déclaré que les facteurs de risques dans les fonctionnements relationnels, notamment avec la hiérarchie, étaient sans objet, que d’autre part les faits de harcèlement moral ne sont pas avérés et enfin, que Monsieur [O] a répondu de façon circonstanciée aux courriers de doléances de Madame [N].
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur l’imputabilité de la rupture
Il est de règle que le salarié peut prendre acte de la rupture du contrat de travail et que cette prise d’acte produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il rapporte la preuve de manquements de l’employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
En l’espèce, les manquements de l’employeur retenus, tels que rappelés plus haut, ne présentaient pas un degré de gravité de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.
La prise d’acte de la rupture doit donc être qualifiée de démission et le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté Madame [N] de ses demandes relatives à la rupture de ce contrat.
Il résulte des dispositions de l’article L.1237-1 du code du travail, qu’en cas de démission, le salarié qui n’exécute pas son préavis est redevable d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait travaillé pendant cette période.
Cette indemnité n’étant pas soumise à la condition de l’existence d’un préjudice de l’employeur, le fait allégué, par Madame [N] que Monsieur [O] ne l’aurait remplacée que tardivement à la suite de son départ est inopérant.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné Madame [N] à payer à Monsieur [O] une indemnité de 5 331,14 €, correspondant à deux mois de salaire, tels que fixés par l’article L.1234-1 du code du travail.
Sur les frais hors dépens
L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Rejette la demande de rejet de la pièce n° 40 formulée par Madame [L] [N] ;
Confirme le jugement déféré, sauf à dire que les faits relatifs à l’absence d’entretiens professionnels obligatoires sont prescrits pour la période antérieure au 15 novembre 2017 ;
Déboute Madame [L] [N] de ses demandes ;
Déboute Monsieur [R] [O] de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;
Condamne Madame [L] [N] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT