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la clause de non-concurrence stipulée au mandat d’agent commercial, d’une durée de cinq ans à compter de la rupture du contrat, doit être réputée non écrite en application de l’article L. 134-16 du code de commerce, en raison de sa durée excédant le maximun de deux ans prévu par l’article L. 134-14 3ème alinéa du même code, cette disposition étant d’ordre public et les parties ne pouvant y déroger.
Il ne peut ainsi être reproché à [B] [S] d’avoir conclu un contrat de responsable de secteur ou de directeur commercial indépendant avec la société L’Auxiliaire Pharmaceutique, dès janvier 2018, après la fin de son mandat d’agent commercial pour la société Pharmathèque, alors que la clause de non-concurrence, irrégulière, n’a pu produire ses effets.
En second lieu, les man’uvres déloyales consistant à réduire volontairement son activité sur l’année 2017, par anticipation de la fin de son mandat pour le compte de la société Pharmathèque, ne sont pas établies par la seule comparaison du nombre de mandats pris, par l’intermédiaire de M [S], en 2015, 2016 et 2017, la diminution constatée pouvant s’expliquer par des circonstances conjoncturelles inhérentes à l’activité exercée sur le secteur géographique confié à l’agent commercial.
Il n’est pas non plus établi qu'[B] [S] aurait démarré une activité concurrente pour son compte ou le compte d’autrui, avant la fin de sa collaboration avec la société Pharmathèque.
MM/ND
Numéro 23/1701
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRET DU 17/05/2023
Dossier : N° RG 21/02335 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H5SY
Nature affaire :
Demande en cessation de concurrence déloyale ou illicite et/ou en dommages et intérêts
Affaire :
S.A.S. PHARMATHEQUE C.I.E
C/
[B] [S]
S.A.R.L. PHARMACTION
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 17 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 06 Mars 2023, devant :
Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,
Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. PHARMATHEQUE C.I.E
immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 339 794 653, prise en la perosnne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Audrey CAULLET MEILHAN de la SELARL ASTREA, avocat au barreau de DAX
Assistée de Me Germain CLEMENT (SELARL DUCOS ADER/OLHAGARAY & Associés), avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMES :
Monsieur [B] [S]
né le 16 Septembre 1964 à [Localité 5] (16)
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 1]
S.A.R.L. PHARMACTION
immatriculée au RCS de Saintes sous le n° 521 548 149, représentée par son gérant domicilié au siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés par Me Aude SIGNORET de la SELARL PICOT VIELLE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BAYONNE
Assistés de Me Jean Hugues MORICEAU, avocat au barreau de SAINTES
sur appel de la décision
en date du 21 JUIN 2021
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
La société Pharmathèque CIE est une entreprise spécialisée dans la transaction immobilière de pharmacies.
Le 1er août 2010, elle a signé un mandat exclusif d’intérêt commun avec monsieur [B] [S] pour la représenter sur les départements 16 et 17. Ce mandat comprenait en particulier une clause de non-concurrence et de confidentialité.
A partir de 2017, une baisse d’activité a été constatée, puis monsieur [B] [S] a signi’é, le 11 septembre 2017, la résiliation de son engagement envers Pharmathèque, en son nom et au nom de sa société Pharmaction, dont il est gérant et associé unique, engagement clos effectivement le 11 décembre 2017 après le préavis contractuel de 3 mois.
Ultérieurement, Pharmathèque a eu connaissance de deux faits :
‘ Monsieur [B] [S] a émis le 31 mai 2017, via sa société Pharmaction, une facture d’honoraires à l’attention d’une pharmacie (Pharmacie du Mignon) ayant fait préalablement l’objet d’une transaction par l’intermédiaire de Pharmathèque, laquelle considère qu’il s’agit en l’occurrence d’une double facturation et d’un détournement de vente,
‘ Monsieur [B] [S] exerce depuis le 1er janvier 2018 la fonction de mandataire pour un concurrent de Pharmathèque, en violation de la clause de non-concurrence engageant monsieur [B] [S].
Par acte introductif d’instance en date du 25 septembre 2020 remis à personne, la SAS Pharmathèque CIE, a assigné M. [B] [S], et la SARL Pharmaction, devant le tribunal de commerce de Bayonne au visa des articles 1103 et suivants et 1984 et suivants du code civil, L. 134-1 et suivants du code de commerce relatifs au contrat d’agent commercial, pour voir :
Condamner monsieur [B] [S] et la société Pharmaction au paiement d’une somme de 18 000,00 euros à la société Pharmathèque au titre du préjudice subi par la double facturation effectuée par son ancien mandataire,
Condamner monsieur [B] [S] et la société Pharmaction au paiement d’une somme de 100000,00 euros à la société Pharmathèque au titre de la déloyauté dont a fait preuve l’ancien mandataire envers son mandant,
Et, par dernières conclusions,
Rejeter l’intégralité des demandes, ‘ns et prétentions de monsieur [B] [S] et de la société Pharmaction,
Condamner monsieur [B] [S] et la société Pharmaction au paiement d’une somme de 3000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner monsieur [B] [S] et la société Pharmaction an paiement des entiers dépens, en ce compris le coût des différentes sommations interpellatives et des opérations de saisies autorisées par ordonnances des 21 février, 1er et 7 mars 2018.
[B] [S] et la SARL Pharmaction ont conclu au débouté et demandé au tribunal, au visa de l’article 1217 du code civil, ( responsabilité contractuelle) et 1240 du code civil (responsabilité délictuelle),de condamner la SAS Pharmathèque à verser à [B] [S] et à la SARL Pharmaction la somme de 100 000,00 euros à titre de dommages et intérêts, au motif que pendant la durée de son préavis, la société Pharmathèque aurait évincé M [S] de son secteur d’exclusivité, le privant de commissions sur affaires, outre 10 000,00 euros pour préjudice d’image.
Ils ont soutenu la nullité de la clause de non-concurrence qui doit être réputée non écrite en application des articles L. 134-14 et L. 134-16 du code de commerce. Ils ont dénié l’existence d’une double facturation, les honoraires de 12000,00 euros versés par la pharmacie du Mignon concernant des prestations de conseil sur de futurs agencements et un projet de transfert dans de nouveaux locaux, non comprises dans le mandat Pharmathèque .
Par jugement du 21 juin 2021, le tribunal de commerce de Bayonne a :
Vu les articles 1103, 1104, 1217, 1240 et 1984 du code civil,
Vu les articles L134-I4 et L134-16 du code de commerce,
Reçu les parties en leurs demandes, ‘ns et conclusions,
Débouté la SAS Pharmathèque de l’ensemble de ses demandes, ‘ns et conclusions,
Débouté monsieur [B] [S] et la SARL Pharmaction de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts,
Condamné la SAS Pharmathèque au paiement, à monsieur [B] [S] et à la SARL Pharmaction, à chacun, de la somme de 250 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et débouté ces derniers du complément de leur demande,
Condamné la SAS Pharmathèque aux entiers dépens, dont les frais de Greffe liquidés à la somme de 94,34 euros.
Par déclaration du 9 juillet 2021, la SAS Pharmathèque CIE a relevé appel de cette décision.
L’ordonnance de clôture est du 11 janvier 2023.
L’affaire a été fixée au 13 février 2023 puis renvoyée au 06 mars 2023.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions du 7 mars 2022 de la SAS Pharmathèque CIE tendant à :
Vu les articles 1103 et suivants, les articles 1984 et suivants du code civil,
Vu les articles 1217 et suivants du même code,
Vu les articles L134-1 et suivants du code de commerce relatifs au contrat d’agent commercial,
DECLARER la société Pharmathèque recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit :
REFORMER la décision rendue par le Tribunal de commerce de Bayonne en date du 21 juin 2021 en ce qu’il a :
– DEBOUTÉ la SAS Pharmathèque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
– CONDAMNÉ la SAS Pharmathèque au paiement à chacun de Monsieur [B] [S] et de la SARL Pharmaction de la somme de 250 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC,
– CONDAMNÉ la SAS Pharmathèque aux entiers dépens, dont les frais de Greffe liquidés à la somme de 94,34 euros.
Statuant à nouveau :
CONSTATER que Monsieur [S], en son nom et par l’intermédiaire de sa société Pharmaction, s’est rendu coupable d’agissements fautifs envers la société Pharmathèque, et a engagé sa responsabilité envers celle-ci,
CONDAMNER solidairement Monsieur [S] et la société Pharmaction
au paiement d’une somme de 18.000 euros à la société Pharmathèque au titre du préjudice subi par la double facturation effectuée par l’ancien mandataire,
CONDAMNER Monsieur [S] et la société Pharmaction au paiement d’une somme de 100.000 euros à la société Pharmathèque au titre de la déloyauté dont a fait preuve l’ancien mandataire envers son mandant,
CONDAMNER solidairement Monsieur [S] et la société Pharmaction au paiement d’une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNER solidairement Monsieur [S] et la société Pharmaction au paiement des entiers dépens, en ce compris le coût des différentes sommations interpellatives et des opérations de saisies autorisées par ordonnances des 21 février, 1er et 7 mars 2018,
CONFIRMER le jugement dont appel pour le surplus, et rejeter en tout état de cause
l’intégralité des demandes, fins et prétentions de Monsieur [S] et la société Pharmaction.
*
Vu les conclusions d’appel incident de M [S] et de la société Pharmaction en date du 4 janvier 2022, tendant à :
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Bayonne en ce qu’il a :
– débouté la SAS Pharmathèque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
– condamné la SAS Pharmathèque aux entiers dépens
‘ REFORMER le jugement du Tribunal de commerce pour le reste
‘ Statuant à nouveau :
Au visa de l’article 1217 du Code civil,
CONDAMNER la SAS Pharmathèque C I E à verser à Monsieur [B] [S] et à la SARL Pharmaction pris en une seule et même personne, la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts
Au visa de l’article 1240 du Code civil,
CONDAMNER la SAS Pharmathèque C I E à verser à Monsieur [B] [S] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts
Au visa de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la SAS Pharmathèque C I E à verser à chacun de Monsieur [B] [S] et de la SARL Pharmaction la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 5.000 € au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.
CONDAMNER la SAS Pharmathèque C I E aux entiers dépens de première instance et d’appel
MOTIVATION :
la société Pharmathèque sollicite la réformation partielle du jugement, en ce qu’il a rejeté ses demandes, et recherche la responsabilité de Monsieur [S], et de sa société Pharmaction, pour manquements aux obligations contractuelles du mandat.
Elle reproche en effet à Monsieur [S] d’avoir commis des fautes tant dans l’exercice de son mandat qu’après la rupture de ce dernier, à l’origine du préjudice subi par la concluante :
les fautes reprochées à Monsieur [S] sont :
‘ la mise en place d’un système de double facturation ou facturation directe, à au moins l’un des clients de la société Pharmathèque, de prestations qui ressortaient du mandat,
‘ la violation de la clause de non-concurrence, par la poursuite de son activité pour un concurrent de Pharmathèque sur le même secteur géographique et le démarchage de prospects de la société Pharmathèque.
‘ à tout le moins l’exercice de man’uvres déloyales, en organisant son transfert d’activité vers une société concurrente, alors même que son contrat avec Pharmathèque était encore en cours, et ce malgré l’interdiction posée par l’article 9 du mandat .
[B] [S] et la société Pharmaction répliquent que :
‘ la facture 217 adressée au gérant de la Pharmacie du Mignon, dont l’objet a été modifié à la demande de ce dernier, a bien été éditée pour la réalisation de prestations étrangères au mandat de vente que la société Pharmathèque détenait sur ladite pharmacie, de sorte qu’il n’y a pas de double facturation d’une prestation déjà réalisée au titre du mandat de vendre ;
‘ la clause de non-concurrence inscrite au mandat doit être réputée non écrite, en application des articles L. 134-14 et L. 134-16 du code de commerce, sa durée étant de 5 ans au lieu de la durée maximale de 2 ans fixée par le premier de ces textes ;
‘ à aucun moment la société Pharmathèque ne rapporte la preuve de manquements de Monsieur [S] à son obligation de loyauté envers son ancien mandant, le fait qu’il ait été embauché par une société concurrente dès le mois de janvier 2018 étant insuffisant pour établir un tel manquement, alors que la société Pharmathèque a elle-même commis des fautes qui auraient justifié, en application de l’article 1217 du code civil, que Monsieur [S] suspende l’exécution de sa propre obligation ;
Sur ce, en application de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date du mandat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ‘ Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Ces dispositions imposent à tout contractant une obligation de loyauté et de bonne foi qui est rappelée, en matière de mandat d’agent commercial, par l’article L. 134-4 du code de commerce.
Selon ce texte, « Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties. Les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information. L’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat ».
Cette obligation de loyauté implique de la part de l’agent commercial une obligation de non-concurrence rappelée à l’article 9 du contrat de mandat d’intérêt commun dans les termes suivants :
« Le mandataire considérera comme strictement confidentielles toutes les informations dont il pourra avoir connaissance dans le cadre du présent contrat et prend l’engagement formel de ne pas révéler, directement ou indirectement, à des tiers pareilles indications et ce, durant l’exercice de son mandat et après sa fin.
Pendant la durée du présent contrat, le Mandataire s’interdit formellement de s’intéresser directement ou indirectement à toute activité concurrente au Mandant tant pour son propre compte(notamment en qualité de, de droit ou de fait, Gérant, Actionnaire, Directeur de société ou d’établissement) qu’en qualité de salarié d’une autre entreprise exerçant pareille activité.
Il s’interdit notamment dans le cas où il disposerait des capacités juridiques nécessaires , de prendre tous mandats de vente d’une officine de pharmacie ou d’un laboratoire d’analyses, à son nom ou pour le compte d’un tiers, sauf accord préalable du Mandant.
Le Mandataire accepte de manière expresse et irrévocable la même interdiction pour une durée de cinq(5) années après la rupture du présent contrat, quelle qu’en soit la cause, et ce pour l’ensemble du secteur d’activité de la société Pharmathèque développé à la date d’expiration du contrat, et notamment à ce jour :
– Les départements sur lesquels intervient le Mandataire
– Les autres départements sur lesquels intervient Pharmathèque pour lesquels le Mandataire est amené à connaître des informations confidentielles et où il pourrait exercer le savoir faire prodigué par PHARMATHEQUE et plus généralement sur tous les secteurs où interviennent les Mandataires ou associés de PHARMATHEQUE. »
L’article 4 du contrat de mandat rappelle également que si Monsieur [B] [S] organise son activité comme il l’entend, il s’engage « à accorder ses meilleurs soins à la représentation confiée par la société Pharmathèque ».
‘ Sur l’existence d’une double facturation :
Selon l’article 7 du mandat d’intérêt commun , « la rémunération du mandataire est payable après encaissement par la société Pharmathèque des honoraires globaux de négociation.
La rémunération rémunère l’ensemble de la mission du Mandataire et n’est donc acquise qu’une fois cette mission totalement achevée par traitement de l’ensemble des dossiers financiers ou administratifs et signature de l’acte définitif de cession du fonds de commerce d’officine de pharmacie et laboratoire d’analyses médicales ( ou parts de sociétés propriétaires de tels fonds )… de 50 % HT sur la facturation de Pharmathèque et se décompose comme suit :
– Négociations conduisant à la prise de mandat, 12%
– Montage du dossier commercial : fiche signalétique liste détaillée du personnel, CA TTC, élaboration des études de rentabilité, rédactions des publicités et mise à jour du site internet, 5 %
– visite du bien par l’acheteur, 5%
– Négociation conduisant à la signature de l’offre d’achat ou du sous seing privé, 13%
– Montage et démarchages dans la recherche de financement et dépôts administratifs si nécessaires, 10 %
– Réalisation des dépôts administratifs, 5% ».
Par ordonnance du 1er mars 2018, rendue à la requête de la société Pharmathèque en application de l’article 145 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce de Niort a désigné Maître [M] de la SELARL Atlanthuis, huissier de justice, avec notamment pour mission de se rendre dans les locaux de la société Pharmacie du Mignon sise à [Localité 6], afin notamment d’effectuer une recherche sur toutes les boîtes e-mails de Madame [A] [U] et de la société Pharmacie du Mignon contenant les mots clés suivants :
‘ Pharmathèque
‘ Pharmaction
‘ [S]
‘ Auxiliaire Pharmacie
et autorisation d’appréhender et de se faire remettre la copie de tous dossiers (lettre de mission, offre, compromis, factures, etc.) et tous contrats conclus, d’une part, entre Pharmaction et/ou Monsieur [S] et, d’autre part, Madame [A] [U] ou la société Pharmacie du Mignon.
Il s’avère que cette recherche a permis de retrouver dans le fichier « corbeille » du poste de Madame [U], pharmacienne, deux messages émanant d'[B] [S], adressés à Madame [A] [U], et comportant chacun en pièce jointe une facture n° 217 à l’en-tête de la SARL Pharmaction.
Le premier message daté du 25 octobre 2017 à 10H37 énonce notamment « ci-joint dans l’urgence une facture avec libellé approprié en attendant une peut-être plus adaptée ! Amicalement [B] ».
La facture jointe, portant le numéro 217, à l’en-tête de la société Pharmaction, datée du 31 mai 2017, est adressée à la Pharmacie du Mignon, Mademoiselle [U], Monsieur [D] et comporte dans le corps du document les mentions suivantes :
« Analyse marché local
conseils sur agencements futurs
accompagnements et conseils
mise en relations ( assureurs, agenceurs etc…)
SOIT : 10 000,00 euros
TVA 20% : 2000,00 euros
TOTAL TTC 12000,00 euros
Soit la somme de DOUZE MILLE EUROS
En votre aimable règlement. »
Le second message, daté du 27 octobre 2017 à 14H15, entre les mêmes expéditeur et destinataires, comporte le texte suivant : « Bonjour [A], Ci joint la facture plus appropriée Amitiés [B] ».
La pièce jointe est toujours la facture n° 217, mais dont l’objet a été modifié de la façon suivante :
« conseils sur agencements futurs
accompagnements et conseils sur éventuel projet de transfert
mise en relations (assureurs, agenceurs etc…)
conseils sur mise en place de nouvelles gammes (micronutrition etc…)
SOIT : 10 000,00 euros
TVA 20% 2000,00 euros
TOTAL TTC 12000,00 euros
Soit la somme de DOUZE MILLE EUROS
En votre aimable règlement. »
Il s’avère et ce point n’est pas discuté, que la société Pharmathèque, par l’intermédiaire de Monsieur [S], avait assisté la SELARL Pharmacie du Mignon pour la négociation et l’achat du fonds de commerce en question, opération pour laquelle la société Pharmathèque a édité une facture d’honoraires, datée du 18 mai 2017, d’un montant de 48000,00 euros intégralement acquittée par l’acquéreur. Le 31 mai 2017, Monsieur [S] a lui-même établi une facture d’un montant TTC de 18000,00 euros à l’ordre de la société mandante, représentant le pourcentage de ses honoraires sur cette transaction.
Monsieur [S] soutient que la facture n° 217 lui ayant permis, au travers de sa société, de percevoir 12000,00 euros supplémentaires, au-delà des honoraires que lui a rétrocédés son mandant, correspond en réalité à des prestations de conseils non comprises dans le mandat de la société Pharmathèque à savoir : conseils sur agencements futurs, accompagnements et conseils sur éventuel projet de transfert
mise en relations (assureurs, agenceurs etc…),conseils sur mise en place de nouvelles gammes (micronutrition etc…).
Cependant, la seule facture conservée par Madame [U] et remise à l’huissier( pièce 12 de la société Pharmathèque) correspond à la première version de la facture n° 217 pour les prestations suivantes : Analyse du marché local, Conseils sur agencements futurs, accompagnements et conseils, mise en relation ( assureurs, agenceurs etc…).
Or, l’analyse du marché local, les accompagnements et conseils, ainsi que la mise en relations, non limitée aux assureurs et agenceurs, rentrent bien dans le cadre du mandat de Monsieur [S], lequel devait élaborer des études de rentabilité, cette prestation impliquant une analyse du marché local, participer à la recherche des prêts nécessaires aux acquéreurs et effectuer toutes démarches auprès des établissements financiers, par montage et présentation de dossiers , cette partie de sa mission d’agent commercial relevant bien d’une prestation « d’accompagnement, conseil et mise en relation » de l’acheteur.
Il s’ensuit que la modification, à la date du 27 octobre 2017, du contenu de la facture n° 217, plusieurs mois après sa date d’émission, relève d’une volonté de dissimuler la facturation directe, au cessionnaire du fonds de commerce de la pharmacie du Mignon, de prestations qui étaient déjà incluses dans le mandat de vente donné à la société Pharmathèque pour la cession de cette officine.
Ce comportement déloyal et fautif de l’agent commercial constitue au demeurant un manquement aux dispositions de la clause de non-concurrence pendant le temps du mandat, par laquelle l’agent commercial s’interdisait formellement de s’intéresser, directement ou indirectement, à toute activité concurrente au mandant, tant pour son propre compte qu’en qualité de salarié.
Le préjudice directement causé au mandant sera réparé à hauteur du pourcentage des honoraires de la société Pharmathèque sur cette transaction, appliqué à l’assiette des honoraires dissimulés, soit
10000,00 euros HT x 62,5 % = 6250 euros x 1,20= 7500,00 euros TTC.
Le jugement est en conséquence infirmé de ce chef, Monsieur [S] et la société Pharmaction étant condamnés solidairement à payer à la société Pharmathèque la somme de 7500,00 euros TTC.
‘ Sur la violation de la clause de non-concurrence :
La société Pharmathèque fait valoir que le contrat de Monsieur [S] ayant pris fin le 11 décembre 2017, ce dernier devait, dès cette date, s’interdire d’exercer toute activité similaire sur les secteurs concernés par son contrat avec Pharmathèque , à son compte ou pour le compte d’une société tierce concurrente.
Or, selon l’appelante, Monsieur [S] a été embauché par la société concurrente L’Auxiliaire Pharmaceutique dès le mois de janvier 2018 et, selon le procès-verbal de constat d’huissier établi le 15 mars 2018 par la SCP Guise Nekadi Lheraud, il a démarché des clients antérieurement prospectés pour la société Pharmathèque, comme l’établissent les mails saisis échangés entre lui et Madame [Y] [C], gérante de la pharmacie des Fins Bois, sur la vente hypothétique de la pharmacie.
Elle reproche également à Monsieur [S], à supposer que la clause de non-concurrence soit jugée nulle par la cour, de s’être livré à des man’uvres déloyales, en organisant un transfert d’activité vers une société concurrente, alors même que son contrat avec Pharmathèque était encore en cours. Elle en veut pour preuve la diminution flagrante de l’activité de Monsieur [S], volontairement mise à l’arrêt par celui-ci, sur l’année 2017, par rapport aux deux années antérieures.
Elle sollicite à ce titre une somme de 100 000,00 euros en réparation du préjudice résultant, pour elle, du gain manqué incontestable dont elle a été privée, en raison de ce comportement déloyal.
Cependant, comme l’a retenu exactement le tribunal et comme le rappelle [B] [S], la clause de non-concurrence stipulée au mandat d’agent commercial, d’une durée de cinq ans à compter de la rupture du contrat, doit être réputée non écrite en application de l’article L. 134-16 du code de commerce, en raison de sa durée excédant le maximun de deux ans prévu par l’article L. 134-14 3ème alinéa du même code, cette disposition étant d’ordre public et les parties ne pouvant y déroger.
Il ne peut ainsi être reproché à [B] [S] d’avoir conclu un contrat de responsable de secteur ou de directeur commercial indépendant avec la société L’Auxiliaire Pharmaceutique, dès janvier 2018, après la fin de son mandat d’agent commercial pour la société Pharmathèque, alors que la clause de non-concurrence, irrégulière, n’a pu produire ses effets.
En second lieu, les man’uvres déloyales consistant à réduire volontairement son activité sur l’année 2017, par anticipation de la fin de son mandat pour le compte de la société Pharmathèque, ne sont pas établies par la seule comparaison du nombre de mandats pris, par l’intermédiaire de M [S], en 2015, 2016 et 2017, la diminution constatée pouvant s’expliquer par des circonstances conjoncturelles inhérentes à l’activité exercée sur le secteur géographique confié à l’agent commercial.
Il n’est pas non plus établi qu'[B] [S] aurait démarré une activité concurrente pour son compte ou le compte d’autrui, avant la fin de sa collaboration avec la société Pharmathèque.
Quant aux mails échangés le 12 mars 2018, entre M [S] et Madame [Y] [C], dont la société Pharmathèque indique qu’il s’agit de l’un de ses prospects, tout comme Madame [H] et Monsieur [X], dont les noms sont cités dans ces échanges, ils ne suffisent pas à établir un détournement de clientèle et le préjudice qui en résulterait pour la société Pharmathèque, alors qu’il n’est justifié d’aucun mandat de vente qui aurait été confié par l’un ou l’autre de ces pharmaciens à la société L’Auxiliaire Pharmaceutique, par l’intermédiaire de M [S], ou à celui-ci directement, pour la vente d’une officine.
La demande de dommages et intérêts présentée à ce titre par la société Pharmathèque est en conséquence rejetée.
‘ Sur les demandes reconventionnelles de la société Pharmaction et de Monsieur [B] [S] :
La société Pharmaction et M [B] [S] demandent à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté leur demande indemnitaire pour inexécution par la société Pharmathèque de ses obligations envers son mandataire pendant la période de préavis. Il est demandé à ce titre la condamnation de la société Pharmathèque au paiement d’une somme de 100 000,00 euros.
Les parties intimées reprochent plus particulièrement à la société appelante d’avoir :
‘ dès l’été 2017, cessé d’adresser à Monsieur [S] les informations nécessaires à la poursuite de son activité, bloqué son code d’accès au fichier des acheteurs potentiels, empêchant ainsi celui-ci de travailler,
‘ fait disparaître de l’organigramme officiel des partenaires de la société Pharmathèque, le nom de Monsieur [S], tant sur le site internet que dans les annonces publicitaires, son successeur, Monsieur [F] [Z] étant déjà en cours de démarchage dans les pharmacies, alors que Monsieur [S] avait l’exclusivité du secteur jusqu’au terme de son préavis ; des mandats étant régularisés au mépris des droits de Monsieur [S].
‘ renoncé à informer Monsieur [S], depuis son départ, des ventes réalisées sous des mandats rentrés par celui-ci ou sur des mandats rentrés dans son secteur d’exclusivité pendant le préavis.
La société Pharmathèque s’oppose à cette demande en faisant valoir que Monsieur [S] avait d’ores et déjà cessé toute activité pour le compte de la requérante, aucune vente n’ayant été conclue sur les mois précédents et que le maintien des obligations contractuelles du mandant, pendant la durée de préavis, ne vaut naturellement que si le mandataire continue lui-même d’exécuter ses propres obligations.
Elle ajoute qu’elle était légitime à préparer en amont la reprise d’activité par un autre mandataire à la suite de l’abandon de ses missions par Monsieur [S].
Sur ce, il ressort des pièces versées aux débats par M [S] et la société Pharmaction, que M [S] était encore cité comme agent commercial intervenant pour la société Pharmathèque sur la région Poitou-Charentes, dans la publicité qu’a fait paraître la société mandante dans le Moniteur des Pharmacies du 7 octobre 2017. En revanche, son nom et ses coordonnées téléphoniques ont disparu des mêmes publicités parues dans les numéros des 21 octobre, 4 novembre, 18 novembre et 2 décembre 2017 de cette publication, remplacés par les coordonnées de Monsieur [Z], alors que Monsieur [S] était toujours en période de préavis.
De même, à la date du 9 novembre 2017, M [S] a disparu de l’organigramme de la société Pharmathèque sur le site de cette dernière, alors que la liste des mandats de vente reçus par Pharmathèque comportait encore plusieurs mandats conclus par son intermédiaire, mais également un mandat conclu par l’intermédiaire de Madame [R] [I], le 20 octobre 2017, pour une officine située à [Localité 8] dans le secteur pourtant exclusivement attribué à Monsieur [S].
En novembre 2017, c’est Monsieur [Z] représentant la société Pharmathèque qui a régularisé un dossier administratif portant sur la vente d’une pharmacie Latrille située à [Localité 7]), là encore sur le secteur de démarchage attribué exclusivement à Monsieur [S].
Le 8 novembre 2017, Monsieur [S] a également été informé par deux pharmaciens de son secteur de la visite de Monsieur [Z] se présentant comme le responsable de secteur représentant la société Pharmathèque.
Toujours au mois de novembre 2017, des ventes en cours de pharmacies situées dans le secteur de Monsieur [S] étaient déjà affichées avec les coordonnées d’un autre mandataire ou représentant, en charge de l’affaire, alors qu’ à l’exception du mandat conclu le 20 octobre 2017 par l’intermédiaire de Madame [I], tous les autres l’avaient été par l’entremise de Monsieur [S].
Enfin, il ressort du constat d’huissier établi le 14 novembre 2017 par la SCP Nivet [M] qu’à cette date, Monsieur [S] ne pouvait plus se connecter sur l’interface « back office » du site Pharmathèque, avec ses identifiant et mot de passe.
Il ressort de l’analyse de ces pièces que pendant la durée de son préavis, Monsieur [S] a été évincé peu à peu de son secteur de représentation exclusive, par la société Pharmathèque qui, manifestement, au-delà d’avoir anticipé son remplacement, l’a placé en situation de ne plus pouvoir exercer son mandat normalement pendant sa période de préavis.
Il s’ensuit que pendant cette période de trois mois, M [S] et à travers lui la société Pharmaction ont subi un préjudice constitutif d’une perte de chance de conclure de nouveaux mandats et de percevoir des honoraires supplémentaires.
Ce préjudice sera exactement réparé à hauteur d’une somme de 20 000,00 euros.
Il n’est pas justifié par les parties intimées d’un autre poste de préjudice, alors qu’il leur appartient d’établir que les mandats conclus sur le secteur exclusif d’activité du mandataire, avant ou pendant la période de préavis, ont donné lieu à des ventes sur lesquelles M [S] et la société Pharmaction n’ont pas été commissionnés.
‘ Sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur [S] pour action judiciaire abusive :
Monsieur [S], seul, sollicite la somme de 10 000,00 euros de dommages et intérêts en application de l’article 1240 du code civil, en réparation de l’atteinte portée à son image par les mesures d’investigation in futurum obtenues par la société Pharmathèque et qu’il juge abusives, « inquisitoires et brutales ».
Cependant, le droit d’agir en justice, y compris en appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol, ce qui n’est pas démontré par Monsieur [S].
En effet, les mesures diligentées en application de l’article 145 du code de procédure civile, en vertu d’ordonnances sur requêtes dont Monsieur [S] n’a d’ailleurs pas demandé la rétractation, ont permis de recueillir des éléments retenus par la cour pour juger que Monsieur [S] avait manqué à son devoir de loyauté envers son mandant, dans la facturation de son intervention sur une transaction. Ces mesures se sont donc révélées utiles pour la société Pharmathèque, au soutien de son action, pour l’une de ses prétentions à laquelle il a été fait droit partiellement.
Monsieur [S] est en conséquence débouté de cette demande indemnitaire.
‘ Sur les demandes annexes :
M. [S] et la société Pharmaction, d’une part, et la société Pharmathèque, d’autre part, succombent chacune partiellement. Il convient, dès lors, de faire masse des dépens comprenant le coût des sommations interpellatives et opérations de saisies autorisées par ordonnances des 21 février, 1er et 7 mars 2018 qui seront supportés par chacune des parties, pour moitié.
Au regard de l’issue du litige et de la position des parties, l’équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Condamne solidairement Monsieur [S] et la société Pharmaction à payer à la société Pharmathèque CIE la somme de 7500,00 euros TTC, en réparation du préjudice résultant du manquement du mandataire au devoir de loyauté dans la facturation de son intervention,
Condamne la société Pharmathèque CIE à payer à la société Pharmaction et à Monsieur [S], ensemble, la somme de 20000,00 euros en réparation de la perte de chance de conclure de nouveaux mandats de vente pendant la période de préavis de trois mois,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Fait masse des dépens comprenant le coût des sommations interpellatives et opérations de saisies autorisées par ordonnances des 21 février, 1er et 7 mars 2018 qui seront supportés par chacune des parties, pour moitié,
Déboute les parties de leur demande respective formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, Le Président,