Vente en ligne de semences d’étalons : illicite ?
Vente en ligne de semences d’étalons : illicite ?
Ce point juridique est utile ?
conseil juridique IP World

Les

Affaire HorseDeals

La société néerlandaise HorseDeals B.V. est une société gestionnaire d’une plate-forme numérique de vente aux enchères et en ligne d’équidés de sport et de paillettes pour des saillies. Cette société, établie aux Pays-Bas

Ayant été alertée de la commercialisation, qu’elle estime illicite, de paillettes de semence congelée des étalons Kannan, Untouchable et Contendro I sur le site internet d’enchères en ligne de la société néerlandaise Horse deals, la société GFE a fait constater cette vente par exploit d’huissier de justice

Incompétence juridictionnelle des juges français

Pour retenir sa compétence, le premier juge a visé à tort l’article 46 du code de procédure civile qui énonce que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.

Selon l’article 7.2 du règlement européen n°1215/2012, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

Cet article vise exclusivement les actions au fond et non les actions fondées sur l’article 145 du code de procédure civile qui relèvent exclusivement de l’article 35 du règlement européen.

L’article 35 du règlement Bruxelles n°1215/2012

Selon l’article 35 du règlement Bruxelles n°1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d’un État membre peuvent être demandées aux juridictions de cet État, même si les juridictions d’un autre État membre sont compétentes pour connaître du fond.

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que les mesures provisoires ou conservatoires autorisées par l’article 35 sont des mesures qui, dans les matières relevant du champ d’application du règlement, sont destinées à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond (CJCE, 26 mars 1992, C-261/90, Reichert et Kockler, points 31 et 34, CJCE 17 novembre 1998, C-391/95, Van Uden Maritime / Kommanditgesellschaft in Firma Deco-Line e.a., point 40) et que ne revêtent pas ce caractère, celles ordonnées dans le but de permettre au demandeur d’évaluer l’opportunité d’une action éventuelle, de déterminer le fondement d’une telle action et d’apprécier la pertinence des moyens pouvant être invoqués dans ce cadre (CJCE, 28 avril 2005, C-104/0 3, St. Paul Dairy Industries NV / Unibel Exser BVBA, point 25).

Si la société GFE entend ainsi vérifier l’origine des semences et s’assurer que ses droits sont préservés, il n’est toutefois pas allégué par celle-ci que la demande de communication de pièces a pour objet en l’espèce la sauvegarde de preuves existantes qui seraient menacées de destruction ou de dépérissement. Aucun argument n’est développé en ce sens.

Aucune urgence particulière

Il n’est ainsi pas justifié, ni invoqué, d’urgence particulière nécessitant de conserver des preuves menacées de conservation, ni fait état d’un risque particulier que la production des documents sollicités ne pourrait plus être obtenue ultérieurement.

Au vu de la nature des pièces dont la communication est demandée,aucun élément du dossier ne permet de retenir que la demande a pour objet de prémunir la société GFE contre un risque de dépérissement d’éléments de preuve dont la conservation pourrait commander la solution du litige.

Dès lors, la compétence du juge français n’a pu peut être retenue et l’ordonnance entreprise a été infirmée en toutes ses dispositions.


 

AFFAIRE :N° RG 22/01732 –

N° Portalis DBVC-V-B7G-HATW

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 10 Mars 2022 du Président du TC de CAEN

RG n° 2021002515

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 19 MAI 2023

APPELANTS :

Monsieur [N] [T]

[Adresse 4],

[Localité 3] PAYS-BAS

S.A.R.L. HORSE DEALS BV

[Adresse 4],

[Localité 3] Pays-Bas

prise en la personne de son représentant légal

représentés par Me Mickaël DARTOIS, avocat au barreau de CAEN,

assistés de Me Holly JESSOPP, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.A.S. GROUPE FRANCE ELEVAGE

N° SIRET : 444 738 561

[Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Patrick EVENO, avocat au barreau de VANNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 09 mars 2023

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 19 mai 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

La SAS Groupe France élevage (société GFE) est une société française spécialisée dans l’achat, la vente et le courtage de produits et services se rapportant à l’élevage de chevaux, leur entretien et leur utilisation, notamment la propriété et la gestion d’étalons, de parts d’étalons, de lots de semences congelées en vue de la revente de saillies.

Dans le cadre de son objet d’activité, la société GFE indique être propriétaire unique de plusieurs étalons de sport, dont Kannan depuis 2009, Untouchable et Contendro I, dont elle commercialise les paillettes auprès de particuliers et de professionnels.

La société néerlandaise HorseDeals B.V. est une société gestionnaire d’une plate-forme numérique de vente aux enchères et en ligne d’équidés de sport et de paillettes pour des saillies. Cette société, établie aux Pays-Bas, est gérée par la société HorseDeals holding B.V., également établie aux Pays-Bas qui a elle-même pour dirigeant M. [N] [T], entrepreneur individuel établi aux Pays-Bas, spécialisé dans le bâtiment.

Ayant été alertée de la commercialisation, qu’elle estime illicite, de paillettes de semence congelée des étalons Kannan, Untouchable et Contendro I sur le site internet d’enchères en ligne de la société néerlandaise Horse deals, la société GFE a fait constater, par exploit d’huissier de justice en date du 14 mai 2021, la mise aux enchères sur ledit site de :

– quatre paillettes de l’étalon Untouchable,

– une paillette de l’étalon Kannan.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 mai 2020, la société GFE a demandé à la société Horse deals BV de justifier les droits détenus par ses clients vendeurs de la semence de Kannan et Untouchable, et sollicité différents renseignements et justificatifs.

A défaut de réponse et ayant constaté qu’au mois de janvier 2021 la semence congelée des étalons Kannan et Contendro continuait d’être proposée à la vente sur ledit site, la société GFE a, par exploit d’huissier de justice en date du 9 avril 2021, assigné la société HorseDeals B.V., immatriculée au répertoire néerlandais des entreprises sous le n° 74 543 393, devant le tribunal de commerce de Caen aux fins de la voir condamner, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard, à lui communiquer plusieurs informations concernant la vente par son intermédiaire des paillettes de semence congelée des étalons Kannan, Untouchable et Contendro I.

Par ordonnance de référé en date du 10 mars 2022, le tribunal de commerce de Caen a :

– dit que l’entreprise Horse Deals, immatriculée au répertoire néerlandais des entreprises de la Chambre de commerce des Pays-Bas sous le n° 74 543 393, a été valablement assignée devant la juridiction ;

– dit l’intervention volontaire à titre accessoire de la société HorseDeals B.V. recevable;

– ordonné à l’entreprise Horse Deals immatriculée au répertoire néerlandais des entreprises de la Chambre de commerce des Pays-Bas sous le n° 74 543 393 et à la société HorseDeals B.V. immatriculée audit répertoire sous le n° 80 753 051 de communiquer à la société Groupe France élevage, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification de la décision, au titre de la vente par leur intermédiaire des paillettes de semence congelée des étalons Kannan, Untouchable et Contendro l, les informations et justificatifs suivants :

* les coordonnées complètes, pièces officielles à l’appui, du ou des vendeurs auprès desquels elle a acquis cette ou ces paillettes,

* la photographie de la ou des paillettes en cause permettant de distinguer clairement : la couleur, le centre de production, la date et le numéro de l’éjaculat dont elles proviennent ;

* la copie du ou des documents sanitaires originaux de transport accompagnant la ou les paillettes ;

* la ou les copies des certificats sanitaires européens imposés pour tout mouvement de paillettes entre États membres ;

* la ou les factures prouvant l’achat par le vendeur auprès du précédent propriétaire de la ou des paillettes mises en vente;

– débouté l’entreprise Horse Deals et la société HorseDeals B.V. de l’ensemble de leurs demandes ;

– condamné l’entreprise Horse Deals et la société HorseDeals B.V. à payer in solidum à la société Groupe France élevage la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné l’entreprise Horse Deals et la société HorseDeals B.V. in solidum aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s’élevant à la somme de 57,65 euros, dont 9,61 euros de TVA.

Par déclaration en date du 8 juillet 2022 , M. [N] [T] et la société Horse Deals BV ont fait appel de cette ordonnance.

Par dernières conclusions du 10 janvier 2023, M. [N] [T] et la société Horse Deals BV demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle leur a ordonné de communiquer sous astreinte divers documents et en ce qu’elle les a condamnés solidairement à payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et, statuant à nouveau :

– à titre principal, juger la juridiction française incompétente pour statuer sur une demande de mesures probatoires sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile à l’encontre de M. [N] [T] et la société Horse Deals B.V ;

– à titre subsidiaire, juger que la demande de communication formulée par la société Groupe France élevage, n’est pas justifiée par un motif légitime ;

– En tout état de cause, condamner la société Groupe France élevage à payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions en date du 6 février 2023, la société GFE demande à la cour de :

– dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– dire et juger M. [T] et les entreprises Horse Deals (identifiée sous le n°74543393) et Horse Deals B.V (identifiée sous le n°80753051) irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions, et les en débouter ;

– confirmer l’ordonnance de référé entreprise ;

– condamner les appelants in solidum, ou l’un à défaut de l’autre, à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2023.

SUR CE, LA COUR

Sur la compétence du juge français des référés

Au soutien de leur demande tendant à voir prononcer l’incompétence du juge français, les appelants font valoir qu’au vu de l’élément d’extranéité du litige opposant les parties, M. [N] [T] et la société Horse Deals BV étant deux entités (entreprise individuelle et société) de droit néerlandais, établies aux Pays-Bas, la compétence de la juridiction française saisie doit être déterminée en application des dispositions du règlement Bruxelles I bis et non de la Convention de Bruxelles, citée à tort par la société GFE.

Ils font valoir que le premier juge a soulevé d’office une combinaison erronée des articles 7.2, 35 du règlement Bruxelles bis I et de l’article 46 du code de procédure civile afin de justifier sa compétence au motif que ‘le juge des référés territorialement compétent pouvant être celui dans le ressort duquel le dommage a été subi’ ; ils expliquent que l’article 7.2. du règlement Bruxelles I bis vise exclusivement les actions au fond et non pas les actions fondées sur l’article 145 du code de procédure civile, lesquelles relèvent exclusivement de l’article 35 de ce règlement et qu’en vertu de cet article la juridiction française est compétente uniquement lorsque les mesures demandées au titre de l’article 145 du code de procédure civile sont provisoires et conservatoires au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, mais que celle-ci n’est pas compétente lorsqu’il s’agit de mesures probatoires, de surcroît devant être exécutées sur le territoire des Pays-Bas.

Les appelants soutiennent que les mesures demandées par la société GFE sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne tendent pas à la conservation d’une situation de fait, aucun risque de dépérissement des preuves n’étant par ailleurs caractérisé mais qu’elles visent simplement à obtenir des documents à titre probatoire afin de permettre à la société GFE d’évaluer l’opportunité d’une action judiciaire, qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’art. 35 du règlement Bruxelles I bis et ne relèvent donc pas de la compétence du juge français.

Ils précisent par ailleurs que les mesures sollicitées de communication de documents ne peuvent pas être exécutées en France dès lors que ni M. [T], ni la société Horse Deals BV n’exercent aucune activité commerciale en France, que la société Horse deals BV qui ne dispose ni d’un établissement, ni d’une succursale en France ne fait que mettre en ligne une plateforme à disposition de ses clients, que cette plateforme est soumise au droit néerlandais et que toute documentation relative à son fonctionnement se trouve donc nécessairement aux Pays-Bas.

La société GFE fait valoir que si la convention de Bruxelles n’est effectivement plus en vigueur, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence rendue sur son empire reste parfaitement applicable, qu’aux termes de l’article 7.2 du règlement Bruxelles I bis et compte tenu du fait qu’en l’espèce le site de vente aux enchères des sociétés défenderesses est accessible depuis la France et vise de manière très active la clientèle française, le juge français des référés est compétent, qu’en application de l’article 35 du règlement Bruxelles I bis et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation, le juge français des référés est compétent pour des mesures conservatoires visant à obtenir des informations ou à conserver des éléments de preuve, des mesures demandées en raison d’un risque que les constatations matérielles ne puissent plus être effectuées ultérieurement, ou pour obtenir sans retard la production de documents et de pièces dont il y a lieu de craindre qu’ils ne pourraient plus être obtenus ultérieurement.

L’intimée fait valoir que les mesures sollicitées en l’espèce relèvent bien de l’article 35 du règlement Bruxelles I bis, s’agissant de mesures conservatoires devant être exécutées en France

Elle explique que les pièces dont la communication est sollicitée sous astreinte sont seules de nature à permettre à la société GFE d’assurer la traçabilité de la semence des étalons pour lesquels elle est seule titulaire des droits de vente ; qu’à ce titre elle est parfaitement légitime de demander des renseignements sur les modalités de transit et de stockage de la semence desdits étalons jusqu’à leur utilisation (par des centres de mise en place), qu’elle est responsable en qualité de venderesse de la semence commercialisée, que le fait de pouvoir s’assurer en permanence que la semence stockée dans un centre de mise en place respecte les critères de traçabibilité et d’absence de maladies contagieuses est un enjeu important de santé publique, que M. [T] et la société Horse Deals ne devraient rencontrer aucune difficulté à produire les documents demandés permettant de s’assurer du suivi sanitaire des paillettes en cause, dès lors qu’ils sont tenus à des obligations en matière sanitaire en vertu de la réglementation européenne en la matière.

L’intimée fait valoir que les appelants ne contestent pas que la semence litigieuse a été échangée au cours de la période 2014-2019, période au cours de laquelle la société GFE faisait congeler en France la semence des trois étalons litigieux, que les certificats sanitaires sollicités étant originairement émis par les centres de congélation de la semence, les mesures d’instruction sollicitées ont donc bien vocation à être exécutées, au moins partiellement, en France, les deux centres de prélèvement et de conditionnement de la semence pouvant délivrer des duplicata, à condition d’identifier les lots concernés.

Pour retenir sa compétence, le premier juge a visé l’article 46 du code de procédure civile qui énonce que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.

Selon l’article 7.2 du règlement européen n°1215/2012, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

(‘)

2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

Il convient de relever que cet article vise exclusivement les actions au fond et non les actions fondées sur l’article 145 du code de procédure civile qui relèvent exclusivement de l’article 35 du règlement européen.

Selon l’article 35 du règlement Bruxelles n°1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d’un État membre peuvent être demandées aux juridictions de cet État, même si les juridictions d’un autre État membre sont compétentes pour connaître du fond.

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que les mesures provisoires ou conservatoires autorisées par l’article 35 sont des mesures qui, dans les matières relevant du champ d’application du règlement, sont destinées à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder les droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond (CJCE, 26 mars 1992, C-261/90, Reichert et Kockler, points 31 et 34, CJCE 17 novembre 1998, C-391/95, Van Uden Maritime / Kommanditgesellschaft in Firma Deco-Line e.a., point 40) et que ne revêtent pas ce caractère, celles ordonnées dans le but de permettre au demandeur d’évaluer l’opportunité d’une action éventuelle, de déterminer le fondement d’une telle action et d’apprécier la pertinence des moyens pouvant être invoqués dans ce cadre (CJCE, 28 avril 2005, C-104/0 3, St. Paul Dairy Industries NV / Unibel Exser BVBA, point 25).

La société GFE motive sa demande tendant à obtenir la communication de pièces en possession selon elle des appelantes en indiquant que lesdites pièces dont la communication est sollicitée sous astreinte sont seules de nature à permettre à la société GFE d’assurer la traçabilité de la semence des étalons pour lesquels elle est seule titulaire des droits de vente, qu’à ce titre elle est parfaitement légitime de demander des renseignements sur les modalités de transit et de stockage de la semence desdits étalons jusqu’à leur utilisation (par des centres de mise en place), qu’elle est responsable en qualité de venderesse de la semence commercialisée, que le fait de pouvoir s’assurer en permanence que la semence stockée dans un centre de mise en place respecte les critères de traçabibilité et d’absence de maladies contagieuses est un enjeu important de santé publique.

Si la société GFE entend ainsi vérifier l’origine des semences et s’assurer que ses droits sont préservés, il n’est toutefois pas allégué par celle-ci que la demande de communication de pièces a pour objet en l’espèce la sauvegarde de preuves existantes qui seraient menacées de destruction ou de dépérissement. Aucun argument n’est développé en ce sens.

Il n’est ainsi pas justifié, ni invoqué, d’urgence particulière nécessitant de conserver des preuves menacées de conservation, ni fait état d’un risque particulier que la production des documents sollicités ne pourrait plus être obtenue ultérieurement.

Au vu de la nature des pièces dont la communication est demandée,aucun élément du dossier ne permet de retenir que la demande a pour objet de prémunir la société GFE contre un risque de dépérissement d’éléments de preuve dont la conservation pourrait commander la solution du litige.

Dès lors, la compétence du juge français ne peut être retenue et l’ordonnance entreprise est infirmée en toutes ses dispositions,dans les limites de l’appel.

Sur les demandes accessoires

Il est constaté que les appelants n’ont pas fait appel des dispositions de l’ordonnance déférée relatives aux dépens, dispositions qui sont donc devenues définitives.

La société GFE, qui succombe, est condamnée à payer aux appelants, unis d’intérêts, la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, est déboutée de sa demande formée à ce titre et est condamnée aux dépens d’appel.

Les dispositions de l’ordonnance déférée relatives à la condamnation prononcée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;

Infirme l’ordonnance déférée dans les limites de l’appel ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

Déclare la juridiction française incompétente pour statuer sur la demande de la S.A.S Groupe France élevage ;

Condamne la S.A.S Groupe France élevage à payer à M. [N] [T] et à la SARL Horse Deals BV, unis d’intérêts, la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la S.A.S Groupe France élevage aux dépens d’appel ;

Déboute la S.A.S Groupe France élevage du surplus de ses demandes ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x