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Il résulte de l’article L. 561-19 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance no 2016-1635 du 1er décembre 2016, que la déclaration de soupçon mentionnée à l’article L. 561-15 est confidentielle et qu’il est interdit de divulguer l’existence et le contenu d’une déclaration faite auprès du service mentionné à l’article L. 561-23, ainsi que les suites qui lui ont été réservées, au propriétaire des sommes ou à l’auteur de l’une des opérations mentionnées à l’article L. 561-15 ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales visés à l’article L. 561-36. Aux termes de ce dernier article, ces autorités sont seules chargées d’assurer le contrôle des obligations de vigilance et de déclaration mentionnées ci-dessus et de sanctionner leur méconnaissance sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs. Selon l’article L. 561-29, paragraphe premier, du même code, sous réserve de l’application de l’article 40 du code de procédure pénale, les informations détenues par le service mentionné à l’article L. 561-23 ne peuvent être utilisées à d’autres fins que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.
Il s’en déduit que la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l’inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l’organisme financier (Com., 28 avr. 2004, no 02-15.054 ; 21 sept. 2022, no 21-12.335).
En application de l’article 1147 ancien, devenu1231-1, du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n’a pas à procéder à de quelconques investigations sur l’origine et l’importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l’interroger sur l’existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu’aucun indice de falsification ne peut être décelé (Com., 25 sept. 2019, no 18-15.965, 18-16.421). Ainsi, le prestataire de services de payement, tenu d’un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, n’a pas, en principe, à s’ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s’assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour le client ou des tiers.
S’il est exact que ce devoir de non-ingérence trouve une limite dans l’obligation de vigilance de l’établissement de crédit prestataire de services de payement, c’est à la condition que l’opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, soit des documents qui lui sont fournis, soit de la nature elle-même de l’opération ou encore du fonctionnement du compte.
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 24 MAI 2023
(n° ,6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/14490 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFVQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris – RG n° 17/12364
APPELANT
Monsieur [T] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427
ayant pour avocat plaidant : Me Anne BERNARD-DUSSAULX , Avocat au Barreau de Paris (C1901) de la AARPI DELVISO AVOCATS
INTIMEE
S.A. SOCIETE GENERALE
immatriculée au RCS de Paris sous le n° 552 120 222, prise en la personne de son représentant légal
domicilié audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Dominique SANTACRU, avocat au barreau de PARIS, toque : B1084
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Vincent BRAUD, Président,entendu en son rapport, et M. Marc BAILLY, Président de chambre .
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre,
M. Vincent BRAUD, Président, chargé du rapport
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Vincent BRAUD, Président et par Mme Anaïs DECEBAL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*
* *
[T] [V] a été en contact avec la société HKA Finance/Tradaxa/Sisma Capital en vue d’investir des fonds sur des plateformes de négociation en ligne. Cette société proposait des investissements en ligne sur le marché des changes (Forex).
À la demande de cette société, des virements ont été effectués vers un compte bancaire ouvert dans les livres de la banque HSBC Bank PLC au Royaume-Uni, dont le titulaire était dénommé The Associate Trading Solution, et vers un compte ouvert dans les livres de la Barclays Bank PLC, au Royaume-Uni également, au nom de Global Trade LTD. Il a ainsi émis vers ces deux comptes, entre le 10 avril 2014 et le 8 septembre 2014, plusieurs virements bancaires pour un montant global de 100 000 euros, en vu de faire réaliser des opérations de négociation, depuis son compte courant ouvert dans les livres de la Société générale.
[T] [V] explique s’être rapidement trouvé dans l’impossibilité de retirer les fonds investis et leurs produits, tandis que ses interlocuteurs, après l’avoir informé de la perte de l’intégralité de ses placements, disparaissaient tout comme le site Internet de la société de courtage.
Après avoir mis vainement en demeure la Société générale de lui rembourser les fonds ainsi perdus, [T] [V] a assigné par exploits séparés en date des 21 et 26 juillet 2017, la Société générale, la société HSBC Bank PLC et la société Barclays Bank PLC en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Paris, pour avoir commis des manquements relatifs d’une part à leur obligation de vigilance et d’autre part à leur devoir de conseil et de mise en garde à l’occasion d’opérations bancaires manifestement irrégulières.
Par ordonnance en date du 5 septembre 2018, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal incompétent, sur le fondement des dispositions du règlement no 1215/2012, pour connaître des demandes dirigées contre la société HSBC Bank PLC et la société Barclays Bank PLC.
Après avoir interjeté appel de cette ordonnance, [T] [V] s’est désisté, de sorte que la procédure ne s’est poursuivie que contre la Société générale.
Par jugement contradictoire en date du 30 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
‘ Débouté [T] [V] de l’intégralité de ses demandes ;
‘ Débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamné [T] [V] aux entiers dépens ;
‘ Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire.
Par déclaration du 23 juillet 2021, [T] [V] a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 21 septembre 2022, [T] [V] demande à la cour de :
INFIRMER le jugement du 30 juin 2021 en ce qu’il a :
– DEBOUTÉ Monsieur [T] [V] de l’ensemble de ses demandes ;
– DEBOUTÉ les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l’articles 700. – CONDAMNÉ Monsieur [T] [V] aux dépens.
Et statuant à nouveau,
– CONDAMNER la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer à Monsieur [T] [V] la somme de 80.000 euros outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure adressée à cette dernière, en réparation de son préjudice né de la perte de chance ;
– ORDONNER la capitalisation des intérêts
En tout état de cause,
– CONDAMNER la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer à Monsieur [T] [V] la somme de 5 000 Euros en réparation de son préjudice moral ;
– CONDAMNER tous succombant à payer à Monsieur [T] [V] la somme de 5 000 Euros au titre de l’article 700 du CPC ;
– CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 21 décembre 2022, la société anonyme Société générale demande à la cour de :
– CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 30 juin 2021,
En conséquence,
– DEBOUTER monsieur [T] [V] de l’intégralité de ses demandes comme mal fondées ;
Y ajoutant,
– Le CONDAMNER à payer à SOCIETE GENERALE 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Le CONDAMNER aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023 et l’audience fixée au 28 mars 2023.
CELA EXPOSÉ,
Sur la responsabilité de la Société générale :
Au visa des articles 1382, 1383 et 1147 anciens du code civil et des articles L. 561-5 et suivants du code monétaire et financier, [T] [V] invoque un manquement de la Société générale à son obligation de vigilance,en ce que la banque avait connaissance du risque d’escroquerie aux investissements, et en ce que, néanmoins, elle n’a pas relevé les anomalies intellectuelles qui affectaient les virements litigieux, à savoir :
‘ 7 opérations en quelques mois pour des montants importants, comparés aux débits habituels du compte et aux revenus de [T] [V] :
50 000 euros le 10 avril 2014,
8 000 euros le 7 mai 2014,
8 000 euros le 9 mai 2014,
8 000 euros le 12 mai 2014,
8 000 euros le 13 mai 2014,
8 000 euros le 14 mai 2014,
10 000 euros le 8 septembre 2014 ;
‘ des virements à destination de l’étranger, ce qui était inhabituel pour lui.
[T] [V] reproche à la Société générale de ne pas l’avoir interrogé sur ses intentions et mis en garde contre les risques de fraude.
Les premiers juges ont rappelé à bon droit que les obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L. 561-5 à L. 561-22 du code monétaire et financier ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et les victimes d’agissements frauduleux ne peuvent s’en prévaloir pour réclamer des dommages-intérêts à l’organisme financier, étant ajouté qu’en l’espèce aucun soupçon de cette nature n’affecte l’origine des fonds virés, qui provenaient de l’épargne de [T] [V].
Il résulte en effet de l’article L. 561-19 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance no 2016-1635 du 1er décembre 2016, que la déclaration de soupçon mentionnée à l’article L. 561-15 est confidentielle et qu’il est interdit de divulguer l’existence et le contenu d’une déclaration faite auprès du service mentionné à l’article L. 561-23, ainsi que les suites qui lui ont été réservées, au propriétaire des sommes ou à l’auteur de l’une des opérations mentionnées à l’article L. 561-15 ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales visés à l’article L. 561-36. Aux termes de ce dernier article, ces autorités sont seules chargées d’assurer le contrôle des obligations de vigilance et de déclaration mentionnées ci-dessus et de sanctionner leur méconnaissance sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs. Selon l’article L. 561-29, paragraphe premier, du même code, sous réserve de l’application de l’article 40 du code de procédure pénale, les informations détenues par le service mentionné à l’article L. 561-23 ne peuvent être utilisées à d’autres fins que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.
Il s’en déduit que la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l’inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l’organisme financier (Com., 28 avr. 2004, no 02-15.054 ; 21 sept. 2022, no 21-12.335).
En application de l’article 1147 ancien, devenu1231-1, du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n’a pas à procéder à de quelconques investigations sur l’origine et l’importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l’interroger sur l’existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu’aucun indice de falsification ne peut être décelé (Com., 25 sept. 2019, no 18-15.965, 18-16.421). Ainsi, le prestataire de services de payement, tenu d’un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, n’a pas, en principe, à s’ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s’assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour le client ou des tiers.
S’il est exact que ce devoir de non-ingérence trouve une limite dans l’obligation de vigilance de l’établissement de crédit prestataire de services de payement, c’est à la condition que l’opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, soit des documents qui lui sont fournis, soit de la nature elle-même de l’opération ou encore du fonctionnement du compte.
Au soutien du caractère inhabituel des opérations litigieuses, [T] [V] fait valoir que :
‘ la somme investie représente plus de deux fois ses revenus annuels (pièce no 11 de l’appelant : avis d’imposition) ;
‘ ces virements ne pouvaient être confondus avec ses dépenses courantes (pièce no 10 de l’appelant : relevés bancaires entre octobre 2013 et avril 2014) ;
‘ il ne réalisait jamais de virement vers l’étranger (même pièce).
Toutefois, ni l’ancienneté des relations entretenues par la banque avec [T] [V], ni les habitudes antérieures de celui-ci quant aux opérations qu’il pratiquait sur son compte ne devaient conduire la banque à s’interroger sur la cause ou l’opportunité des virements ordonnés et à s’immiscer dans les affaires de l’intéressé (Com., 30 sept. 2008, no 07-18.988).
Au regard du fonctionnement du compte de [T] [V], les virements litigieux n’étaient entachés d’aucune anomalie apparente. En effet, ni le montant des virements ‘ qui demeuraient couverts par le solde créditeur ‘, ni leur destination vers des comptes détenus dans les livres de banques dûment agréées au sein d’un pays membre de l’Union européenne, qui n’attirait pas spécialement l’attention en terme de sécurité, ne constituaient des anomalies devant retenir la vigilance de la Société générale.
Par ailleurs, les ordres de virement passés ne permettaient pas à la banque de connaître leur justification économique. La Société générale observe qu’avant de procéder au premier virement contesté de 50 000 euros du 11 avril 2014, [T] [V] avait réalisé plusieurs opérations créditrices sur son compte dans le courant du mois de mars 2014 pour des montants de 6 853,88 euros, 54 036,27 euros, 21 154,15 euro et 38 151,03 euros provenant notamment de Prédica. Le solde de son compte était par conséquent créditeur de plus de 100 000 euros lorsqu’il s’est présenté à l’agence pour demander l’exécution du premier virement litigieux. Ces opérations créditrices préliminaires pouvaient laisser penser à la banque qu’il s’agissait d’une opération de réaffectation de son épargne.
Ainsi, c’est par des motifs détaillés et pertinents que la cour fait siens, que le tribunal a estimé que la Société générale n’a pas manqué à son obligation de prudence. En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner [T] [V] aux dépens d’appel, l’équité commandant de ne pas prononcer de condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT n’y avoir lieu au prononcé d’une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [T] [V] aux entiers dépens ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT