Révocation brutale du gérant

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Révocation brutale du gérant
conseil juridique IP World

Il est admis que si les associés ne sont pas tenus d’aviser à l’avance le gérant des motifs de sa révocation, ils doivent néanmoins indiquer à l’avance à celui-ci qu’elle est envisagée.

L’article L 223-25 du code de commerce

Aux termes de l’article L 223-25 du code de commerce le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l’article L 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est faite sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Le juste motif

Le juste motif peut consister en une faute du gérant telle notamment une faute de gestion, une violation de la loi ou des statuts mais également, en la nécessité de mettre un terme par la révocation du gérant concerné à une situation de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, étant précisé qu’une situation objectivement contraire à l’intérêt social suffit à constituer un juste motif, sans qu’il soit nécessaire de caractériser son imputabilité.

La révocation brutale : un préjudice distinct

Par ailleurs, indépendamment de l’existence ou non de justes motifs, la révocation d’un gérant d’une manière brutale et sans respect d’un principe de loyauté, sans notamment qu’avant la décision lui soient notifiés les griefs qui lui sont faits, et qu’il soit en mis en mesure de présenter sa défense sur ceux-ci peut également donner lieu à indemnisation par la société, ainsi, le cas échéant que par les associés sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil.

Exemple de révocation brutale

En l’espèce il n’est pas contesté par les appelants qu’ils n’ont pas informés Mme [U] qu’ils envisageaient de la révoquer de ses fonctions de gérante. Il est établi que dans la perspective de l’assemblée ils ont pré établi un document intitulé «’assemblée générale ordinaire annuelle du 29 juillet 2019 à 10 h 30 – résolutions complémentaires mises au vote sur incident de séance’» comprenant 6 points sur lesquels ils souhaitaient obtenir des explications et faire voter 3 nouvelles résolutions (n°7, 8 et 9), le nom du nouveau gérant ayant d’ailleurs déjà été dactylographié alors que le recueil des explications données par Mme [U] et le pourcentage des votes sont manuscrites.

Cette anticipation à préparer ce document complémentaire démontre que la révocation de la gérante n’est pas issue d’un incident de séance et qu’il pesait sur la Holding SG finance représentée par M. [L], la Holding KB finance représentée par M. [F] l’obligation de l’informer de ce sujet et des motifs le fondant pour lui permettre d’apporter des réponses précises.


 

ARRET

[F]

[L]

S.A.R.L. OXY-AISNE-INTERIM

C/

[Y] [T] [ME] [M] [H] [U]

FLR

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 11 MAI 2023

N° RG 21/04014 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IF5V

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS EN DATE DU 08 JUILLET 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Monsieur [A] [F]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Hélène CAMIER substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 101 et ayant pour avocat plaidant Me Florian DUCHMANN, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [VV] [L]

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représenté par Me Hélène CAMIER substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 101 et ayant pour avocat plaidant Me Florian DUCHMANN, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. OXY-AISNE-INTERIM

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représenté par Me Hélène CAMIER substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 101 et ayant pour avocat plaidant Me Florian DUCHMANN, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

Madame [O] [Y] [T] [ME] [M] [H] [U]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65 et ayant pour avocat plaidant Me Dominique NARDEUX, avocat au barreau de MELUN

DEBATS :

A l’audience publique du 09 Mars 2023 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Sophie TRENCART, Adjointe administrative faisant fonction.

PRONONCE :

Le 11 Mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Sophie TRENCART, faisant fonction de Greffier.

DECISION

Suivant acte sous seing privé en date du 30 juin 2008 a été constitué la SARL Oxygène intérim ayant pour associés à parts égales Mme [O] [U], M.[A] [F] et M. [VV] [L], Mme [O] [U] a été nommée en qualité de gérante par acte séparé le 15 septembre 2008.

Suivant assemblée générale extraordinaire en date du 29 septembre 2017 la dénomination sociale de la société a été modifiée pour devenir celle de Oxy Aisne intérim.

En 2018 la société Holding KB finance dirigée par M. [F] et la société SG finance dirigée par M. [VV] [L] ont été intégrées à la SARL Oxy Aisne intérim à la place de M. [F] et [L].

Le 29 juillet 2019 Mme [O] [U] a été révoquée de ses fonctions de gérante et M. [Z] [J] désigné à sa place.

Se prévalant d’une révocation abusive, Mme [O] [X] épouse [U] (ci-après Mme [U]) par acte d’huissier en date du 10 septembre 2019, a attrait la SARL Oxy Aisne intérim, M. [VV] [L] et M. [A] [F] devant le tribunal de commerce de Soissons au visa de l’article L.223-25 du code de commerce aux fins de voir condamner la SARL Oxy Aisne intérim à lui payer une somme de 489’324,30 € outre intérêts à compter de la délivrance de l’assignation, de voir condamner solidairement la SARL Oxy Aisne intérim, M. [VV] [L] et M. [A] [F] à lui payer une somme de 100’000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral, 5’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

En cours de procédure Mme [U] a complété ses demandes et demandé au tribunal in limine litis de prononcer la nullité de 4 constats de la SCP [R] ou en tout état de cause de les écarter des débats, d’ordonner la restitution des mails personnels et des photos personnelles sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement, elle a également modifié ses demandes financières.

Par jugement contradictoire en date du 8 juillet 2021 le tribunal de commerce de Soissons a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, ordonné la restitution des mails personnels et des photos personnelles de Mme [U], prononcé la nullité des 4 constats, dit que la conservation du disque dur de l’ordinateur de Mme [U] par M. [F] pendant plusieurs mois ne permet pas d’en assurer la pleine intégrité, constaté que Mme [U] a fait l’objet d’une révocation abusive, condamné en conséquence la SARL Oxy Aisne intérim à payer à Mme [U] les dividendes de l’année 2019 arrêtés au 29 juillet 2019, 90’000 € brut outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation, condamné in solidum la SARL Oxy Aisne intérim, M. [L] et M. [F] à lui payer 50’000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral outre intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, condamné Mme [O] [U] à rembourser la SARL Oxy Aisne intérim 1’620 € au titre d’une formation suivie fin juillet 2019, 1’500 € au titre des loyers en trop perçu par la SCI Pot d’étain, ordonné la compensation entre les condamnations, débouté Mme [O] [U] de ses autres demandes, débouté la SARL Oxy Aisne intérim, M. [L] et M. [F] de leurs autres demandes, condamné in solidum la SARL Oxy Aisne intérim, M. [VV] [L] et M. [A] [F] à payer à Mme [O] [U] la somme de 10’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par déclaration en date du 26 juillet 2021 la SARL Oxy Aisne intérim, M. [L] et M. [F] ont interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises le 14 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, les appelants demandent à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a condamné Mme [U] à rembourser à la SARL Oxy Aisne intérim la somme de 1’620 € et statuant à nouveau, in limine litis de débouter Mme [O] [U] de l’intégralité de ses demandes de nullité et en toutes hypothèses de débouter Mme [O] [U] de toutes ses demandes et reconventionnellement de la condamner à payer à la société Oxy Aisne intérim à payer les sommes suivantes’:

167’366,09 € au titre de la rémunération indue perçue par l’ancienne gérante à effet du 1er janvier 2018 jusqu’au 25 septembre 2019 avec intérêts au taux légal comme suit’:

° sur la somme de 23’840,26 € à effet au 31 décembre 2018,

° sur la somme de 123’525,83 € à effet au 29 juillet 2019,

° sur la somme de 20’000 € à effet au 25 septembre 2019.

2’475’128 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et pour concurrence déloyale en raison des différents préjudices se décomposant comme suit’:

° 7’998 € au titre du temps passé par Mme [U] à travailler pour le compte de Alliés-intérim,

° 191’937 € au titre de la perte sèche de marge (détournement de clients et de chantiers),

° 166’074 € au titre du détournement du savoir-faire et du surcoût à investir pour reconstituer l’actif clientèle de la SARL Oxy Aisne intérim,

° 100’000 € au titre des pertes de données,

° 1’919’368 € au titre de la perte de valeur économique de la société Oxy Aisne intérim,

° 69’751 € au titre du préjudice d’image et de notoriété,

° 20’000 € au titre du préjudice moral,

2’500 € au titre d’une location inexistante d’un local à [Localité 10] pour la période du 10 février 2019 au 10 novembre 2019,

2’263,46 € au titre des sommes non facturées à l’entreprise utilisatrice de M. [K] [U] de mai 2018 à juin 2019.

Ordonner la capitalisation des intérêts’;

Condamner Mme [O] [U] sous astreinte de 500 € par jour de retard à’:

°transmettre à la SARL Oxy Aisne intérim une copie de l’intégralité des courriels adressés ou reçus par ses soins à / l’URSSAF pour la période du 23 janvier 2019 29 juillet 2019,

°transmettre à la SARL Oxy Aisne intérim l’exemplaire original du contrat de location la liant à la SCI Pot d’étain et portant sur un local situé [Adresse 1],

°restituer à la SARL Oxy Aisne intérim l’intégralité des archives qu’elle prétend entreposer dans le local situé [Adresse 1] sans la moindre autorisation.

Condamner Mme [O] [U] à payer à la SARL Oxy Aisne intérim, M. [L] et M. [F] à chacun séparément la somme de 7 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions remises le 28 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, Mme [O] [U] demande à la cour, in limine litis, de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité des quatre constats de la SCP [J], de la recevoir en son appel incident, de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré sa révocation abusive et en ce qu’il l’a reçue dans sa demande de réparation de son préjudice matériel économique et moral, de condamner la SARL Oxy Aisne intérim, M. [L] et Mme [F] à lui payer la somme de 212’880,72 € en réparation de son préjudice matériel économique et à hauteur de 100’000 € en réparation de son préjudice moral, confirmer le jugement en ce que les appelants ont été déboutés de toutes leurs demandes reconventionnelles, de confirmer le jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 10’000 € procédure civile et y ajoutant, de condamner la SARL Oxy Aisne intérim M. [L] et M. [F] à lui payer la somme de 15’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont distraction au profit de maître Gacquer-Caron.

SUR CE’:

Sur la validité des constats de la SCP Bouvet-Llopis

Les appelants font tout d’abord remarquer que le procès-verbal du 10 octobre 2019 a été dressé par maître [KH] [D] et non par la SCP Bouvet-Llopis, que le tribunal s’est trompé, a commis une erreur matérielle, ce que ne conteste par Mme [U].

En outre ils font remarquer pour les 3 autres constats que si l’huissier en application de l’article 1 bis A de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ne peut instrumenter à l’égard de ses parents et alliés et de ceux de leur conjoint en ligne directe ni à l’égard de leurs parents et alliés collatéraux jusqu’au 6ème degré, cette disposition n’est applicable qu’aux personnes physiques, qu’ en l’espèce maître [J] n’a pas instrumenté mais la SCP à laquelle il appartient, de sorte qu’il ne peut être reproché un manque d’indépendance de la société instrumentaire au visa du texte sus-rappelé.

Concernant ces constats ils soulignent que l’intimée ne s’explique pas sur le manque d’indépendance des huissiers ayant instrumenté pour la SCP ni sur le fait que les mandantes (SG finances et holding KB finance) n’étaient pas parents ou alliés avec la SCP d’huissiers.

Les appelants soutiennent que les sociétés SG finance et KB finance en qualité d’associées de Oxy Aisne intérim avaient intérêts à préserver les preuves des fautes commises par l’ancienne gérante et pouvaient à ce titre mandater un officier ministériel à cet effet, en dehors de toute autorisation judiciaire, et que si M. [Z] [J] est dorénavant gérant il n’a aucune part au sein de la société et ne peut être qualifié de mandant.

Ils en concluent que Mme [U] doit être déboutée de sa demande d’annulation des constats dressés les 29 et 31 juillet, 28 octobre et 31 décembre 2019.

Enfin, concernant de façon plus précise le constat du 9 décembre 2019 ils font valoir que ce dernier contient 33 courriels annexés, qui ne sont pas de nature privée ou personnelle et présumés être professionnels de sorte que l’autorisation judiciaire pour les prélever n’était pas nécessaire. Ils ajoutent que l’atteinte à l’intégrité du disque dur de l’ordinateur dont Mme [U] faisait usage au sein de la structure n’est pas démontrée par cette dernière dans la mesure où son déplacement et son analyse plusieurs mois après son départ sont insuffisants à le démontrer.

Mme [U] reconnaît que le tribunal a commis une erreur en prononçant l’annulation du procès-verbal du 10 octobre 2019 dressé par maître [D] alors qu’elle ne le demandait pas. Elle explique qu’en réalité elle demande l’annulation des actes dressés par la SCP Bouvet-Llopis les 29 et 31 juillet, du 28 octobre et 9 décembre 2019.

Elle fait valoir que la SCP [R] en dressant ces 4 constats, a manqué à son obligation de loyauté et d’indépendance et transgressé les dispositions relatives au statut des huissiers de justice et l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans la mesure où un de ses associés est le frère du nouveau gérant de la SARL Oxy Aisne intérim. Elle ajoute que la SCP d’huissier a pris la peine de mentionner être mandatée par les associés de la SARL Oxy Aisne intérim pour détourner les dispositions susmentionnées.

Elle précise que deux des quatre constats ont été établis par Maître [W] [J], frère du nouveau gérant de la société Oxy Aisne intérim qui avait tout intérêt à dresser des actes contre elle et considère que seul le représentant de la société Oxy pouvait mandater une étude.

Aux termes de l’article 1 bis A de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, l’huissier de justice est tenu lorsqu’il agit en tant qu’officier public délégataire de l’Etat dans l’exercice de sa mission d’auxiliaire de justice, d’une obligation statutaire d’impartialité et d’indépendance.

Aux termes de l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, toute personne a droit à un procès équitable.

La Cour européenne des droits de l’homme, dans le prolongement de l’égalité des armes et au nom du droit au procès équitable, impose que les preuves soient recueillies et exploitées loyalement sans pour autant aller jusqu’à imposer ou refuser certains modes de preuve indépendamment de toute autre considération. Ce qui importe est que le procès ait présenté un caractère équitable dans son ensemble, y compris au regard des modalités d’ordre probatoire. La Convention ne réglemente pas le régime des preuves en tant que tel et il revient aux juridictions internes d’apprécier notamment la pertinence des éléments de preuve dont une partie souhaite la production, et en cela de vérifier si la manière dont la preuve a été administrée, a revêtu le caractère équitable.

En l’espèce il ressort des faits et des pièces’:

– que Mme [U] a été révoquée de ses fonctions de gérante de la SARL Oxy Aisne intérim le 29 juillet 2019, que le même jour M. [Z] [J] a été désigné comme gérant à sa place et que ce jour également, les deux sociétés associées de cette SARL dirigées par M. [F] et [L] ont mandaté la SCP d’huissier [R] afin de procéder à des captures d’écran d’un site internet d’une société de travail intérimaire accessible publiquement et que maître [I] a dressé procès-verbal contenant 73 pages.

– que le 31 juillet 2019 soit deux jours plus tard les mêmes mandantes ont demandé à la même étude d’huissier de recevoir des pièces pour leur donner date certaine consistant en une facture au nom de la société Oxy Aisne intérim, que maître [N] [C] huissier salarié de l’étude a procédé sur 12 pages en apposant sa signature.

– que le 28 octobre 2019 les mêmes mandantes prises en leur qualité d’associées de la SARL Oxy Aisne intérim ont demandé toujours à la même étude de procéder à un état des lieux d’un immeuble situé [Adresse 2], que maître [W] [J] a réalisé en dressant procès-verbal sur 8 pages en présence de M. [F].

– que le 9 décembre 2019 les mêmes mandantes, toujours en leurs qualités d’associées de la SARL Oxy Aisne intérim ont mandaté à nouveau l’étude d’huissier SCP [R] afin de constater l’opération de copie conservatoire effectuée par un expert informatique du poste informatique professionnel précédemment attribué à Mme [O] [U], que suite à cette revue il est sollicité une revue de l’intégralité des courriels et à la mise en évidence de certains courriels en présence d’un expert informatique, que M. [W] [J] a procédé conformément à cette demande sur 95 pages.

De ces 4 constats il est établi que le jour même de la révocation de Mme [U] de ses fonctions de gérante de la SARL Oxy Aisne intérim, les deux autres associés de cette société ont mandaté l’étude d’huissier dans laquelle instrumente le frère du nouveau gérant pour selon elles se constituer des preuves dans la perspective d’un contentieux contre Mme [U], qu’elles ne donnent aucune explication sur le choix de cette étude sauf sa célérité à intervenir sur le champ, très rapidement et ne s’expliquent pas plus sur l’urgence.

Il est également établi que sur 4 constats 2 d’entre eux (28 octobre et 9 décembre 2019) ont été dressés précisément par le frère du nouveau gérant ayant succédé à Mme [U].

Si M. [Z] [J] n’a pas directement mandaté Maître [W] [J], les associés de la société qu’il dirige, se prévalant de cette qualité, ont mandaté la SCP d’huissier dans laquelle son frère est associé, ce dernier ayant notamment procédé aux constats les plus lourds.

Il se déduit de ce procédé que les mandantes, ont entendu se constituer des preuves sans avoir recours à la procédure des articles 493 et 497 du code de procédure civile permettant à un requérant d’obtenir une ordonnance sur requête désignant un officier ministériel si elle est fondée à ne pas appeler la partie adverse et à cette dernière de demander la rétractation de l’ordonnance.

La dénomination de la SCP Bouvet Llopis mandatée le jour même de la révocation de Mme [U] et de la désignation de son remplaçant [Z] [J], sont de nature à faire naître un doute raisonnable sur l’impartialité de l’étude mandatée aux fins de constat à 4 reprises et plus particulièrement de son indépendance et de son impartialité aucune explication n’étant donnée sur le choix de cette étude se situant [Adresse 5] pour réaliser des constats dans le cadre d’un contentieux se déroulant à Soissons.

Le procédé utilisé, en dehors de la procédure des articles 493 et 497 du code de procédure civile pour éviter d’une part la désignation d’une autre étude que celle du frère du nouveau gérant par le président saisi et d’autre part la procédure en rétractation qu’aurait pu engager Mme [U], caractérise la volonté de se constituer des preuves de façon déloyale et inéquitable alors qu’il n’y avait pas d’urgence particulière à agir ainsi dès lors que la gérante avait été évincée et n’avait plus accès aux locaux ni à son ordinateur professionnel comme le reconnaissent les appelants.

Ce procédé a été utilisé au mépris des règles d’indépendance et d’impartialité qui échoient à l’huissier instrumentaire dans sa relation avec son mandant et des règles du contradictoire, en privant Mme [U] de la possibilité de demander la désignation d’une autre étude d’huissier pour procéder à des constats contradictoires notamment de son poste informatique auquel elle n’avait plus accès.

Partant il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé l’annulation de 4 procès-verbaux d’huissier dressés par la SCP Bouver-[J] sauf à rectifier leurs dates à savoir ceux établis les 29 et 31 juillet 2019, le 28 octobre 2019 et le 9 décembre 2019.

Les procès-verbaux étant annulés, leur utilisation est interdite dans tous contentieux.

L’annulation étant prononcée au visa des articles 1 bis A de l’ordonnance du 2 novembre 1945 et ensemble l’article 6’§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il n’y a pas lieu de statuer sur leur validité au visa des autres moyens développés.

Sur la révocation de Mme [O] [U]

Les appelants font valoir que lors de l’assemblée générale convoquée le 11 juillet 2019 par Mme [U], qui s’est déroulée le 29 juillet 2019, six résolutions ont été adoptées et signées par les trois associés de la société Oxy Aisne intérim, que trois autres résolutions que Mme [U] a refusé de signer ont été adoptées, consistant en sa révocation en raison de cinq griefs portant sur un contrôle URSSAF qu’elle a pris en charge de façon inadaptée, une création de société concurrente et quelques griefs complémentaires (convocation tardive de l’assemblée générale, location pour Oxy Aisne intérim d’un local de stockage à une SCI dont Mme [U] est gérante, organisation de formation fictive et irrégularité dans des fiches de paye).

Ils soutiennent que la révocation a été prononcée de façon régulière, que le commissaire au compte présent lors de l’assemblée générale confirme que cette dernière s’est tenue en deux temps et qu’il a dû déclencher la procédure d’alerte le 9 août 2019.

Ils affirment que la révocation de Mme [U] sur incidents de séance s’est faite de façon contradictoire et pour des motifs se rattachant à l’ordre du jour (approbation des comptes et quitus au gérant) qu’elle a pu faire valoir ses arguments avant l’adoption des résolutions contestées et qu’elle a été prononcée pour de justes motifs pouvant mettre en péril la société Oxy Aisne intérim et en raison de son manque de loyauté dans l’exercice de ses fonctions.

Mme [U] soutient que si sa révocation n’a pas été régulièrement prononcée elle n’entend pas poursuivre sa nullité et demande que le jugement soit confirmé en ce qu’il a considéré que sa révocation avait été abusivement prononcée.

Elle fait néanmoins remarquer que les deux associés n’ont pas demandé à porter à l’ordre du jour la question de sa révocation et qu’ils ne l’ont pas prévenu des griefs qu’ils avaient à formuler sur sa façon de gérer la société Oxy Aisne intérim. Elle affirme avoir été révoquée de façon vexatoire après avoir géré la société pendant 11 ans, en qualité de spécialiste de l’intérim, que ses associés l’ont laissé faire au motif qu’ils ne poursuivaient comme objectifs en s’associant avec elle, que la mise à disposition à flux constant de personnels au profit de leurs deux sociétés évoluant dans le domaine du bâtiment (fabrication et pose d’armatures) et le service de rémunérations conséquentes.

Elle soutient que sa révocation n’a pas été prononcée sur incident de séance, que cette qualification a été choisie par le conseil de ses associés pour couvrir l’irrégularité de sa convocation car les griefs n’ont été évoqués qu’alors que l’ordre du jour était épuisé à 11h40 et sur la base d’un procès-verbal pré-rédigé.

Elle explique qu’aucun des motifs invoqués au soutien de la démonstration des appelants ne sont démontrés.

Elle explique s’agissant du grief de tardiveté de la convocation de l’assemblée générale qu’elle a procédé selon les mêmes modalités que celles adoptées depuis 11 ans, que ces dernières n’ont jamais été remises en question par ses associés qui avaient mis beaucoup de distance avec cette société, ne se déplaçant jamais ou se faisant représenter l’un pour l’autre, les assemblées générales n’étant en réalité jamais tenues physiquement, que ce motif n’est invoqué que pour les besoins de la cause dans la mesure où en l’espèce c’est M. [L] qui a pris l’initiative de son organisation en relation avec le cabinet d’expertise comptable reconnaissant lui-même dans des courriels ne pas être disponible à certaines dates et proposant de la tenir en août voir en septembre, Mme [S] du cabinet d’expertise comptable ayant arbitré la date du 29 juillet 2019.

Elle affirme que le rapport de gestion du 11 juin 2019 n’était pas incomplet, que ses associés ont été tenus informés du contrôle URSSAF en cours et de ses suites régulièrement et la dernière fois par courriel du 10 juillet 2019, qu’elle ne pouvait intégrer au rapport la réponse de l’URSSAF à ses observations datées du 8 juillet 2019 reçues le 10 juillet dans la mesure où le rapport a été préalablement préparé. Elle fait remarquer que le cabinet d’expertise comptable en charge de la gestion juridique de la société était informé de ce contrôle et l’a aidé à apporter des réponses à l’organisme. Elle affirme avoir géré ce contrôle comme d’autres antérieurement avec diligence et avoir demandé à ses associés de lui fournir les éléments de réponses qu’ils étaient seuls à pouvoir apporter s’agissant de redressements propres aux deux sociétés associées qu’ils dirigeaient.

Enfin la constitution par ses fils d’une société ayant le même objet social à Garges-les-Gonesses ne peut selon elle constituer un motif de révocation.

Aux termes de l’article L 223-25 du code de commerce le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l’article L 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est faite sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Le juste motif peut consister en une faute du gérant telle notamment une faute de gestion, une violation de la loi ou des statuts mais également, en la nécessité de mettre un terme par la révocation du gérant concerné à une situation de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, étant précisé qu’une situation objectivement contraire à l’intérêt social suffit à constituer un juste motif, sans qu’il soit nécessaire de caractériser son imputabilité.

Par ailleurs, indépendamment de l’existence ou non de justes motifs, la révocation d’un gérant d’une manière brutale et sans respect d’un principe de loyauté, sans notamment qu’avant la décision lui soient notifiés les griefs qui lui sont faits, et qu’il soit en mis en mesure de présenter sa défense sur ceux-ci peut également donner lieu à indemnisation par la société, ainsi, le cas échéant que par les associés sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil.

Il est admis que si les associés ne sont pas tenus d’aviser à l’avance le gérant des motifs de sa révocation, ils doivent néanmoins indiquer à l’avance à celui-ci qu’elle est envisagée.

En l’espèce il n’est pas contesté par les appelants qu’ils n’ont pas informés Mme [U] qu’ils envisageaient de la révoquer de ses fonctions de gérante. Il est établi que dans la perspective de l’assemblée ils ont pré établi un document intitulé «’assemblée générale ordinaire annuelle du 29 juillet 2019 à 10 h 30 – résolutions complémentaires mises au vote sur incident de séance’» comprenant 6 points sur lesquels ils souhaitaient obtenir des explications et faire voter 3 nouvelles résolutions (n°7, 8 et 9), le nom du nouveau gérant ayant d’ailleurs déjà été dactylographié alors que le recueil des explications données par Mme [U] et le pourcentage des votes sont manuscrites.

Cette anticipation à préparer ce document complémentaire démontre que la révocation de la gérante n’est pas issue d’un incident de séance et qu’il pesait sur la Holding SG finance représentée par M. [L], la Holding KB finance représentée par M. [F] l’obligation de l’informer de ce sujet et des motifs le fondant pour lui permettre d’apporter des réponses précises.

Par ailleurs il résulte du procès-verbal d’assemblée générale ordinaire du 29 juillet 2019 de la société Oxy Aisne intérim à laquelle était présente la gérante et associée Mme [U] et la Holding SG finance représentée par M. [L], la Holding KB finance représentée par M. [F] toutes deux associées et M. [G] commissaire aux comptes, que sur 6 résolutions 4 d’entre elles ont été votées à l’unanimité à savoir’:

La résolution n°2 portant sur le rapport spécial du commissaire au compte portant sur les conventions réglementées de l’article L.223-19 du code de commerce.

La résolution n°3 portant sur l’affectation au compte «’report à nouveau’» pour 606’725,83 € et rappelant que pour 2019 une distribution de dividendes a été effectuée pour un montant de 420’000 € bruts soit 378’000 € répartis entre associés, que pour 2018 elle a été effectuée pour un montant de 516’000 € bruts soit 464’400 € nets répartis entre associés, que pour 2017 elle a été effectuée pour un montant de 330 708 € bruts soit 210 000 € nets répartis entre associés et que pour 2016 elle a été effectuée pour un montant de 210’000 € bruts soit 133’350 € nets répartis entre associés.

La résolution n°4 portant sur l’état des comptes courant des associés.

La résolution n°6 portant sur le rappel des investissements et de leur montant.

Les résolutions n°1 donnant quitus à la gérante de l’exécution de son mandat et n° 5 portant sur la rémunération de la gérante n’ont pas été approuvées par la Holding SG finance représentée par M. [L] et par la Holding KB finance représentée par M. [F].

Dans ces circonstances, M. [F] et M. [L] reconnaissent dans leurs écritures (§13 page 4 «’sur les faits’») qu’après le vote des 6 résolutions ils ont pris la parole et ont demandé à Mme [O] [U] d’apporter des explications sur 6 points précis pré établis’:

1) Opacité sur le contrôle URSSAF aboutissant à un rappel de 1,7 millions d’euros’;

2) Réponses imprécises à l’URSSAF et indignes d’une gérante de plus de 30 ans d’expérience dans l’intérim’;

3) Réponses susceptibles d’amener l’URSSAF à contrôler les principales clientes de la société Oxy Aisne intérim et de faire perdre à la société ses clients’;

4) Manque de sérieux et absence de prise de responsabilité dans le suivi du contrôle URSSAF’;

5) Absence d’informations données aux associés en temps utile alors que la pérennité de la société était mise en jeu’;

6) Création d’une société concurrente par les deux enfants de la gérante dont l’existence a été fortuitement et récemment découverte par les associés.

Mme [O] [U] qui avait préparé le procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire contenant les 6 résolutions, tenant compte des bons résultats de la société, de la possibilité d’effectuer un report à nouveau sur l’exercice suivant de plus de 600’000 € et de se répartir entre associés 420’000 € bruts de dividendes, n’avait pas été informée que sa révocation était envisagée, n’en connaissait pas les motifs et n’a pas été mise en situation de pouvoir répondre de façon précise aux points détaillés dans le document intitulé «’assemblée générale ordinaire annuelle du 29 juillet 2019 à 10 h 30 résolutions complémentaires mises au vote sur incident de séance’» repris plus haut.

Ce document rédigé avec une police d’ordinateur totalement différente de celle utilisée pour le procès-verbal d’assemblée générale ordinaire comportant les 6 premières résolutions a donc surpris Mme [U] qui a été privée de la possibilité de préparer ses réponses, sur le dossier concernant le contrôle URSSAF faisant l’objet de 5 demandes d’explications, qui avait débuté en janvier 2019 et qu’elle gérait depuis lors en parfait accord avec M. [F] et M. [L] contrairement à ce qu’ils soutiennent, M. [F] ayant notamment envoyé un courriel à Mme [U] le 5 juillet 2019, rédigé en ces termes «’ en clair on est redressé de combien’» signé [A].

Ce simple envoi démontre à lui seul que l’existence d’un contrôle en cours était connu et que seul le montant de l’éventuel redressement et non les causes (pourtant développées par Mme [U] dans son envoi du même jour) intéressait M. [F].

Dans un autre courriel du 27 juillet 2019, M. [VV] [L] indique avoir pris connaissance des 4 lettres d’observations de l’URSSAF du 8 juillet 2019 adressées par Mme [U] le 10 juillet 2019, ce courriel comportant également la mention suivante’: «’nous sommes très choqués de leur contenu’».

En somme M. [F] et M. [L] avaient connaissance du contrôle, laissaient Mme [U] le gérer seule, attendaient de connaître le montant du redressement et ont pris peur lorsqu’ils ont eu connaissance des lettres d’observations de l’URSSAF datées du 8 juillet 2019 annonçant un redressement de près de 1,7 M€.

C’est à tort qu’il est fait grief à Mme [U] de ne pas avoir mentionné le contrôle URSSAF en cours à compter de janvier 2019 dans le rapport de gestion portant sur les comptes clôturés au 31 décembre 2018 étant observé que la question de ce dernier pouvait être abordée au titre des questions diverses par les 3 associés lors de l’assemblée générale.

Par ailleurs il est également établi que suite à la notification des lettres d’observations par l’URSSAF reçues le 10 juillet 2019, ouvrant un délai de 30 jours pour faire des observations portant sur les postes de redressement, Mme [U] a demandé un délai supplémentaire de 30 jours compte tenu de la période estivale et de l’absence de ses assistantes pour congés, afin de pouvoir présenter des observations étayées, qu’elle a demandé conseil à ses associés pour mandater un avocat et que l’URSSAF a accordé un délai supplémentaire de 30 jours soit 60 jours pour ce faire.

Il ressort également des pièces communiquées que le nouveau gérant désigné à la place de Mme [U] a pu, compte tenu de ce délai supplémentaire accordé, mandater un conseil, que ce dernier l’a aidé et l’aide à rassurer le commissaire au compte et à contester les différents postes de redressement, que des recours devant deux pôles sociaux sont en cours sans qu’il ne soit donné d’informations sur leur état d’avancement.

En outre les appelantes ne justifient pas avoir payé quelconques sommes à l’URSSAF depuis 2019 dans le cadre de ce contentieux.

En conséquence, si les deux associés ont pu être un peu déstabilisés par le montant des redressements proposés par l’URSSAF à l’endroit de la société Oxy Aisne intérim dans la mesure où depuis la création de cette société ils s’y étaient peu investis (ces derniers ne contestant pas ne s’être jamais déplacés à [Localité 10] pour les assemblées générales annuelles) et n’avaient jamais eu à reconsidérer la gestion de Mme [U], il est à déplorer que M. [F] et M. [L] au mépris du contradictoire et alors que les comptes arrêtés au 31 décembre 2018 étaient excellents et que la société n’était pas mise en péril dans la mesure où les comptes 2018 permettait un report à nouveau de plus de 606’000 €, une distribution de dividende de 420’000 € et que le chiffre d’affaires habituellement réalisé était de l’ordre de 14’000’000 €, aient préparé brutalement dans l’ombre la révocation de la gérante et l’aient prononcée en feignant de recueillir ses observations alors que leur décision était déjà prise, le nom du nouveau gérant étant déjà prévu sur le document à la huitième résolution. D’ailleurs le document complémentaire litigieux mentionne faussement que l’assemblée générale a été clôturée à 11 h 40 alors que cela est impossible dès lors que c’est l’horaire également mentionné à l’issue des votes des 6 premières résolutions.

En conséquence, les griefs tirés’«’De l’opacité sur le contrôle URSSAF aboutissant à un rappel de 1,7 millions d’euros, des réponses imprécises à l’URSSAF et indignes d’une gérante de plus de 30 ans d’expérience dans l’intérim, des réponses susceptibles d’amener l’URSSAF à contrôler les principales clientes de la société Oxy Aisne intérim et de faire perdre à la société ses clients’et du manque de sérieux et absence de prise de responsabilité dans le suivi du contrôle URSSAF’» ne sont pas démontrés ni la mise en péril de la société en lien avec ce contrôle évoquée au point 5 selon la formule «’pérennité de la société mise en jeu’», aucune difficultés financières n’étant établies en lien avec la proposition de redressement de l’URSSAF au jour de la révocation.

Cette analyse est également confortée par un courrier du commissaire au compte qui à réception du courrier du nouveau gérant en date du 9 août 2019 a été rassuré par l’analyse de la situation du fait des recours engagés.

Par ailleurs les appelants sont mal fondés à se prévaloir du grief de convocation tardive de l’assemblée générale alors que dans des courriels et en raison de leur indisponibilité ils ont proposé qu’elle puisse se tenir en août ou en septembre notamment.

Enfin s’agissant de la création par les fils de Mme [U] d’une société de travail temporaire se situant à plus 80 kilomètres de la société Oxy Aisne intérim, ce fait ne peut constituer un grief susceptible de préjudicier à cette dernière dès lors que son’ intérêt est de continuer à fournir en salariés intérimaires les deux sociétés associées dirigées par M. [F] et M. [L] avec lesquelles elle réalise une part importante de son chiffre d’affaires.

Il est en conséquence démontré que Mme [O] [U] a été révoquée de ses fonctions de gérante de la société Oxy Aisne intérim sans justes motifs et au mépris du contradictoire.

Le procédé mis en ‘uvre pas ses associés pour la révoquer a été brutal et vexatoire comme en atteste Mme [DG] [E] [V] et Mme [B] après plus de 11 ans de collaboration.

Le procédé consistant également à mandater une étude d’huissier dans laquelle instrumente le frère du nouveau gérant caractérise aussi le manque de loyauté dans le procédé utilisé pour révoquer Mme [U].

Sur les demandes financières de Mme [O] [U]

Les appelants soutiennent que Mme [U] ne peut prétendre à les voir condamner in solidum concernant le préjudice moral au motif qu’elle ne rapporte pas la preuve de l’intention de nuire de ses associés constitutive d’une faute personnelle. Concernant le préjudice matériel et économique prétendu les appelants soutiennent que sa preuve n’est pas rapportée dans la mesure où elle a constitué une nouvelle société et qu’elle ne fait pas état de la réalité de sa situation financière.

Mme [U] motive sa demande financière au titre de son préjudice matériel et économique par le fait que suite à sa révocation brutale elle n’a perçu que des indemnités journalières, de la date de sa révocation au 2 décembre 2019 et qu’à compter de l’année 2020 elle a le statut d’auto entrepreneur et perçoit une rémunération mensuelle nette de 3’135 €, que durant les 24 mois suivant sa révocation elle a en conséquence perçu 90’294 € et a été privée de la possibilité d’être rémunérée en qualité de gérante conformément à la rémunération perçue entre juillet 2017 et juillet 2019 à hauteur de 303’174,72 €. Elle prétend en conséquence à la somme de 212’880,72 € ( 303’174,72 € – 90’294 €).

Concernant le préjudice moral elle rappelle les circonstances de sa révocation.

La révocation de Mme [U] ayant été prononcée sans juste motif elle s’est trouvé privée du jour au lendemain de la perception de sa rémunération de gérante rappelant que pour l’année 2018 primes comprises elle a perçu 224’627 € brut. Par ailleurs elle occupait ces fonctions de gérante depuis 11 ans, a perçu des indemnités journalières jusqu’au 2 décembre 2019 servies par la CPAM à hauteur de 45,99 € par jour soit 5’518, 80 € et a repris une activité en qualité d’auto entrepreneur pour laquelle elle déclare percevoir mensuellement 3’135 €.

Tenant compte des sommes perçues pendant une année suite à sa révocation (de l’ordre de 30’598 €) et de sa rémunération primes comprises perçues en 2018 à hauteur de 224’627 € brut, le préjudice matériel et économique subit par la gérante révoquée peut être évalué à 150’000 € de dommages et intérêts et il convient de condamner la société Oxy Aisne intérim à payer cette somme à Mme [O] [U].

Il a été démontré plus haut que la révocation de Mme [U] et la prise de fonction du nouveau gérant le jour même sans qu’elle ait pu présenter et préparer ses observations se sont faites dans des conditions humiliantes constatées par deux témoins. Mme [U] ayant par ailleurs du immédiatement restituer ses clés et l’ordinateur professionnel dont elle avait l’usage. Les procédés utilisés (préparation dans l’ombre de sa révocation, la non prise en compte de ses observations dans la mesure où le nouveau gérant était déjà désigné et la multitudes d’actes d’huissier dressés à l’endroit de Mme [U] à compter de la révocation) caractérisent des circonstances vexatoires, qu’aucun motif ne peut justifier, rappelant que les appelants se sont prévalus d’un faux incident de séance dès lors que les résolutions étaient préétablies.

En conséquence, les man’uvres vexatoires entourant la révocation sont établies et c’est à juste titre que les premiers juges ont alloué 50’000 € au titre du préjudice moral et ont condamnés in solidum les trois appelants animés par l’intention de nuire à payer cette somme.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Oxy Aisne intérim

Le vote à l’unanimité par les trois associés de la troisième résolution portant sur le report à nouveau de la somme de 606’725,83 € constitué du résultat net de la société à hauteur de 401’522,94 € et du report à nouveau créditeur de 205’202,89 € et prévoyant une distribution de dividendes à hauteur de 420’000 € ne permet pas de remettre en cause la gestion de Mme [U] sur l’année 2018 et partant les rémunérations perçues cette année là de sorte que la demande de remboursement de la somme de 23’840,26 € à effet au 31 décembre 2018 est rejetée.

Par ailleurs aucune faute de gestion n’étant démontrée du 1er janvier 2019 jusqu’à sa révocation, il n’y a pas lieu de reconsidérer sa rémunération sur cette période de sorte que la demande de remboursement des sommes de 123’525,83 € à effet au 29 juillet 2019 et de 20’000 € à effet au 25 septembre 2019 est également rejetée.

Comme déjà mentionné le début d’exploitation, par les fils de Mme [U] d’une société de travail temporaire à compter du mois de mai 2019 ne caractérise pas le manque de loyauté de Mme [U], ses enfants pouvant légitimement exercer la même activité, bénéficier de l’expérience parentale et même d’un apport financier, dès lors qu’aucun acte de concurrence déloyale n’est démontré.

La société Oxy Aisne intérim prétend à l’allocation d’une somme de 2’475’128 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et pour concurrence déloyale en raison des différents préjudices se décomposant comme suit’:

° 7’998 € au titre du temps passé par Mme [U] à travailler pour le compte de Alliés-intérim,

° 191’937 € au titre de la perte sèche de marge (détournement de clients et de chantiers),

° 166’074 € au titre du détournement du savoir-faire et du surcoût à investir pour reconstituer l’actif clientèle de la SARL Oxy Aisne intérim,

° 100’000 € au titre des pertes de données,

° 1’919’368 € au titre de la perte de valeur économique de la société Oxy Aisne intérim,

° 69’751 € au titre du préjudice d’image et de notoriété,

° 20’000 € au titre du préjudice moral.

Pour fonder ces demandes elle s’appuie sur un rapport «’d’expert de partie’» réalisé le 27 juillet 2020 par un expert en contrefaçons et concurrence déloyale.

Outre le fait que ce rapport n’a pas été établi de façon contradictoire, qu’ il ne l’a été qu’à la demande de la société Oxy Aisne intérim et sur la base d’informations obtenues également de façon non contradictoire (procès-verbal d’huissier notamment), circonstances qui permettent de douter de l’impartialité du professionnel mandaté, il ressort de la lecture de ce rapport que son auteur s’autorise notamment à dire que le temps passé par Mme [U] pour aider ses enfants à créer leur société s’est fait au préjudice de la société Oxy Aisne intérim alors qu’elle aurait dû exercer ses fonctions de gérante à temps plein, cette analyse caractérise sa méconnaissance du statut de gérant non salariée porteur de parts qui n’est soumise à aucun lien de subordination et qui dispose de toute liberté pour organiser son emploi du temps et exercer d’autres mandats.

La société Allies intérim dont les agissements sont mis en cause n’a pas été attraite à l’instance et n’a pas pu s’expliquer sur les griefs formulés contre elle de sorte que toutes les sommes demandées à Mme [U] au titre du détournement du savoir-faire et du surcoût à investir pour reconstituer l’actif clientèle de la SARL Oxy Aisne intérim, des pertes de données, de la perte de valeur économique de la société Oxy Aisne intérim, du préjudice d’image et de notoriété, du préjudice moral sont mal dirigées.

La concurrence déloyale supposée réalisée par la société Allies intérim avec l’aide de Mme [U], par détournement de clients et les man’uvres à cette fin ne sont pas établies, ni les baisses de chiffres d’affaires en lien avec de tels agissements, rappelant que le remplacement de Mme [U] du jour au lendemain par M. [J] [Z] peut être à l’origine de dysfonctionnement de la structure, l’expert ne donnant d’ailleurs aucune explication sur les circonstances dans lesquelles les fonctions occupées par Mme [U] ont été reprises et exercées.

Sur les 126 pièces communiquées par la société Oxy Aisne intérim ne figurent ni son compte de résultat ni son bilan au titre des années 2019 et 2020 susceptibles d’objectiver une baisse de chiffre d’affaires et de résultat notamment.

Sont cependant produits aux débats les rapports de gérance au titre des exercices clos au 31 décembre 2019 et 2020 dans lesquels il est fait état d’une perte de l’ordre de 500’000 € en lien avec la décision de provisionner le risque financier consécutif au contrôle URSSAF dans la proportion de 900’000 €, M. [F], M. [L] et le nouveau gérant précisant qu’ils n’avaient pas jusqu’alors envisagé cette provision confiant dans le sort des recours exercés. Ces documents renseignent également sur l’impact de la crise sanitaire (Covid 19) sur l’activité des sociétés évoluant dans le domaine du bâtiment dès le dernier trimestre 2019 et courant 2020.

Si ces documents font état d’une baisse de chiffre d’affaires dans le contexte sus-rappelé, il n’est pas démontré qu’elle soit en lien avec des agissements commis par Mme [U].

C’est donc à juste titre que pour rejeter la demande d’indemnisation chiffrée par l’expert mandaté, les premiers juges ont retenu que la preuve d’un transfert de chiffre d’affaires entre la société Oxy Aisne intérim et la société Allies intérim n’était pas rapportée.

A défaut pour la société Oxy Aisne intérim de démontrer que la société créée par les fils de Mme [U] (Allies intérim) et avec son aide est à l’origine d’actes de concurrence déloyale lui causant préjudice il convient de la débouter de sa demande en paiement à hauteur de 2’475’128 € de dommages et intérêts.

Au dispositif de ses conclusions la société Oxy Aisne intérim demande également la condamnation de Mme [U] au paiement des sommes suivantes’:

2’500 € au titre d’une location inexistante d’un local à [Localité 10] pour la période du 10 février 2019 au 10 novembre 2019,

2’263,46 € au titre des sommes non facturées à l’entreprise utilisatrice de M. [K] [U] de mai 2018 à juin 2019.

Le bail passé entre la SCI le Pot d’étain dirigée par Mme [U] et la société Oxy Aisne intérim étant une convention réglementée au sens de l’article L’.223-19 du code de commerce qui n’a pas été approuvée à défaut d’avoir démontré son utilité sociale, il convient de faire supporter par Mme [U] le coût de la location évaluée à 2’500 € et non 1’500 € comme décidée par les premiers juges.

La capitalisation des intérêts est ordonnée.

La réalité de la formation suivie par Mme [U] le 31 juillet 2019 alors qu’elle venait de se faire révoquer n’est pas suffisamment établie de sorte que le jugement est confirmé en ce qu’il a mis à la charge de Mme [U] son montant à hauteur de 1’620 €.

Par ailleurs la société Oxy Aisne intérim soutient que Mme [U] a surfacturé les déplacements et paniers repas à l’occasion d’une mission de travail temporaire exécutée par son fils [K] à hauteur de 2’263,46 € sans refacturer ce montant à l’entreprise utilisatrice. Cependant ce grief est précisément celui qui fait l’objet d’une discussion dans le cadre du redressement URSSAF de sorte que le cas du fils de Mme [U] ne peut être extrait du contentieux plus global opposant la société Oxy Aisne intérim à cet organisme.

Partant le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Oxy Aisne intérim à ce titre.

La société Oxy Aisne intérim demande également de condamner Mme [O] [U] sous astreinte de 500 € par jour de retard à’:

° lui transmettre une copie de l’intégralité des courriels adressés ou reçus par ses soins à / l’URSSAF pour la période du 23 janvier 2019 au 29 juillet 2019,

° lui transmettre l’exemplaire original du contrat de location la liant à la SCI Pot d’étain et portant sur un local situé [Adresse 1],

° lui restituer l’intégralité des archives qu’elle prétend entreposer dans le local situé [Adresse 1] sans la moindre autorisation.

Mme [U] ne demande pas au dispositif de ses conclusions que la disposition du jugement condamnant la SARL Oxy Aisne intérim à lui restituer ses courriels et photographies personnelles soit confirmée alors que les appelants demandent l’infirmation de cette disposition.

Les constats d’huissier contenant les pièces dont Mme [U] a demandé restitution ayant été annulés et la société Oxy Aisne intérim étant privée de toute utilisation cette demande est devenue sans objet et le jugement infirmé sur ce point.

Par ailleurs il n’est pas démontré que Mme [U] soit encore en possession de ses échanges avec l’URSSAF de sorte que cette demande est écartée. D’ailleurs dans le cadre des recours l’URSSAF peut les produire aux débats sur demande de sorte que cette prétention est écartée.

En revanche la société Oxy Aisne intérim ayant passé un contrat de location avec la SCI du Pot d’étain à l’initiative de Mme [U] qui en est la gérante et qui a ce titre a besoin d’un support comptable pour justifier certaines écritures est bien fondée à demander la copie du bail. En revanche, il n’y a pas lieu d’assortir cette disposition d’une astreinte.

En outre il n’est pas établi que ce local contienne des archives de la société Oxy Aisne intérim de sorte que la demande de leur restitution est rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société Oxy Aisne intérim et Messieurs [F] et [L] qui succombent en majorité supportent les dépens d’appel et sont condamnés in solidum à payer à Mme [O] [U] la somme de 3’500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sont déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe’;

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a ordonné la restitution des courriels et photos personnelles, fixé l’indemnisation pour révocation abusive à 90’000 €, limité à 1’500 € les sommes dues par Mme [U] en remboursement des loyers.

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant’;

Dit n’y avoir lieu à ordonner la restitution par la SARL Oxy Aisne intérim à Mme [O] [Y] [T] [M] [H] épouse [P] des courriels et photographies personnelles’;

Condamne la SARL Oxy Aisne intérim à payer à Mme [O] [X] épouse [U] la somme de 150’000 € outre intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation’;

Condamne à Mme [O] [X] épouse [U] à payer à la SARL Oxy Aisne intérim la somme de 2’500 € au titre des loyers perçus par la SCI le Pot d’étain’et ordonne la capitalisation des intérêts’;

Condamne à Mme [O] [Y] [T] [M] [H] épouse [U] à transmettre le bail passé entre la SCI le Pot d’étain et la SARL Oxy Aisne intérim portant sur le local situé [Adresse 1] sans astreinte’;

Prononce la compensation entre les créances réciproques à concurrence de la plus faible’;

Condamne la SARL Oxy Aisne intérim à payer à Mme [O] [X] épouse [U] la somme de 3’500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

Déboute la SARL Oxy Aisne intérim M. [F] et [L] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne la SARL Oxy Aisne intérim aux dépens d’appel.

Le Greffier, La Présidente,

 


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